LES FICHES DE LECTURE  de la Chaire D.S.O.

Joseph NONGA HONLA
ORGANISATION C1
1999-2000

Jean-Louis LE MOIGNE

"LA MODÉLISATION DES SYSTÈMES COMPLEXES"

 

SOMMAIRE

1. L'auteur *
2. La question posée *
3. Actualité de la question *
4. Critique *
5. Résumé *

 

 

1) L'auteur

Jean-Louis Le Moigne est professeur de sciences des systèmes à l'université d'Aix-Marseille III (Groupe de Recherche en Analyse de Systèmes et Calcul Economique, CNRS 935). Ingénieur ECP, après douze années de pratique dans un grand groupe industriel français et une année sabbatique au MIT et à Harvard (1971), il se consacre à l'enseignement et à la recherche dans le domaine des "nouvelles sciences" : science de la décision, systèmes d'information, sciences de l'organisation, intelligence artificielle et systémique

Il est membre de comités de rédaction de plusieurs revues internationales, auteur ou coauteur de 10 ouvrages et d'une quarantaine d'articles, et membre de la commission Diderot. Parmi les ouvrages on peut noter :

 

2) La question posée

La question posée par l'auteur est de savoir si l'on peut avec des modèles analytiques résoudre des problèmes réellement complexes. Pour traiter cette question, l'auteur commence par distinguer ce qu'est la complexité et ce qu’est la complication. Il part de deux postulats :

Ensuite, il définit ce qu'est la modélisation. Il introduit la notion d'intelligibilité qui n'a pas la même signification pour un système compliqué (explication) que dans un système complexe (compréhension). La base de son argumentaire est la citation de Paul VALERY : "nous ne raisonnons que sur des modèles". L’auteur montre comment face à un problème, nous élaborons les modèles sur lesquels nous allons raisonner. Les modèles utilisés sont généralement des modèles analytiques. Il critique les tenants de l’école analytique qui avec leurs modèles, essaient souvent d’adapter le problème posé aux modèles disponibles plutôt que de chercher des modèles de substitution répondant le mieux au problème. L’utilisation des modèles analytiques nécessitent une simplification du phénomène étudié, donc un découpage ou une division. Or, pour qu’elle soit toujours faite de façon judicieuse, il faut que chacun de nous naissent à sachant analyser. Ce qui est loin d’être le cas. Il nuance néanmoins son propos en mettant en avant le fait que face à un problème complexe, un modèle analytique peut contribuer à orienter le chercheur vers des solutions acceptables.

Il présente la modélisation systémique qui va permettre de combler les lacunes de la modélisation analytique telles que la fermeture du modèle, donc le raisonnement sur un seul critère. Il part de l’hypothèse que pour aborder une situation complexe, il faut changer de registre. Il faut passer du registre de la recension des connaissances disciplinées à celui des méthodes d’enrichissement des connaissances actives. Il la présente sous un angle historique et en profite pour indiquer sur quel registre sémantique elle repose. En l'opposant au registre sémantique propre à la modélisation analytique, il critique notre système éducatif qui n'apprend qu'à raisonner sur des problèmes mono-critères donc des systèmes fermés; par extension on n'apprend pas à passer à d'un registre à l'autre en fonction de la situation. Cette paresse intellectuelle a pour conséquence l'utilisation quasi systématique de modèles analytiques dans des organisations complexes. Cette situation qui est selon lui une conséquence de la "dictature" des méthodes analytiques et cartésiennes. Une "dictature" qui a duré pendant plusieurs siècles.

Dans la présentation qu'il fait des méthodes classiques de modélisation, il met en lumière leurs échecs. Tout au long de l'exposé, à travers des exemples, des points de repère historiques, des paraboles il montre les limites de ces modèles au fil du temps. La modélisation systémique de la complexité va se construire au fil de l'ouvrage en fonction des apports de penseurs tels que Piaget qui ne se satisfont pas des modèles analytiques. A chaque nouvel apport est associé un modèle canonique qui représente le nouveau système.

Pour l’auteur, modéliser un système complexe c’est d’abord modéliser un système d’actions. La modélisation de l’action complexe se caractérise par la notion générale de processus qui se définit par son exercice et son résultat. Il représente le processus par trois fonctions : la fonction de transfert temporel, les fonctions de transformation morphologique et de transfert spatial. Il propose un modèle à neuf niveaux d’un système complexe et montre comment on peut passer par l’Action d’un niveau à l’autre.

Il émet l’hypothèse selon laquelle la formulation de problèmes = la formulation de projets. En effet pour lui, en modélisation systémique la tâche la plus importante du modélisateur n’est pas de résoudre le problème posé, mais de résoudre d’abord le problème qui consiste à poser le problème. Cela revient à dire qu’il doit définir les projets (finalités) du système de modélisation sur le phénomène considéré.

Il introduit aussi le concept d’organisation qui est pour lui une propriété des systèmes complexes. Il exprime la dualité de l’action et de ses résultats. Il montre que l’organisation est active, s’auto-organise et qu’elle est dépendante et solidaire de l’environnement. L’organisation réagit aussi en fonction de l’Information. L’Information est une configuration stable de symboles. Le symbole est à la fois Signe et Signifié.

Pour contribuer à l’intelligibilité d’une organisation complexe, le modèle de SHANNON va constituer une sorte de schéma de référence à partir duquel divers modèles de l’Information organisante et autonomisante vont pouvoir être formulés et utilement interprétés. L’Information permet à l’organisation d’adapter son comportement à chaque instant par régulation, se transformer, se rééquilibrer afin d’être en osmose avec l’environnement. Donc, l’Information donne lieu à un processus d’ajustement permanent de l’organisation par les canaux (on dit que le système s’adapte par accommodation) et les codes (on dit que le système s’adapte par assimilation) de communication par rapport à un projet. Pour représenter l’organisation, il propose un modèle constitué de :

En modélisation systémique, les concepts d’organisation et de d’Information sont étroitement liés.

Les processus de décision en modélisation systémique sont essentiels. Le travail de H.A. SIMON est essentiel dans ce domaine ; il montre que le processus de décision est un système de traitement de l’information (STI) séquentiel et projectif (qui a des projets). L’auteur reprend  les hypothèses de SIMON :

C’est à partir de ces hypothèses que le modèle de la décision a été élaborée. Il se compose du :

L’auteur à la fin de la présentation présente deux types de raisonnements : l’heuristique et l’algorithme. Il recommande l’utilisation du premier car il s’agit d’un raisonnement par tâtonnement que l’on tient pour plausible alors que la convergence de l’autre a été formellement démontrée à l’avance. Pour compléter la terminologie relative à la modélisation systémique, il recommande comme le propose SIMON l’utilisation de "satisfying" (satisfaisant ) pour qualifier une solution à un problème complexe. Cette utilisation se justifie par le fait qu’elle est satisfaisante et non optimale pour tous les critères. Il va poser le problème de l’évaluation de la décision. Parlera-t-on de l’efficacité ou de l’effectivité d’une décision ? Il montre qu’avec l’efficacité on raisonnerait sur un seul critère qui est le rapport entre les ressources consommées et les ressources produites. Avec l’effectivité, on raisonnerait sur plusieurs critères qui sont les finalités du systèmes. Par conséquent, c’est l’effectivité qui est adapté aux systèmes complexes.

Par rapport à la question initiale, il apparaît clairement que les modèles analytiques ne sont pas adaptés aux problèmes complexes. Seule la démarche systémique permet d’arriver à des solutions satisfaisantes mais qui ne peuvent être optimales pour tous les critères d’un problème. Mais la démarche est compliquée.

 

3) Actualité de la question

La question de la modélisation des systèmes complexes est parfaitement d’actualité. Elle l’est d’autant plus que de nombreux problèmes se posent aujourd’hui à travers la mondialisation de l’économie, l’urbanisation, les nouvelles technologies, la délinquance des jeunes, le sida et autres. Ces problèmes sont d’une extrême complexité. Or, notre cadre de référence est celui de la modélisation analytique ou encore de la logique cartésienne.

Combien de plans élaborés pour résorber le déficit de la sécurité sociale ? Combien de plans lancés pour résoudre les problèmes des banlieues ? Combien de plans élaborés pour réduire la pauvreté ? On se rend compte que malgré l’injection de dizaines de milliards de francs, ces problèmes demeurent.

Ceux qui sont chargés d’étudier ces problèmes sont généralement des personnes issues des grands corps de l’Etat. Pour y accéder, il faut passer en principe par les grandes écoles. L’admission à ces grandes écoles nécessitent un passage par les classes préparatoires dans lesquelles les mathématiques et les matières scientifiques dominent. Comme le montre fort justement J.L. Le MOIGNE dans son ouvrage, le système éducatif n’enseigne que les modèles analytiques. Il est vrai que ceux-ci peuvent être plus facilement enseignés que les modèles systémiques. Donc ces personnes transposent aux problèmes complexes des modèles fermés, déterministes plus adaptés aux problèmes compliqués. La longue domination de l’école cartésienne a fait qu’on n’a pas appris aux élèves cette gymnastique intellectuelle qui consiste à passer d’un registre à un autre pour s’adapter soit à une situation de complexité soit à une situation de complication.

Jean Staume dans un excellent article intitulé "ce que la science apprend aux managers" montre que "face aux incertitudes externes (un nouveau concurrent), un choc boursier, une loi sur les 35 heures), le schéma de pensée – classique, rationnel et déterministe qui enseigne de bâtir des scénarios pour réagir aux évènements est périmé". Pour lui, le bon dirigeant est celui qui sait gérer l’incertitude et non pas celui qui chercher à l’éliminer. De la même façon on peut noter l’aspect caduques des schémas des consultants qui disent qu’en cernant les acteurs, les forces en présence et les positions concurrentielles de chacun on peut déduire la façon dont va se dérouler la bataille.

A l’inverse, la Twingo de Renault n’aurait jamais dû voir le jour. Son système expert qui mouline quantité de variables et valide les lancements de modèles avait conclu que cette voiture atypique ne devait pas exister. Manifestement, on a pris en compte l’acteur dans la résolution de problème qui peut être qualifié de complexe. En effet, le modèle a été ouvert (la notion de conjonction dont parle J.L. Le MOIGNE a été intégrée) puisque la décision a été prise pour qu’elle soit lancée malgré tout avec le succès que l’on sait. Des êtres humains (des dirigeants) ont senti contrairement au système expert, que ce modèle pouvait avoir du succès. Une décision a priori irrationnelle a conduit au succès. Cet exemple montre le danger qu’il peut y avoir à ne raisonner que sur un modèle analytique. Il valide le théorème de Gödel (1931) qui démontre que tout système formel bâti sur l’arithmétique, la logique (la comptabilité, la prévision…) est par construction incomplet. Tout système logique, toute formalisation construits par un être humain sont imparfaits.

L’instinct, les sensations, les sentiments et l’intelligence émotionnelle dont on parle tant ne peuvent être vraiment représentés par des algorithmes. Donc comme le dit E. MORIN, il faut inclure l’acteur dans l’action.

 

 

4) Critique

C’est un ouvrage très intéressant qui donne un éclairage nouveau sur la modélisation. Il donne de façon compréhensible les éléments (termes, concepts, et démarches) d’aide au raisonnement destiné à modéliser les systèmes complexes. Je pense que l’auteur a eu une louable volonté de rendre son discours accessible, compréhensible par tous. Pour cela, il fait beaucoup référence à l’histoire, aux penseurs de ce siècle et des siècles précédents. Le lecteur a par moment tendance à se noyer dans ces détails. C’est vrai que l’évocation des travaux de certains écrivains et certaines de leurs citations contribuent beaucoup à comprendre certains concepts comme E. MORIN sur l’Organisation. De plus, j’ai souvent eu l’impression qu’il se répétait.

L’opposition modélisation analytique / modélisation systémique telle que présentée au début de l’ouvrage, pouvait laisser croire qu’il n’y avait pas de rigueur scientifique dans la démarche systémique. En effet, la modélisation analytique provient des apports des sciences et techniques : la recherche opérationnelle, la cybernétique, les techniques de traitement du signal et les sciences de la décision. La démarche systémique telle que présentée dans l’ouvrage permet de retrouver aussi cette rigueur scientifique. On retrouve des hypothèses d’étude, la discussion, un modèle associé qui en découle et des conclusions.

 

 

5) Résumé

Un système complexe est par définition un système que l’on tient pour irréductible à un modèle fini quelle que soit sa taille, le nombre de ses composants, l’intensité de leur interaction. Pour un observateur, il est complexe parce qu’il tient pour certain l’imprévisibilité potentielle des comportements. La complexité est une propriété attribuée au phénomène observé par l’acteur du fait des représentations qu’il s’en fait. Or le phénomène peut juste s’avérer compliqué, juste compliqué puisque déterminé et réductible à un modèle unique et complètement calculable. Mais si les systèmes complexes ne peuvent être réduits à des modèles explicatifs, ils n’en sont pas moins compréhensibles.

On peut construire des modèles eux-mêmes potentiellement complexes. Des constructions symboliques à l’aide desquelles nous pouvons raisonner des projets d’actions au sein de ces systèmes complexes, en anticipant par délibération leurs conséquences. En essayant d’appliquer au complexe la simplification du compliqué, on aggrave la complexité par mutilation sans pour autant résoudre le problème considéré. Ainsi, la modélisation analytique à travers les modèles de résolution de problèmes compliqués que les mathématiques et les statistiques de la décision et autres proposent de traiter, impliquent la fermeture des systèmes. Ces modèles conduisent souvent à des méthodes à la recherche d’un problème qui leur convienne tandis que la modélisation des systèmes complexes contemporains est à la recherche de méthodes qui leur conviennent.

Les méthodes de modélisation systémique ont commencé à se développer en 1945 au sein des sciences de l’ingénierie. Ces méthodes requièrent un changement de "registre" pour qui pratique déjà la modélisation analytique, afin de disposer de concepts plus adaptés à la modélisation systémique.

Les deux registres de la modélisation

 

Aux concepts familiers de la modélisation ANALYTIQUE

Ne...
peut-on substituer... 

Les concepts adaptés à la modélisation SYSTEMIQUE

 

Objet

 

Projet ou Processus

Elément  Unité active
Ensemble  Système
Analyse  Conception
Disjonction  Conjonction
(ou découpe) (ou articulation)
Structure  Organisation
Optimisation  Adéquation
Contrôle  Intelligence
Efficacité  Effectivité
Application  Projection
Evidence  Pertinence
Explication causale Compréhension
Téléologique

Le tableau ci-dessous résume l’opposition entre un système compliqué et un système complexe quant à leur intelligibilité.

Pour COMPRENDRE ...
et donc pour donner du sens à


un SYSTEME COMPLIQUE

on peut le
SIMPLIFIER
pour découvrir son
INTELLIGIBILITE
(explication)

 
un SYSTEME COMPLEXE

on doit le
MODELISER
pour construire son
INTELLIGIBILITE
(compréhension)

La modélisation consiste à la fois à identifier et formuler quelques problèmes en construisant des modèles et cherche à résoudre ces problèmes en raisonnant par des simulations. En fait, produire des modèles solutions à partir du modèle-énoncé. Ainsi, le modèle est la représentation artificielle que "l’on construit dans sa tête" et que l’on "dessine" sur un support physique. C’est un système de symboles qui agence des symboles c’est-à-dire des signes qui sont à la fois signifiés (ils ont un sens pour qui les émet) et signifiants (ils ont un sens pour qui les reçoit). On dénombre deux méthodes classiques de modélisation :

Dans la pratique, cette méthode montre souvent ses limites. Elle suppose que chacun naît en sachant analyser; donc chacun pourra judicieusement découper un phénomène pour l’étudier en appliquant des modèles existants. Or en réduisant ou en simplifiant le système, on n’est pas certain de ne rien oublier puisqu’on ferme le modèle.

Les méthodes de modélisation analytique se sont beaucoup référées aux épistémologies positivistes pour lesquelles "tout est donné" par la réalité des objets étudiés. La remise en question de la domination de ces épistémologies et la prise de conscience de leurs limites cognitives ont conduit Jean Piaget à conceptualiser les bases contemporaines des épistémologies constructivistes. Pour elles, la connaissance est construite par le modélisateur qui en a le projet, dans ses interactions permanentes avec les phénomènes qu’il perçoit et qu’il conçoit. Ce processus de construction de connaissance active est au cœur du processus de modélisation des phénomènes ou des systèmes perçus complexes.

Les références épistémologiques ont donné lieu à une nouvelle définition d’un système complexe. C’est un système construit par l’observateur qui s’y intéresse. La complexité étant représenté par un enchevêtrement d’interactions en inter-relations ; le système est représenté comme un enchevêtrement intelligible et finalisé d’actions interdépendantes.

Par la suite est apparu la systémographie qui est la modélisation pour un système général. Le raisonnement utilisé est emprunté à la photographie. On construit des modèles d’un phénomène perçu comme complexe, en le représentant délibérément comme et par un système général. On voit alors apparaître les corrections apportées à la méthode analytique par la méthodologie. Dans la systémographie, il y a trois phases :

 

La logique de la modélisation systémique

La méthode analytique et la logique disjonctive ont toujours été associées. Cette logique exige que le signe puisse être séparé, disjoint de la séparation qu’il exprime. Leur lien s’exprime aussi par le fait que les résultats du découpage doivent être définitivement distingués et séparés. Il se réfèrent à 3 axiomes :

  1. l'axiome d'identité : c'est-à-dire ce qui est, est :"A est A"
  2. l'axiome de non-contradiction : rien ne peut à la fois être et ne pas être c'est-à-dire B ne peut à la fois être A et A (Ā: non A)
  3. l'axiome du tiers exclu : toute chose doit ou être ou ne pas être c'est-à-dire B est ou A ou A.

Par contre, la modélisation systémique est toujours associée à la logique conjonctive puisque cette logique permet de rendre compte des phénomènes que nous percevons dans et par leurs conjonctions complexes. La modélisation systémique se réfère à trois concepts :

Cet axiomatique de la logique conjonctive est nécessaire pour argumenter l’instrumentation de la modélisation systémique. Elle s’établit par la construction de la forme canonique du système général que l’on retrouve dans la systémographie. Le concept de Système Général s’est dégagé par la conjonction de deux concepts supports de procédures modélisatrices : la procédure cybernétique et la procédure structuraliste.

La procédure cybernétique est fondée sur la conjonction des concepts d’Environnement Actif et de Projet ou Téléologie. La Boîte Noire est le modèle qui la caractérise. La procédure structuraliste est fondée sur la conjonction de concepts de fonctionnement (synchronique) et de transformation (diachronique). Le modèle qui le caractérise est la forme qui en fonctionnant se transforme, et en se transformant assure quelques fonctions. Ainsi le système Général se décrit par une action (un enchevêtrement d’actions) dans un environnement (tapissé de processus) pour quelques projets (finalités, téléologie) fonctionnant (faisant) et se transformant comme l’indique le schéma ci-dessous :

 

La modélisation projective de l’action complexe

Le concept de base de la Modélisation Systémique (M. S.) est l’action. Elle part de la question "qu’est-ce ça fait ?" par opposition à la modélisation analytique qui part de la question "de quoi c’est fait". La caractérisation d’une action passe par la notion de processus. Celui-ci est la conjonction d’un transfert temporel (déplacement dans un espace) et d’une transformation temporelle (modification de la morphologie). Ainsi, tout système complexe peut être représenté par un système d’actions multiples ou par un processus qui peut être un enchevêtrement de processus. La complexité du système modélisé va se faire par inter-relation des N processeurs (un processeur représente un processus) préalablement identifiés pour les fonctions composées que chacun assure. Le nombre d’inter-relations va constituer le nombre de comportements possibles du système que l’on appelle aussi la Variété du système. Aussi, il est important de repérer les inter-relations dites de "bouclage" notamment les relations de feed-back informationnel qui apportent à un processeur amont des informations sur le comportement éventuellement induit dans un processeur aval. C’est la trame constitué par tous les processeurs reliés en inter-relations qui va représenter le réseau du système.

Dès lors que le nombre de processeurs considérés est élevé, on observe que la matrice structurale du système a une structure quasi-décomposable. On peut alors le représenter en sous-systèmes ou niveaux en identifiant soigneusement les inter-relations de couplage entre les niveaux.

Modèle archétype de l’articulation d’un système en neuf niveaux :

Pour modéliser, le modélisateur doit expliciter ses projets de modélisation par la projectivité du système c’est-à-dire par la construction des projets du système, ses finalités.

 

L’organisation propriété des systèmes complexes

Le concept d’Organisation Active ou d’Organis-action (E. Morin) ou d’Unité Active (F. Perroux) est le concept central à l’aide duquel on va expliciter le complexe de projets. Complexe par lequel on reconnaît le système complexe. Le modèle canonique de l’organisa(c)tion est la conjonction de trois actions T, E , F archétype. L’organisation décrit la propriété d’un système en général capable à la fois :

L’organisation ne doit pas être confondue avec la structure (squelette, ossature). L’organisation n’est pas un objet : elle exprime à la fois l’action, l’acteur et la transformation temporelle de l’acteur. Pendant deux siècles environ, le concept de structure a dominé par le biais de la modélisation analytique qui en est à la base et par sa puissance d’intelligibilité car décrire la structure d’un phénomène c’est créer les conditions de sa maîtrise.

Le développement du concept d’organisation va offrir une nouvelle palette de concepts permettant de rendre compte de la complexité des systèmes de modélisation. Il s’agit des concepts d’information et de symbole, de computation et de communication, de mémorisation et d’intelligence, de décision et de projet.

L’hypothèse selon laquelle système complexe = système autonome = système intelligent a conduit à la représentation de l’autonomisation de l’organisation par un Système de Traitement d’Information dont le modèle canonique représente la conjonction de trois composantes fondamentales :

Lire et

 

Ecrire

Déplacer

Comparer

Agréger 

Copier

Effacer

Désagréger

Et

 

Stocker …

Couplage  computation  mémorisation

Ce modèle ne définit pas les conditions de ses couplages dans l’organisation active. Par contre le modèle canonique Opération – Information – Décision (O. I. D.) va permettre d’y remédier. Dans ce modèle tout se passe comme si toute action (Trans-action, Rétro-action) s’accompagnait nécessairement de l’émission conjointe de sa représentation spécifique par des symboles, par des compositions de symboles. On convient de le représenter par :

Le modèle alternatif au modèle représenté par l’organisation Système de Traitement d’Informations a conduit à la redéfinition d’un cadre théorique. Celle-ci a permis de créer un nouveau modèle dit Inforgétique de l’organisation qui est une grille de lecture, un outil de diagnostic commode et pertinent pour le modélisateur intervenant au sein d’un système complexe :

Le modèle Inforgétique de l’organisation

S. Décision

Comprendre

Finaliser

Concevoir

S. d’information

Computer

Mémoriser

Communiquer

S. d’opérations

Produire

Maintenir

Relier

Le système d’organisation

ECO

Synchronique

AUTO

Autonomisant

RE

diachronique

L’information in-forme l’organisation qui la forme : la symbolisations des opérations complexes.

Le système complexe est un système finalisant, qui s’informe et qui mémorise. L’organisation de l’information par un STI suppose de considérer l’information comme une organisation, organisée et organisante, capable de se reproduire par computation et mémorisation symboliques. La correspondance Information – Organisation permet de dire que l’information informe l’organisation organisée, laquelle organisante, organise la formation de l’information ainsi formée puis on boucle.

Le développement de la modélisation des systèmes complexes a longtemps été handicapé par l’absence de véritable définition de des concepts d’Information et de Symbole. Le modèle canonique de l’Information et du Symbole va permettre de changer les choses. Ainsi, l’Information est une composition de formes ou une configuration stable de symboles. Le Symbole est quant à lui un opérateur assurant les fonctions de désignation et de production de symboles. Il s’exprime par la conjonction d’un signe capable d’être à la fois Signifié et Signifiant.

L’information n’est intelligible que dans le contexte de sa communication entre deux systèmes émetteurs et récepteurs eux-mêmes inséparables du système de communication qui les conjoint. Par la conjonction Information –Organisation, on pourra décrire l’adaptation d’une organisation complexe par la conjonction de deux processus différenciables que J. Piaget appelle l’Accomodation et l’Assimilation. Pour accomoder, le système joue sur ses canaux de communication et pour assimiler le système joue sur ses codes informations. L’Accomodation propose de résoudre un problème supposé posé ; et l’Assimilation propose de poser différemment le problème à résoudre, en identifiant les caractéristiques assimilables.

 

Les processus de décisions des systèmes complexes

Les modèles analytiques de la décision n’éclairent pas la décision en situation complexe. Ils ignorent l'intelligence, l'imagination , la ruse raisonnée qui est souvent mise en œuvre dans la pratique notamment en situation complexe. Ils tiennent pour indécidables toute situation pour laquelle on ne dispose pas d’algorithme de calcul permettant de déterminer la bonne décision. La modélisation systémique propose de considérer la décision comme un processus de traitement d’information séquentiel et projectif se développant au sein de l’organisation complexe dont il n’est pas séparable.

La décision est intelligence c’est-à-dire le processus d’identification – formulation de problèmes peut se représenter par un processus de décision : la compréhension projective d’une situation.

La conjonction des deux hypothèses permet de modéliser les processus de décision de façon générale par la modélisation des processus cognitifs de résolution de problèmes. Ainsi, la décision peut être représentée par la conjonction récursive de trois sous-systèmes stables. Chacun pouvant être représenté par un système de décision :

L'intelligence est le processus par lequel le problème décisionnel est construit. C'est un exercice de formulation de problèmes par repérages non satisfaisantes qui permettra de les comprendre.

C'est le processus par lequel le système élabore (ou conçoit) les plans d'actions intentionnels ou les stratégies possibles par lesquels il projette de résoudre le problème formulé dans le processus de l'Intelligence décisionnelle. Les heuristiques (raisonnements par tâtonnement, par analogie ou les raisonnements dits rusés) et les algorithmes (raisonnements formalisés de résolution de problèmes) constituent les raisonnements formalisables mis en oeuvre en résolution de problèmes.

C'est le processus par lequel le système compare l'évaluation des plans d'actions élaborés lors du processus de conception. Cette comparaison peut prendre des formes type suivantes :
1) la décision arrêtée : la comparaison des évaluations de l'effectivité des solutions élaborées conduit à retenir une décision préférée qui sera la décision arrêtée.
2) la décision de s'informer : la comparaison des effectivités de solutions élaborées dont aucune ne se détache
3) la décision de se re-finaliser : c'est le processus par lequel on reformule un problème alors qu'on n'a pas trouvé de solutions satisfaisantes. 

Les notions s'efficacité et d'effectivité sont liés à celui de la décision; l'efficacité étant un concept mono-critère pertinent en situation fermée et très structurée. L'effectivité s'évalue par un vecteur multidimensionnel rapportant le comportement d'un système à ses finalités.

La modélisation systémique peut être représentée comme et par un système d'action intelligente. Elle s'exprime comme et par une stratégie. Le paradigme de la modélisation de la complexité constitue le cadre conceptuel au sein duquel peut se développer la stratégie intelligente. Dans ce paradigme, le système complexe se décrit par son organisation projective en niveaux, chaque niveau assurant la conjonction des fonctions transformation récursive, d'auto-production et d'auto-maintenance et d'auto-relation.

 

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