LES FICHES DE LECTURE  de la Chaire D.S.O.

 

Mehdi MEKEDDER
Chaire de Développement des Systèmes d'Organisation,
Cours Organisation C1 (2000-2001)

 

Claude LEVY-LEBOYER

"LA MOTIVATION DANS L'ENTREPRISE

Modèles et stratégies"

(Editions d'Organisation, 1998)

 

SOMMAIRE :

  • L’AUTEUR *
  • SES POSTULATS *
  • LES QUESTIONS POSEES PAR L’AUTEUR *
  • SA DEMARCHE *
  • RESUME DE L’OUVRAGE *
  • ACTUALITE DE LA QUESTION et COMMENTAIRES PERSONNELS *

 

 

L’AUTEUR

Claude Lévy-Leboyer est professeur de psychologie du travail et directeur du DESS psychologie du travail à l’université René Descartes Paris V. Elle est Past Président de l’association Internationale de Psychologie Appliquée et fondateur de E.N.O.P. (European Network of Orgnizational Psychology). Outre des activités de consultant auprès de grande entreprise, elle poursuit des recherches dans le cadre de l’institut de recherches et d’Applications en Psychologie du Travail. Elle est actuellement détachée à la mission scientifique et technique du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

 

SES POSTULATS

La compétition se joue à l’échelle mondiale. La productivité et la qualité y ont un rôle central. De ce fait, la motivation des hommes au travail représente un facteur capital de la réussite des entreprises. La signification du travail et son caractère d’obligation sont tributaires de la culture, des structures, sociales, et des réalités économiques. L’implication et la motivation ne peuvent donc être obtenues partout et toujours par les mêmes moyens. Les théories et les méthodes utilisées par les chefs d’entreprise et les cadres pour stimuler la motivation datent de quarante ans, alors que les conditions du travail, la nature du travail et des compétences nécessaires ainsi que le contexte socio-économique ont profondément changé et changent encore. L’analyse théorique des motivations, comme le bilan des diverses stratégies motivationnelles ont fait l’objet de recherches surtout réalisées dans les pays anglo-saxons. Leurs résultats permettent de mieux comprendre les processus complexes qui déterminent la motivation, et donc de mieux analyser les situations afin de choisir des solutions adaptées.

 

LES QUESTIONS POSÉES PAR L’AUTEUR

Comment créer et entretenir l’implication, l’ardeur au travail, la volonté pour chacun, de faire au mieux, de se perfectionner constamment, de respecter les objectifs assignés ? Quelles stratégies pour motiver ses équipes ? Comment les mettre en œuvre ? Y a-t-il des règles générales à respecter pour rendre efficace le management des hommes et assurer leur motivation ? Faut-il choisir des individus déjà motivés ? Ou adopter des méthodes qui vont les stimuler ? Les mêmes méthodes pour tous ? Ces moyens ne risquent-il pas de perdre, à l’usage, leur pouvoir motivant ? Et, dans ce cas faut-il en suivre les effets et changer souvent son fusil d’épaule ? Ne risque-t-on pas de voir, dans les méthodes de motivations, une manière déguisée d’exploiter sans ménagement les hommes au travail ? Ou bien peut-on concilier motivation et satisfaction ? L’ardeur au travail ne s’estompe-t-elle pas avec l’ancienneté, avec l’âge ? Est-elle indépendante de la conscience professionnelle, et plus généralement de la moralité ? Les groupes ont-ils une action motivante sur les individus ?

 

SA DÉMARCHE

La première partie de l’ouvrage fait le point sur les modèles de motivation au travail actuellement disponibles. Elle fait également le point sur les résultats des nombreuses recherches qu’ils ont suscitées, et dégage ce qu’on peut en retenir par opposition à ce qui n’a pas résisté à l’expérimentation. Le premier chapitre concerne essentiellement les aspects affectifs qui différencient les individus entre eux et expliquent leur motivation. Le chapitre deux introduit les modèles cognitifs qui reconstituent la logique des choix individuels. Le chapitre trois est plus actuel. En effet, modèles "affectifs" et "cognitifs" s’intéressent à ce qui explique les efforts réalisés pour optimiser les résultats du travail, alors que les conditions économiques et techniques actuelles donnent de l’importance aux comportements innovateurs qui dépassent les strictes exigences des rôles professionnels.

La deuxième partie fait la synthèse des différentes stratégies de terrain en cherchant à comprendre où et pourquoi elles sont utiles, et dans la mesure du possible la nature et les rôles qui déterminent leur efficacité. Le chapitre quatre propose une analyse concrète des modalités de la gestion des récompenses, analyse fondée à la fois sur les apports théoriques et sur les expériences de terrain. Les stratégies qui reposent sur le changement du travail sont exposées dans le chapitre cinq. Le chapitre six, s’intéresse au style de management qui représente la seconde ressource susceptible de développer la motivation interne.

 

RESUME DE L’OUVRAGE


INTRODUCTION

Le pronostic formulé dans "la crise des motivations" s’est révélé exact. Le nombre d’inactifs en hausse, l’entrée tardive dans la vie active font que la personnalité individuelle, l’image et l’estime de soi se construisent sur des bases extérieures au monde du travail. Le travail perd de sa valeur et par la même occasion la motivation à le faire s’affaiblie.
Il est important de répondre à ceux qui demandent des solutions pour sortir de cette crise et de ne pas assimiler les "magiciens" aux méthodes soi-disant efficaces pour relancer les motivations, aux psychologues sérieux. La motivation n’est ni un trait de personnalité indépendant du contexte ni une conséquence quasi automatique d’une bonne manière de manager ou d’une structure organisationnelle adéquate. Il s’agit de la résultante de contraintes économiques, organisationnelles, technologiques et culturelles, et de leurs interactions avec les besoins, valeurs et aspirations des individus. En outre la motivation n’est pas un processus stable, elle est sans cesse remise en question. Pour comprendre les processus que représente la motivation, il est nécessaire d’en donner une description précise et concrète, ceci afin de justifier les différentes stratégies permettant de la développer. Il est donc primordial d’associer aux approches théoriques, des approches pratiques.
La tâche première de tout cadre consiste à obtenir de ses collaborateurs productivité et qualité maximale. Ceci suppose des compétences adéquates, une organisation optimale et la motivations de tous. Pour accomplir cette tâche, de nombreuses questions sont posées aux spécialistes des ressources humaines. Mais aujourd’hui, aucun modèle n’est universellement reconnu.
A l’époque de la mondialisation, la motivation est un élément décisif de la compétitivité des entreprises. Concernant les "carottes magiques" qui permettent de développer la motivation, la demande est forte et l’offre de méthodes abondante. Ces dernières ne sont en générales pas démontrées par un modèle théorique et validées sur le terrain. La psychologie du travail a fait d’importants progrès et permettra sans doute de faire mieux. On passe de prescriptions générales et normatives, à des schémas dynamiques des processus motivationnels propres à chaque situation. Ceci afin d’établir un diagnostique permettant de chercher des solutions adaptées.
Taylor pensait que la motivation naîtrait de l’intéressement financier et du fait de bien faire son travail. L’histoire a prouvé la défaillance de ce raisonnement. Depuis, Les études ont beaucoup évolué essentiellement sur trois points :

  1. On a démontré que les modèles de Maslow, Herzberg, Likert, Mac Gregor sont beaucoup trop sommaires et partiels pour rendre compte d’une réalité complexe.

  2. On a désormais réalisé qu’il est impossible de trouver une méthode de motivation qui s’applique à toutes les personnes, les situations, les entreprises, les cultures. Le risque d’échec est grand, si on applique une méthode sans réflexion par le simple fait quelle est fonctionnée ailleurs.

  3. Les modèles calqués sur le comportement animal, c’est à dire sur le fait que des besoins précis nous poussent à agir de telle ou telle façon plutôt que de rester inactif, sont bien pauvres quant il s’agit de comprendre les comportements de l’homme au travail.

Depuis les années 60, les recherches étudient la motivation comme un processus qui se construit dans le temps et se renouvelle sans cesse. Elles tentent de formuler, entre caractéristiques personnelles et situationnelles, des adéquations qui permettent de prendre en compte la variété des psychologies individuelles.
La nécessité de disposer d’un modèle flexible de la motivation prend un relief particulier au moment où le travail change fondamentalement. Les stratégies destinées à stimuler la motivation doivent s’adapter à des paramètres tel que la culture, les normes sociales, l’idéologie du travail mais aussi à la manière dont chaque société crée l’obligation de travail.

 

PREMIÈRE PARTIE, MODÈLES THÉORIQUES

Introduction à la première partie : pourquoi des modèles théoriques ?

Il est utile de faire le point sur les modèles de motivation au travail actuellement disponibles, mais aussi de résumer le résultat des recherches qu’ils ont suscité. Afin de dégager ce qu’on peut en retenir par opposition à ce qui n’a pas résisté à l’expérimentation.
Des relations étroites devraient exister entre modèles de motivation et pratiques de terrain. Ce sont précisément les modèles théoriques qui permettent de connaître quels cheminements complexes expliquent l’efficacité des différentes stratégies.
Etre motivé, c’est essentiellement, avoir un objectif, décider de faire un effort pour l’atteindre, persévérer dans cet effort jusqu’à ce que le but soit atteint. Les degrés de la motivation dépendent de la variation de ces trois aspects et de leurs interactions avec tous les autres déterminants de la performance : aptitudes, personnalité, savoirs et compétences.

 

Chapitre 1 : La motivation, force interne ?

Les théories dites "du besoin" ont toutes une base commune : L’idée qu’il existe une force interne, qui pousse chacun d’entre nous à chercher la satisfaction des besoins qu’il ressent. La motivation serait alors un ensemble d’activités déployées pour obtenir la satisfaction de nos besoins. Cette conception s’appliquerait aussi bien aux comportements les plus élémentaires qu’aux conduites de l’homme au travail. Sous cet angle, connaître les besoins des membres de son personnel, c’est savoir comment les motiver.
Les premiers modèles théoriques, ceux de Maslow et d’Alderfer, ne donnent aucune définition précise de ce qu’est la motivation ni de ce qui la différencie de la volonté. Trois courants théoriques ont proposé des réponses aux interrogations relevées par ces modèles.
Un premier groupe de modèles définit tout travail professionnel comme un échange entre les résultats obtenus par l’individu et les "récompenses" que lui donnent l’organisation. Le système ne marche que si l’échange correspond aux besoins que l’individu cherche à satisfaire.
Un second groupe de théories, développées indépendamment les unes des autres, met l’accent sur certains besoins qui représenteraient des sources spécifiques de motivation au travail. Murray, McClelland, Hertzberg se focalisent sur le "contenu" motivant du travail, par opposition à l’échange travail / récompense. Ils ouvrent la voie à Deci, qui poussera les analyses de ce qu’on appelle la motivation "interne" par opposition à la motivation "externe".
Le troisième groupe, basé sur les recherches de psychologues définissent des styles de leadership adaptés aux caractéristiques des organisations et aux situations spécifiques du travail. Les travaux de Miner, sur la motivation à jouer un rôle, apporteront une ouverture centrée sur l’adéquation entre les aspirations individuelles et la nature des fonctions dans chaque organisation.

Le modèle hiérarchique de MASLOW

Ce modèle part du principe que l’ensemble de nos conduites serait guidé par la satisfaction de besoins qui caractérisent tous les êtres humains. Maslow distinguent cinq groupes de besoins :

Il est représenté sous forme de pyramide à la base de laquelle on retrouve les besoins physiologiques et de sécurité qui constituent les besoins fondamentaux. Puis dans un ordre croissant, les besoins sociaux, d’estime et tout en haut de la hiérarchie l’actualisation de soi. Cette structure permet de concrétiser l’idée selon laquelle chaque besoin est motivant jusqu’à sa satisfaction et cède alors son tour au besoin suivant, en allant vers le sommet de la pyramide. Les différences entre les individus apparaîtraient du fait que leurs besoins sont situés à des niveaux différents de la pyramide avec cependant l’existence de besoins fondamentaux identiques et organisés selon la même séquence pour tous. Ce modèle repose sur trois hypothèses. Tout comportement est déterminé par la recherche de satisfactions concernant les besoins fondamentaux. Tous les individus commencent par chercher à satisfaire les besoins les plus élémentaires, et passent au besoin suivant une fois satisfait le besoin situé plus bas. Les besoins fondamentaux ont une priorité absolue sur tous les autres.
Si ce modèle se vérifiait, il fournirait une manière ingénieuse de concilier l’existence de besoins identiques pour tous et de source de motivations différentes pour chacun, en fonction de sa situation personnelle. D’un point de vu expérimental, les très nombreuses recherches effectuées n’ont pas validé ce modèle et n’ont pas prouvé que ces cinq besoins suffisent à faire le tour des sources de la motivation au travail. Ce modèle n’était à l’origine pas conçu pour être appliqué aux situations professionnelles et ne permet pas d’expliquer comment se développe la motivation au travail. En outre, il ne prend pas en compte les différences inter-individuelles.

Le modèle "E R G" d’ALDERFER

Ce modèle moins connu en France diffère de celui de Maslow sur quatre points.
Le nombre de besoins se limite à trois, E, R et G. E pour Existence, l’ensemble des besoins matériels, y compris la sécurité. R pour Relatedness, l’ensemble des besoins sociaux. G pour Growth, le besoin de se développer et d’utiliser ses compétences.
Les trois besoins sont organisés en hiérarchie mais sont alignés du plus concret (E) au plus abstrait (G).
Ces besoins peuvent être actifs simultanément chez un même individu, il n’est pas nécessaire qu’un besoin soit satisfait pour qu’un autre soit motivant.
Tout individu au travail, est supposé "se déplacer" sur cet axe dans les deux sens.
Les recherches autour de ce modèle ont été moins nombreuses que pour le modèle de Maslow, probablement parce que, les deux schémas partagent le même défaut dû à l’imprécision de la notion de besoin. En outre ni l’un ni l’autre ne précisent s’il est possible de créer des besoins et ne permet d’affirmer que certains besoins sont plus motivants que d’autres. De plus rien indique sur le terrain comment mesurer la force des besoins et leurs degrés de satisfaction, de manière à ajuster une politique de personnel. Ces deux théories sont donc des étapes intéressantes, mais dépassées de l’étude de la motivation au travail.

Le modèle des besoins manifestes de MURRAY

Ce modèle fonde lui aussi la motivation sur l’existence de besoins. Il est dû à Murray et a été développé par Atkinson et McClelland. Dans cette théorie les moteurs de la motivation se concentrent sur un petit nombre de besoins considérés comme acquis et pas innés. En outre, elle admet la possibilité qu’un individu puisse être simultanément animé par plusieurs besoins et qu’il existerait une sorte de "profil des besoins" susceptible d’évoluer au fil des expériences.
Murray a distingué 20 besoins. Atkinson et McClelland ont considéré que seulement 4 d’entre eux étaient réellement importants dans le cadre des comportements organisationnels.
Le besoin de réussir, qui implique chez ceux qui en sont animés un fort désir d’assumer des responsabilités, d’avoir un retour d’informations sur les résultats obtenus et d’affronter des risques de difficulté moyenne.
Le besoin d’affiliation, qui implique un fort désir d’être accepté par un groupe.
Le besoin d’autonomie, implique le désir de travailler en conservant une certaine maîtrise de son rythme sans être gêné par des règles trop contraignantes.
Le besoin de pouvoir, concerne le désir d’influencer les autres, de les diriger et de contrôler l’environnement extérieur.
Aussi séduisante que soit cette analyse, peu de recherches ont tenté de la valider sur le terrain. Ce modèle comme les précédents laisse encore de nombreuses interrogations en suspend. Il est très difficile de mesurer de manière fiable ces différents besoins, encore plus de démontrer que les formations destinées à les stimuler sont réellement efficaces.

Le modèle bi-factoriel des satisfactions de HERZBERG

Herzberg distingue deux types de besoins, ceux propres à tous les êtres vivants et ceux spécifiques à l’espèce humaine. Il postule que seul ces derniers sont "motivateurs" alors que les autres sont qualifiés de besoins d’hygiène susceptible de réduire l’insatisfaction. En outre, le salaire et la politique du personnel font partie de ces derniers. Herzberg à fait une analyse thématique à partir d’entretien. Il a recueilli bons et mauvais souvenirs concernant la vie au travail d’individus. Ceci lui a permis d’opposer les sources de motivation à ce qu’il définit comme simples remèdes à l’insatisfaction, d’où le non de modèle bi-factoriel.
Les "motivateurs" sont liés au contenu des tâches, alors que les remèdes à l’insatisfaction. Les facteurs d’hygiène, se rassemblent sous le nom de "contexte" du travail. En pratique, on devrait pouvoir stimuler la motivation en accroissant le contenu significatif de la tâche et en modifiant la nature même du travail. L’échange travail / récompenses externes permettrait de réduire l’insatisfaction mais n’aurait pas de fonction motivante.
Du fait de sa simplicité et de l’originalité de sa formulation, ce modèle a connu un fort succès auprès des dirigeants. Cependant de nombreuses objections ont été émises. Le recueil de souvenir qui ne peut être considéré comme objectif de la réalité. Les recherches ont montré clairement que les facteurs d’hygiène et les facteurs "motivateurs" constituent des sources potentielles de motivation. On peut donc retenir que ces facteurs ne résistent pas à l’examen.
Herzberg a montré que le travail n’est pas seulement l’objet d’un échange marchand et a mis l’accent sur le contenu du travail comme facteur de motivation. Enfin, il a permis de soulever le problème du statut et du poids respectif des sources internes et externes de motivations. Il a cependant sous estimé les différences inter-individuelles.

Une question centrale : motivation interne et/ou motivation externe ?

L’effort impliqué par le travail peut soit venir de sources de motivation externe (échanges travail / récompenses) soit venir de sources de motivation interne (nature et signification du travail). Ces deux sources résultent de processus psychologiques nettement différenciés par Deci. Il met en garde sur le fait que le passage d’une motivation interne à une motivation externe aurait des effets négatifs. En pratique, cette analyse conduit à énoncer qu’un système de salaire à l’intéressement ne peut pas toujours être efficacement concilié avec un climat de management participatif. Fisher a montré que les récompenses financières n’affectent pas le rôle des motivations internes seulement si elles sont cohérentes avec les normes de l’organisation et qu’elles sont appliquées à l’ensemble du personnel de façon régulière.
La distinction entre motivation interne et externe n’est cependant pas si nette. Une marque d’estime venant d’un supérieur ou une promotion avec une augmentation de salaire sont deux types très différents de récompenses externes. Le second exemple, qui implique aussi un accroissement de responsabilité, devrait avoir des effets sur les deux catégories de motivation.
Au final, les différents modèles développés précédemment se différencient essentiellement par le classement plus ou moins fin des besoins.

Le modèle de MINER : les motivations de "rôles"

Ce modèle prend en compte les caractéristiques environnementales, c’est là son originalité par rapport aux précédents. Miner cherche à déterminer dans quelles conditions il peut y avoir adéquation entre les rôles que souhaite jouer l’individu et les rôles que l’organisation attend qu’il joue réellement. Il montre qu’on peut grouper les besoins en rôles susceptibles de correspondre aux exigences des postes et des fonctions. Il tente d’identifier non plus des besoins isolés mais des "schémas de motifs" cohérents et liés aux exigences impliquées par la nature des différents rôles à jouer dans les diverses organisations. Il identifie quatre types d’organisations en fonction de leur structure, de la manière dont elles opèrent et des rôles qu’elles souhaitent voir jouer à leurs cadres et à leurs responsables. La théorie de Miner est donc limitée aux motivations des cadres.
Il distingue quatre formes organisationnelles, les organisations hiérarchiques, professionnelles, entrepreneuriales et collectives. Chacune est caractérisée par un schéma motivationnel différent, elles ont besoin d’avoir un personnel d’encadrement et des responsables qui possèdent des motivations spécifiques et adaptées.
Dans les organisations hiérarchiques l’encadrement joue un rôle central. Six dimensions caractérisent les rôles requis par ce type d’organisation : une attitude positive vis-à-vis de ses supérieurs hiérarchiques, le désir de se trouver en compétition avec ses pairs, le désir de s’affirmer, le désir de se singulariser, une attitude favorable à l’exécution des travaux routiniers.
Les organisations professionnelles rassemblent une majorité de personnel hautement qualifié. Ce sont par exemples les organismes de recherche, les cabinets de consultants. La formation et la qualification y jouent un rôle essentiel. Quatre désirs sont décrits comme essentiel dans cette organisation : le désir de continuer à acquérir des connaissances, le désir d’autonomie, le désir d’atteindre un statut élevé, le désir de se rendre utile aux autres.
Les organisations entrepreunariales sont centrées sur le profit et la réussite de l’entreprise. L’autonomie individuelle y a une importance accrue. Dans ce type d’organisation on peut distinguer différentes sources de motivation : le désir de réussir en tant qu’individu, le désir d’éviter les échecs, le désir d’innover, le désir de faire des plans et d’anticiper le développement de ses initiatives.
Les organisations collectives sont définies par les notions de groupes et de consensus. Le schéma de rôle est fortement dominé par toutes les initiatives développées autour de la notion de participation. Cinq rôles motivent les personnes qui y travaillent : le désir d’affiliation, le désir d’appartenir à un groupe de manière durable, le fait d’avoir des attitudes positives vis-à-vis des autres membres du groupe, le désir d’avoir des relations de collaboration efficaces, le désir de participer à la gestion démocratique et collective du groupe.
Cette liste d’organisations n’est peut-être pas exhaustive cependant Miner renouvelle profondément la notion même de besoins et concrétise l’idée que nous cherchons, à travers notre activité professionnelle à satisfaire des besoins de nature différente. Il a eu la volonté de montrer que des motivations différentes contribuent à la réussite dans des organisations différentes. Au bilan, il n’y a pas d’individus toujours motivés alors que d’autres ne le seraient pas, mais plutôt des situations qui motivent les uns et pas les autres.

La typologie de RONEN

Ronen préfère parler de valeurs du travail plutôt que de besoin. Il a tenté d’établir une liste exhaustive des aspects de l’environnement du travail susceptibles d’être valorisés par l’individu, pour ensuite en dégager de manière statistique les dimensions significatives.
Son étude menée dans différents pays, aboutie à un modèle avec deux axes factoriels, qui comportent d’une part les valeurs de travail à orientation individuelle et collective, et d’autre part les valeurs de travail à orientation matérielle et non-materielle. Quatre quadrants ainsi définis permettent de regrouper les combinaisons de valeurs suivantes : matérialiste - individualiste, matérialiste – collectiviste, non matérialiste – collectiviste, non matérialiste – individualiste.
Le fait que les résultats des études de Ronen se reproduisent, à quelques nuances prés, pour tous les échantillons étudiés, malgré leur appartenance à des pays et à des cultures différentes, est un argument fort pour conclure qu’il est possible de faire une description exhaustive des besoins que le travail peut satisfaire. En pratique, le regroupement autour de quatre quadrants, représente un schéma utile pour situer les valeurs individuelles et décrire les valeurs collectives.

 

Chapitre 2 : La motivation, choix rationnel ?

La motivation n’est pas un état stable, caractéristique de l’individu et indépendante de l’environnement. La motivation est un processus actif, ce qui amène à essayer de comprendre comment l’environnement conduit l’individu à construire ses motivations et ensuite à analyser la manière dont il perçoit et comprend son environnement de travail.
C’est tout l’intérêt des modèles "cognitifs". Ils partent du principe que chacun d’entre nous réagit non pas à un environnement objectif, mais à celui qu’il perçoit, à la manière dont il interprète l’ensemble de la situation dans laquelle il travaille.
En 1964, Vroom a été le premier à exposer de manière claire le modèle "cognitif" et à l’appliquer à l’analyse du choix professionnel et de l’effort apporté à la réalisation d’une tâche.
Plus qu’un modèle de la motivation au travail, il s’agit d’un modèle expliquant les choix relatifs au travail ou d’un schéma de prise de décision. Le point de départ est que nous choisissons d’adopter des comportements dont nous pensons que les résultats auront du prix pour nous.

Valence / Instrumentalité / Expectation

Trois concepts servent de nom à ce modèle (valence, instrumentalité, expectation) qui postule que les choix individuels dépendent du produit de ces derniers.
La valence est la caractérisation affective attachée par chacun aux résultats de ces activités. Il s’agit d’une relation entre les individus et le résultat du travail. On ne peut donc pas parler de valence générale indépendante des individus et du moment des résultats. La caractéristique la plus importante de ce concept, c’est le fait qu’il est fondé sur la manière dont chacun d’entre nous se représente les résultats de la performance qu’il est en train de réaliser ou qu’il va réaliser. La valence peut être positive ou négative. Une valence négative peut être consécutive au stress induit par le travail, la fatigue qui le suit, les reproches encourus. Elle est liée à la hiérarchie de valeur individuelle et à ses besoins instantanés. C’est ce qui donne son importance à la dimension cognitive. Chacun d’entre nous a des représentations différentes liées, à son expérience et à sa manière de traiter les informations.
La performance est le résultat immédiat qu’on peut qualifier de résultat de premier niveau. L’instrumentalité est la représentation des relations entre la performance et les résultats de second niveau tel que, le salaire, les primes, le sentiment d’avoir accompli quelque chose de valable. Des systèmes de récompenses, pour lesquels la performance récompensée est décrite de manière claire au personnel concerné, et qui sont précisés en détail à chaque attribution créent une instrumentalité fortement positive et, de ce fait, ont des chances d’atteindre leurs objectifs.
L’expectation est l’opinion que chacun a de lui-même et de ses possibilités d’atteindre un but donné, dés lors qu’il fait les efforts nécessaires. L’expectation peut aller de 0 (mes efforts ne serviront à rien) à +1 (mes efforts seront très fructueux grâce aux qualités que je possède). L’expectation implique l’image de soi, les données caractérisant la situation actuelle et les expériences antérieures, ainsi que les exigences de la tâche.
Ces trois paramètres constituent la source d’une motivation qui vise à la satisfaction des besoins à valence positive et à l’évitement des événements à valence négative.
Porter et Lawler ont complété le modèle de Vroom. Ils ont montré que sur le terrain, le niveau réel des aptitudes peut ne pas correspondre au sentiment que chacun en a, et que la bonne volonté ne suffit pas… Par, ailleurs ils précisent les relations complexes qui existent entre performance et satisfaction.
La motivation n’est donc plus vue comme une caractéristique stable de l’individu mais comme une interaction individu / situation, en évolution constante puisque l’expérience acquise contribue à la modifier.

La validité du modèle cognitif

Les recherches sur le modèle de Vroom et les développements apportés par Porter et Lawler ont démontré la validité du concept. Toutes les recherches qui tentent de prédire des décisions vérifient parfaitement le modèle. En revanche, le modèle est beaucoup moins efficace quand il s’agit de prédire le niveau de performance atteint par chacun des individus d’un même groupe. Toute performance est déterminée par la motivation, mais également par beaucoup d’autres paramètres, aptitudes, qualités des moyens disponibles…

Développement du schéma cognitif : les contributions de Raynor et de Weiner

Le modèle précédent ne prend pas en compte le fait que tout individu ait des plans d’avenir, une idée plus vaste de ce qu’il attend de son travail et de ce qu’il cherche à accomplir. Raynor tente de combler cette lacune en situant la motivation pour une tâche immédiate par rapport à l’ensemble des choix et des aspirations d’avenir de l’individu. Il suggère que la motivation pour une activité est déterminée en partie par la manière dont l’individu perçoit l’importance de cette tâche immédiate pour atteindre ses buts plus éloignés. La motivation dépend des paramètres cognitifs mais aussi du nombre d’étapes à parcourir en vue de réaliser des objectifs plus lointains, et de la position de la tâche actuelle par rapport à ce parcours. Raynor nomme "effet de tâche" cette relation complexe entre motivation, distance de la tâche par rapport à un objectif plus ou moins éloigné, et désir de réussir. Il nomme "effet de temps", la relation qui joue un rôle opposé. Si le temps qui sépare la tâche immédiate du but final à atteindre est important, la motivation concernant la tâche immédiate s’en trouve réduite.
Plusieurs recherches de laboratoire confortent le bien fondé de ce modèle. On peut donc affirmer que la motivation varie selon les caractéristiques de la situation qui relient succès ou échec à cette tâche précise et aux aspirations plus générales et plus éloignées des personnes.
Un autre développement du modèle cognitif est fondé sur l’utilisation par Weiner de la théorie de l’attribution. Il y a "attribution" lorsque nous interprétons un comportement en lui donnant des causes. Les analyse de Weiner montrent que les explications que nous donnons à nos comportements passés, mettent en jeu trois dimensions : le "lieu de causalité", la stabilité des résultats et la contrôlabilité. Ces différentes manières d’attribuer des causes aux résultats de son travail ont une influence directe sur la façon dont évoluent les expectations. Il souligne l’importance de la perception de la stabilité des résultats. En outre, les processus d’attribution ont un effet direct sur l’affectivité.
Les compléments apportés par Raynor et Weiner au schéma de Vroom, permettent de mieux saisir les ramifications complexes qui, à travers les processus cognitifs en interaction permanentes, relient les comportements aux motivations et aux phénomènes affectifs.

Les théories de l’équité : le modèle d’Adams

Adams a cherché à préciser dans quelles conditions le rapport entre ce qu’on fait comme travail et ce que le travail vous apporte est jugé comme équitable ou non. Il suggère que le sentiment d’équité résulte d’un processus d’échange marchand entre l’organisation et ses membres. En outre, cette comparaison met en jeu ce que l’individu apporte à l’organisation et ce qu’il reçoit de l’organisation. Cette comparaison entre les "inputs" (ce que l’individu apporte à l’organisation) et les "outputs" (ce que l’individu en reçoit) ne peut être réalisée par l’individu de manière directe. Le sentiment d’inéquité existe lorsque le rapport entre les deux ratios paraît déséquilibré par comparaison avec le même rapport concernant d’autres personnes. Dans le cas où cette comparaison serait jugée non équitable, il se crée une tension négative qui déclenche différents comportements destinés à rétablir l’équilibre.
Certaines recherches confortent le modèle d’Adams pour une très large part. Lorsqu’on crée artificiellement une situation d’inéquité en faisant croire à des sujets qu’ils sont trop ou qu’ils sont trop peu payés, il ajuste la quantité et la qualité de leur travail de manière à rétablir ce qui leur paraît juste. En réalité, si les résultats des recherches concernant le sentiment d’être sous-payé sont concordants, il n’en pas tout à fait de même pour le cas inverse, probablement parce que les procédés utilisés pour induire le sentiment d’être surpayé représente également une menace pour l’estime de soi et pour la sécurité de l’emploi. Locke fait remarquer combien ces recherches qui ont confirmé ce modèle sont irréalistes. On ne fait pas facilement croire, sur le terrain, à des employés qu’ils sont surpayés ou incompétents, et il est vraisemblable que le processus cognitif est inverse. La réalité de la vie de travail est certainement plus complexe que les simulations grâces auxquelles le modèles d’équité à été testé. D’où l’intérêt des développements théoriques qui ont suivi, et qui concernent, de manière plus proche du terrain les points suivants :

Les recherches les plus récentes se sont centrées sur la perception de l’équité et sur sa valeur instrumentale au niveau des attitudes et des comportements. Dans cette perspective, plusieurs auteurs insistent sur la différence qui existe entre deux aspects de la justice ressentie, "la justice procédurale" qui concerne les procédures de décision relatives à l’attribution et la répartition des "outputs", et la "justice distributive" qui implique ce qu’Adams à décrit sous le terme d’équité ressentie. Les recherches ont démontré qu’il faut tenir compte des deux, sans donner plus d’importance à l’une ou à l’autre, alors que le modèle d’Adams ne s’intéresse réellement qu’à la justice distributive, et à ses effets. Landy a montré qu’on accepte une évaluation même sévère, lorsqu’on comprend comment elle a été faite, et lorsqu’on peut y participer.
Les recherches menées par Cropanzano et Folger, sur les effets de la justice procédurale dans le monde du travail ont montré que, les membres du personnel à qui est donnée la possibilité de participer aux évaluations, et qui jugent celles-ci comme résultant d’un processus équitable, sont mieux intégrés dans l’entreprise, plus stables et plus loyaux vis à vis de l’organisation. Il faut cependant garder en mémoire la possibilité que la participation aux évaluations soit démotivante, parce qu’elle conduit à se contenter d’une performance médiocre mais justifiable.
Au total, nous pouvons retenir que le sentiment d’équité est un aspect important de la relation entre l’individu et l’organisation. Mais ses effets sont bien plus complexes que la notion d’un simple rééquilibrage de la répartition de récompenses. Notamment, si l’organisation et ses décideurs sont perçus comme agissant avec justice, les employés qui si trouvent, réagiront de manière constructive. En pratique des injustices procédurales déclencheront des réactions collectives, alors que des injustices distributives déclencheront des réactions individuelles.

 

Chapitre 3 : De l’intention à l’action : l’auto-régulation

Le but est un élément central dans les processus d’auto-régulation parce que la capacité d’un individu à se présenter de manière symbolique ses objectifs sous la forme d’un but précis est essentielle pour qu’il puisse exercer un contrôle efficace sur ses comportements.
Locke a mis en évidence l’importance du but et du "hard-goal effect" (effet de la difficulté du but). Pas de motivation sans objectifs. Plus le but est difficile, plus les conduites qu’il déclenche sont motivées. Mais il y a but et but… D’où une série de recherche qui mettent en évidence les caractéristiques que doit posséder un but pour être motivant et qui permettent de décrire la manière dont se construit l’implication vis à vis du but.
Le point de départ est que l’intention doit précéder l’action, cette intention doit être précise et concrète. L’analyse des processus motivationnels qui mène jusqu'à l’action et ce qui la soutient, montre l’importance des aspects de la personnalité et de toutes les facettes des interactions individu/environnement.

Le modèle du but

Le modèle de Locke peut se résumer en trois phrases. Il définit le but comme le désir d’atteindre un certain niveau de performance. Il démontre que les buts sont de puissants déterminants de l’effort et de l’activité qui conduisent à cette performance, et ceci même si le but lui-même ne peut pas être atteint. En outre, cet effet motivateur du but est totalement indépendant de l’existence de récompense qui pourraient être associées au fait d’atteindre un objectif assigné.
Les résultats de 25 ans de recherche de Locke et d’une équipe de chercheurs ont permis de définir les deux principaux attributs des buts : le contenu et l’intensité. Le contenu concerne l’objet ou le résultat recherché. L’intensité varie selon le degré de réflexion mis en jeu pour conceptualiser et élaborer un plan d’action en vue d’atteindre un but.
La difficulté du but joue un rôle central, mais inattendu. Les recherches en laboratoire et sur le terrain ont démontré qu’à partir du moment où un but difficile est accepté en tant qu’objectif, le niveau de performance qui suit est proportionnel au niveau de difficulté. Cette relation n’est modifiée que dans le cas où les faibles compétences de l’individu limitent sa performance, au point de rendre sa motivation sans effet. Le fait de donner un objectif difficile représente un message de confiance envoyé par la personne qui propose le but, en d’autres termes il renforce l’image de soi et stimule la motivation. En outre, l’étude des mécanismes cognitifs mis en jeu par l’effet de but permet de constater que les stratégies diffèrent en fonction de la complexité de la tâche. L’auto-régulation ne rentre pas en jeu au début de l’apprentissage, c’est plus tard qu’elle se produit grâce à la perception des premiers résultats. Lorsque l’apprentissage progresse, la présence d’un but facilite l’activité cognitive parce que celui ci permet à l’individu de situer son effort par rapport à un objectif précis.
Un autre aspect concerne la spécificité du but, c’est à dire la précision avec laquelle la cible de l’action à entreprendre est définie. Un but précis est motivant, ce qui n’est pas le cas d’un objectif vague, du genre "faites de votre mieux".
Dans l’analyse du rôle du but et des situations de travail qui y sont associé, deux aspects semblent particulièrement intéressants : le fait que les buts soient assignés ou soient définis par un processus participatif et le fait donner des informations aux individus concernés sur leur performance au cours de leur travail. Le but n’est motivant que s’il est accepté. La participation au choix du but devrait donc faciliter son acceptation et, par conséquent son rôle motivateur. Les recherches existantes montrent qu’on obtient une corrélation appréciable entre le but assigné et le but que l’individu accepte et se fixe à lui-même, mais pas une similitude totale. Ce qui signifie qu’il reste une variance individuelle importante des buts acceptés indépendamment de la norme définie par l’autorité extérieure. L’acceptabilité d’un but est assez fortement déterminée par ces facteurs sociaux que représentent les objectifs définis par la hiérarchie et les buts acceptés collectivement comme norme.
Latham, Erez et locke ont conduit ensemble plusieurs expériences qui permettent de conclure qu’un but assigné autoritairement et accompagné d’explications claires, déclenche une implication individuelle aussi forte que si le but avez été élaboré en participation. En d’autres termes "vendre" l’objectif est plus efficace que simplement donner un ordre.
Le rôle du but et celui de l’information reçue au cours de l’effort, sont complémentaires. L’effet motivateur tient essentiellement à la possibilité de comparer des informations sur ses performances avec un standard externe constitué par le but qui représente une norme acceptée. Sans but, impossible d’évaluer la performance. Sans informations, pas de résultats à évaluer, donc rien pour guider l’effort et l’action.
Ces analyses dépeignent la motivation non plus comme la résultante mécanique de forces génétiques et environnementales, mais comme un processus actif, constitué par des régulations successives qui permettent à l’individu de choisir des comportements adaptés au but qu’il poursuit et à la manière dont il perçoit et interprète les contraintes de la situation.

L’auto-réglation

Différents modèles ont en commun trois idées fondamentales. Le fait que la régulation des comportements dirigés vers un but mette en jeu toutes les ressources et les caractéristiques de l’individu. Le rôle central joué par le traitement des informations sur le travail exécuté et son évaluation. Le fait que ces informations font l’objet de comparaisons aussi bien avec les objectifs à atteindre qu’avec les performances antérieures.
Bandura regroupe sous l’intitulé "d’apprentissage socio-cognitif " deux modalités de self-régulation. La première concerne la capacité plus ou moins grande, des individus à neutraliser le rôle perturbateur des déterminants environnementaux grâce à la représentation symbolique des conséquences de leur comportement. La seconde concerne la possibilité d’acquérir des compétences essentiellement grâce à l’observation des autres, et de leur savoir-faire. Dans les deux cas, la régulation de ces conduites se fait selon trois modalités principales : l’auto-observation, l’auto-évaluation, et l’auto-analyse de ses réactions.
L’auto-observation désigne l’attention sélective que chacun d’entre nous apporte à un aspect précis de son comportement. Il ne nous est en effet pas possible de consacrer constamment toute notre attention à tous les aspects de nos comportements. L’auto-évaluation concerne le processus par lequel chacun d’entre nous compare ses résultats avec le but qu’il s’est assigné. Cette auto-évaluation nous amène à rectifier la représentation que nous avons de nos compétences et notre efficacité. L’auto-analyse concerne les réponses affectives qui résultent des comparaisons résultantes des deux modalités précédentes : sentiment de satisfaction parce que nous pensons être sur une voie qui va nous mener à l’objectif poursuivi, ou de dissatisfaction parce que nous avons l’impression, au vue de nos résultats, d’avoir surestimé nos compétences.
De nombreuses recherches ont permis de montrer que la motivation est bien la résultante d’expectation, et de réactions individuelles aux résultats atteints, comparés à des buts et des normes acceptées.
Carver et Scheirer ont souligné le fait que lorsque la distance entre le but espéré et la réalité est forte, l’attention est dirigée vers des objectifs relais, moins difficiles à atteindre. Dés que ceux-ci sont satisfaits, l’attention et l’effort s’orientent à nouveau vers des buts plus élevés.
Au bilan, les processus cognitifs d’auto-régulation peuvent entraîner trois types de réactions : Conserver le même objectif et persévérer dans l’effort ; adopter un objectif plus modeste et continuer son effort ; renoncer et abandonner tout espoir d’atteindre l’objectif qu’on avait adopté.

Le rôle de la personnalité

L’effet de but, est généralisable à toute sorte de situations et d’individus. A partir du moment où on admet que chacun d’entre nous assume sa motivation à travers des processus cognitifs et des réactions affectives aux informations qu’il reçoit, les variables individuelles doivent être considérées comme des paramètres affectant indirectement la motivation.
Plusieurs variables de personnalité peuvent moduler l’effet qu’exerce la situation sur le comportement, et déterminer la manière dont chacun agit pour dominer les difficultés et également pour accroître ses compétences. Notamment interviennent de cette façon la valeur accordée à la réussite, le niveau d’estime de soi, la recherche volontariste du succès. Peut-être ces variables affectent-elles plus la disposition à se fixer des objectifs que la capacité à les réaliser, et ceci d’autant plus souvent qu’il s’agit de situations relativement peu claires et mal structurées. C’est alors la personnalité qui fait la différence.
Weiss et Adler ont montré que la personnalité joue un rôle plus important sur la motivation dans les situations caractérisées par la liberté laissée aux sujets de faire des choix personnels concernant la nature, la direction, l’intensité des efforts et leur persistance dans le temps.
Une autre manière d’identifier l’influence de la personnalité sur la motivation consiste à envisager son rôle dans les processus de traitement de l’information. Humphreys et coll. ont proposé trois variables de personnalités modulant les processus cognitifs : l’impulsivité, la motivation à réussir et l’anxiété. L’impulsivité encourage l’éveil de l’activité qui à son tour, stimule la mémoire immédiate, et le transfert de l’information. La motivation à réussir exerce un rôle facilitateur sur tous les processus de transfert d’informations en accroissant la vigilance et en diminuant le temps de réaction. L’anxiété dramatise la crainte de l’échec et réduit de ce fait, le déclenchement de l’effort et sa persévérance.
Au total, la motivation n’est pas un trait de personnalité, mais elle n’en est pas indépendante. La personnalité joue un rôle sur la manière dont se construit l’évaluation de soi et, de ce fait, détermine la motivation, donc les résultats de l’activité.

 

DEUXIEME PARTIE, DE LA THEORIE A LA PRATIQUE

Introduction à la deuxième partie : quelles stratégies ?

La motivation n’est pas une caractéristique individuelle. Mais elle dépend fortement de traits de personnalité.
Développer la motivation fait partie intégrante de la gestion des ressources humaines, et constitue une des tâches centrales des cadres et dirigeants. Mais les conditions organisationnelles et les comportements de "leadership" susceptibles de l’encourager ne sont pas efficaces partout et pour tous.
La dynamique du processus motivationnel résulte d’un grand nombre de facteurs et mets en cause le fonctionnement cognitif, la personnalité, les ambitions individuelles, les normes sociales, la représentation des situations de travail, l'acceptation et la perception des objectifs, la nature des informations sur ses performances, l’existence de récompenses adéquates… Mais ces nombreux paramètres ne sont pas interchangeables. La dynamique motivationnelle peut se mettre en panne parce que un seul élément qui l’a produit pose des problèmes.
L’échange entre les résultats du travail et les récompenses ou avantages divers reste un des fondements rationnels de la motivation. Mais ce n’est pas une manière de motiver aussi simple et universelle qu’on avait pu le penser.
Ces analyses théoriques ne facilitent pas le choix d’une stratégie adéquate qui tienne compte de l’ensemble de la situation et qui contribue efficacement à la qualité et à la productivité. Il y a deux approches de la motivation au travail. D’une part, rendre compte du processus motivationnel, et en décrire l’extrême complexité. D’autre part, faire la synthèse des stratégies de terrain en cherchant à comprendre où et pourquoi elles sont utiles, donc préciser, dans la mesure du possible la nature et les rôles des conditions qui déterminent leur efficacité. La deuxième partie de cet ouvrage utilisera cette approche.

 

Chapitre 4 : récompenser pour motiver ?

Il y a beaucoup de raisons de travailler. L’exercice d’une activité professionnelle permet de satisfaire des besoins aussi variés que nombreux. Ces besoins varient selon les individus et dans le temps. Il est donc primordial, de ne pas faire l’économie d’enquêtes régulières sur les besoins des membres de son personnel. Les raisons de travailler ont indiscutablement un point commun. Il s’agit toujours de "récompenses" au sens le plus large du mot ? C’est à dire d’échanger les résultats du travail contre la satisfaction de besoins matériels ou de besoins plus abstraits. Les récompenses sont très diverses, elles peuvent être financières ou sous forme d’avantages en nature. Elles peuvent être attribuées sur des bases fixes liés au statut ou à l’ancienneté, ou bien sur des bases plus ponctuelles liés aux résultats du travail effectué.
Trois raisons nous font passer très souvent de règles relativement fixe de rémunération et de distribution d’avantages à des situations flexible où tout ou partie du salaire est tributaire du travail fourni, et du respect des règles organisationnelles. En premier lieu, dés qu’il y a récompense en fonction du travail fourni et des comportements adoptés, le système d’intéressement retenu peut servir à renforcer les principes que l’organisation souhaite développer et mettre en œuvre. Ensuite parce que la nécessité de disposer d’une main-d’œuvre flexible, donc à compétences multiples, et capables de travailler par équipe projet peut être encouragée par des indexations sur les compétences acquises et sur la performance de groupe. Enfin, les progrès techniques, la complexité des mécanismes, entraînent la volonté de modérer, dans la gestion des ressources humaine, la part laissé au contrôle hiérarchique et de faire une place plus grande à l’initiative et à la gestion, par chacun, de ses responsabilités.
La mise en place d’un système de récompenses au mérite soulève plusieurs problèmes distincts. D’une part il faut choisir une procédure qui corresponde aux contraintes de la situation et de l’organisation concernée. D’autre part, il faut élaborer une méthode qui convienne à la culture de l’entreprise ou du secteur concerné. C’est une fois ces obstacles surmontés qu’on peut réfléchir à l’aspect motivationnel des "récompenses" et préciser les conditions optimales pour que la mise en œuvre de ce système entraîne bien un accroissement de la motivation ou un renforcement des comportements que l’organisation souhaite encourager.

A quelles questions faut-il répondre avant d’instaurer un système de récompenses au mérite ?

Les conditions requises pour créer un système de récompense ne sont pas essentiellement techniques. Il est essentiel de prendre en compte les aspects subjectifs et affectifs liés à ce type d’opération.
L’objectif stratégique est clair mais il est difficile à atteindre. Il consiste à attribuer une valeur monétaire aux fonctions assumées, à leurs résultats et aux comportements mis en œuvre. En fait cela suppose plusieurs étapes. La première concerne le poste lui-même, l’importance pour l’organisation de la fonction qu’il représente. La seconde consiste à faire une analyse de poste dont le but sera d’identifier les caractéristiques du poste de manière à préciser ce qui est important et doit donner lieu à récompenses. La troisième étape permet d’attacher des récompenses aux différents produits ou comportement qu’on souhaite encourager.
Un système de récompenses qui semble injuste ou peu objectif aura des effets inverses de ceux recherchés. Pour cela la nature des objectifs que l’organisation souhaite valoriser doit être claire. Le niveau des objectifs à atteindre, ainsi que les contraintes de temps qui les spécifient doivent être équitables et réalistes, respecter des règles écrites et être acceptés par les personnes concernées.
Fonder les récompenses sur les résultats individuels est, en général, une meilleure solution que l’intéressement évalué et attribué au niveau d’un groupe. Dans ce dernier cas, la contribution de chacun des membres du groupe au résultat final est difficile à évaluer objectivement. L’intéressement collectif risque de créer un sentiment d’injustice et de rendre difficile les relations inter-personnelles. Cependant il est susceptible d’accroître la coopération alors que les primes individuelles risquent de créer une compétition aux effets négatifs.
Pour évaluer les performances, il est préférable de s’appuyer sur des données objectives parce que cela crée mieux la conviction que les récompenses sont bien liées aux résultats du travail. Malheureusement cette possibilité devient de plus en plus rare, d’où le recours fréquent à des appréciations subjectives, soit sous la forme d’une fiche de notation classique, soit sous la forme de propositions pour des bonus ou des primes.
Cependant les fiches de notations souffrent de faiblesses bien connues. Elles sont souvent rendues peu précises à cause d’un effet de tendance centrale, le notateur se réfugiant par prudence dans les évaluations médianes, et de biais d’évaluations propres à chaque notateur plus indulgent ou plus exigeant que les autres, ce qui rend les différentes notations peu comparables. Il faut bien réaliser que plus les notations ont de l’importance pour la carrière, plus elles deviennent un enjeu dans les relations de pouvoir, ce qui tend à leur faire perdre leur rôle d’évaluation proprement dit.
Les effets négatifs des procédures d’intéressement sont d’autant plus nets que le climat de l’organisation est marqué par une absence de confiance envers la hiérarchie. Si tel est le cas, le crédit accordé aux évaluations sera faible parce qu’elles sont perçues comme reflétant des préjugés, qu’elles entraînent la crainte d’avoir à justifier une performance insuffisante et qu’elles ne présentent pas une occasion de progresser.

Le cas de la participation aux bénéfices

La cohérence entre ce type d’intéressement et le style de management est particulièrement important. Il est difficile de faire participer au bénéfice s’il n’y a pas également partage des informations et participations aux décisions. C’est un management participatif qui doit encadrer la participation financière. Il est difficile de dire se ses méthodes sont réellement efficaces sur la motivation, et ceci même si elles augmentent sensiblement la satisfaction.
Les récompenses n’auront aucun effet motivateur si le lien entre le travail effectué et la récompense obtenue n’apparaît pas clairement.

Comment analyser le potentiel motivateur des récompenses au mérite ?

La mise en œuvre d’un système de récompense au mérite suppose quatre phases qui mettent en jeu des variables et des dynamiques psychologiques différentes. Tout d’abord il doit y avoir évaluation de la performance accomplie, fondée soit sur l’observation directe, soit sur l’appréciation de la hiérarchie. La seconde phase concerne l’information donnée à l’individu sur sa performance. La troisième est le passage de l’évaluation à la récompense qui met en jeu l’instrumentalité mais aussi la justice ressentie (distributive). La dernière phase porte sur l’attitude de l’individu face à la récompense reçue.
La notion intuitive qui veut que chacun cherche à obtenir les récompenses dites "externes" s’est heurtée à une opinion inverse selon laquelle tout intéressement diminue la motivation "interne", autrement dit l’implication qui vient de l’intérêt personnel porté au travail. Cependant, la synthèse des recherches de terrain montre que l’impact négatif des systèmes de motivation externes sur l’implication et la créativité est limitée. L’effet d’une récompense n’a un rôle négatif sur le temps spontanément consacré au travail que si la récompense est annoncée à l’avance comme proportionnelle aux résultats mais qu’elle est finalement donnée à la fin de la période de travail quels qu’en soit les résultats.
Les objectifs à court terme sont susceptibles d’encourager l’effort parce qu’ils fournissent des informations fréquentes sur le niveau de performance atteint, donc sur le niveau de compétences individuelles. Mais, d’autre part, il est également possible que le fait d’être évalué de manière trop répétée soit perçu comme un contrôle pesant qui pousse à la passivité. L’inverse est vrai des objectifs à plus long terme. S’il s’agit d’assumer une nouvelle mission ou de tenir un nouveau poste, les buts proches seront nécessaires pour encourager l’effort en rassurant sur les compétences potentielles. Par contre lorsque les compétences sont acquises, le fait de se sentir contrôlé de manière étroite risque de détruire l’effet motivant des récompenses indexées en affaiblissant l’implication personnelle. Chaque situation mérite donc qu’on s’interroge sur l’utilité, du point de vue de la motivation, des informations données à chacun sur ses possibilités d’une part, et d’autre part, sur l’effet négatif de contrôles trop fréquents.
Une politique d’intéressement ne sera efficace que si l’évaluation sur laquelle reposent les récompenses doit donner le sentiment que compétences et résultats sont pris en compte de manière réel et réaliste. L’évaluation doit être respectueuse de l’individu et non dévalorisante.
La seconde phase de la mise en œuvre opérationnelle concerne le retour d’informations sur l’évaluation. Toutes les recherches dont nous disposons montrent que l’attribution d’une récompense, sans commentaire ni justification décroît la motivation interne à effectuer une tâche.
L’étape suivante concerne la manière dont l’information va être interprétée. Les attitudes et le traitement de l’information seront différents selon qu’il s’agit de récompenses clairement fondées sur les résultats du travail ou de récompenses présentant un caractère compétitif. En outre, les recherches mettent en évidence la supériorité, d’un point de vue de la motivation, d’informations positives accompagnées de commentaires faisant référence aux objectifs à atteindre, aux résultats des autres et aux compétences utilisées pour atteindre les résultats, par comparaison avec des informations qui ne sont pas accompagnées de normes de référence.
La quatrième phase concerne l’attribution de la récompense et sa relation avec l’évaluation. La récompense ne sera une source de satisfaction que dans la mesure où la répartition est perçue comme équitable. La perception des évaluations comme le jugement sur l’équité des récompenses sont étroitement liés aux projets de l’individu. Cette perception sera différente entre des personnes récemment embauchées et des personnes plus anciennes.
La valeur personnelle des récompenses obtenues est la dernière étape du processus motivationnel. Toute récompense a à la fois une valeur matérielle et une valeur de symbole, et, également une valeur d’information concrète. La valeur d’une récompense est bien plus importante que la seule satisfaction de besoins spécifiques, parce qu’elle a une signification sociale et qu’elle est liée à la gestion des informations sur soi et sur ces compétences.

Quand un système de récompense au mérite ne marche pas, quelles en sont les raisons ? Quels en sont les remèdes ?

Les causes d’échec peuvent être regroupées en deux catégories distinctes.
La première concerne l’affaiblissement du lien entre effort et performance. Dans ce cas c’est un aspect de l’image de soi qui pose problème. On ne sera pas motivé si on est pas convaincu que faire un effort va permettre d’atteindre les résultats attendus, ou même si on pense qu’il n’y a qu’une chance sur deux que l’effort soit productif. Dans ce cas il est possible d’avoir recours à différentes interventions pour améliorer l’image de soi. Une formation, ou un complément de formation peut à la fois améliorer la compétence et son image. La réorganisation du travail lui-même est une autre solution, avec l’idée d’apporter des informations plus précises sur le travail accomplis. Le changement des exigences imposées si elles sont trop difficiles à atteindre. Le fait de demander à l’encadrement direct d’apporter plus de soutien et moins de critiques. Dans tous les cas où il y a réellement une sous-estimation de ses capacités, des initiatives destinées à montrer que le niveau de compétences est approprié à la tâche demandée.
La seconde concerne le manque de clarté entre performance et récompense. C’est particulièrement vrai lorsque les récompenses sont attribuées au niveau du groupe ou de l’équipe : chacun des individus perçoit mal le lien entre ses efforts et la récompense qu’il reçoit. A nouveau l’initiative doit venir de l’encadrement. D’une manière générale, tout ce qui va dans le sens d’une clarification de la performance qui est récompensée (ou pénalisée) et de l’information sur les modalités de calcul et d’attribution des récompenses améliore la perception du lien entre performance et résultats.

Système d’intéressement et gestion des ressources humaines

Il existe d’autres modalités que l’intéressement sous sa forme la plus classique. Elles se situent dans le contexte de l’évolution actuelle qui réclame plus une justice procédurale que distributive. La justice procédurale peut récompenser l’innovation et la volonté de multiplier ses compétences afin de se rendre plus utile à l’entreprise. C’est le cas des récompenses à l’acquisition de compétences. Il s’agit d’indexer une partie du salaire sur l’acquisition de nouvelles compétences concrétisées par des modules de formation concernant des compétences importantes pour l’entreprise. L’introduction de ce type de récompenses ne peut se concevoir sans une politique de gestion des ressources humaines qui met l’accent sur les compétences et la flexibilité, plutôt que sur le statut atteint et l’ancienneté. Il est également souhaitable qu’elle soit accompagnée par une politique de rotation rapide des fonctions, et il est plus facile de la développer dans un contexte de technologie avancée.
Les politiques d’intéressement ne sont pas des stratégies isolées de l’ensemble de la gestion des ressources humaines. Elles peuvent servir à renforcer la culture de l’organisation dans la mesure où elles définissent clairement les comportements qui doivent être encouragés. Elles correspondent à l’importance qu’il y a à développer une main-d’œuvre flexible et ayant des compétences multiples, ce qui peut être mis en œuvre en encourageant l’acquisition de nouvelles compétences, la capacité à travailler en groupe. On peut affirmer que les politiques d’intéressement sont des instruments efficaces dans le développement des motivations.

 

Chapitre 5 : Changer le travail pour le rendre motivant

Cette idée correspond aux théories du besoin, dans la mesure où elles ont mis l’accent sur le contenu du travail, et aux modèles d’auto-régulation qui ont montré le rôle de l’autonomie et du contrôle. La globalisation de la compétitivité a fait de la productivité un élément capital, donc de la motivation un facteur clé de la gestion des ressources humaines. Il s’agit d’une des préoccupations qui ont entraîné la création de stratégies complexes tels que la gestion de la qualité totale (T.Q.M.), le juste à temps (J.I.T.). Ces dernières impliquent un effort pour stimuler la motivation et font appel à des processus cognitifs qui facilitent l’apprentissage de nouvelles compétences.

Ré-humaniser le travail : l’après TAYLOR

Les effets démotivants de ce qu’on a nommé le "travail en miette" ont renouvelé la recherche de l’efficacité et de la qualité. Deux types d’interventions sont devenus populaires : l’enrichissement des tâches qui consiste à augmenter le contrôle de chacun sur l’organisation de son travail et sur les décisions qui le concernent, et l’élargissement des tâches, qui consiste à accroître le nombre et la variété des opérations exécutées par un même employé. L’enrichissement et l’élargissement des tâches peuvent être considérés aussi bien comme une amélioration des conditions de travail que comme une charge supplémentaire qui mérite compensation. Faire appel à plus de compétences sans les rétribuer risque alors de créer un sentiment d’inéquité. Changer le travail pour le rendre stimulant peut donc créer une nouvelle représentation de l’échange entre l’individu et l’entreprise.
Les résultats des recherches de terrain se sont révélés difficiles à interpréter. L’intérêt des chercheurs et praticiens s’est donc tourné vers l’identification de caractéristiques spécifiques des tâches, et des postes susceptibles d’avoir une influence positive sur la motivation.
Changer le travail peut permettre, d’une manière générale, de stimuler la motivation, cela ne constitue pas une stratégie également efficace pour tous. D’où la nécessité d’identifier les individus susceptibles d’être motivés par des postes enrichis et stimulants. Sur le terrain, il est important de tenir compte de ces différences individuelles et de se donner les moyens de les tester.

Enrichir quoi ? Avec quels résultats ? Le schéma de Hackman

Hackman et Oldham ont proposé une liste de caractéristiques du travail sur lesquels il serait possible d’agir pour influencer la motivation. Cette liste comprend cinq dimensions.
La variété, c’est à dire le nombre d’activités différentes ainsi que la diversité des aptitudes et des compétences qu’elles requièrent.
L’identité de la tâche, c’est à dire la possibilité pour celui qui effectue un travail d’en identifier les résultats.
Sa signification, ce qui suppose que "l’identité de la tâche" soit claire, et que s’y ajoutent des informations et des témoignages qui démontrent la valeur sociale du travail accompli.
L’autonomie, c’est à dire l’indépendance et la liberté dont jouit la personne, ainsi que les possibilités de décider du choix des procédures à utiliser et de leur organisation dans le temps.
L’information sur le travail effectué, c’est à dire la possibilité d’avoir accès à des informations précises, suffisamment fréquentes sur la qualité et la quantité du travail effectué.
Les trois premières dimensions contribuent à donner un sens au travail. Leurs rôles sont interchangeables, l’insuffisance de l’une peut être compensée par la présence d’une des deux autres. En revanche, les deux autres dimensions seraient irremplaçables. L’autonomie car elle représente une condition essentielle pour qu’on éprouve le sentiment d’être responsable, et l’information parce qu’elle permet à chacun de suivre directement ses résultats. Ces deux aspects sont nécessaires à la motivation, si l’un d’eux est absent, aucun autre ne le compensera.
Ce schéma tient compte du fait que ce ne sont pas les caractéristiques du travail qui créent directement la motivation. Elles contribuent à faire naître des états psychologiques intermédiaires qui sont, à leur tour, responsables des effets comportementaux qu’entraîne la motivation. Les nombreuses recherches qui ont testé ce modèle sur le terrain ne donnent pas de résultats unanimes. Le lien entre caractéristiques du travail et pouvoir motivant est fréquemment vérifié. Cependant, il reste à savoir si la liste fournie par Hackman est complète et pertinente, et si les besoins individuels constituent le seul paramètre qui module les effets de ces caractéristiques.
Chercheurs et praticiens ont poursuivi la réflexion, et les interventions, dans la même direction. Leurs résultats peuvent être décrits en se référant à trois concepts appelés les trois C : Complexité, Contrôle, Communication.

La complexité, facteur de motivation ? Quand ? Pourquoi ? A quelles conditions ?

Nous pouvons dire avec Dunham, qu’une tâche enrichie ou élargie est plus complexe qu’une tâche de routine, elle fait appel à un plus de compétences et implique plus d’autonomie. De ce fait, elle conduit à donner sur le travail des informations qui lui confèrent plus de significations. Ce qui revient à affirmer que plus les activités de travail sont complexes, et plus elles ont de chances d’être motivantes, par opposition aux tâches parcellaires, routinières. Ce n’est pas la complexité dans l’absolu, mais le fait de l’accroître qui rende la tâche plus motivante. Les attributs qui rendent la tâche plus motivante varient à mesure que changent les rôles professionnels. La motivation est soumise à l’érosion du temps et de l’habitude. Ce qui rend utopique l’idée d’un tableau de correspondance précis entre le niveau de complexité et la motivation.

Contrôle et autonomie

En accroissant le contrôle dont dispose l’individu sur la mission dont il est chargé, c’est à dire en lui donnant plus d’autonomie pour organiser son travail et pour prendre certaines décisions le concernant, donc une plus grande responsabilité sur le travail à accomplir, on intensifie l’implication vis-à-vis de l’organisation.

Communication et accès aux informations

En organisant de manière systématique une communication d’information sur les objectifs attendus, les performances effectuées et leurs évolutions, voire sur les positions de ses résultats par rapport à ceux atteints par d’autres, on donne à chaque individu des moyens de situer les résultats de ses efforts, d’évaluer ses chances de les améliorer. Ceci met l’individu en position d’acteur et lui donne une marge d’initiative même si celle-ci est limitée par les contraintes organisationnelles.

Y a-t-il d’autres aspects du travail susceptibles de stimuler la motivation ? Un quatrième C ?

A la trilogie précédente vient s’ajouter un quatrième C : Compétence, ou plus précisément, la possibilité, donnée à tous les niveaux, d’accroître ses compétences.
Les stratégies tel que le JIT (juste à temps), le TQM (gestion de la qualité totale), l’AMT (informatisation des techniques de production) sont destinées à répondre aux nouvelles exigences du monde du travail. Toutes conduisent à demander plus au personnel concerné. Et pas seulement en leur donnant plus de complexité, plus de contrôle et plus de communication mais en modifiant les caractéristiques du travail sur trois autres points qui, déclinent la notion de Compétence.
Le premier concerne la nature de la demande cognitive active. Il y a une différence importante entre exercer une attention vigilante, mais passive, et avoir à résoudre activement les problèmes qui se posent. Le progrès technique a multiplié les situations où le recours à l’initiative individuelle est nécessaire. Les responsabilités sont donc accrues et incluent un appel à l’initiative destinée à savoir résoudre des disfonctionnements ou à maintenir sans faille la qualité requise.
Le deuxième concerne la nature des interactions sociales. L’enrichissement du travail est alors dû à la multiplication des occasions de travailler en commun ou d’avoir recours à des échanges rendus nécessaires par la structure en réseau et par la spécialisation qui créent un contexte de dépendance réciproque, ce qui implique la l’existence de clients internes et externes.
Une troisième caractéristique du "nouveau" travail est liée au fait que la contribution de chacun à la production et aux autres activités est plus clairement mise en évidence. La perception directe des résultats de ses fautes ou de la qualité de sa contribution donne une visibilité nouvelle. Tout responsable peut estimer la gravité de ses erreurs et l’importance de sa contribution.
Sur le terrain, les enquêtes soulignent le fait que les changements, lors de l’application de stratégies tel que le JIT ou le TQM, sont plus sensibles au niveau de la satisfaction que de la performance. Les relations ne sont pas systématiques entre la mise en œuvre de ces stratégies et l’évolution des attributs du travail.
Le changement du travail lié au progrès technique n’est pas le résultat d’une recherche de motivation, cependant il impose de développer l’expertise au niveau du terrain. Tout équipement, même sophistiqué pose des problèmes que seuls les hommes peuvent résoudre. Donner plus de contrôle et d’autonomie est une conséquence inévitable de nouvelles conditions de travail qui n’affectent pas de la même manière les différents secteurs de l’économie ni toutes les entreprises.
Les changements du travail liés au progrès technique et au contexte économique sont susceptibles dans certaines conditions, de créer une nouvelle forme de motivation parce qu’ils impliquent la mise en œuvre de mécanismes essentiels pour l’apprentissage, en même temps qu’ils accroissent l’implication. Le développement personnel est conditionné par l’existence de situations qui présentent des challenges donc qui demandent beaucoup d’initiatives aux acteurs et qui garantissent une réelle liberté pour prendre des décisions. La possibilité pour l’individu d’acquérir de nouvelles compétences et de se sentir armée devant les décisions à prendre crée à la fois la satisfaction, la réduction du stress et l’implication.
La possibilité de mieux comprendre le lien qui existe entre ce qu’on fait et ce qui en résulte constitue l’essentiel de l’activité cognitive qui permet de développer de nouvelles compétences. Se développer, c’est le maître mot qui aide à comprendre, et éventuellement, à accroître, les qualités motivantes des nouvelles formes de travail.

Comment choisir une stratégie ?

Le nombre de variables qui modulent l’efficacité des différents changements du travail interdisent de formuler des prescriptions généralisables. Cependant, il est possible de décrire la succession des démarches qui peuvent servir à déterminer les stratégies réalisables et susceptibles d’être efficaces.
La première étape consiste à définir les besoins, c’est à dire l’objectif proposé. Il est important de préciser ce qui ressort de la motivation proprement dite, et des impératifs organisationnels, au sens large. Il est également utile de bien savoir quelles sont les raisons qui amènent à souhaiter redéfinir le contenu d’un poste, d’une mission ou d’une activité, sans omettre la faisabilité économique.
La deuxième étape consiste à étudier en détail l’ensemble des activités qui vont être affectées. Pas seulement dans une perspective objective, mais également du point de vue des différents acteurs, de ce qu’ils conçoivent comme étant leurs prérogatives, le fondement de leur identité professionnelle et de leur statut actuel. Il faut pouvoir comprendre pourquoi le poste paraît à ceux qui l’occupent monotone, sans autonomie, sans retour d’information ni visibilité.
La troisième étape consiste à lister les changements possibles. C’est la que les considérations techniques, économique, managériales peuvent se conjuguer.
Il est alors possible de faire un choix entre les différentes possibilités énumérées à l’étape précédente. Pour cela il est nécessaire de définir des critères de choix.
Il reste à mettre en place les choix qui ont été fait, et ceci en évitant les obstacles que Kotter décrit selon quatre axes qu’il nomme les quatre S : Structure, Système, qualifications (Skills), et encadrement (Supervisors).

 

Chapitre 6 : le leader charismatique

Il existe une relation interpersonnelle spécifique entre un leader charismatique et ses subordonnés. La capacité à motiver n’est pas due au poste occupé, mais à l’individu lui-même et à son comportement. Il est difficile de définir ce qui fonde cette relation spéciale et confère le charisme. Il peut s’agir de qualités personnelles, mais aussi du fait que les leaders charismatiques possèdent, plus que les autres, un sens aigu de leur mission, voire une vision à long terme des objectifs à atteindre et qu’ils savent entraîner les autres dans cette direction.
Les recherches de terrain qui se sont succédées se complètent sans que chaque étape ne détruise les résultats de la précédente. On est passé de la recherche de traits de personnalité ou de style de leadership efficace, à la réalisation que des individus et des styles différents convenaient à des situations différentes. Ensuite nous sommes revenus à une analyse plus fine des qualités nécessaire à un leader.
Depuis environ quinze ans, c’est la conception même du leadership qui a été mise en cause, dans ce qu’on a nommé le "leadership transformationnel". Cette nouvelle approche concerne directement la motivation dans la mesure où elle repose sur l’idée que la fonction majeure des cadres consiste à exercer sur leurs subordonnés une action qui les faits évoluer et pas seulement à établir de bonnes relations avec eux ("leadership relationnel").

Y a-t-il un (ou des) profil(s) charismatique(s) ?

Trois catégories de caractéristiques individuelles ont été prises en considération : des traits physiques ; des aptitudes ; des traits de personnalité. Une analyse récente permet de différencier les leaders de ceux qui n’ont pas ces qualités. Cinq points ont été différenciés : l’énergie et l’ambition, la confiance en soi et le contrôle émotionnel, les qualités cognitives qui sont utiles au traitement d’une grande quantité d’informations, une bonne connaissance de leur travail et de leur entreprise. Les conclusions de ce travail soulignent le fait que l’efficacité d’un leader tienne à beaucoup d’autres aspects et pas seulement à son profil.
L’évolution des structures organisationnelles ainsi que la situation économique et le progrès technique ont poussé à préciser le vocabulaire utilisé pour désigner les personnes qui ont des fonctions d’autorité dans une organisation. On utilise le terme "cadre" pour designer ceux qui donnent des ordres et prennent des décisions. Récemment, on a non seulement défini les fonctions d’encadrement, mais surtout bien différencié les attributs du manager et du leader. Ce qui nous intéresse, c’est l’aspect des responsabilités qui implique la charge de motiver les autres. D’où l’importance de la distinction entre les activités des managers et celles des leaders.
Trois fonctions définissent les responsabilités des managers :

1/ Faire des plans d’avenir, définir les objectifs, préciser les étapes qui permettront de les atteindre, et prévoir les ressources nécessaires.
2/ Organiser le travail en répartissant les tâches, en les attribuant aux personnes compétentes, en déléguant les responsabilités.
3/ Contrôler le travail et résoudre les problèmes qui se posent.

Le leadership correspond à des attentes très différentes. Il n’est pas destiné à maintenir un ordre existant, mais à créer le mouvement, à produire des changements en stimulant la motivation de ses subordonnées, et en adoptant des conduites différentes qui consistent à :

1/ Développer une vision d’avenir, souvent à long terme, et formuler des stratégies qui donnent corps à cette vision.
2/ Mettre les autres en mouvement, les faire adhérer à cette vision afin d’obtenir leur coopération.
3/ Les motiver en mobilisant leurs besoins, leurs valeurs, leurs ressources affectives, afin qu’ils aient l’énergie nécessaire pour surmonter les obstacles.

Ainsi définis, management et leadership semblent avoir les mêmes objectifs. Pourtant ils sont profondément différents. Parce que le management opère sur des laps de temps relativement réduit alors que la vision qui rend le leadership efficace concerne des durées beaucoup plus longues. Parce que le management repose sur un fonctionnement stable et régulier, alors que le leadership fait naître les conditions du changement, ménage la possibilité d’acquérir des nouvelles compétences et est capable d’avoir de l’influence en dehors de l’unité dont il est responsable.
Leader et manager diffèrent également dans les relations qu’ils établissent avec leurs subordonnées. Les leaders formulent des signaux clairs sur leurs buts et sur leurs missions. Ils suscitent le désir de s’identifier à eux et créer des relations inter-personnelle fortes. Ils cherchent à articuler leurs idées et à les transmettre sous forme imagée et convaincante. Les managers sont plus silencieux et plus concernés par le processus en cours, leur contrôle est efficace.
La distinction entre management et leadership permet différencier la motivation qui doit être créée, et maintenue, dans le cadre du management quotidien, et celle qui va susciter un effort exceptionnel, accompagnant une remise en question des procédures habituelles.
Les cadres capables de motiver sont ceux qui maîtrisent, peut être sans le savoir, les conceptions cognitives de la motivation. Ce faisant, ils créent une situation prévisible, et cohérente, justifiant l’adhésion de leurs subordonnés, et leur motivation, par le fait que les résultats attendus et que les récompenses qui y sont attachées sont bien attribuées à ceux qui les méritent. La nature du leadership est tout autre. Alors que le style de motivation du manager est qualifié de "transactionnel" parce qu’il est axé sur la relation entre le cadre et son personnel, le style du leader est qualifié de "transformationnel". Le leader transformationnel mobilise les ressources et les aspirations de la personne dans son ensemble. Il ne se limite pas à faire appel à un nombre limité de besoins spécifiques. Pour ce faire, il doit s’appuyer sur une culture organisationnelle forte, c’est à dire sur un système de valeurs cohérent, éventuellement concrétisé par des symboles et rituels. Le leader doit posséder trois qualités : Le désir d’avoir du pouvoir et d’être en mesure de l’utiliser, des qualités cognitives qui lui permettent de saisir les éléments critiques d’une vision organisationnelle, la capacité à articuler cette vision, c’est à dire à la présenter de manière à ceux qu’il doit motiver, y adhérent.
Sans une personnalité mobilisée par le désir d’exercer un réel pouvoir aucune vision ne sera concrétisée de manière motivante. Cependant les leaders transformationnels doivent souhaiter avoir du pouvoir, pas pour en user à leur seul profit, mais pour atteindre des objectifs dont bénéficiera l’organisation. Le leader doit savoir communiquer sa vision, de telle manière qu’elle soit comprise par ses subordonnés, et quelle devienne la cible de leur implication. Dans la plupart des cas, cela conduit à donner plus d’autonomie et d’initiative (empowerment) aux membres de l’organisation. Enfin la confiance qu’un leader inspire à ses subordonnés est une condition sine qua non de sa capacité à leur faire partager totalement sa vision.
Il ne faut pas croire que ces deux types de leadership soient inconciliables. Un cadre peut être capable d’être transformationnel et transactionnel, et d’adapter son comportement aux circonstances. Et il est possible que le fait d’adapter sa capacité à diriger de manière transformationnelle accroisse sa qualité de manager traditionnel. En outre le management transactionnel convient aux secteurs peu turbulents, alors que le management transformationnel convient aux secteurs en période de changements rapides.
Au bilan, malgré le grand nombre de recherches existantes,, il n’y a pas de tableau exhaustif des caractéristiques des managers et des leaders. Décrire un profil applicable à la détection de tous les leaders ou managers potentiels n’est pas réaliste. En revanche, il est important d’identifier le comportement susceptible de motiver dans la situation présente de l’organisation concernée, et de bien faire la différence entre management transactionnel et leadership transformationnel.

Des conduites motivantes ? Oui, mais en fonction des situations

La différence entre un profil motivant et un style motivant, c’est que le profil peut être considéré comme une donnée fondamentale de la personnalité, des compétences individuelles, des valeurs et des attitudes. Alors qu’un style peut être adopté, voire enseigné. Trois aspects ont été étudiés sur le terrain : le "laissez-faire", opposé à l’activité ; le style "autocratique", opposé au style "démocratique" ; et la participation opposée au style directif. En fait, il s’agit de groupes de dénominations rassemblés autour de termes extrêmes, et qui peuvent définis sur deux axes. Le premier oppose autoritarisme et démocratie, le second concerne le niveau d’activité du cadre.
Le "laissez-faire" se caractérise par une faible activité associée à une attitude qui se situe entre autorité et démocratie, d’une part, passivité et absence de motivation d’autre part. L’autoritarisme se caractérise par une forte autorité et une activité soutenue associée à l’exercice du pouvoir et la volonté de contrôler un maximum. La participation est caractérisée par une forte activité et une pratique égalitaire, associées à la recherche du consensus, à la volonté de déléguer, et à la considération pour autrui.
Le "laissez-faire" des cadres ne motive pas leurs subordonnés. Cependant l’activité des cadres ne doit pas nuire à une certaine liberté de leurs subordonnés. Le style autocratique est efficace sur la performance lorsqu’on considère les résultats à court terme. Les effets bénéfiques du style démocratique sont d’autant plus nets que la loyauté à l’organisation et l’implication dans le travail représentent des éléments essentiels.
Les indications de la participation sont fonction de plusieurs paramètres, liés à l’importance de la décision et à la personnalité des cadres. Nous pouvons envisager la participation aux décisions selon deux axes. Cognitif, dans la mesure où la participation peut améliorer la circulation des informations importantes. Affectifs, parce que la participation peut être perçue comme un témoignage d’estime. De plus, elle permet de faciliter l’acceptation de la décision.
Pour ce qui est de la prise de décision en groupe, les recherches montrent que les décisions d’un groupe sont meilleures que la moyenne des décisions individuelles. Cependant, elles ne sont pas meilleures que les décisions prise par le membre du groupe le plus compétent.
Sur le plan pratique, on ne peut conseiller, de manière générale et indépendante des situations, ni la participation aux décisions, ni l’utilisation d’un style directif. Les effets positifs de la participation sur la motivation sont soumis à des facteurs de contingences nombreux et divers. Ces facteurs peuvent être classés en trois catégories qui concernent :

1/ les différences qui existent entre le leader et ses subordonnées ;
2/ la nature des objectifs poursuivis ;
3/ la présence de contraintes environnementales.

Vroom et ces collaborateurs défendent l’idée que le mode de leadership le plus efficace est fonction de ce qu’exige la situation. Notamment, du fait qu’on privilégie la qualité de la décision ou la motivation des subordonnés.

Des spécificités culturelles ?

Jusqu’à présent, les contraintes de situation n’ont été envisagées que dans le contexte de la culture organisationnelle, ou des caractéristiques propres au secteur d’activité. Les valeurs culturelles sont aussi très importantes. Connaître les différences culturelles devient de plus en plus important du fait de l’internationalisation du monde du travail et du développement des multinationales. Les cadres expatriés doivent être capables de motiver des subordonnés dont la culture est fonction de leur pays d’appartenance. Les différences culturelles impactent la prise de décisions et ce qu’on attend comme comportement d’un leader. Les pratiques de management qui sont perçues comme légitime dans une culture peuvent ne pas l’être dans une autre.
Toutes les comparaisons concernant le travail ont clairement montré que deux couples de valeurs permettent de décrire les particularités culturelles. La première oppose les cultures collectivistes, centrées sur le groupe, aux cultures individualistes, centrées sur l’individu. La seconde dimension culturelle qui a une grande importance dans le monde du travail est résumée par Hofstede sous le terme de distance de pouvoir. Il s’agit de la distance psychologique entre niveaux hiérarchiques. Ces deux dimensions sont indépendantes l’une de l’autre. Il est possible de placer les pays dans quatre quadrants définis par ces dimensions. A titre d’exemple, la culture collectiviste accompagnée par une faible distance de pouvoir favorise le travail en équipe et l’égalité entre membre des groupes. Et la culture collectiviste jointe à une forte distance demande également le travail en équipe, mais avec une attitude autocratique de la part des cadres.
Au total, il faut retenir que le style d’encadrement susceptible de créer ou de stimuler la motivation dépend aussi des traits spécifiques de la culture sociale. Un style de management qui a réussi dans une culture spécifique ne réussira pas forcement d’en une autre.

 

ACTUALITÉ DE LA QUESTION
et COMMENTAIRES PERSONNELS

Le thème de la motivation dans l’entreprise suscite, depuis plusieurs décennies et encore aujourd’hui, de nombreuses discussions. La littérature sur le sujet est florissante.
A l’heure où, la compétition se joue à l’échelle mondiale, et que les entreprises atteignent des dimensions prodigieuses par le jeu des fusions-acquisitions, la motivation des salariés reste l’un des domaines privilégiés de la gestion des ressources humaines. Le "Travail" change encore, les loisirs prennent une nouvelle dimension. La multiplication des emplois de faibles durées et précaires, les cycles de travail de plus en plus flexibles, engendrent de nouvelles problématiques de la motivation des salariés. L’économie en plein essor relance le "turn-over" et pose de nombreux problèmes de main d’œuvre au sens large du terme. Stimuler la motivation d’un personnel, salarié ou temporaire, qui n’est pas rattaché à l’organisation pose un réel problème. Le niveau "scolaire" des nouveaux arrivés est de plus en plus élevé alors que les pyramides hiérarchiques s’écrasent et s’aplatissent. La décennie précédente, en proie au chômage, avait placé les individus salariés dans une position fébrile face aux organisations, la décennie 2000 redistribue les cartes et cette fois-ci inverse les rôles.

Les entreprises atteignent des dimensions prodigieuses, le nombre d’individus attachés à une même organisation augmente. La recherche de compétitivité, les besoins de se rapprocher des marchés, imposent une grande disparité géographique. En octobre dernier le rapprochement des équipementiers automobiles Faurecia et Sommer Allibert en est un exemple. Les sites de ce nouveau géant sont répartis aux quatre coins du monde, ce qui impose aux dirigeants de tenir compte des spécificités culturelles qui peuvent exister. Dans les journaux, on parle d’intégration, d’augmentation de part de marché, de nouvelles possibilités pour l’entreprise concernée. Le discours a cependant oublié un "paramètre" fondamental, les Hommes. De même, les valeurs, peut être communes, de ces deux sociétés n’ont jamais été mentionnées. Le propos est resté sur une position essentiellement financière et technique. Cependant, on a quand même pu voir, ici et là, une phrase, un paragraphe énonçant la mise en place de groupe de réflexion commun aux deux parties prenantes. L’impression est que le discours de l’organisation, du fait de la taille de ces mastodontes de l’industrie, s’éloigne des Hommes et ne peut appréhender une telle complexité. L’intéressement du personnel aux résultats est en passe, dans ce type de société, de devenir une "obligation" d’actualité. Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer un salarié, au fin fond d’une usine au Brésil, motivé dans sa tâche au quotidien, par les résultats d’une entreprise qu’il n’est pas capable d’appréhender et pour lesquelles sa participation est infinitésimale. Pourtant, le modèle d’Adams concernant l’équité permet de poser l’interrogation suivante : "De nombreuses organisations utilisent ce type d’intéressement, est-ce que si nous ne le pratiquons pas, les salariés de notre entreprise ne vont pas trouver cela injuste et inéquitable par rapport à leur environnement ?". En outre, si la pratique est en place, elle aura sans doute, beaucoup plus de chance d’avoir une influence sur la satisfaction que sur la motivation au quotidien. Alors la motivation stimulée par l’intéressement aux résultats dans une multinationale, rêve ou réalité ? Ce propos est tout de même à modérer, en prenant comme postulat que la motivation est stimulée par le fait d’avoir une influence sur ses résultats, et que les récompenses soient associées en conséquence de ces derniers. Ainsi, l’intéressement aux résultats aura sans doute un effet "motivateur" sur les couches les plus hautes de la hiérarchie, sur les individus qui pilotent l’entreprise et qui peuvent constater directement les résultats de leurs décisions.

Dans notre société de consommation, avec une économie en plein essor, les loisirs prennent une place très importante. L’Automobile voit l’émergence des véhicules de loisirs, les sports de "glisse" progressent tous les ans, désormais il est possible de travailler pour vivre ses loisirs. Les entreprises se sont adaptées, et intègrent ce paramètre dans leur gestion du temps. La réduction du temps de travail permet, comme chez "Nouvelles frontières", jusqu’à 53 jours de congés annuels. Chez "Bouygues", au siège de Saint-Quentin-en-Yvelines, chacun peut se rendre au gymnase de la société pour se détendre. Deux phénomènes, sont observables. D’un coté les loisirs se multiplient et le temps pour s’y adonner augmente, de l’autre la frontière entre vie privée et vie professionnelle s’estompe. Le travail n’est plus seulement cantonné dans une plage horaire et un endroit déterminé. Ceci implique d’être "intéressé" par son travail. Les emplois sont de plus en plus complexes, ils présentent un contenu de plus en plus riche. Les différences individuelles, font que cette richesse stimulera chez certaines personnes la motivation. Par contre, elle provoquera chez d’autres soit la démotivation soit le besoin de s’échapper par les "Loisirs". Alors, que peut-on faire pour stimuler la motivation ? "Un collaborateur heureux travaille mieux, et tout le monde est gagnant à l’arrivée", c’est à partir de ce constat que le patron de ISA, une SSII de deux cents salariés, bâtit sa politique de ressources humaines. Ce constat est sans doute vrai aujourd’hui, mais il était aussi valable il y a dix ans, alors pourquoi est-ce d’actualité ? Peut être, parce qu’il y a dix ans la conjoncture provoquait chez les individus la peur d’être parmi les trois millions de chômeurs. Les dirigeants n’avaient pas forcément le souci de garder leur ressource vitale : "Le personnel". Aujourd’hui le turn-over s’est accentué et pour pouvoir garder ses salariés, les dirigeants déploient des trésors d’imaginations et le font savoir par les médias. Le phénomène de la démultiplication des avantages prend une telle ampleur qu’il se banalise. L’impression est qu’il ne stimule pas la motivation mais augmente, encore une fois, la satisfaction.
La réduction du temps de travail associée à une conjoncture favorable provoque le besoin d’une augmentation de la polyvalence des salariés dans les entreprises. Ces dernières réduisent ainsi les risques dus au "turn-over" important et minimisent les incertitudes. Cette polyvalence aura sans doute un effet positif sur la motivation à condition qu’elle ne soit pas interprétée, par les individus, comme une charge supplémentaire sans contreparties.

La multiplication des emplois de faibles durées, précaires et les cycles de travail de plus en plus flexibles, engendrent de nouvelles problématiques de la motivation des salariés. Nous avons cherché et trouvé les moyens de disposer d’une main d’œuvre flexible, ce qui à développé "l’intérim". Stimuler la motivation de cette population est très difficile pour les managers. En effet, il est difficile de provoquer la motivation d’un personnel qui n’est pas forcement impliqué au niveau des résultats de l’organisation. De nombreux stages pour manager avec efficacité et augmenter la motivation se sont développés, mais ils ne différencient pas forcement les populations. Il ne traite que rarement de l’intégration et du développement de l’implication du personnel temporaire. De plus, ce personnel n’étant présent que provisoirement, le manager lui-même ne s’implique pas forcement dans son intégration. Le discours tenu est en général simpliste : "Pourquoi perdre du temps, cette personne ne sera plus là demain". Au bilan, pour stimuler la motivation du personnel, un "bon" manager doit être capable de prendre en compte les différences inhérentes à chaque population. Les moyens seront, par contre, différents. Motiver ses salariés est un art subtil.

Le niveau scolaire est de plus en plus élevé et les interfaces entre le monde professionnel et scolaire sont de plus en plus nombreuses. Les technologies évoluent rapidement ce qui rend très souvent obsolète les enseignements à l’entrée dans la vie active. La capacité d’apprentissage et les traits de personnalité deviennent donc une composante importante dans le recrutement des individus. Les salariés sont de plus en plus exigeants, la signification des activités prend une place importante dans les explications données par le manager à ses subordonnées. La distance "intellectuelle" entre ces derniers est de plus en plus courte. Les managers doivent être reconnus et avoir des qualités intrinsèques tel que l’énergie, l’ambition, l’intégrité, la confiance en soi, le contrôle émotionnel, des qualités cognitives qui sont utiles pour traiter une grande quantité d’informations... De ce fait, ils seront sans doute capables de stimuler la motivation.

Au bilan, la motivation des salariés reste au cœur des préoccupations malgré les changements. Mais nous aurons beau avoir des systèmes de plus en plus sophistiqués et complexes, nous aurons pour l’instant toujours des Hommes pour les maintenir. Par conséquent notre compétitivité passera encore pendant de nombreuses années par la motivation des salariés. Quand serons-nous capable d’appréhender toutes les facettes de ce thème complexe, qu’est la motivation ?

 

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