LES FICHES DE LECTURE  de la Chaire D.S.O.

Séminaire " éthique et ressources humaines "
CNAM - DEA Développement des ressources humaines, 2002-2003
M Yvon Pesqueux, et Mme Maria Bonnafous-Boucher.
Anne de Longueville

F.A. HAYEK

LA PRÉSOMPTION FATALE
" Les erreurs du socialisme "

(traduction française de Raoul Audouin, PUF, 1993)

 

Sommaire :

A- Présentation de l'auteur
1- Biographie
2- Œuvre
3- Contexte et objectifs de Le présomption fatale

B- Hypothèses et postulats
1- Postulats
2- Principe

C- Mode de démonstration
1- Critique du socialisme par les effets
2- La négation de la liberté et de la propriété dans un régime socialiste
3- L'erreur du socialisme : une erreur intellectuelle

D- Résumé de l'œuvre
Introduction
1- Entre l'instinct et la raison
2- Les origines de la liberté, de la propriété et de la justice
3- L'évolution du marché : commerce et civilisation
4- La révolte de l'instinct et de la raison
5- La vanité fatale
6- Le monde mystérieux du commerce et de la monnaie
7- Notre langage empoisonné
8- L'ordre étendu et la croissance de la population
9- La religion et les gardiens de la tradition

E- bibliographie

 

" Le gouvernement n'est nécessaire
Que pour faire respecter ces règles abstraites,
Et depuis là pour protéger l'individu
Contre la coercition ou l'invasion
De sa sphère libre
Par les autres. " (1)

(1) Hayek, La présomption fatale, page 88

PRÉSENTATION DE L'AUTEUR

1- Biographie

F.A. Hayek est né le 08 mai 1899 à Vienne, mort à Fribourg-en-Brisgau (Allemagne Fédérale) le 23 mars 1992. Il poursuivit ses études à Vienne, et obtint deux doctorats : en droit et en sciences politiques. Puis reçu le prix Nobel de Science Economique en 1974.
Il s'engagea comme expert à l'institut autrichien de recherche économique, sous la direction du représentant de l'école autrichienne d'économie, Ludwig Von Mises ; qui l'influencera longtemps.
En 1931, il fut nommé professeur à la London School of Economics. Dés lors il fit la connaissance de Keynes, dont il devint, à la fois l'ami et le fervent combattant de ses idées.
En 1947, il fonde la Société du Mont-Pèlerin ; et en 1950 il rejoignit l'Université de Chicago comme professeur de Sciences morales et sociales.
En 1967, il devint professeur honoraire à l'université Albert-Ludwig de Fribourg-en-Brisgau.
Il fut également 'Professor Emeritus' de l'Université de Chicago, membre de la British Academy et de plusieurs autres universités.

" Hayek est beaucoup plus qu'un économiste : c'est un des grands maîtres de la philosophie sociale et politique du XX° siècle "(2)

(2) Philippe Nemo, dans 'Hayek par P. Nemo', document internet, site Catallaxia

2- Ses œuvres

La bibliographie d'Hayek compte plus de deux cents numéros, dont une vingtaine de livres, parmi lesquels :
-Monetary Theory and the Trade Cycle, 1929
-Prix et production, 1931 (traduction française Calmann-Lévy)
-Profits, Interest and Investment,1939
-The Pure Theory of Capital, 1941
-La route de la servitude, 1944 (1°traduction française Librairie de Médicis, Paris, en 1946)
-Individualism and Economic Order, 1948
-The Constitution of Liberty, 1960
-Studies in Philosophy, Politics, Economics and the history of Ideas, 1967, revues et développées dans News Studies, 1978
-Droit, legislation et liberté, de 1973 à 1979
-The Fatal Conceit, 1988

3- Contexte et objectif de La présomption fatale

La présomption fatale est la dernière œuvre de F.A. Hayek, elle est restée pendant 10 ans en chantier.
Hayek lutta contre le socialisme tout au long de sa vie, et cela à travers une grande partie de ses œuvres, comme La route de la servitude, où il montre que la socialisation de l'économie ne peut que déboucher sur la suppression totale des libertés, et donc que le socialisme est incompatible avec le principe même de la démocratie.
Dans cette dernière œuvre, Hayek engage une nouvelle critique du socialisme en le présentant comme une " fatale erreur intellectuelle ".

HYPOTHÈSES ET POSTULATS


1- Postulats

a - Ethique
Selon Hayek notre civilisation repose sur un système complexe de règles de morale et de conduite. Ces règles sont indispensables à notre survie, bien qu'elles ne soient souvent pas appréciées par les hommes. En effet, ces règles ne résultent pas d'une décision humaine, elles sont corrélatives à l'évolution de l'ordre étendu et l'individu ne peut s'opposer à elles. Elles découlent de l'évolution et du changement de la société, c'est pourquoi elles sont incontournables, et nul ne peut y déroger s'il veut survivre dans la société. (Ici est sous-entendu le principe hayekien que nous déterminerons ensuite).

b - Epistémologique
L'information, dans les économies ayant dépassé le stade primitif et tribal, est toujours dispersée (3) :
-Le postulat sous-jacent est une vision du monde bien éloignée de celle d'un tout, ou du cosmos grec : c'est un système non fermé où de nouvelles ressources, de nouveaux besoins se créent sans cesse.
-Le monde est inconnaissable dans son entier, nous ne pouvons en connaître que des bribes (nous pouvons accéder à une connaissance schématique), et cela pour deux raisons : d'une part parce que ce monde inclus le changement (il faut donc incessamment s'adapter), et d'autre part parce que chaque individu accède à un point de vue particulier, à une information, mais jamais à l'information complète (4) .

(3) La conséquence directe de ce principe est l'impossibilité même d'une planification, puisqu'une intelligence humaine ne peut percevoir tout les aspects de ce' monde ouvert' est sans cesse changeant ; et par suite toute centralisation est impossible : l'information puisqu'elle est dispersée ne peut être concentrée en un même cerveau.

(4) Et sur ce point une question nous vient inéluctablement : est-ce uniquement du point de vue humain que l'information est dispersée ? C'est à dire l'information dans sa totalité est-elle même pensable et donc dispersée du point de vue individuel, ou au contraire il n'existe du point de vue individuel que de l'information dispersée, et une information totale ne peut être acquise d'aucun point de vue, collectif par exemple. Pour finir peut-on avoir accès à une réelle information ou l'information, à proprement parler, n'existe-t-elle même pas ???
(5) La tradition de 'l'ordre spontané' n'est pas née avec Hayek : elle remonte aux philosophes Anglais et Ecossais Mandeville, Smith, Ferguson, Hume, Burke, qui, - à l'inverse des philosophes des Lumières français, cartésiens - , ont pensé la société comme une réalité mêlant artificiel et naturel.
(6)Ce n'est donc pas l'intention et l' agir des hommes qui construisent la société, comme l'ont décrit certains philosophes, mais c'est la société elle-même qui construit ses propres structures, qui évoluent selon les périodes et l'agir des hommes. Cela sous-entend l'existence d'un donné initial ; mais quel est-il ? Est-il seulement inconnu et inconnaissable ?
(7)Hayek, La présomption fatale, page 11
(8)Hayek, ibidem.


2- Principe


Le principe qui est au fondement même de la vision Hayekienne du monde est 'l'ordre spontané' : la société n'est pas une construction humaine, elle n'est pas un artefact, mais elle est à la fois naturelle et artificielle : la société construit, par l'action des hommes (sur ce point elle est un artefact), mais tout dépassant leurs intentions (sous cet aspect elle est naturelle) les structures que sont le langage, la morale, le droit,…. Est c'est ainsi que la société est un système très complexe, qui se renouvelle et se transforme incessamment et perpétuellement.
Et l'ordre spontané nous conduit à déterminer, dés lors, " l'ordre étendu " :
-Il est " un ordre plus largement connu, même si le terme prête à confusion, sous le nom de capitalisme. " ,
-C'est cet ordre étendu " qui leur (aux hommes) a permis de 'croître, de se multiplier, de peupler la terre et de la soumettre' " (Genèse, 1, 28)
-Il est incontournable, puisqu'il est le résultat de l'évolution de la société. Ainsi les valeurs morales qu'il détermine et qu'il fait évoluer sont un donné que tout homme doit accepter s'il veut vivre en société.
-Enfin, il est spontané : ce qui sous entend notre remarque préliminaire.

Le principe hayekien est donc l'ordre étendu, et de lui nous pouvons tirer tout un ensemble de conséquences, que nous avons partiellement présentées dans notre annonce des postulats.


MODE DE DÉMONSTRATION

Dans La présomption fatale, Hayek dresse une critique du socialisme. Il y reprend, les principes et les conclusions de La route de la servitude, mais en y ajoutant de nouvelles critiques. Nous pouvons les réunir sous trois thèmes, que nous développerons très brièvement :


1- La critique du socialisme par ses effets

a- Le socialisme : un frein à l'évolution des civilisations

" L'évolution et la croissance (résultant) furent toujours arrêtées par un gouvernement fort."(9) Le socialisme est au nombre de ces gouvernements forts, en ce sens qu'il tente d'organiser la société dans ses moindres détails, qu'il planifie tout.(10) Il recherche la meilleure forme d'organisation tout en essayant de restaurer l'étroite subordination de l'individu à la collectivité ; et c'est dans cette subordination que l'on trouve la marque, le signe d'un 'état fort'. Le socialisme suppose une soumission à la Volonté Générale de la part des citoyens.
Comment un tel gouvernement peut-il être un frein à l'évolution et à l'enrichissement de la civilisation ? Un principe est ici sous-jacent : c'est lorsqu'il travaille pour lui même que l'homme est plus productif, et non lorsqu'il travaille pour l'intérêt général. De fait, enrichissement et évolution seront beaucoup plus importants dans un état qui laisse la possibilité aux citoyens de produire pour eux-mêmes.
De part sa définition, le socialisme se présente comme un frein à l'évolution.

(9) Hayek, La présomption fatale, p. 46
(10) Il nous faut sur ce point rappeler la définition du socialisme donnée par le Dictionnaire de philosophie politique, article de Jean-Paul Thomas (sous la direction de P. Raynaud, et de S.Rials) : il est " la promesse d'une conciliation de deux exigences, l'autonomie individuelle et l'unité sociale. "

b- Le socialisme : une forme de totalitarisme

Il existe une forme de soumission (soumission à l'intérêt général(11) ) dans le socialisme, mais peut-elle mener, par dérive, au totalitarisme, ou plus encore le socialisme est-il en lui-même une forme de totalitarisme ? La critique faite par Hayek porte plus sur une éventuelle dérive totalitariste du socialisme, et non sur cette organisation politique elle-même(12) . Le risque pour le socialisme est en premier lieu de s'ingérer dans la sphère privée des individus sous le prétexte de prôner la sécurité de chacun(13) . Mais est-ce là l'issue fatale du socialisme ? Doit-il nécessairement et irrémédiablement sombrer dans une telle forme de totalitarisme.

(11) Référence faite ici à Rousseau, Contrat Social, I, VII : " Le peuple devient un seul être, un individu ".
(12) Et sur ce point on retrouve un parallèle évident avec le classement des formes de gouvernement, et leurs évolutions, effectué par Platon dans La République .
(13) Hayek, La présomption fatale, page 46-47 : " Des gouvernements assez puissants pour protéger les individus contre la violence de leurs concitoyens rendent possible la génération d'un ordre toujours plus complexe de coopération volontaire ou spontanée. Tôt ou tard cependant, ils tendent à abuser de leur pouvoir et à abolir la liberté qu'ils avaient pourtant assurée : pour faire passer dans les faits leur plus grande sagesse supposée et pour que les 'institutions sociales' ne se développent pas au hasard. "



2- La négation de la liberté et de la propriété dans un régime socialiste

a- La liberté et la propriété

La liberté ne peut être pensée, pour Hayek, sans la propriété : il faut que chaque citoyen puisse posséder, plus encore qu'un simple lopin de terre, la certitude que c'est lui-même qui a le pouvoir de décision quant aux finalités qu'il poursuivra d'une part, et d'autre part que la propriété est un bien auquel il peut prétendre et qu'il en fera l'usage qu'il souhaite .(14)
Le problème est ici présenté : dans les régimes socialistes les plus extrêmes, notamment le communisme, les citoyens n'ont rien qui leur appartiennent en propre, et ont moins encore cette certitude de pouvoir devenir propriétaire et de décider de ce qu'ils pourraient faire de leurs biens. Les hommes n'ont ni propriété au sens matériel du terme, ni " propriété ", jouissance de leur volonté : il n'y a pas d'objectif individuel, ni de volonté personnelle mais une Volonté Générale et un Bien Commun.
Le socialisme, s'opposant à la propriété privée, selon cette seconde acception, s'oppose à la liberté individuelle.

(14) Hayek, La présomption fatale, page 45 : " le fait que les individus, les familles étendues ou les regroupements volontaires d'individus se soient vus ou non reconnaître la possession d'objets particuliers a été moins important que le fait que tous ses voient vus autorisés à choisir quels individus décideront de l'usage qui doit être fait de leur propriété. "

b- La morale et les valeurs d'une société moderne

" La propriété spécifique de denrées périssables, elle, n'est vraisemblablement apparue que plus tard, lorsque la solidarité du groupe c'est affaiblie. " Dans un premier temps les hommes vivaient en groupe, ils étaient animés par des instincts tribaux et agissaient dans l'intérêt de la tribu, les valeurs, alors, étaient solidarité et altruisme.
La propriété privée a modifié ces valeurs et à ces dernières se sont substituées concurrence, recherche de profit, méfiance envers autrui,… Les hommes qui veulent vivre dans l'ordre étendu doivent s'adapter à ces valeurs, puisqu'ils ne peuvent les transformer.(15) Le socialisme est inconciliable avec ces valeurs, et Hayek porte ainsi une atteinte au fondement même du socialisme : au regard de l'ordre étendu le socialisme n'est pas même pensable.

(15) Voir à ce sujet notre partie sur " les postulats et principes ", page 3

3- L'erreur du socialisme : une erreur intellectuelle

a- Comment le socialisme pourrait-il subsister sans s'aligner sur les valeurs du monde actuel ?

Le socialisme repose sur des valeurs de solidarité et d'altruisme, c'est pourquoi il préconise la répartition des biens.(16)
Mais la société actuelle sous-tend une morale d'échange et de profit, de concurrence. De fait, l'individu qui voudrait vivre selon des valeurs ancestrales d'altruisme se déposséderait lui-même de ses propres biens. En effet, il faut admettre que tout homme qui veut vivre dans une société doit adhérer, au moins un minimum, à ses principes, ses normes et ses valeurs.

(16) Et c'est pourquoi, Hayek reconnaît la noblesse du socialisme vu sous cet angle : le socialisme est " une noble erreur : une erreur que Mises a pu qualifier de 'grandiose….ambitieuse…magnifique…hardie' "


b- Les limites de la raison

Les valeurs de la société actuelle sont issues d'une sélection naturelle (selon le mode darwinien), et non d'un choix délibéré des hommes.
Cependant les socialistes fondent leur théorie sur l'idée que ce sont les individus eux-mêmes qui déterminent les valeurs de la société.(17)
Ainsi, si nous acceptons, avec Hayek, que l'ordre étendu est issu d'une évolution spontanée, quelle valeur pouvons-nous encore accorder à la théorie socialiste ? En ce sens que, n'ayant en rien décidé de la transformation de l'ordre étendu, - et du passage d'un système de valeurs fondé sur la solidarité à une économie de marché - nous ne pouvons affirmer notre capacité à changer les valeurs par le seul biais de notre volonté et de notre raison.
La raison humaine, si elle n'a en rien généré l'ordre actuel des choses, peut-elle encore prétendre pouvoir le modifier ?
La raison étant limitée et la connaissance dispersée, l'homme est dans l'impossibilité de planifier, de prévoir ; il ne peut établir de relation de cause à effet qui soit nécessaire. C'est pourquoi le socialisme est fondé sur une erreur intellectuelle, une erreur de jugement quant à la capacité rationnelle elle-même.

(17) La Révolution de 1789 va dans ce sens, et dévoile cet aspect du socialisme qui est né pour rendre l'homme comme maître de l'évolution de la civilisation et de ses valeurs.


Conclusion

Selon Hayek, dans une perspective socialiste, la raison est donc surestimée : on suppose qu'à telle intention correspondra tel acte (et cela tant d'un point de vue individuel que collectif). Cependant dans les faits on ne peut observer cette adéquation parfaite. En effet des paramètres extérieurs, ou plus encore une simple erreur rationnelle (due à un manque de connaissance ou même à une erreur de calcul), empêche la réalisation de l'acte conformément à ce qui était prévu.
Toute planification est donc impossible, ou non-justifiée ; et c'est sur ce point que se dessine l'erreur intellectuelle du socialisme : la raison ne peut agir sur l'ordre étendu, elle ne peut ni en modifier le cours, ni même envisager son évolution.

LE RÉSUMÉ

1- Entre l'instinct et la raison

Dans l'antiquité, les valeurs étaient fondées sur les instincts(18) de solidarité et d'altruisme, ils étaient génétiquement hérités, et convenaient parfaitement au mode de vie en groupe restreint. Dans ce type de groupe, en effet, les " gens étaient guidés par des buts concrets, communément perçus "(19) , et liés par des relations d'amitié, réunis dans la poursuite d'un bien commun. La coopération prend donc ici tout son sens : les individus peuvent s'accorder sur les fins comme sur les moyens ; mais dans un groupe plus grand, la compétition devra se substituer à la coopération. Hayek sous-entend ici qu'un groupe important d'homme ne pourra s'unir sous une même fin, c'est à dire que le bien commun est une conception qui ne peut convenir à un grand ensemble de volontés particulières, il faut un nombre restreint de volontés et de libertés pour parvenir à cette forme de volonté commune qu'est le bien commun. Ainsi puisque la coopération ne peut convenir à l'accroissement de la population dans le groupe, elle doit céder sa place à la compétition.
La compétition est un processus de découverte, elle permet à l'homme de s'adapter à toutes les situations, et d'être toujours efficace, c'est pourquoi elle convient adéquatement à l'ordre étendu. Dans cet ordre étendu, ce sont les règles et non la fin et les moyens qui unissent les individus.
La génération de l'ordre actuel (et donc de l'ordre étendu) repose sur ces règles, qui sont des règles de conduite, il ne s'agit plus d'instincts(20) . Celles-ci sont transmises par la tradition, l'enseignement et l'imitation (il s'agit notamment de l'échange, du commerce, de la compétition, du profit, …) ; elles ne sont pas innées, diffusées génétiquement, contrairement à l'instinct. Et ces règles de conduite nous dépasse : nous ne les avons nullement conçues, et d'ailleurs, nous pourrions presque affirmer que nous ne les comprenons pas ; elles sont apparues de façon progressive : d'échecs en réussites et par l'expérimentation (non-intentionnelle, bien sur), les meilleures (c'est à dire celle qui sont les plus profitables pour les hommes conformément à leur volonté de profit et d'enrichissement) ont été sélectionnées naturellement : " l'ordre étendu est non-naturel, c'est à dire non conforme aux dons naturels de l'homme ; mais il est parfaitement naturel au sens où il a évolué naturellement au fil de la sélection naturelle. "

L'évolution de l'ordre étendu ne repose ni sur les instincts (elle s'est même faite en opposition à ceux-ci, nous l'avons vu), ni sur la raison. Et cela parce que l'homme n'est pas né sage, mais il est devenu intelligent grâce aux traditions, non l'inverse : en effet, l'esprit et la tradition ont évolué simultanément.
" De même que l'instinct est plus ancien que la coutume et la tradition, celles-ci sont plus vieilles que la raison : la coutume et la tradition se tiennent entre l'instinct et la raison. Logiquement, psychologiquement, temporellement.(21) "
Et c'est pour cette même raison que l'évolution de l'ordre étendu est imprévisible, et que ces circonstances même relèvent de cette même imprévisibilité.

Ainsi, nous pouvons conclure que l'émergence de l'ordre étendu n'est d'une part, pas issue de la volonté humaine, qu'il ne correspond en rien à un calcul de la raison, car c'est par la tradition que l'ordre étendu a vu le jour, et cette même tradition est antérieure à la raison. D'autre part, il ne résulte pas des instincts, car il les dépasse, il n'est pas inné, il est issu d'un processus de sélection naturelle selon le modèle darwinien. L'ordre étendu est donc spontané, involontaire et instinctif, il relève de la tradition et contribue à son renouvellement et à son développement. Mais il faut souligner un point important avant d'achever cette partie : " je n'entends pas affirmer que les résultats de la sélection de groupe par les traditions sont nécessairement bons ; tout comme je n'entends pas affirmer que divers éléments qui ont survécu au fil de l'évolution, tels que cafards, ont une valeur morale. "

(18) Hayek ne justifie pas pourquoi il parle d'instinct et non de raison…. Il se contente de dire : " malgré ses accomplissements en tant que scientifique, Aristote, lorsqu'il limitait l'ordre humain à la portée du cri d'un héraut, parlait depuis ses instincts, et non depuis l'observation et la réflexion. "
(19) Hayek, La présomption fatale, p. 20

(20) Là encore, Hayek développe nullement ce passage, il se contente d'une description qui pourrait être plus imaginative que rationnelle, et surtout, il n'avance aucuns arguments. Cette présentation pourrait d'ailleurs recevoir les mêmes critiques que celle de Rousseau et son mythe du bon sauvage.
(21) Hayek, La présomption fatale, p.35

2- Les origines de la liberté, de la propriété et de la justice

Ces termes remontent à l'Antiquité. Et déjà, les grecs avaient discernés combien la liberté est inséparable de la propriété : chaque homme avait la possibilité de poursuivre ses objectifs propres, correspondant à ses connaissances et compétences, en usant des objets spécifiques dont il pouvait disposer. Chacun était assuré qu'il avait le droit de disposer de toutes choses dont il était propriétaire .(22)
Ainsi, la propriété individuelle a d'abord existé dans l'artisanat, en ce sens que l'artisan forgeait un objet unique ; et son évolution fut progressive et graduelle : 1-dans un premier temps, l'objet forgé par son propriétaire était bien vite échangé et communiqué (lui-même comme son processus de fabrication) au sein du petit groupe. 2-et lorsque la solidarité du groupe a diminué et que les familles se sont dissociées du groupe dans son ensemble, la propriété des denrées périssables a vu le jour.
Le développement de la propriété plurielle fut indispensable à l'essor du commerce ainsi qu'à la création des " prix ".

C'est finalement " Rome (qui) donna au monde le prototype des lois privées basées sur la conception la plus absolue de la propriété plurielle "(23) . Et ce système romain est resté longtemps le modèle suivi par les civilisations les plus avancées : le but de l'état est de protéger la propriété privée(24) . De cette observation nous pouvons déduire le constat que ce sont les gouvernements dits " faibles " ou " affaiblis " qui sont les plus favorables à l'évolution d'un pays tant sur le plan culturel que sur un plan capitaliste.
Locke et à sa suite Montesquieu et Hume rappellent d'ailleurs ce principe selon lequel l'émergence de l'ordre étendu est intimement liée à la reconnaissance de la propriété privée, et le moyen terme de leur démonstration est la justice : " 'Où il n'y a pas de propriété privée, il n'y a pas de justice', est une proposition aussi exacte que la démonstration d'Euclide : car l'idée de propriété désigne un droit à quelque chose, et à l'idée à laquelle le nom d'injustice est associé l'invasion ou la violation de ce droit "(25).
Mais comme le développe Hume, chacun, pour parvenir à une liberté maximale, doit reconnaître la liberté de l'autre, et donc accepter que les contraintes légales, lois, s'opposent à sa propre liberté. La liberté de tous est possible quant les instincts de tous sont contrôlés et qu'il existe donc une justice(26) ; et c'est là l'utilité de l'état.
Mais il ne faut pas croire que l'ordre étendu a atteind sa forme définitive, finale et parfaite : " si la propriété est initialement un produit de la coutume, et si la juridiction et la législation n'ont fait que la développer au cours des millénaires, il n'y a pas de raison de supposer que les formes spécifiques qu'elle a pris dans le monde contemporain soient définitives "(27). En effet d'échecs en réussites, nous avons, certes progressé, mais nous n'avons toujours pas réaliser parfaitement l'ordre étendu ; et c'est ce que démontrent les analyses des chercheurs Arnold Plant, Ronald Coase,… et bien d'autres en ouvrant de nouvelles voies vers le perfectionnement de l'ordre de marché, ainsi que de l'ensemble des lois qui le régissent.
Ainsi, la raison comme nous l'avons établi dans le 1e chapitre ne peut influer sur l'ordre étendu ; celui-ci résulte d'une évolution spontanée. Et il faut souligner un point qui découle de ce que nous venons de montrer : il existe des sous-groupes, et donc des sous ordres étendus à l'ordre étendu (telles les associations, … toutes les organisations délibérées). C'est donc dans son aspect macro que l'ordre étendu est spontané, par contre, dans les unités qui le constituent, la raison humaine et la délibération prennent toute leur place, et la constitution de groupes est largement fondée sur la liberté et la propriété.

(22) Hayek développe ici sa conception de la liberté selon laquelle il est plus important que les individus sachent qui décidera de l'usage à faire de leur bien que d'être propriétaire, ou de pouvoir l'être.
(23) Hayek, La présomption fatale, p. 46. Et pour aller dans le sens d'Hayek, nous pouvons rappeler la confusion grecque entre humanité d'un homme et citoyenneté qui dévoile que dans la cité grecque il n'existe aucune protection de la propriété privée, ce qui importe c'est la sécurité de l'ensemble et la cohérence et cohésion du groupe.
(24) Et le frein de l'évolution de ces société prônant la protection de la propriété privée a toujours été la naissance d'un gouvernement fort annonçant sa légitimité sous la raison de sécurité…
(25) John Locke, Essay concerning human understanding
(26) Comprise ici dans le sens de respect de la propriété des autres.
(27) Hayek, Le présomption fatale, p. 51.

3- L'évolution du marché : commerce et civilisation

Ce que l'on nomme aujourd'hui commerce a vu le jour dans l'Antiquité lorsque les hommes de différents groupes se sont rencontrés. Et, contrairement à ce que certains ont pu croire, ce n'est pas la recherche du luxe et des produits rares qui fit du commerce une institution, mais bien plutôt la nécessité ; car c'est grâce au commerce que les hommes ont pu peupler l'ensemble de la terre : en effet, pratiquant le commerce, l'échange (ou le troc) il n'était plus nécessaire de vivre en un lieu permettant l'autarcie. Tous pouvaient se procurer les biens de première nécessité par l'échange.Pour faciliter le commerce, les hommes ont du accepter un bouleversement de leur pratique : réduire l'importance du petit groupe ou du clan au profit d'un grand ensemble.
Hayek accuse donc Aristote(28) (et l'Eglise qui a suivi ses conceptions) d'avoir freiner l'évolution de l'ordre étendu : en préconisant l'autarcie et la stabilité de l'état, et donc en refusant le commerce il a refusé le développement culturel, le progrès.
C'est seulement à partir de Hume que l'ordre de marché pu enfin prendre tout son sens : il affirma que le marché consiste à " rendre service à quelqu'un d'autre sans avoir de relation affective avec lui "(29) .
Hayek justifie son propos par l'histoire : le déclin de Rome serait dû, selon lui, à une trop grande ingérence de l'état dans le commerce : celui-ci a finalement nuit au développement de l'ordre étendu, et c'est pourquoi l'évolution culturelle a bien vite été freinée. Enfin, " l'Europe due probablement l'extraordinaire expansion qu'elle connut au Moyen Age à l'anarchie politique qui y régnait alors "(30) .

(28) Et Aristote est au fondement des idées socialistes selon Hayek : " au mépris de cette grande avancée, une vision qui est encore imprégnée par la pensée aristotélicienne, une vision animiste, naïve et infantile du monde en est venue à dominer les analyses de la société. Elle est le fondement de la pensée socialiste ". Hayek, La présomption fatale, p. 67
(29) Hume, A treatise of human nature, II, 289
(30) Hayek, La présomption fatale, page 64

4- La révolte de l'instinct et de la raison

Après cette attaque contre la pensée aristotélicienne, Hayek s'en prend aux penseurs français du XVII et XVIII siècles (Rousseau tout particulièrement, à la suite de Descartes), qui, selon lui, fondent leurs pensées sur une perception fausse et infondée de la raison humaine ; ce qui les " conduit inévitablement à une interprétation erronée de la liberté et de l'émergence des institutions humaines ".
La conception rousseauiste de la liberté mène à une contradiction, selon Hayek : en affirmant que l'instinct est supérieur à la tradition et à la raison, il nous propose de faire un véritable retour en arrière(31) ; et, en substituant la volonté générale à la volonté individuelle il aliène la liberté de l'individu ; et enfin, il jette un doute sur les acquis antérieurs concernant la propriété privée en la présentant comme source de toutes les inégalités.
Rousseau marque donc un réel bond en arrière et empêche le développement de l'ordre étendu, soumettant l'homme à la volonté générale il aliène sa volonté de progrès, il le replace dans un monde de l'Antiquité où les instincts permettaient aux hommes de vivre en groupe restreint. S'opposant ainsi à la liberté et à la propriété privée, il érige un obstacle au fondement même du commerce.

Après cette critique, le but de Hayek dans ce chapitre est de démontrer que " la morale, et depuis elle en particulier ces institutions que sont la liberté, la propriété, la justice, ne sont pas une création de la raison humaine, mais un don accordé aux hommes par l'évolution culturelle ".(32)
Hayek développe ce point de vue à travers plusieurs exemples, nous n'en reprendrons qu'une partie ici. Monod, dans Le hasard et la nécessité, propose de créer une nouvelle éthique que l'homme pourrait s'imposer à lui-même, il rejette l'idée que l'éthique est une question d'obligation. Il s'agit donc de concevoir une nouvelle éthique rationnelle que les hommes suivraient de façon délibérée, comme pour atteindre des buts précis, préalablement déterminés.
Keynes, qui suppose qu'il existe un bien indéfinissable que tout homme doit rechercher et qui une fois atteind, justifie un certain mépris pour la morale traditionnelle ; refuse que la morale prenne en compte les effets à long terme d'une action.
Enfin, pour le psychanalyste G.B. Chisholm il faut éradiquer les notions de bien et de mal car elles paralysent l'homme, elles le contraignent dans sa liberté. Il rejette donc la morale en l'accusant d'irrationalité.
L'erreur commune à ces trois points de vue est qu'ils considèrent que seul ce qui est " rationnellement justifiable, démontrable par l'expérimentation peut susciter une adhésion ", et c'est " uniquement ce qui rapporte au plaisir qui peut déboucher sur une action "(33) . Ce qui est non-raisonnable c'est, donc : 1-ce que l'on ne peut justifier scientifiquement. 2-ce que l'on ne peut pas comprendre. 3-ce dont on ne connaît pas le but. 4-ce dont on ne connaît pas les effets à l'avance. C'est pourquoi, dans cette perspective, il faudrait fonder une nouvelle morale.
Hayek refuse cette idée que nous puissions ne pas adhérer aux traditions de la civilisation, du monde, du groupe dans lequel nous vivons (et c'est ce qu'il a déjà développé dans les précédents chapitres). C'est là un premier obstacle à l'établissement d'une nouvelle morale. De plus dans les 4 propositions exposées ci-dessus, on refuse toutes limites à la raison (elle est conçue comme omnisciente, ce qui est impossible ; en effet, nous ne pouvons tout planifier car des facteurs extérieurs influent toujours sur le déroulement de nos actions et peuvent parfois même en changer complètement le sens). Enfin, en troisième lieu, et c'est là l'argument le plus important : est-ce même possible de rationaliser la morale et les institutions comme l'ont fait Monod, Keynes et Chisholm ? Et sommes-nous encore libres(34) si nous pouvons rationaliser toutes nos actions, si elles sont prédéterminées par notre volonté ?
En rationalisant la morale et les institutions et donc en s'opposant aux traditions et aux valeurs qui en découlent ne risque-t-on pas d'aliéner la liberté ? En effet : si la raison se substitue à la tradition, on supprime le fondement même de la liberté. Car chaque individu libre se fixe à lui-même ses propres fins, et l'état doit veiller à ce que personne n'empiète sur la sphère de l'autre. Mais si on rationalise les fins de chaque individu en voulant rationaliser alors, cette-dernière s'insinue dans la sphère individuelle ; et en la rationalisant, elle se substitue à la liberté individuelle. Il faut comprendre ici l'argument sous-jacent lié au concept de bonheur (ou même de bien indéfinissable dont parle Keynes) : en rationalisant les fins individuelles ont les uniformise en les plaçant sous un concept commun, l'individu n'est donc plus libre d'en décider(35) , d'une part, mais aussi, avec cette uniformisation on s'oppose à l'ordre étendu qui repose sur la diversité.
C'est pourquoi, bien que les traditions soient souvent un fardeau, elles sont nécessairement 'meilleures' que toute tentative de rationalisation, en cela qu'elle laisse l'homme libre. Et " je pense pouvoir écrire que tous les bénéfices de la civilisation, et de facto notre existence même, dépendent du fait que nous continuions à accepter de porter le fardeau de la tradition. Ces bénéfices ne justifient absolument pas le fardeau. Mais les alternatives seraient la pauvreté et la famine.(36) "

(33) cf. le chapitre 1 : " entre l'instinct et la raison "
(34) Hayek, La présomption fatale, p.74
(35) Ibid. p. 85
(36) La liberté pour Hayek c'est le fait que l'individu puisse chercher à atteindre ses propres buts, et qu'il puisse se fixer lui-même ses buts. Cette liberté de décision est possible grâce à des droits individuels précis (tels la propriété privée), et " par la désignation de domaine à l'intérieur desquels chacun peut utiliser des moyens connus de lui en vue de ses propres buts ". Mais l'individu ne dispose pas de cette liberté sans contrainte, bien qu'en elle-même elle soit sans contrainte, puisque si chaque individu doit pouvoir en jouir, il faut éviter la coercition, empêcher quiconque de s'introduire dans la sphère privée d'autrui. (Page 87-88)

" Seules les règles abstraites et générales que l'on peut faire rentrer en ligne de compte de la prise de décision individuelle reposant sur la poursuite de fins individuelles méritent le nom de morale. " p. 91
ibid. p. 87


5- La vanité fatale

Dans ce chapitre, Hayek décrit les erreurs des différentes interprétations décrites ci-dessus, et plus particulièrement celles du socialisme qui en découle. Cette critique se déroule en plusieurs étapes, nous pouvons en déceler deux :

1- Ces interprétations relèvent d'une vision du monde comme ordonné, organisé.
Et c'est ainsi que les socialistes, refusant une morale qui reposerait sur des préceptes religieux, proposent de fonder une nouvelle morale justifiée rationnellement. C'est, pour Hayek, une façon de se prétendre " constructeur du monde " : " le but du socialisme n'est rien moins que de redessiner complètement notre langage, notre morale, notre droit traditionnels, et de piétiner le vieil ordre des choses et les conditions injustifiables, et prétendues inexorables, qui interdisent l'institution de la raison, de l'épanouissement, de la vraie liberté et de la justice (37)"
Mais l'erreur du socialisme est que la morale, le droit, la science,… ne sont pas justifiables rationnellement dans le sens que nous avions admis précédemment (cf. dans le chapitre précédent, les 4 points qui permettent de dire qu'une chose est rationnelle).
Mais, si nous ne pouvons ériger une morale, des lois, …par la raison, nous pouvons par contre décrire à posteriori (et donc de façon rationnelle) le processus de constitution de l'ordre étendu (et ce qu'a fait Hayek dans les premiers chapitres), et donc en déterminer les causes.
Dans un premier temps : la morale innée, instinctive fondée sur des valeurs de solidarité, mais elle apparaît non-viable dans un grand groupe ; c'est pourquoi la morale évoluée (épargne, propriété plurielle) se substitue à la première. Et c'est elle qui permis la genèse et la reproduction de l'ordre étendu ; elle se situe bien au-delà de la dichotomie entre instinct et raison. Il n'y a rien de rationnellement justifiable dans cette morale évoluée, mais c'est elle qui nous permet de survivre en groupe : en effet le paradoxe de l'ordre étendu consiste en ce que nous sommes, en lui, capable de découvrir et de mettre en œuvre de nombreuses ressources, ce que nous ne pourrions pas faire dans un ordre dirigé, rationnel.
En effet, nos institutions, comme nos actions ne sont pas de l'ordre du prévisible, les buts et effets ne sont ni compris ni connus à l'avance ; ainsi nos ancêtres n'auraient pas pu prévoir le monde tel qu'il est aujourd'hui, même s'ils l'avaient voulu. Et de la même façon, nous ne pouvons connaître parfaitement les choses à posteriori.
C'est pourquoi il faut dire que l'ordre étendu est transcendant, dans le sens religieux du terme, c'est à dire qu'il dépasse de loin notre compréhension. Et l'ordre de marché (et donc la coordination de l'ensemble des actions individuelles) dépasse l'esprit humain : il le dépasse non seulement en cela qu'il est incompréhensible par un esprit humain, mais aussi en ce sens que l'esprit humain ne peut le concevoir comme dans sa totalité, ni donc planifier cet ordre(38) .
Les hommes, malgré l'incapacité de leur raison ont voulu expliquer l'ordre du monde, en raison de l'injustice qui s'en dégage (il n'y a aucune règle de mérite dans l'ordre étendu). Mais, agir de la sorte (et c'est là le cas du socialisme), c'est retourner à un stade primitif, c'est faire de l'anthropomorphisme.
Ne pouvant donner un sens à l'ordre étendu, ne pouvant le diriger, il faut s'adapter à lui ; et donc adhérer aux traditions, qui se forgent au rythme de l'évolution du monde. C'est elles qui nous permettent de nous adapter face à l'inconnu. Et ce sont ces règles acquises elles-mêmes, les traditions, qui créent l'ordre. Elles relèvent de la connaissance dispersée. Celle-ci ne peut être utilisée le plus parfaitement possible que si elle l'est par de nombreux individus, car la connaissance étant dispersée, c'est la somme, la conjonction des individus qui peut donner un semblant de connaissance réunie, et donc à une meilleure compréhension de l'ensemble. Il ne faut pas comprendre ici que la connaissance peut être récoltée, puis transmise à une autorité, elle nécessite un grand nombre d'hommes pour être connaissance.
Chaque individu accède à une connaissance limitée, et c'est l'ordre étendu lui-même qui fait un usage maximal de la connaissance de tous(39) .
Et pour revenir sur la question de la justice ou de l'injustice du monde (car c'est ce qui pousse les hommes à essayer de l'organiser, comme le font les socialistes), Hayek affirme qu'il préférerait vivre pauvre dans un état libéral, et sans propriété, que de vivre dans un régime socialiste, où, là, il aurait du coup accès à la propriété collective.

(37) ibid. p.94
(38) " L'ordre est si étendu qu'il transcende les capacités de compréhension et d'administration d'un esprit unique ". p101
(39)" L'on peut dire qu'elle [le propriété plurielle] est globalement bénéfique en ce qu'elle transfère l'administration de la production des mains de quelques individus qui ont une connaissance limitée, à un processus, l'ordre étendu, qui fait un usage maximal de la connaissance de tous, et apporte ainsi à ceux qui ne possèdent pas de propriété au moins autant qu'à ceux qui en possèdent une. "p.108


2-la liberté et la différence
" La liberté implique la liberté d'être différent.(40) " Et l'ordre étendu repose sur cette reconnaissance des différences, il en a besoin pour être et se développer.
Ces différences consistent, dans un premier temps dans la différence même de dons naturels : certains sont forts, d'autres plus faibles, certains sont habiles, d'autres moins. L'ordre étendu repose sur ces différences, car c'est grâce à elles que les traditions peuvent évoluer, que certaines sont testées, d'autres abandonnées, … Par les interactions entre les individus ont peut faire des choix, et ces interactions qu'elles soient plus ou moins conflictuelles ne sont possibles que si les hommes sont différents.
Mais plus encore, la connaissance dispersée n'est possible que par ces différences. En effet, chaque individu peut accéder à un point de vue particulier de la connaissance, à un aspect limité, grâce à sa différence, et c'est par la réunion de toutes ces connaissances limitées que l'on peut tendre vers la connaissance.


Comment le socialisme est-il encore pensable, dans un tel contexte ?
Il est dérivé des instincts primitifs (solidarité et altruisme), et donc de la morale qui en découle. Mais quel est le but de la morale ? Est-ce d'apporter un bénéfice pour autrui ? Non : " la morale du marché nous conduit à agir de façon bénéfique envers les autres non pas parce que telle est notre intention, mais parce que le marché nous fait agir d'une manière qui aura très précisément cet effet." Et c'est là la conception que nous devons avoir de l'altruisme ou de la solidarité : nous ne sommes pas solidaires pour le bien d'autrui, mais le bien de l'autre découle, de façon seconde de nos actions, grâce à la morale de l'ordre étendu. Et c'est là une nouvelle erreur des socialistes : ils font une erreur de jugement sur les actions humaines en leur prêtant un objectif de solidarité qui ne leur convient pas.
Et dans la continuité de cet argument, il faut ajouter que les socialistes cherchent à identifier le but des actions humaines, or ce but est tout à la fois non-identifiable, inconnaissable et imprévisible, comme nous l'avons vu.
La seule façon dont nous pouvons agir sur l'ordre étendu c'est par l'incitation. En effet, nous pouvons élaborer des réactions chimiques sur l'ordre étendu. Mais nous ne pouvons planifier le résultat de ces réactions, car certains éléments peuvent entrer en jeu, sans que nous en ayons connaissance. De telles actions influent sur l'ordre étendu dans l'espace comme dans le temps.
Le socialisme est donc irréalisable, car il faudrait tout connaître pour que l'on puisse planifier sa mise en œuvre, or la raison humaine est trop faible, et notre connaissance est limitée, donc la centralisation du pouvoir la réduirait d'autant plus.

(40) p.110

6- Le monde mystérieux du commerce et de la monnaie

Le commerce et les prix
Pour réussir dans le commerce, il faut une certaine confidentialité (où acheter le moins cher possible et de meilleure qualité, comment savoir ce qui plaira aux consommateurs,…) sur ce qui inobservable et intangible.
Le commerce est donc incontrôlable et implique le secret. Et pourquoi les socialistes le craignent (ils ne peuvent rien planifier ni contrôler et n'ont aucune maîtrise sur celui-ci), et le méprise (par le secret qu'il suppose, le commerce va à l'encontre de la solidarité).
Pour les socialistes, seul le travail - au sens d'exercice physique, de productivité - est noble. Le commerce est cependant bénéfique à tous (cf. le Fordisme) en cela qu'il génère production physique et transport. Mais tout à la fois il est " une recherche continue et efficace d'informations largement dispersées et constamment changeantes(42) ".
Ne pouvant avoir aucun contrôle sur le marché, nous pouvons reconnaître qu'il s'auto-organise. Chaque individu a ses propres finalités, et en voulant les assouvir, il contribue à l'organisation du marché. En effet : réalisant ses objectifs, il satisfait ses besoins, et génère donc du travail ; de même que ses désirs génèrent de nouveaux produits,… C'est donc la diversité, la différence entre les individus qui permet l'ordre de marché, et son expansion.
Chaque individu poursuit ses fins propres et donne ainsi une valeur aux choses. La valeur " indique l'aptitude potentielle d'un objet ou d'une action à satisfaire les besoins humains "(43) , elle est immatérielle. Il y a deux systèmes de valeurs : celui des fins et celui des moyens ; et tout comme de nombreux moyens peuvent convenir à une même fin, de mêmes moyens peuvent être utilisés pour parvenir à des fins différentes. Il y a de nombreux changements dans l'ordre des moyens, mais moins dans l'ordre des fins, car les hommes ne changent pas incessamment d'objectifs, bien qu'ils changent souvent d'avis, et donc de moyens. Enfin, les moyens peuvent être communs à tous, alors que les fins nous sont propres et personnelles, c'est pourquoi nous pouvons conclure que ce sont donc les moyens qui correspondent aux prix.
L'utilité d'un objet étant relative et différente pour chaque individu, les valeurs de cet objet sont donc divergeantes, le prix n'est en rien une donnée objective, il n'est qu'une information (il révèle des informations quant au marché et il est lui-même une information que les hommes se transmettent) et repose sur un mélange d'échelles de valeurs.
La meilleure théorie économique, selon Hayek, et qui découle de ce que nous venons d'établir, consiste en ce que : " la tâche propre de tout individu pourrait être de contribuer, sur la base de ses connaissances et de ses capacités personnelles, à satisfaire les besoins de la communauté en apportant la contribution de son choix "(44) . C'est là une théorie en totale contradiction avec le socialisme.


La monnaie
Elle est un moyen de bonheur comme d'oppression, de bien comme de mal. Elle est un moyen qui peut être utilisé pour parvenir à toutes les fins personnelles qui soient.
Elle résulte, comme la morale, le droit,… de l'ordre spontané ; et donc, elle reste comme toutes choses de l'ordre étendu, soumise à la variation, au changement, mais aussi à la sélection.
Cependant, selon Hayek, les différents gouvernements se sont souvent opposés à ces expérimentations et compétitions (et donc sélection ou non) des monnaies ; pourtant : " l'économie de marché pourrait bien mieux développer ses potentialités si le monopole gouvernemental sur la monnaie était aboli "(45).

En conclusion sur cette partie, Hayek reproche aux intellectuels socialistes d'oublier les besoins concrets des hommes pour s'attacher à des calculs abstraits sur les coûts et profits. Et c'est justement cette recherche même du profit qui rend les ressources efficaces et qui stimule la productivité ainsi que la créativité des individus (comme nous l'avons montré dans les chapitres précédents). Plus encore, ce n'est pas la recherche du profit par les uns qui va léser les autres car la capacité de production est accrue par la multiplicité des individus qui apportent tous une partie de la connaissance dispersée.

(41) p. 112
(42) p.131
(43) p.132
(44) p.140
(45) p.144


7- Notre langage empoisonné

Le langage nous permet de mettre une étiquette sur les choses et de les classifier selon ce qu'elles nous apportent, ce que nous pouvons attendre d'elles et faire d'elles.
Mais tout usage du langage implique une interprétation. Par exemple : il est difficile d'expliquer en une langue donnée une tradition qui n'a pas été véhiculée par elle.
Pour parer à cela les socialistes " ont proposé un réforme délibérée du langage, destinée à leur permettre de mieux amener les gens à leurs propres positions(46) " En ce sens, il voulait éviter que le langage perpétue une tradition s'opposant à leurs idées.
Par exemple : le mot " ordre ", avant Darwin, impliquait un acteur personnel au fondement de cet ordre, ainsi qu'une finalité poursuivie. De même : Hegel, Comte et Marx personnifiaient la société par un langage animiste : Marx forgea le concept de " société ", par opposition aux termes " gouvernement ", " état ", qui sous-entendent la prédominance de l'autorité, et qui permet ainsi d'insinuer que l'organisation sociale assure la liberté. De plus ce mot " société " présuppose la poursuite d'une fin commune: il décrit tout à la fois un état de choses et les relations entre les individus dans cette sphère sociale.
Hayek refuse cette dénomination de société qui s'applique tout autant à un groupement de catholiques qu'à l'ensemble des français, ou qu'à tout autre groupement réunissant des individus poursuivant un objectif commun, car selon la nature du groupe ce concept ne renvoit aucunement à la même réalité. En effet : le mot " société " ne correspond pas à la même réalité si le groupe est différent. Mais, pour Hayek, le fait d'user de ce concept comme d'un genre, de le prendre en de si nombreuses acceptations, résulte de la volonté des socialistes de vouloir organiser l'ensemble d'un pays comme on organiserait un petit groupe(47) , de vouloir faire d'un pays un seul homme, faire de l'état un individu.
Dans la continuité de ce concept " société ", de nombreuses critiques concernent le terme " social " : celui-ci désigne des phénomènes produits par des modes de coopération, mais aussi les types d'actions qui renforcent et servent cette coopération. Et c'est là une façon de mélanger le 'bon' et le 'moralement juste', puis de recourir à la justice distributive (ce que Hayek refuse puisqu'elle s'oppose à l'ordre de marché, à la compétitivité et à la concurrence). Le langage a donc été utilisé par les socialistes comme un vecteur d'idées, et finalement un moyen d'oppression, il n'est donc jamais objectif et refuse en lui-même la différence.

Dans l'ordre étendu, il faut que " les membres observent des règles similaires de conduite tout en poursuivant des finalités individuelles différentes (48) " . La différence est donc un aspect fondamental, elle s'oppose à la société telle que conçue par Marx, Comte,…Et c'est elle qui permet à l'humanité de se maintenir en vie : suggérant compétitivité et concurrence elle développe la richesse, et la richesse des uns se répand jusqu'à l'ensemble des individus du même état (comme nous l'avons développé dans les chapitres précédents).

(46) p.148
(47) On retombe sur ce point dans une critique déjà exposée dans le 1e chapitre, et qui consiste à dire que les règles d'un grand groupe ne peuvent être les mêmes que celle d'un groupe restreint.
(48) P.157

8- L'ordre étendu et la croissance de la population

Il existe un lien solide entre l'accroissement de la population et ses pratiques et institutions. Par exemple : l'agriculture et l'élevage, donc la vie sédentaire, ont permis la croissance démographique en se substituant à la chasse et à la vie nomade.
La thèse de Malthus avait un sens dans son contexte, mais elle n'est plus d'actualité : le travail n'est plus actuellement homogène (alors qu'à l'époque de Malthus il s'agissait surtout d'agriculture) mais diversifié et spécialisé ; de plus, il existe de nouveaux facteurs de production ainsi que d'accroissement de la productivité.
Pour Hayek, l'expansion démographique pourrait bientôt s'achever car c'est dans les pays les plus pauvres qu'on observe la plus forte croissance (les plus pauvres assurent leur descendance car c'est elle qui assurera leur vieillesse), et la pauvreté est en train de disparaître : " ces périphéries sont aujourd'hui en voie de disparition (49)" . Les plus pauvres sont progressivement en train de se détacher des traditions et cultures de 'tribu' et s'adaptent au mode de vie moderne, et donc à l'ordre étendu, au capitalisme. C'est en effectuant ce changement qu'ils peuvent trouver du travail, s'insérer, et prendre place au sein du monde, de l'ordre étendu. En effet, il faut souligner que le système de règles à adopter n'est pas celui du plus grand nombre mais celui des plus riches, car c'est eux qui influent le plus sur l'ordre de marché.
Le capitalisme est avantageux pour les plus riches, certes, mais il l'est aussi pour les plus pauvres. Si ces derniers n'ont rien reçus de leurs parents (ni terre, ni outils,…) ils reçoivent cet équipement de la part des riches, parce que les riches ont un très grand intérêt à leur fournir : c'est une forme d'investissement de leurs capitaux. Les pauvres, eux, reçoivent donc de l'argent et un emploi. Ainsi riches et pauvres sont " solidaires " de façon involontaire et seconde: ils apportent chacun un bien à l'autre, bien que cela ne soit pas leur but(50) .
Et c'est la même solidarité qui doit s'exercer envers les pays en voie de développement : il ne faut pas les assister, comme il ne faut pas soutenir la croissance de la population dans ces pays : si le nombre d'habitants surpasse le nombre de la reproduction du capital accumulé, la population va à sa perte et risque de mourir. Et ce serait d'autant plus vrai qu'une aide provenant de pays extérieur est toujours limitée dans le temps. Hayek ajoute ici un principe fondamental : " ce sont les gens les moins avancés qui doivent décider pour eux-mêmes individuellement si le confort matériel et la culture développée valent les sacrifices impliqués.(51) "
Le syndicalisme lui-même s'inscrit dans un processus capitaliste : il rappelle aux hommes qu'ils ne doivent pas travailler pour un faible salaire, mais qu'ils doivent demander plus.

L'évolution tend donc à maximiser le nombre des vies futures : sur le marché un calcul en terme de valeurs équivaut à un calcul en terme de vie : dans l'ordre étendu, chaque vie, de chaque individu est fondamentale, car elle permet un investissement, ou elle fournit des capitaux, ses interactions avec les autres développent le marché. Et ce n'est pas le cas dans un état socialiste, comme dans tout état régit par les instincts de solidarité et d'altruisme, car ce qui importe là, c'est le groupe. Et ce but, sous-jacent à l'ordre étendu, qu'est la préservation des vies, peut être dit 'bon moralement' au sens où la vie est elle-même son propre but : " elle n'existe qu'aussi longtemps qu'elle pourvoit à sa propre continuation(52) " . Or seule l'économie de marché permet au plus grand nombre de rester en vie (elle donne plus de travail, permet une meilleure productivité), donc l'économie de marché, et par suite l'ordre étendu sont ce qu'il y a de meilleur pour l'homme, et ils sont 'moralement bons'.

(49) p.176
(50) " A mesure que le capitaliste a acquis la possibilité d'employer d'autres personnes au service de ses propres objectifs, sa capacité de les nourrir les a servi : eux tout autant que lui " p. 171
(51) p.173
(52) p.183



9- La religion et les gardiens de la tradition

Il existe donc deux manières d'êtres dans l'histoire de l'humanité :
1-l'attitude liée au mode de vie en groupe restreint, régie par les instincts de solidarité et d'altruisme (ce mode de vie est défendu par les socialistes, l'empirisme, Aristote, …)
2-l'attitude liée au développement récent de l'évolution : nous poursuivons des fins individuelles et nous ne nous servons plus des autres directement, nous comptons sur nous-mêmes. La vie est réglée par les institutions et les systèmes moraux ; c'est un monde de compétition qui suppose la collaboration des hommes entre eux sans même qu'ils se connaissent, et sans même qu'ils soient conscients de cette collaboration.
La religion (est particulièrement les religions monothéistes) a joué un rôle fondamental dans l'installation de l'ordre étendu : elle a permis la transmission de traditions et coutumes, et c'est cette transmission, nous l'avons vu, qui a permis au groupe de croître : elles ont aidé à " croître, multiplier, peupler la terre et la soumettre (53)" . Et c'est pourquoi les religions sont importantes, leurs disparitions pourraient causer de grave dommage à l'ordre étendu.
Les religions nous rappellent d'ailleurs une erreur du socialisme : " la conception religieuse selon laquelle la morale a été déterminée par des processus qui ne sont pas compréhensibles pourrait être plus exacte que l'illusion rationaliste selon laquelle l'homme, en faisant usage de son intelligence, a inventé une morale qui lui a donné le pouvoir d'accomplir plus qu'il n'aurait jamais pu prévoir "(54) .
Enfin, " les seules religions qui ont survécu sont celles qui ont défendu la propriété et la famille "(55) , or le socialisme est contre la propriété et la famille…
Pour finir, l'erreur du socialisme, c'est d'avoir voulu se substituer à la religion en faisant de l'homme et de son pouvoir de rationaliser le fondement de l'ordre du monde. Ils ont fait descendre Dieu sur terre. Le socialisme se contredit donc en lui-même en reniant la religion, dont finalement il n'est que la copie.


"Une éthique anti-capitaliste continue à se trouver promulguée, sur la base des erreurs dont nous venons de parler, par des gens qui condamnent les institutions génératrices de richesse auxquelles ils doivent leur existence même. Prétendant être amoureux de la liberté, ils fustigent la propriété plurielle, le contrat, la compétition, la publicité, le profit et même l'argent. Imaginant que leur raison peut leur dire comment organiser les efforts humains afin qu'ils servent mieux leurs désirs innés, ils font peser une grave menace sur la civilisation. "

(53) Genèse, I, 28, cité par Hayek, p. 189
(54) p.189
(55) p.189
(56) p.164

BIBLIOGRAPHIE

Œuvres de Friedrich A. Hayek :

-Droit, législation et liberté, principalement le 3e volume : L'ordre politique d'un peuple libre, P.U.F. Quadrige, 1995
-La route de la servitude, P.U.F. Quadrige, 1993


Autres œuvres :

-Dictionnaire de philosophie politique, par Stéphane Rials et Philippe Raynaud, article sur le socialisme par Jean-Paul Thomas
-La société de droit selon F. A. Hayek, par Philippe Némo
-Le manifeste du parti communiste, Marx et Engels
-Le socialisme. Sa définition, ses débuts. La doctrine saint-simonienne, et Les régles de la méthode sociologique, Durkheim


Etudes et articles :

-" Hayek " par Philippe Némo (source : site internet Catallaxia)
-" Hayek ", entretien avec Robert Nadeau, propos recueillis par A. Guénette (source : site internet Catallaxia)
-" 'Ordre spontané' et darwinisme méthodologique chez Hayek " par Maurice Lagueux (source : site internet Catallaxia)

 

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