LES FICHES DE LECTURE  de la Chaire D.S.O.

Claude-Anne BENAZET
Cycle C Cnam

 

Sous la Direction de
Marie-Christine Monnoyer

"L’ENTREPRISE ET L’OUTIL INFORMATIONNEL"

Editions de L’Harmattan octobre 1997

 

SOMMAIRE

I - Les auteurs
II –Questions
III -Postulats
IV - Démarche
V - Résumé
VI – Commentaire

 

 

I – Les auteurs :

Marie-Christine MONNOYER est maître de conférence en gestion, responsable du magistère d’économie et finances de l’Université de Montesquieu à Bordeaux IV.
Co-auteur de "PME, stratégies internationales" (ECONOMICA), et de "Réseaux et sociétés de conseils en Europe" (SERDECO), elle travaille depuis plusieurs années sur le développement des technologies de l’information (minitel, EDI, téléphonie mobile…) et ses incidences sur l’organisation des entreprises, au sein du CERSI, centre de recherche de l’ENSSIB.

Paul DAVENPORT est professeur de sciences économiques, Président et vice-chancelier de l’Université de Western Ontario, Canada. Il a enseigné d’abord à Mc Gill University, puis fut Président de l’Université d’Alberta. Ses travaux portent sur la théorie de la croissance.
Il a publié de nombreux ouvrages et articles portant notamment sur l’analyse des causes de la baisse de productivité au Canada au cours des vingt dernières années.

Fabio ARCANGELI est professeur associé à l’Université de Padoue, en Italie.

Harold BORKO est professeur émérite. Il a enseigné à l’Univeristé de Californie à Los Angeles.

Eric BROUSSEAU est professeur à l’Université de Nancy II et membre du centre ATOM (Analyse Théorique des Organisations et des Marchés) de l’Université de Paris 1. Il s’intéresse à la manière dont les technologies de l’information interagissent avec les changements organisationnels en cours dans le système productif. Il a publié, notamment, "L’économie des contrats : technologies de l’information et coordination interentreprises" (PUF, 1993) et "mutations des télécommunications, des industries et des marchés" (Economica, 1996).

Patricia D. FLETCHER est Professeur assistant à l’Université du Maryland (USA) et chercheur associé à l’Institut d’analyse politique du Maryland. Ses publications principales portent sur le management des systèmes d’information des gouvernements locaux aux USA.

Christian GENTHON est Maître de conférences en économie industrielle à l’Université de Grenoble.

Leif KAJBERG est diplômé de l’Ecole Royale des bibliothèques de Copenhague et consultant dans cette institution. Ses travaux portent sur les politiques de l’information.

Michael KRISTIANSSON est Professeur associé à l’Ecole Royale des bibliothèques de Copenhague et doctorant à l’Université de Göteborg, Suède. Ses travaux portent sur le concept de politique de l’information.

Anne MAYERE est Maître de conférence à l’ENSSIB (Ecole Nationale des Sciences de l’information et des bibliothèques), dont elle est chargée de mission pour la recherche. Ses travaux portent sur les services, l’économie de l’information et les usages des technologies de l’information dans les entreprises.

Takayasu MIYAKAWA est diplômé de l’Université de Tokyo, conseiller à l’Institut de recherche Mitsubishi

Félix PINEDA est licencié, ingénieur industriel (spécialisation organisation industrielle).

Alain RALLET est économiste, Maître de conférences à l’Université de Paris-Dauphine, et chercheur au centre de recherches IRIS-TS. Ses travaux portent sur les impacts économiques et spatiaux des technologies de l’information et de la communication sur les organisations. Il a publié "Stratégies de communication et territoires" (L’Harmattan, 1995).

Frantz ROWE est Professeur à l’université de Nantes et à l’ENST (Paris), Directeur du Laboratoire de Gestion des Organisations de Nantes (LAGON), Rédacteur en Chef de la revue "Système d’Information et Management". Il s’est spécialisé dans l’évaluation des systèmes de communication et leurs rapports avec l’organisation des entreprises.

Ramon SALVADOR VALLES est docteur ingénieur industriel. Professeur en organisation des entreprises à l’Université de Catalogne, il enseigne dans le domaine du contrôle de gestion et des systèmes d’information.

Lucas VAN WUNNICK est licencié en sciences économiques, Professeur associé de macro et microéconomie à l’Université polytechnique de Catalogne.

 

II – Questions

Robert Solow prix Nobel d’Economie affirmait en 1986 "l’ordinateur est présent partout sauf dans les statistiques de productivité", ce propos a été repris sous le nom de "paradoxe de Solow".
Ce constat en forme de questionnement à destination des non seulement des économistes et analystes mais également des entreprises qui ont investi et investiront encore lourdement dans les technologies de l’information, résiste-t-il à l’analyse qu’en font les auteurs au travers des expériences et études qu’ils ont réalisés ?

 

III – Postulats

L’outil informationnel s’est développé de façon exponentielle au cours des vingt dernières années dans les entreprises et s’est imposé à tous les niveaux de celles-ci (gestion, production, décision) en grande partie, du fait de l’arrivée de la micro-informatique, mais qu’en est-il vraiment des gains réalisés grâce à cet outil par les entreprises en terme de croissance, de productivité voire de progrès social (conditions de travail, ergonomie, expressions des salariés)?
Pour apprécier les bienfaits du perfectionnement technique des systèmes d’information dans l’entreprise il faut sans aucun doute se poser la question de l’effet se ceux-ci sur l’organisation de l’entreprise, à savoir, quels changements ont été induits et en quoi ils ont enrichi le fonctionnement de l’entreprise?
On s’apercevra que l’outil informationnel a conduit à la remise en cause des structures de l’entreprise, de son mode de prise de décision, et qu’il peut également générer d’autres relations au sein de l’entreprise entre niveaux hiérarchiques, étant posé que la culture locale ajoute encore au phénomène d’intégration des systèmes d’information.

 

IV – Démarche

S’agissant d’un ouvrage collectif dans lequel seize auteurs ont apporté leur contribution principalement sur le sujet de l’entreprise et l’outil informationnel, le résumé suivra le plan du livre présenté en trois parties :

  1. L‘investissement informationnel

  2. Système d’information et productivité des entreprises

  3. Capitalisation des connaissances : un enjeu central des organisations

dans lesquelles chacun des auteurs s’attache, à développer un thème particulier de l’impact de l’outil informationnel dans l’entreprise.

 

V – Résumé

Préface :

Dans son avant-propos, Paul Davenport fait une synthèse de l’ensemble des exposés à partir de deux idées forces :

  1. les investissements massifs consacrés aux systèmes d’information (SI) au cours des deux dernières décennies se sont-ils avérés avantageux, sur le plan privé et sur le plan social, en apportant une augmentation de la productivité ou une amélioration de la qualité de vie sur le lieu de travail ?
  2. Comment les entreprises doivent-elles adapter leur organisation interne pour exploiter au mieux les extraordinaires progrès des SI ?

Quatre thèmes majeurs sous-tendent la réflexion des auteurs :

Cette réflexion sur la pertinence de la productivité des technologies de l’information dans l’entreprise conduit à un questionnement sur ce qu’espèrent les entreprises en effectuant de tels investissements ; on s’aperçoit qu’ il y a encore peu de réponses claires en termes d’objectifs et de gains au moins à court terme, car semble-t-il, les instruments de mesure pour apprécier les résultats financiers disponibles ne sont pas appropriés, ce qui oblige à en rechercher d’autres pour quantifier, s’ils existent les effets positifs de l’outil informationnel dans l’entreprise.
Pour conclure, en accord avec Joël de Rosnay qui considère que "notre économie subit une transition fondamentale qu’il analyse comme le passage d’une société industrielle à une société de l’information", Paul Davenport estime que cette société de l’information "met en pièces l’unité de lieu, de temps et d’action de la première [la société industrielle] : dans la société de l’information, les gens travailleront aux lieux et aux moments de leur choix, dans des rôles fluctuants et au sein de réseaux mouvants, ce qui sapera la hiérarchie bien définie de la société industrielle que Taylor cherchait à décrire et à améliorer".
Cette évolution, annonce Paul Davenport, aura également pour conséquence la modification de la politique économique et sociale en matière de création d’emplois et d’aides de l’Etat.

 

PARTIE 1 : l’investissement informationnel

Frantz Rowé propose une réflexion à partir de deux axes qui sont les deux fonctions essentielles dans une société de l’information : 1. l’accès à l’information et 2. la production de l’information.

1. Pour être exploitable, l’information doit être accessible et en cohérence avec sa production. Cette affirmation conduit à la question de l’adéquation de l’organisation interne de l’entreprise avec l’information produite.
D’où l’idée que la productivité de la ressource informatique est moins une affaire de vitesse de traitement pour telle opération qu’une question de pertinence et de circulation de l’information entre opérateurs.
On passe de la productivité de l’informatique, résultat de l’automatisation d’une tâche élémentaire, à une productivité de l’information réutilisable à travers l’organisation.
La fourniture d’une information par une source humaine a en général un coût : le coût du report d’une autre communication ou d’une décision, ou le coût du temps de l’inaction pour la réflexion.

L’optimisation du flux des opérations dépend donc de l’accessibilité à l’information et des comportements individuels qui assurent sa disponibilité dans un délai raccourci mais opportun.
Dans sa première partie, intitulée "spécialisation-hiérarchisation des services et accessibilité à l’information", Frantz Rowé analyse ce point  :

Les technologies de l’information vont imposer une mutation des règles qui s’appliquent aux entités dont font partie les individus. Car plus les services sont cloisonnés et l’organisation fragmentée, plus il faudra d’efforts, de demandes d’autorisation pour obtenir telle information ? d’où le constat que  la division du travail entre les unités de l’entreprise et sa complexité verticale conditionnent la réutilisation et la vitesse de circulation de l’informatisation.

C’est ainsi que dans un premier temps, l’observation dans des entreprises commerciales, démontrent que se côtoient des formes de relations à la clientèle basée sur la proximité physique plus coûteuse car ne permettant pas de bénéficier des rendements d’échelles des technologies de l’information, mais adaptées à la réduction de l’ambiguïté à priori inhérente à la production d’un service et, d’un autre côté, des services à distance où les tâches commerciales et d’arrière-bureau touchant les différents métiers sont concentrées en un même lieu. Ce modèle de la plate-forme, principalement caractérisé par une interdépendance plus forte entre les unités, marque clairement une rupture avec le modèle taylorien .

Mais un contrôle doit se mettre en place pour assurer la réactivité sur l’action et le bouclage de l’information :

A la question : "comment contrôler l’incertitude portant sur les tâches de production et d’administration ?" l’auteur choisit la définition de Galbraith, pour qui l’incertitude est "la différence entre la quantité d’information requise pour accomplir une tâche et la quantité d’information que possède déjà l’organisation".
Le recours à une comparaison entre les environnements des industries traditionnelles, de fournisseurs spécialisés, où l’innovation est pilotée par la demande et les environnements de masse, exploitant les développements scientifiques, où les systèmes de contrôle tentent un bouclage entre la planification opérationnelle et le suivi des performances, permet de déduire que "la circulation de l’information de contrôle est adaptée à l’environnement concurrentiel de l’entreprise". Mais une nouvelle question se pose par rapport à la pertinence des actions qui en découlent et conduit à celle de la participation à la décision et à celle du pouvoir.
Frantz Rowé cite C.Jameux qui expose notamment que "le modèle émergent que favorisent les technologies de l’information implique un rééquilibrage du pouvoir…." et c’est là que l’auteur a recours au concept du design organisationnel de Galbraith.

Par sa capacité de réaction rapide, l’entreprise qui introduit les technologies de l’information doit rechercher comment articuler, productivité de l’information, capacité à mobiliser les informations juste à temps, motivation des individus, efficacité de la communication et circulation des informations, car ces technologies qui modifient les modes opératoires et opérationnels dans l’entreprise, conduisent à repenser au niveau des individus les modes de communication et les relations au pouvoir et de pouvoir dans l’entreprise.

Aussi, selon Galbraith, un design organisationnel performant comprend-il le moins de niveaux hiérarchiques possibles afin d’améliorer la vitesse des décisions.
La mise en pouvoir à partir d’un système d’information dépend bien des rapports sociaux et de domination.
Le pouvoir, attribut du système politique qu’on transpose ici à celui de l’entreprise, apparaît alors comme une technologie sociale (cf. Habermas "l’Agir communicationnel").
Si les technologies de l’information ont un effet modificateur sur l’organisation de l’entreprise, l’auteur estime qu’il faut s’attacher à localiser voire identifier les niveaux et les domaines dans lesquelles il y a cet effet.

En conclusion, les technologies de l’information ont amené une nécessaire adaptation des entreprises sur les trois niveaux classiquement décrits de l’entreprise :

Pour autant, demeure l’interrogation sur l’impact de la remise en cause incontournable induite par l’arrivée des technologies de l’information sur les performances de l’entreprise qui doit perpétuellement mesurer sa productivité et ses résultats dans un environnement où l’information circule de plus en plus vite et l’oblige à réagir en conséquence.

 

C’est une approche nettement sociologique qu’Eric Brousseau propose pour aborder la réflexion sur la productivité des Technologies de l’information et de la communication (TIC). En effet, l’essai précédent était une analyse des apports des technologies de l’information, à partir de la question, comment est produite l’information, qui l’exploite et à quelles fins, au sein de l’entreprise, Eric Brousseau s’interroge sur les dispositifs de coordination existants et leur capacité à s’adapter lorsque des technologies nouvelles d’information et de communication sont implantées.

Dans une organisation donnée, on observe que les acteurs mettent en place des dispositifs de coordination qui visent à associer leurs compétences et leurs ressources productives. Ces systèmes de coordination sont proches de la théorie des contrats qui repose sur l’idée que les acteurs pratiquent un échange mutuel d’obligations et pour cela établissent des règles de contrôle, fondées, soit sur les routines lorsque l’incertitude est moindre, soit sur des règles d’autorité lorsque l’incertitude est plus forte.

L’introduction des technologies de l’information va donc soumettre tous les niveaux de l’organisation à un examen fin des procédés ou des modes opératoires et révéler les dysfonctionnements, les redondances voire les incohérences dans les circuits d’informations mais également dans les échanges entre individus pour l’exécution des tâches.

La standardisation et l’automatisation de certaines tâches vont donc conduire à la remise en cause des dispositifs de coordination existants et les faire évoluer. Mais il faut s’attendre à ce que ces changements interviennent sur une durée considérée comme longue eut égard aux critères de vitesse voire d’accélération qui président aux attentes nées de l’investissement en technologies informatiques réalisé.

En ce qui concerne l’abaissement constaté des coûts, les technologies de l’information et de la communication, sans éradiquer les coûts de manipulation de l’information, les abaissent du fait notamment de cette standardisation et de cette automatisation de l’information qu’elles permettent.

Pour Eric Brousseau, l’apprentissage organisationnel, est un aspect majeur de l’apport des technologies de l’information et de la communication : il développe son argumentation sur les progrès que réalisent les acteurs de l’entreprise ; ils ont une vision plus globale de l’entreprise et des procès dans lesquels ils interviennent, et de ce fait, acceptent plus facilement les changements induits.

Eric Brousseau propose trois aspects qui selon lui illustrent les changements intervenus du fait des technologies de l’information et de la communication (TIC) :

Eric Brousseau considère donc que les technologies de l’information et de la communication sont porteuses de gain de productivité pour autant qu’elles inciteront les organisations à innover dans leurs modes de fonctionnement et ce à tous les niveaux, y compris le niveau politique où se définit la stratégie de l’entreprise, et pas seulement aux niveaux opérationnels où les acteurs ont une vision et une action limitées.

 

L’étude de Takayasu Miyakawa porte sur l’information dans l’industrie japonaise. C’est un regard particulier sur le fonctionnement des centres d’information et de données dans les entreprises industrielles japonaises. L’auteur esquisse un rapprochement avec ce qui se pratique aux Etats-Unis en matière d’accessibilité à l’information à tous les niveaux.
La société japonaise à un mode de fonctionnement qui s’inscrit dans une culture particulière notamment au plan professionnel pour les individus ; en effet, le système japonais repose sur la carrière des individus accomplie entièrement dans la même entreprise où l’avancement y est réalisé à l’ancienneté, conditionnant la structure organisationnelle des entreprises.
L’information y est décentralisée et détenue par une multitude d’acteurs répartis à tous les niveaux, du plus bas au plus haut.
On décèle quatre niveaux fonctionnels d’information dans l’entreprise industrielle japonaise :

Niveau 1 : représente l’attitude générale de la Direction et des employés vis à vis de l’information. Toute information relative au savoir, connaissances et technologies occidentales sont collectées par les individus japonais attachés à leur entreprise durant leur parcours professionnel, gérées et stockées aux niveaux inférieurs et mises à la disposition de la communauté susceptible de les utiliser.

Niveau 2 : il s’agit du niveau de l’information stratégique relative à la politique financière et d’investissement, aux conditions économiques générales aux tendances du marché, à la politique gouvernementale, aux orientations en matières d’études et recherche ou de gestion du personnel. Ces informations sont concentrées au siège des entreprises.

Niveau 3 : il s’agit, des informations techniques et scientifiques concernant les brevets, la production, le comportement des consommateurs, la sécurité, l’environnement. Ces informations sont mises à la disposition des ingénieurs et des employés par le biais de banques de données internes mises en réseaux locaux.

Niveau 4 : ce sont les informations commercialisables telles que les informations scientifiques et techniques, des brevets, des informations financières, protégées par des droits d’auteur.

Ces quatre niveaux d’information sous-tendent le mode de gestion et de fourniture de l’information aux entreprises industrielles japonaises. Au Japon, les centres de documentation sont les lieux spécifiques et privilégiés de gestion de l’information destinée aux entreprises.
Une enquête menée sur le terrain, permet de dégager les grands traits du mode de fonctionnement de ces centres de documentation des entreprises industrielles japonaises appelées aussi bibliothèques spécialisées.

Ces centres sont situés dans les entreprises, dans les locaux opérationnels, à proximité des sites de fabrication, et le plus souvent, sont placés sous l’autorité de la direction technique.
Les centres de documentation recensés en 1992, sont au nombre de 2173, dont 700 regroupés au sein de l’association des bibliothèques spécialisées.

Takayasu Miyakawa a analysé les moyens dont disposent les 700 centres de documentation pour fonctionner ce qui fait apparaître des traits dominants  suivants :

Le mode de fonctionnement des centres de documentation japonais se caractérise par la communication horizontale type "toile d’araignée" de structure souple contrairement au fonctionnement des centres de documentation américains organisé en structure verticale, plus rigide, et localisés au siège et non à proximité des lieux de production et de fabrication.

Grâce à ce fonctionnement souple, les centres japonais bénéficient d’une grande autonomie au niveau de leur système d’information ce qui leur a permis une bonne adaptation aux changements ; c’est le cas du système KANBAN inventé par la société TOYOTA. Dans le processus de fabrication, les KANBAN sont les étiquettes qui portent les informations concernant les moindres évolutions de la demande et les ajustements nécessaires pour chaque processus de production, l’usine pouvant ainsi ajuster les types de produits et les volumes de production à l’évolution du marché.

Mais comment les entreprises japonaises utilisent-elles les sources d’information ?

L’auteur répond que 80% des informations sont puisées en interne et seulement 4% dans les bases de données commerciales en provenance de l’extérieur.

Des facteurs d’évolutions récents tels que  le travail en réseau a permis le développement des contacts entre centres de documentation, et créent une ouverture vers une communication interdisciplinaire entre chercheurs et ingénieurs par exemple.

L’organisation et le fonctionnement des centres de documentation japonais conduisent à poser la question de l’adaptation de ceux-ci au développement de la mondialisation des échanges ; l’auteur confirme que les centres de documentation japonais sont essentiellement efficaces dans un contexte local et seulement sur une gamme de produits concentrée. Parmi les raisons invoquées l’auteur cite la spécialisation insuffisante des documentalistes puisqu’au Japon, les documentalistes n’ont pas de statut particulier (il ne s’agit pas d’un métier), la difficulté pour ce système de réagir rapidement à des changements soudains radicaux et fondamentaux car les centres de documentations sont implantés au niveau opérationnel ; or au Japon, la prise de décision se fait du bas vers le haut ce qui peut être considéré comme un facteur de ralentissement de la prise de décision au niveau stratégique et managérial,

Toutefois, le système d’information stratégique s’appuyant sur les bases de données et les réseaux internes des sociétés japonaises atténue ce point faible de la prise de décision stratégique en reliant les informations opérationnelles aux informations stratégiques à forte valeur ajoutée.

La question de l’impact de la mondialisation sur le fonctionnement des centres de documentation se pose et l’étude a mis en évidence les points suivants :

Conclusion :

Si on doit faire un parallèle entre les systèmes de gestion de l’information des pays occidentaux, notamment entre les USA et le Japon, la première observation est celle d’un équipement en matériels informatiques et mise en réseaux quasi équivalent, mais avec des pratiques spécifiques qui rendent dans le cas du Japon plus difficilement exportable et implantable l’organisation de la gestion de l’information.

 

PARTIE 2 : système d’information et productivité des entreprises 

Reprenant lui aussi du paradoxe énoncé par Solow  : "on trouve des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de productivité", Alain Rallet s’est interrogé sur la raison de ce procès fait aux technologies de l’information et de la communication dans la mesure où en quarante ans, l’essor pris par les investissements en informatique a suivi une courbe fortement ascendante et plus aucune entreprise n’imaginerait de remettre en cause l’intérêt de s’équiper en matériels et logiciels informatiques.

Le gain réalisé au niveau des tâches répétitives, de la circulation des informations de l’automatisation et de la rationalisation des circuits d’information n’est plus à démontrer, mais ce besoin récurrent de poser la question des bénéfices réalisés tant au niveau macro que micro économique est-il justifié ?

Pour éclairer le débat Alain Rallet, reformule ce qu’il faut entendre par technologies de l’information et de la communication (TIC) ; soit on adopte une approche technique et on vise des techniques d’automatisation utilisées dans l’industrie (FAO, CAO etc..), des matériels informatiques au sens du capital stocké, ce qui exclut les logiciels, bases de données, maintenance et formation, soit on adopte une approche fonctionnelle selon leur localisation dans l’entreprise, par apport à leur degré d’intégration selon qu’elles concernent un secteur limité de l’entreprise ou l’entreprise entière.

Pour déterminer le degré de performance des TIC, l’auteur pose le problème du degré d’agrégation auquel on évalue leur performance : comment imputer aux TIC les gains réalisés dans une entreprise et pourra-t-on mesurer la réussite d’une campagne de marketing grâce leur implantation au niveau commercial ?A quel niveau le plus probant intervient l’observation de la performance obtenue grâce aux TIC ? Pour l’auteur plus le niveau d’observation est limité (poste de travail, processus de fabrication) et les indicateurs utilisés essentiellement des indicateurs physiques (délais de livraison, temps de travail réduit pour une tâche donné) moins les performances sont comparables d’une entreprise à une autre.

Au niveau de la stratégie de l’entreprise comment analyser ce que la performance en terme de productivité ou de rentabilité doit aux TIC ?

Alain Rallet propose une explication du paradoxe de productivité et énumère les critères et les instruments de mesure possible pour parvenir à contrer ce paradoxe  :
en ce qui concerne les problèmes de mesures si la productivité est le rapport entre les output et les input, pour les outputs, il faudrait pouvoir mesurer l’apport en terme de qualité du produit ou du service imputable aux TIC, pour les inputs, la difficulté est également de cerner les coûts souvent dispersés dans les comptabilités des entreprises (maintenance, formation, achat de logiciels…).

Parmi les raisons économiques , "le détour de production" constitue selon l’auteur la première raison du paradoxe. En effet, le coût des investissements réalisés par les entreprises pour s’équiper en TIC est très lourd à court terme et n’est pas d’un très bon rapport en terme de rentabilité, mais à moyen et long terme, la courbe s’inverse et les profits enregistrés sont nettement positifs. Pour étayer son propos, l’auteur cite les études de Brynjolfsson et Hitt menées sur la période 1987-1991. Il s’avérerait à la lumière de ces études que les dépenses en TIC ont une contribution positive, substantielle et significative dans la production des entreprises observées, ainsi qu’un rendement plus élevé du capital investi dans les TIC par rapport au capital investi dans d’autres domaines.
Un autre auteur, Wilson en 1993, expliquerait le décalage dans le temps d’une productivité positive des TIC par l’effet d’un long processus d’apprentissage, en premier lieu, et de l’obligation pour les entreprises de recourir à des changements brutaux de leur organisation, dans le cadre de restructurations de type "reengineering" afin de mieux répondre au contexte du marché dans lequel elles se situent et s’adapter en terme de compétitivité à leur environnement.
Le délai qu’il faut aux entreprises pour rendre rentable les investissements en technologies de l’information, incomberait aux erreurs de gestion commises par les managers par manque de maîtrise et de connaissance de ces nouvelles technologies.

Alain Rallet présente également la thèse avancée par Attewell en 1993, selon laquelle la moindre productivité des TIC est due à trois raisons d’ordre sociologique :

Mais l’auteur donne sa propre thèse pour expliquer le paradoxe de productivité : les TIC touchent en réalité les dispositifs de coordination entre les acteurs, alors que dans un premier temps, les technologies de l’information se sont appliquées aux tâches, aux fonctions ou à certaines activités dans l’entreprise. Or les mécanismes de coordination sont déterminants pour assurer la fluidité des liaisons entre les tâches, fonctions et postes de travail.

Compte tenu de ce constat, Alain Rallet estime que la voie de la performance pour les TIC sera la mise en réseaux : réseaux interentreprises et intra-entreprises correspondant au troisième stade de l’évolution des technologies de l’information, les deux premiers se caractérisant notamment par la séparation entre les technologies de l’information et celles de la télécommunication.
Les gains de la mise en réseau au sein de l’entreprise s’apprécient à trois niveaux :

Mais Alain Rallet démontre que ces gains ne sont pas enregistrés de la même manière  dans toutes les entreprises pratiquant la mise en réseau; selon les structures organisationnelles, Alain Rallet fait plusieurs observations.
Si on classe schématiquement les entreprises  en organisations centralisées et en organisations décentralisées  on s’aperçoit que :

Dans ces deux types d’organisation, les TIC en réseau apportent des niveaux de performances différentes, selon que les structures sont plus rigides et les relations plus formalisées (organisations centralisées), ou plus souples (organisation décentralisées), mais une adaptation se fait dans les entreprises vers plus de souplesse ou plus de formalisme selon les cas.

L’exemple d’IBM dont l’équipement en technologies d’information reliées en réseaux aurait dû permettre des résultats notables en productivité, démontre que cette entreprise a dû adapter son organisation trop centralisée et dépassée pour obtenir de la mise en réseaux les gains escomptés (filiation, centres de profits).
De même, la modélisation de l’entreprise japonaise comparée à l’entreprise américaine par AOKI confirme l’idée que les TIC mises en réseaux dans les deux cas, agissent à des niveaux différents soit opérationnel, soit stratégique et ne se traduisent pas dans chacun des cas par des gains de productivité identiques.

 

Pour Christine Monnoyer-Longé, l’explication du paradoxe de Solow doit être recherchée dans l’historique de l’introduction des systèmes d’information dans les entreprises ainsi que des orientation et choix de conception de ces systèmes d’information .

Dans son chapitre, "Du besoin de s’informer à la constitution d’un système d’information et d’organisation (SIO)" la référence à J.L Le Moigne permet à l’auteur de rappeler le contexte dans lequel les systèmes d’information ont été mis en place : au départ les entreprises souhaitent la mémorisation, le traitement et la mise à disposition des données collectées au niveau opérationnel, le niveau stratégique utilisant ces informations pour la prise de décision. Cependant jusque vers le milieu des années 80, les systèmes d’information étaient conçus sur le modèle cybernétique où l’utilisation décisionnelle des informations n’avait pas été envisagée.
Il appartenait donc au décideur d’analyser l’ensemble des informations qu’il avait au préalable contrôlées, suffisamment vite pour permettre à l’entreprise de rester compétitive. J.L. Le Moigne a justement remis en cause la rationalité du décideur confronté à un environnement de plus en plus complexe, ce qui, selon Christine Monnoyer-Longé a contribué au développement des système d’aide à la décision (SIAD) car, observe l’auteur, l’hypothèse d’une rationalité à priori du décideur est tombée.

Dans cette hypothèse on a abouti à la remise en cause du modèle cybernétique caractérisé par des systèmes d’informations centraux qui dépossédaient les opérateurs d’un certains nombre de prérogatives et de leur savoir-faire initial.
La contestation du modèle cybernétique renforçant la centralisation du traitement de l’information est apparue lorsque la micro-informatique s’est développée, quelquefois de façon sauvage, en réaction à ce modèle vécu avec frustration par l’encadrement.

C’est dans ce contexte de remise en cause du modèle cybernétique très centralisé que la question du paradoxe de productivité a été abordée et traitée par plusieurs auteurs dont Brynjolfsson. Pour Christine Monnoyer-Longé, cette remise en cause a conduit à la transformation profonde des modes de réflexion, de travail et de prise de décision.

Les systèmes d’information constitueront donc le socle informationnel sur les situations antérieures, les informations internes, mais cet ensemble sera enrichi des informations externes, appelées également informations de développement, pour donner naissance au système informatisé d’aide à la décision (SIAD), véritable ressource du décideur.

Par rapport à l’évolution constatée des systèmes d’information, Christine Monnoyer-Longé tempère l’affirmation du paradoxe de productivité en relevant qu’il est fonction de l’étape où il se situe dans son implantation ainsi que de la structure organisationnelle de l’entreprise. Il n’y aurait plus paradoxe mais décalage dans le temps. Dans ces conditions, les systèmes d’information mis en réseaux apporteront aux entreprises les profits et les retours sur investissement tant attendus dans les années 80.
Mais en conclusion, Christine Monnoyer-Longé rappelle que les systèmes d’information ont non seulement généré des bouleversements managériaux importants, mais également des modifications des pratiques de travail au niveau opérationnel, permettant une réflexion de tous les acteurs dans l’entreprise, et remodelant les structures organisationnelles de l’entreprise ; des résultats que les outils de mesures classiques ne peuvent pas quantifier.

 

Il s’agit d’une étude menée par les membres de l’école supérieure des bibliothèques et des sciences de l’information de l’Université de Los Angeles (UCLA) pour le groupe américain TRW qui posait les questions suivantes avant d’entreprendre un investissement  important dans un système d’information automatisé :

Dans quelle mesure une plus grande utilisation de l’information contribue à augmenter la productivité ?

Comment peut-on démontrer la relation entre information et productivité ?

Un groupe expérimental de seize responsables volontaires de TWR, comprenant des ingénieurs et des techniciens a été constitué pour travailler sur un dispositif opérationnel dans les locaux de TWR.

Les objectifs du projet de recherche étaient, d’une part, d’étudier la manière dont un système informatique modifierait le comportement, les fonctions, les procédures et les attitudes des managers de l’information (du groupe TWR) et d’autre part, d’explorer les méthodes permettant de mesurer les implications sociales et comportementales du système informatique sur la qualité de vie et l’environnement du bureau.

Pour procéder à une comparaison fiable, deux enquêtes ont été réalisées au moyen d’un questionnaire et d’une observation aléatoire sur 19 activités de gestion : dans un premier temps, une enquête a porté sur les activités retenues non informatisées, dans un second temps, sur les mêmes activités informatisées, cette fois.
Les personnes du groupe devaient, durant trois semaines, remplir le questionnaire et évaluer le temps passé à accomplir les activités sélectionnées, regroupées en 7 grandes catégories : 1.organisation des réunions et participation, 2. rédactions des documents, 3. collecte d’information et planification, 4. coordination et contrôle, 5. déplacements, 6. téléphone, 7. divers
Pour fiabiliser les informations recueillies, des observateurs objectifs évaluaient de leur côté, le temps passé à réaliser les activités.

L’étude a donné lieu à l’interprétation suivante des résultats :

Des tendances ont été révélées plutôt que des résultats permettant de conclure à des changements profonds. Il faut noter que les participants avaient reçu une formation pour utiliser ce système, mais que la plupart n’avait pas intégré cet outil dans leur environnement de travail.

L’écart le plus marquant se situe pour l’activité de rédaction des documents qui passe avant l’informatisation de 18 % pour l’auto-évaluation, (8 % pour l’observation) à 5% après informatisation

La messagerie a été très utilisée ainsi que la gestion de l’emploi du temps soit 80% de l’utilisation du système informatique.
Les membres du groupe expérimental ont apprécié le système et ont souhaité continuer à s’en servir.

L’auteur admet que l’étude, qui a rencontré des problèmes de modifications de l’effectif du groupe expérimental ainsi que de sa composition, ne permet pas de démontrer que l’introduction du système d’information a apporté les changements attendus dans la façon de travailler, ni réduit notablement le temps passé à certaines activités.

 

Les auteurs de cette étude ont recherché dans différents secteurs d’activité et notamment dans le secteur automobile comment l’échange des données informatisé (EDI) se développait et quels bénéfices les utilisateurs en tiraient (organisationnels, financiers, commerciaux).
L’étude menée dans le secteur automobile devait permettre de mieux comprendre l’impact sur les entreprises équipées, qu’ elles soient constructeurs ou sous-traitantes, de grande taille ou PME.

L’échange des données informatisé (EDI) peut atteindre plusieurs niveaux d’intégration dans l’entreprise.

L’échange des données informatisé (EDI), au niveau opérationnel permet la transmission de documents entre systèmes d’information, soit au sein d’une entreprise soit entre deux ou plusieurs entreprises. Les entreprises doivent pour cela procéder à une interconnexion électronique des systèmes de traitements de données entre elles.

Dans le secteur automobile, les constructeurs, donneurs d’ordre, ont souvent imposé l’EDI à leurs sous-traitants, dans le cadre de l’externalisation de certaines activités qui s’est développée au cours des années quatre-vingts. La nécessité de coordonner la production, la livraison et le suivi des composants fabriqués chez les sous-traitants a incité ce secteur à recourir à des systèmes de transmission des données tels que l’EDI.

La question posée par les auteurs est de rechercher où se situe le gain dégagé par l’EDI, à quel niveau il s’est traduit par une amélioration organisationnelle, elle-même génératrice de progrès dans les connaissances des acteurs au sein de l’entreprise, mais aussi à l’extérieur par la nécessaire coopération qui doit se mettre en place entre les entreprises ainsi mises en réseaux.

L’EDI agit donc au niveau des coûts de transaction et des coûts de gestion : la décision d’externaliser ou non une activité est donc prise compte tenu de l’apport positif qu’il permet.

Conclusion :

L’étude réalisée auprès des utilisateurs de l’EDI dans les secteur de l’activité automobile a permis de dégager quelques tendances montrant que ce système comporte des aspects positifs :
Parmi les bénéfices, les utilisateurs citent : la relation client-fournisseur, la qualité de l’information et le service au client.

Les constructeurs (donneurs d’ordre) ont observé que l’EDI agissait sur les coûts de coordination entre eux et les entreprises sous-traitantes, et subsidiairement sur les coûts administratifs (consommation de papier, réduction du personnel), mais aussi les coûts de contrôle des sous-traitants par le constructeur, dans la mesure où une meilleure information limite les comportements opportunistes.
L’effet de l’EDI doit être analysé au niveau des deux phénomènes évoqués dans l’étude réalisée par les auteurs ; le processus d’apprentissage et l’analyse des coûts de transaction.

 

PARTIE 3 : capitalisation des connaissances : un enjeu central des organisations

L’hypothèse de départ des auteurs est la suivante :
Comment les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) qui sont arrivées au cours des années quatre-vingt impliquant tous les outils d’automatisation ou d’informatisation avec ceux des télécommunications et de l’audio-vidéo vont-elles évoluer, et vont-elles s’ajouter ou se substituer aux technologies de l’information existantes ?
Les auteurs envisagent cette évolution au travers des échanges interpersonnels de voix , sons ,données et images ou multimédias appelées "communication universelle-voix-données" (CUVD), et les téléservices tels que les accès aux bases de données.

Pour appréhender ces questions, les auteurs proposent trois axes d’analyse :

Le complexe connaissance-communication est abordé sous l’angle de l’analyse de ce qui compose la connaissance : la connaissance tacite et la connaissance formelle

Quatre propositions sont avancées :

A partir de cette classification, les auteurs observent que dans les entreprises, existe un mouvement fort de la culture organisationnelle , à savoir, le remplacement de la connaissance tacite par la connaissance formelle.

Par référence au modèle fordiste qui fonctionnait par accumulation des connaissances tacites, le modèle néofordiste, tente de tationaliser le flux d’apprentissage et l’utilisation du stock de connaissances en augmentant le taux de codage, le transfert et l’utilisation répétée du même ensemble de connaissances à travers le monde.

Selon les auteurs, cette tendance pourrait se traduire au niveau des entreprises des changements organisationnels de quatre types :

 

Les multimédias et la firme relationnelle :

Les auteurs proposent une classification des multimédias en "téléservices" et la communication universelle voix-données :
Dans les téléservices, ils placent, l’information, le commercial, le professionnel, l’EDI, et dans la communication universelle voix-données (CUVD), l’échange de données par télé-accès, le courrier électronique, le groupeware, la vidéoconférence sur PC.
Dans l’immédiat, l’effet le plus marquant de l’usage des multimédias par les entreprises serait un mouvement réciproque progressif des flux de communications directes auparavant, hors de leur champ, et des communications indirectes vers les lieux de connaissances pratiques ou informelles (p163)
L’effet cumulé de ces deux mouvements serait de réduire le coût des transactions les plus coûteuses, c’est à dire le lieu d’échanges informels et directs.

 

Le concept de l’organisation basée sur l’information serait apparu en 1988 dans un article de P.Drucker. Elle serait caractérisée par le travail en équipe, le travail multidisciplinaire, l’aplatissement de la pyramide hiérarchique et une collaboration entre spécialistes et généralistes.

Dans ce type d’organisation, l’information devient une ressource organisationnelle, or l’information est une ressource qui peut être coûteuse puisque 20% du PNB des pays développés seraient consacrés à la production et à la distribution de l’information.

D’où l’émergence de plusieurs phénomènes propres à cette organisation ; le partage des responsabilités, la prise de décision en groupe, la modification des structures organisationnelles, le souci de l’environnement extérieur, l’intégration des technologies de l’information.
Les structures en réseau favorise le succès de l’OBI car elles permettent une plus grande fluidité des flux d ‘informations.

Les études réalisées par les auteurs sur des exemples concrets d’entreprises tentées par l’adaptation de leurs structures en OBI montrent que son succès dépend non seulement de sa capacité à produire de l’information et à la diffuser dans toute l’organisation mais aussi de son aptitude à l’analyser avec intelligence et à en tirer des décisions d’action.
Une organisation basée sur l’information se construit autour d’une structure en réseau et avec peu de hiérarchie. En outre l’acceptation du changement et sa gestion sont des éléments critiques pour l’OBI.

Parmi les comportements organisationnels dans l’entreprise basée sur l’information, les auteurs retiennent, celui du joueur en équipe. Les incitations individuelles n’ont donc plus d’intérêt dans cette structure organisationnelle. L’OBI favorise donc le travail en équipe de projet avec interaction des travailleurs généralistes et des travailleurs spécialistes.

Conclusion :

L’OBI fait partie du paysage organisationnel des années quatre-vingt-dix. Les entreprises devront donc l’envisager pour répondre à la nécessaire adaptation induite par l’arrivée des technologies de l’information couplées aux outils de télécommunication devenues multimédias, et l’auteur de conclure "la notion de coûts de ces nouveaux outils se posera moins en termes de profits financiers qu’en termes de meilleure utilisation des connaissances grâce à leur échange et leur circulation".

 

Michael Kristiansson et Leif Kajberg ont cherché à mettre en évidence comment la "nouvelle économie", caractérisée notamment par une mondialisation des marchés rendue possible par une capacité spectaculaire des infrastructures de production et de transfert d’informations, pouvait conduire à une modification des structures organisationnelles des entreprises par une prise en compte différente des compétences des individus.
L’économie nouvelle conditionne la concurrence entre les entreprises industrielles ou de service, et leur productivité dépend de plus en plus de l’innovation, de la mise en place et de l’utilisation des technologies de l’information.

L‘hypothèse des deux auteurs est que la nouvelle économie fondée en grande partie sur des systèmes d’information à forte capacité et fortement intégrés dans les entreprises, impose une nouvelle division du travail et des changements majeurs au sein de celles-ci.

L’idée d’une culture "intelligente" déjà évoquée par des auteurs tels que Zuboff, Cronin et Senge à la fin des années quatre-vingt, est reprise ici par Michael Kristiansson et Leif Kajberg.

Leur démonstration part de l’exemple de l’activité d’un aéroport dans lequel s’imbriquent tous les comportements des acteurs détenteurs de savoirs spécifiques ou généraux. Ces savoirs vont devoir se coordonner car ils sont liés les uns aux autres, contribuant ainsi à une interdépendance. La bonne coordination et l’attention que chacun porte à l’autre sont déterminantes pour que le fonctionnement de l’aéroport se déroule sans défaillance, lourde de conséquences.

Pour les auteurs, une entreprise intelligente ne peut augmenter sa productivité qu’en organisant la coopération de façon nouvelle ; pour cette raison, la nouvelle organisation qui, selon les auteurs, représente la fusion de l’entreprise intelligente et de l’organisation d’apprentissage a une structure organisationnelle souple qui lui permet de valoriser ses capacités d’innovation et de créativité.

De plus cette nouvelle  organisation pratique un recentrage sur les activités dans lesquelles l’entreprise atteint un bon niveau de connaissance et de compétences opérationnelles fondamentales et recourt à la sous-traitance pour les autres.
L’organisation d’apprentissage est une forme de la nouvelle organisation proposée par les auteurs : c’est une organisation dans laquelle chacun est déterminé à accroître de façon systématique ses capacités afin d’obtenir les résultats auxquels il aspire, et chacun est en permanence impliqué dans un processus d’apprentissage collectif.
Enfin, une des caractéristique de l’organisation d’apprentissage est l’existence de systèmes destinés au recueil, au partage et à la diffusion des connaissances et de l’expérience.

Dans cette configuration, le niveau de retour d’information est élevé.

Pour les auteurs, cette organisation suppose une nouvelle division du travail, non pas au sens taylorien du terme, mais en terme de division en zones géographiques. Ils observent que la mondialisation a élargi le fossé entre zone privilégiée (pays occidentaux) et zone pauvre dans laquelle on retrouve tous les pays des continents en difficultés économiques.

La zone des pays dits prospères économiquement, est pourvue en travailleurs savants, donc à forte densité de connaissances, et utilise déjà largement tous les outils informationnels existants.
Michael Kristiansson et Leif Kajberg expliquent que c’est dans ce contexte que la nouvelle division du travail apparaît, grâce au développement de communautés d’apprentissage de grande dimensions, extrêmement dynamiques qui ont recours à la division du travail entre régions.

Au sein des entreprises, la division du travail repose sur deux principes : la responsabilisation des travailleurs et le renforcement de leur participation au travail sous la forme de groupes et équipes.

La nouvelle organisation a de préférence une structure en toile d’araignée et non en pyramide.

Les auteurs avancent donc l’idée que cette nouvelle organisation est fondée :

  1. sur une nouvelle division du travail
  2. qui repose principalement sur une répartition des compétences entre zones géographiques
  3. au niveau de l’entreprise en recentrage sur les activités fondamentales et au recours à la sous-traitance.

Mais pour cela, le système éducatif doit être à la mesure des besoins et doit former des gens à poser les bonnes questions et à définir les bonnes tâches.
D’où une liste de six axes de compétences que le système éducatif devra permettre d’acquérir :

En conclusion, Michael Kristiansson et Leif Kajberg, estiment que pour parvenir à la construction d’un capital humain flexible et solide, il faut susciter l’enthousiasme, le sens des responsabilités, l’engagement, la motivation et la capacité à changer son cadre de référence.

 

La question que se pose Anne Mayère porte sur la gestion des savoirs dans la nouvelle configuration de l’organisation industrielle, partagée entre la subsistance de traits tayloriens et les tendances constatées depuis deux décennies à une organisation néo-talyorienne.
Pour l’auteur la situation est suffisamment confuse pour qu’une définition claire et précise de ce qui caractérise le nouveau modèle industriel ne puisse être énoncée.

Il s’avère en effet qu’une grande partie des entreprise fonctionne sur le mode additif, en intégrant de nouveaux principes d’organisation et de fonctionnement dans le modèle précédent.

L’industrie automobile est souvent utilisée comme terrain de référence dans la mesure où cette activité a fonctionné sur le modèle taylorien, appelé aussi fordien depuis ses débuts. Il pouvait donc être intéressant de porter son attention sur un secteur qui depuis environ vingt ans a évolué vers le modèle post-taylorien. Mais Anne Mayère fait le constat que l’industrie automobile a intégré le nouveau à l’ancien modèle devenu une sorte d’hybride et le résultat ne permet pas de façon convaincante de dessiner les traits du nouveau modèle industriel.

C’est donc dans d’autres secteurs qu’il faut rechercher le nouveau modèle industriel.
Anne Mayère a cherché à mettre en évidence les distinctions entre modèle taylorien et nouveau modèle industriel. Dans un tableau inspiré de la démarche de Ph. Zarifian, elle fait apparaître quatre items : les critères de compétitivité, les bases de performances, le substrat de travail et l’organisation productive. Pour chacun de ces items, le tableau met en parallèle les caractéristiques du modèle taylorien et du nouveau modèle.
Une des caractéristiques du modèle taylorien est la division entre conception des tâches et leur réalisation dans les ateliers, la coordination étant celle des tâches et non celle des hommes. C’est une organisation conçue sur un mode essentiellement séquentiel.
Dans le nouveau modèle, la performance économique dépend de l’efficience de l’interprétation, des interfaces ; il repose sur les règles de coordination et fait prévaloir la productivité globale sur celle des opérations.

La fonction d’encadrement est également transformée, les cadres ayant plus un rôle de managers de projets et de facilitateurs de la communication.

Mais la question est aussi de savoir comment les connaissances, les savoirs et les compétences vont s’articuler et s’imposer dans ce nouveau modèle industriel.

La notion de compétence s’inscrit dans un contexte d’évolution d’un système où les connaissances techniques sont acquises préalablement, constituant la qualification, vers un système où le savoir-faire et l’expérience sont pris en compte.
Mais les réflexions de certains auteurs (Drucker) sur la compétence et son utilisation par l’entreprise conduisent à s’interroger sur la manière dont elle va récupérer ce savoir exclusivement individuel dans un premier temps.
La première conclusion qu’Anne Mayère en tire, à la lumière des analyses effectuées par ces auteurs, est que les entreprises ne maîtrisent ces savoirs et compétences que de façon partielle, d’où la nécessité de mettre en place des actions d’incitation, de renforcement du sentiment d’appartenance et de culture d’entreprise.

Anne Mayère signale toutefois qu’il y a des limites à l’instrumentalisation des savoirs par les entreprises ; en effet, en demandant aux travailleurs de formaliser toujours plus leurs savoirs, les entreprises se les approprient et risquent de rendre les travailleurs interchangeables.

Pour parvenir à une gestion efficace des savoirs, il faut une combinaison subtile de plusieurs facteurs liés au contexte et aux circonstances dans lesquels les savoirs vont se mettre en œuvre et s’enrichir.
La limite est aussi dans le fait que les savoirs, selon une expression de J.M Lévy-Leblond est "tant qu’on arrive pas à partager les questions, on n’arrive pas à partager les réponses"

Dans sa conclusion Anne Mayère sur ce chapitre expose que, certes des entreprises s’acheminent vers un mode d’organisation requérant des individus plus d’autonomie, de responsabilités et de partage des compétences et de savoirs, mais les études menées dans différents secteurs industriels ne démontrent pas qu’elles se sont totalement affranchies du modèle taylorien. Les changements intervenus l’ont été le plus souvent sous la pression de l’arrivée des technologies de l’information, les entreprises se sont le plus souvent adaptées plus qu’elles n’ont anticipé sur les transformations organisationnelles à mettre en œuvre.

 

VI – Commentaire

Le thème qui sous-tend les articles des auteurs de l’ouvrage, la productivité des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans les entreprises a certainement plus préoccupé les chercheurs (économistes, titulaires de chaires de gestion au début des années quatre-vingt dix qu’elles ne les préoccuperont désormais.

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication parmi lesquelles Internet est encore bien placé, interrogent encore sur les développements et les retombées que tous peuvent en attendre, individus comme entreprises.
Les frayeurs décrites par certains auteurs … cf. Le Monde Diplomatique de Janvier 1996 ont sans doute été disproportionnées, toutefois, il semblerait que le phénomène de la "Netéconomie" avec ses emballements boursiers et ses implosions fracassantes ait mis en évidence les effets néfastes tant redoutés des technologies de l’information et de la communication sur l’ensemble des acteurs économiques.
Qu’ont donc apporté les technologies de l’information en terme de productivité au niveau des entreprises et de croissance au niveau macro-économique ?

En 2001, les économistes et analystes intéressés par le sujet demeurent encore partagés sur la réalité et la tangibilité des progrès (financiers, sociaux, économiques) enregistrés grâce aux technologies de l’information, et on retrouve d’un coté les pourfendeurs du paradoxe de Robert Solow, et de l’autre les contempteurs.

Les premiers se fondent sur les résultats affichés par les entreprises au cours des cinq dernières années.
Ainsi, M.C Chamber, PDG de la firme CISCO, (technologies des réseaux internet), affirme qu’internet "permet d’augmenter la productivité de 6.7% voire 8% par an".
Selon M. Chamber, ce "miracle" serait dû au nouvel environnement des entreprises.
Ainsi, M.C Chamber, explique-t-il, "les résultats positifs sont obtenus par une réduction des coûts, c’est à dire la suppression des emplois improductifs et leur redéploiement dans des domaines tels que la recherche et le développement".
M.Chamber, dont la valeur boursière de son entreprise a été multipliée par trente en cinq ans, annonce que "3000 emplois ont été supprimés chez CISCO et réaffectés de la sorte…" et il conclut " dans dix ans toute entreprise qui n’aura pas basculé complètement sur le réseau sera morte. Les entreprises traditionnelles survivront à la condition qu’elles se réinventent complètement dans leur manière de s’organiser et de fabriquer".

Les tenants de la thèse de Robert Solow, par la voix de Robert J.Gordon, économiste américain (1999), énoncent le constat suivant :
"Aujourd’hui les ordinateurs sont partout, même dans les statistiques de productivité, mais pour deux raisons :

  1. les prix des micro-ordinateurs (PC), aux Etats Unis ont baissé de 43% en deux ans (depuis 1998). Les entreprises s’équipent donc toujours massivement mais le capital consacré à leurs investissements ne progressent pas.
  2. le secteur informatique occupe une place centrale dans l’économie américaine. Ainsi, parmi les cinq plus grosses capitalisations de Wall Street, trois en sont issues : MICROSOFT, CISCO et UNTEL.

La conclusion qui s’impose à Robert J.Gordon, est celle de savoir, si la hausse de productivité enregistrée au Etats Unis, ne provient pas pour l’essentiel des gains réalisés par les seules entreprises informatiques.

 

 

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