LES FICHES DE LECTURE  de la Chaire D.S.O.

 

J.T GODBOUT

"L'esprit du don"

(Editions la découverte, 1992)

 

SOMMAIRE :

 

 

LA BIOGRAPHIE :

Godbout Jacques T. est professeur à l’Institut national de la recherche scientifique à l’université du Québec.
Il est notamment l’auteur des ouvrages suivant :

Il a réalisé cet ouvrage avec la collaboration d’Alain Caillé qui est professeur de sociologie à l’université de Paris X- Nanterre qui dirige La revue du M.A.U.S.S.

 

LES POSTULATS :

Les caractéristiques des systèmes du don sont à la base de son raisonnement, c’est à partir de cela qu’il démontrera l’existence du don dans les sociétés modernes :

Il y a eut beaucoup de recherches empiriques sur le don, cependant les hypothèses du don reposaient sur une logique marchande, ne prenant en considération que ce qui circulait. L’auteur affirme ici qu’il tiendra compte de ce qui circule mais aussi des liens qui existent entre les personnes impliquées dans cette circulation.

Les lieux où circulent les objets ont été regroupés dans trois ensembles : La sphère domestique, la sphère marchande et la sphère étatique. Godbout a analysé les rapports du don avec chacune de ces sphères et a conclu à partir de cette analyse à l’existence d’une quatrième sphère : le don aux étrangers.

Au sein du système étatique et du système marchand, l’individu est rationnel, toutes ses décisions font l’objet d’un calcul.

 

LES HYPOTHÈSES :

J.T Godbout a formulé une hypothèse dans son introduction qui fera l’objet d’une démonstration dans sa première partie :
Le don existe encore dans la société moderne et il forme un système comme l’Etat et le marché.

 

DÉMONSTRATION :

Dans son ouvrage, Godbout a voulu poursuivre la réflexion faite par Mauss dans son Essai sur le don en analysant le don dans la société moderne. En effet, Mauss, en analysant les sociétés archaïques, a constaté l’universalité du don. Mais en ce qui concerne la société moderne, il semble penser que le don n’existe plus ou sinon uniquement sous une forme marginale.

Dans la première partie de son ouvrage, Godbout nous démontre que dans les sociétés modernes, le don circule dans les réseaux de liens primaires. Il va tenter de mettre en évidence les caractéristiques de la circulation des choses entre les amis, les voisins et à l’intérieur de la famille (parfois à l’aide de travaux réalisés par d’autres auteurs ; par exemple, les caractéristiques des rapports entre amis ont été établies par Florence Weber). Il en déduira que ces caractéristiques sont celles d’un système de don.

Mais, Godbout va aussi démontrer que le don est présent en dehors des réseaux de liens primaires : il existe un système de don dans les rapports entre les étrangers (ce qui n’était pas le cas dans les sociétés traditionnelles). Il va caractériser le fonctionnement de deux types d’associations, les organismes d’entraide (les Alcooliques Anonymes) et les organismes basés sur le bénévolat. Il retrouvera des caractéristiques traditionnelles du système du don et dégagera ainsi les caractéristiques modernes.

 

CONCLUSIONS :

Dans la première partie de son ouvrage, Godbout conclut que dans la société moderne, le don existe toujours dans les réseaux de liens primaires mais à la différence des sociétés traditionnelles, un système de don s’est développé dans les rapports entre étrangers. De plus, il a analysé les relations entre le don et les systèmes étatiques et marchands. Il a conclut d’une part, que le système étatique ne pouvait pas être considéré comme un système de don dans la mesure où il repose sur des principes différents et qu’il pouvait avoir des effets négatifs sur le don, et d’autre part, que le don pouvait être au service du marché(paradoxe de Dale Carnegie) et inversement (par exemple, c’est le cas pour deux systèmes de don : le marché de l’art et le don de rein).

Dans la deuxième partie de son ouvrage, Godbout fait une présentation du don dans les sociétés archaïques qui est suivi d’une comparaison avec le don dans la société moderne.

La troisième partie fait l’objet d’une réflexion générale, notamment à partir du concept de gratuité.

 

LE RÉSUMÉ :

Introduction : Le don existe-t-il (encore) ?

La société moderne se veut réaliste, pour elle, il n’existe que le matériel et le corps, tout autre chose n’est qu’une illusion : ainsi tout échange est provoqué par la recherche d’un intérêt personnel et pas par un esprit de générosité.

  • Le don n’existe pas. Le don est partout

L’auteur a remarqué, qu’à l’annonce de son projet, ses interlocuteurs ont eu deux réactions paradoxales : tout d’abord, ils affirmaient que le don n’existait pas (ou plus). Sachant que l’univers du don requiert le non-dit, l’implicite, un malaise pouvait être observé lors de ces discussions. Après quelques explications, l’interlocuteur passait de l’indifférence et du malaise, aux aveux en citant des cas qui prouvent que le don est partout. Cependant, il justifiait ses actes par le fait que c’était une manière pour lui de se faire plaisir et qu’il ne s’agissait donc pas de gestes gratuits. Ainsi, il ne se contredit pas et peut affirmer que le "vrai" don, c’est-à-dire, le "don gratuit" n’existe pas.

Le don est dénié à ce point par la société moderne parce qu’il est dangereux. En effet, le don entraîne l’établissement d’une relation personnelle, si l’individu ne veut pas que cette relation s’installe, il refusera ce don ou il ne le reconnaîtra pas.
De plus, si le don est accepté, le receveur, qui ne supporte pas le fait d’avoir une dette, se trouve obliger de le rendre.
Le marché peut être une solution pour interrompre le cycle du don.

1. La pérennité du don dans la société moderne

Mauss a constaté l’universalité du don dans les sociétés anciennes, cependant il semble considérer que le don n’existe dans la société moderne que sous une forme marginale (ex : cadeaux d’anniversaire).
J.T. Godbout pose ainsi sa première hypothèse : le don est encore présent dans la société moderne et forme même un système (comme l’Etat et le marché).

2. Sous le marché et l’Etat, le système invisible du don

La société a du mal à voir que le don, système de relation social, existe et qu’il n’est pas qu’occasionnel. Les visions "utilitariste" et "machiavélienne" conduisent à considérer qu’il existe uniquement deux systèmes : le système de marché et le système politique. Or, l’Etat et le marché sont des lieux de la "socialité secondaire" où les sujets humains occupent des fonctions économiques, administratives et politiques. Avant cela, ils ont été constitués en personnes sociales dans la sphère du don qui est le lieu de la "socialité primaire".

3. Les raisons de l’occultation du don

Dans la première partie de son ouvrage, l’auteur nous présente le don dans les différentes sphères de la société libérale moderne.

 

I. LES LIEUX DU DON

1. Trois formes du lien social.

J.T. Godbout distingue trois sphères :

Il va déterminer que le marché et l’état fonctionnent à partir de principes différents du don mais que ce dernier y est présent.

 

2. Le lien interpersonnel.

Dans la sphère domestique, les choses circulent entre les amis, la famille, les voisins.
Ils ont des obligations les uns vis-à-vis des autres, qui semblent être de plus en plus volontaires et de moins en moins contraignantes, grâce à l’Etat et le marché qui tentent de prendre en charge et donc ainsi de libérer les individus de leurs obligations contraignantes.

- avec les amis :

L’auteur démontre que ce qui circule entre les amis relève du système de don en s’appuyant sur les travaux de Florence Weber qui a étudié le système de coopération informelle dans un village d’ouvriers français. Elle retrouve toutes les caractéristiques habituelles des systèmes de don (réciprocité, spontanéité, existence d’une séquence, plaisir du don,…) et remarque que ce réseau est plus centré sur la réciprocité par rapport à d’autres réseaux sociaux comme la famille.

- dans la famille :

Certains auteurs pensent que ce qui circule dans la famille ne relève pas du don mais du partage.
D’autres pensent que ça relève du système utilitariste qui est caché tant que le couple fonctionne bien, par contre lorsque le couple ne fonctionne plus, ce système apparaît au grand jour (par exemple, en cas de divorce, chaque partenaire se met à calculer).
L’auteur réfute cette hypothèse qui selon lui manque de démonstration et interprète cet exemple d’une autre façon : il ne s’agit que du passage d’un système qui ne fonctionne pas (le don) à un système marchand.

- Famille et liberté.

Le lien familial est un lien inconditionnel, où l’individu n’est pas libre de choisir ses parents, ses frères,…
Ceci est contraire à la pensée moderne. Cependant, au détriment de la liberté, la famille procure la sécurité car la relation n’est pas libre de disparaître.

- Le rôle de la femme.

Il existe un lien particulier entre la femme et le don dans toutes les sociétés et aussi dans la société moderne.
Les faits nous montrent que le don est la spécialité des femmes dans la société moderne :
En effet, on observe par exemple que la majorité des bénévoles sont des femmes ; ou encore qu’aux Etats-Unis, le rituel du "shower" est un rituel de don organisé par les femmes qui s’oppose au rituel de l’enterrement de vie de garçon (qui est marqué par la violence).
On peut citer encore un troisième exemple significatif de l’esprit du don qui est de la compétence des femmes : l’emballage des cadeaux.
Le mouvement féministe est composé d’une profonde ambiguïté : elles veulent changer les valeurs de la société moderne qui reposent sur une idéologie utilitariste mais condamnent les femmes qui n’adhèrent pas à ces valeurs et qui s’occuperaient, par exemple, de leurs propres enfants. Elles considèrent le système de don comme un système dévalorisant dans la mesure où elles pensent qu’il n’est pas possible de donner sans se faire avoir.

- Les enfants : don ou objet.

Les rapports à l’enfant sont des rapports de don. La naissance est un don, c’est le don de soi par excellence, il inscrit l’enfant dans un état de dette. C’est le début d’une chaîne de dons, l’enfant commencera très tôt à transmettre ce qu’il a reçu et participera ainsi à la chaîne. Il est en rapport de don presque unilatéralement pendant environ vingt ans : c’est la seule personne à qui la société moderne peut donner sans compter.
C’est la forme la plus spécifique du don moderne, la dette contractée est plus difficile à assumer.
Cependant, il existe une menace dans la société moderne pour l’enfant : la menace de se transformer en objet (bien qu’il n’ait jamais été aussi bien considéré ). En effet, les parents cherchent par tous les moyens à obtenir des enfants parfaits : la naissance n’est alors plus un don mais un produit.

- Le Père Noël :

L’enfant est le personnage central de cette période des fêtes. Les donateurs réels qui sont les parents font croire à leurs enfants que le donateur est un inconnu : Le Père Noël.
Pourquoi les parents acceptent-ils que la reconnaissance soit dirigée vers un inconnu ? Peut être pour amoindrir le poids de la dette.
Les caractéristiques du Père Noël permettent d’avancer l’idée que le don s’inscrit dans la filiation : le Père Noël à une grande barbe, il rit, il fait monter les enfants sur ses genoux, il ressemble à un grand-père.
Dans l’univers fermé de la famille, il rétablit ainsi la filiation, le lien avec les ancêtres que la modernité cherche à rompre sans cesse : les ancêtres reviennent pour donner des cadeaux aux enfants.

- Héritier.

L’héritage est un autre don fondé sur la filiation. Comme le don, il n’a pas fait l’objet de beaucoup d’études dans les sociétés modernes, sauf dans un cadre marchand ou étatique.
En effet, on ne s’est intéressé qu’aux problèmes de fiscalité et à l’étude des systèmes de transmission des terres pour les grands héritages.
Seulement Anne Gotman s’est penchée sur les petits héritages.

On constate à travers ses travaux :

Il s’agit donc d’un système de don dont la spécificité réside dans le fait que l’héritage circulant sous forme de transmission n’a pas de retour à sa source.

- La famille : un système de dette.

L’acquittement d’une dette est bien une voie de libération (pensée utilitariste) mais ce n’est pas la seule. On peut aussi s’engager dans un processus de libération de l’état de la dette elle-même et aboutir à un état de dette volontairement entretenu.

 

3. Quand l’état remplace le don.

Dans la sphère étatique, l’état providence va rendre des services qui empruntaient auparavant les réseaux de charité ou des liens personnels entre proches diminuant ainsi les injustices.
J. T. Godgout va s’interroger sur les rapports existant entre cette sphère et le don. Il tentera de défendre l’idée selon laquelle l’état n’appartient pas à l’univers du don mais à une sphère qui repose sur des principes différents et qui, de plus, peut avoir des effets négatifs sur le don.

Selon Titmuss, c’est cette petite différence au début de la chaîne, avec les systèmes où le sang fait l’objet d’un commerce, qui induit la circulation de l’esprit du don, même si la conscience du don n'existe plus chez les intervenants et chez le receveur. Ainsi l'Etat, à la différence du marché permet la transmission de l'esprit du don dans la société. De plus, il encourage les individus à prendre exemple sur ce don fait aux étrangers en prenant en charge la gestion du don du sang.

Selon l'auteur, l'Etat collabore avec un système de don : en effet, dans le cas du don du sang, l'Etat collabore bien avec des donneurs isolés, mais pour les autres services il collabore soit avec des réseaux d'individus liés par des liens personnels soit avec des bénévoles. Le système du don du sang gratuit est supérieur au système du don vendu, non pas grâce à l'Etat mais grâce à la Croix Rouge. Titmuss a donc confondu système de don et système étatique.

En conclusion, la sphère étatique ne peut être considérée comme un système de don.

 

4) Le don entre étrangers :

Le don aux inconnus est une caractéristique de la société moderne. Elle constitue une quatrième sphère puisqu'elle n'appartient pas à la sphère domestique. Elle est constituée d'associations fondées sur le principe du don ; aux Etats-Unis on les appelle les "organismes communautaires".

Pour distinguer les associations qui relèvent du don de celles qui relèvent du système étatique ou marchand, l'auteur a déterminé 2 critères :

Deux catégories d'associations remplissent les critères : les organismes fondés sur le bénévolat et les organismes d'entraide (les Alcooliques Anonymes).

C'est un réseau fondé sur le don et considéré comme le plus représentatif des organismes d'entraide.
C'est pourquoi, son mode de fonctionnement a fait l'objet d'une analyse de l'auteur à l'aide de témoignages et d'observations des transformations qui se sont produites chez les alcooliques membres des Alcooliques Anonymes.
Il a constaté que le fonctionnement de ce système de don contenait à la fois des caractéristiques modernes (les membres sont libres d'entrer et de sortir d'un groupe, tout le monde est anonyme, les groupes sont fondés sur un problème spécifique et non pas sur un passé commun), et traditionnelles (il n'y a pas de rupture entre le nouvel adhérent et l'ancien, ils sont tous alcooliques, il n'y a pas d'un côté le malade et le guéri, ceci explique l'absence d'intermédiaire et de bureaucratie; les Alcooliques Anonymes acceptent l’argent venant uniquement de leurs membres; les réunions consistent la plupart du temps à écouter l'histoire d'un membre).
Une autre caractéristique est à la fois moderne et traditionnelle : le membre doit s'abandonner à une force supérieure qui l'aidera à arrêter de boire (moderne au sens où il s'agit d'un Dieu personnel et traditionnel car il est nécessaire de croire en cette force pour être délivré de tout narcissisme).
Les Alcooliques Anonymes sont à la fois des systèmes modernes et traditionnels mais fondés sur l'absence de rupture et sur le don.

Il est caractérisé par :

Cette sphère de don aux étrangers est moderne car les dons ne circulent pas dans des réseaux de liens primaires. Il est vrai que la religion a pu encourager ce type de don, cependant, actuellement la religion ne joue pas un rôle essentiel dans ce phénomène de don aux étrangers. De plus, cette sphère se distingue du phénomène de don des riches romains au peuple dans la mesure où ça n'est pas un phénomène de classe. Donc on peut bien conclure que c'est un phénomène moderne.

 

5) Le don et la marchandise :

Examinons le rôle du don dans la sphère marchande :

-Il est au service des affaires

Il a été démontré par l’école des relations humaines et notamment par Mayo que le lien social était une condition nécessaire au bon fonctionnement de l’entreprise et permettait une amélioration de sa productivité. Les valeurs sociales étaient très présentes au sein des entreprises japonaises (par exemple, avec la mise en place de cercle de qualité). Cependant il est important de distinguer que le don n’est pas tout le lien, il est simplement à son service. Mais si ce don est utilisé d’une façon purement instrumentale, sans aucune sincérité, alors il perdra une partie de son efficacité (c’est le paradoxe de Dale Carnegie : pour réussir dans les affaires, il faut s’intéresser aux autres mais d’une façon sincère).

- le marché peut être aussi au service d’un don, c’est le cas pour le marché de l’art et les dons d’organes.

a - le marché de l’art.

Le monde artistique possède des caractéristiques liés à l’artiste qui ne s’expliquent qu’en référence au système du don et non pas au système marchand :

Il s’agit donc bien d’un système de don. L’artiste est celui qui possède le don et qui le transmet, à travers son art, aux amateurs d’art. A l’inverse du don de sang, l’artiste arrive à contrôler son produit le long de la chaîne et à faire en sorte que l’esprit du don soit maintenu.

b - les dons d’organes.

Le marché est à son service dans la mesure où il fait appel à une très grande technologie et à de nombreux intervenants régies par un rapport salarial. Ainsi, le marché est au service de la transmission de ce don.

Cependant, il faut distinguer le don entre vifs et le don post-mortel. En France, il est interdit de commercialiser le corps humain, Cependant la loi Caillourt permet de présumer toute personne décédée donneur. J. T. Godbout nous montre que ce don ne peut être considéré comme un véritable don dans la mesure où cette loi permet à l’Etat d’affirmer sa prééminence sur tous les sujets de droit. Ainsi, on tend à se rapprocher d’une sorte de perception d’impôt.

Ceci n’est pas le cas du don de rein, qui à lieu en général entre personnes appartenant à un même réseau primaire. Il possède toutes les caractéristiques d’un système de don : il existe un lien personnel entre le receveur et le donneur ; ce don à un caractère unilatéral mais les témoignages montrent qu’il existe bien un retour qui figure dans le geste lui-même (les donneurs se sentent transformés par le don) ; cette action est spontanée et non calculée (bien que ce soit en général la décision la plus grave prise au cours d’une vie). De plus, ce don met bien en évidence l’opposition entre l’alliance et la filiation car il exclut le conjoint du système (à cause du risque d’incompatibilité).

 

6) Le don dans la société libérale.

Les principales caractéristiques du don moderne tel qu’il se présente dans les lieux multiples et variés de la société libérale sont les suivantes:

  • le retour du don.

Il ne faut pas confondre ce retour par le retour marchand :

- au sens marchand, il n’y a pas toujours un retour. En effet, le retour peut ne pas être matériel ou sous la forme d’un service (par exemple, le don du rein).
- le retour est en général plus grand que le don, il n’est pas fondé sur le principe de l’équivalence marchande.
- le retour existe même s’il n’est pas voulu.
- le retour est souvent dans le don lui-même (cas, pour le don du rein de l’artiste).
  • la spontanéité :

Cette caractéristique vient contredire le modèle utilitariste qui affirme que toutes les décisions reposent sur un calcul.

 

II DU DON ARCHAIQUE AU DON MODERNE :

 

1) le don archaïque : quelques leçons de l’ethnologie :

L’auteur va nous faire part de trois exemples du don archaïque (dont deux ont été étudiés par Mauss) :

Il est pratiqué par les Indiens du nord-ouest américain pendant l’hiver. Il consiste pour chaque chef de clan à se montrer plus munificent que les autres en donnant le plus de nourriture et de biens précieux.
On retrouve dans ce système des valeurs communes à tous les systèmes de don, qui sont le crédit (c’est à dire qu’il ne faut pas rendre immédiatement sinon ce serait vu comme la renonciation à tout lien social par crainte de ne pas pouvoir être assez munificent à son tour) et l’honneur (qui est proportionnel à la capacité de perdre et supporter la dette).
Mais la différence avec les autres systèmes de don est qu’il existe une rivalité intense qui pousserait même certains chefs à détruire la nourriture et les biens précieux pour écraser son rival.

Elle est pratiquée par les habitants des îles Trobiand de la Nouvelle – Guinée.
Il s’agit pour les habitants d’une île, de faire le tour des îles voisines et dans chacune d’elle, ils tenteront de créer des liens ou de les renforcer en offrant des petits cadeaux. Si les cadeaux sont acceptés, ils recevront en retour des présents précieux. Les biens précieux ne pourront être garder et devront être utilisés pour en faire un don.
La valeur de ces biens dépend du nombre des partenaires entre les mains desquelles ils ont transité et de la position sociale de ceux-ci.

Il s’agit d’une société qui repose sur le don mais qui, à la différence des Trobiandais ou des Kwakiutls, connaît le marché depuis longtemps.
Cette société a été étudiée par Guy Nicolas entre 1950 et 1970. Il a observé la présence du don au sein de cette société qui est pourtant une société marchande. Le don rituel est pratiqué dans quatre domaines signifiants de l’existence sociale :

Par exemple divers dons ont lieu à l’occasion du mariage (don dit "d’argent pour voir le lignage", "don de la potestas" etc…).

Dans ces trois sociétés, le but ultime est qu’au moment de la consommation finale il faut se retrouver en position de donateur. Le marché paraît être un instrument au service du don, il permet de se procurer les biens.

Les biens de valeur archaïque ne sont pas les ancêtres de la monnaie moderne car la monnaie primitive ne mesure pas d’abord la valeur des choses mais celle des personnes.
En effet, la monnaie archaïque ne servait pas à acheter mais plutôt à payer le prix de la personne (par exemple le prix de la mariée). La monnaie moderne ne naîtra qu’à partir du moment où la valeur des choses s’autonomisent par rapport à celle des personnes.
Elle est née quand les tyrans grecs ont fait fondre les biens précieux des aristocrates pour faire des pièces dont la valeur était indépendante de la valeur de leurs anciens détenteurs.
Avec la monnaie archaïque, le même bien pouvait avoir une valeur différente puisqu’elle dépendait des personnes auxquelles elle avait appartenu.

 

2) Les interprétations classiques du don archaïque.

Dans l’essai sur le don, Mauss pose les trois questions suivantes : pourquoi et pour quoi donne-t-on ? Pourquoi faut-il accepter les dons, les cadeaux ? Pourquoi ne peut-on ne pas les rendre ?
Il donna implicitement trois réponses :

Plusieurs auteurs ont considéré que le don dans les sociétés archaïques était une fiction et qu’il cachait la plupart du temps une motivation purement économique.
Ainsi F.Boas, qui a découvert le potlatch, affirme que le chef du clan est guidé dans son action par une motivation de nature économique : il s’agit, pour lui, de mettre en place une sorte d’assurance vie pour ses enfants. Ce système pouvait être considéré comme un investissement qui rapporterait des taux d’intérêt (il existait selon lui un "taux usuraire" qui augmentait la dette du receveur vis-à-vis du donneur).
En France, l’anthropologie économique marxiste (avec M. Godelier, C. Meillassoux, E. Terray et P.P Rey) a réduit le don à des utilisations idéologiques. En effet, selon elle, le don faisait l’objet d’une manipulation qui avait pour objectif de masquer tout rapport de domination. Cependant, selon Godbout, cette théorie manque de démonstration.

C’est cette interprétation qui recueille les faveurs de Mauss.
Ces sociétés respectent ces rituels bien qu’il n’existe aucuns textes, aucuns contrats qui les y obligent.
Selon les propos du sage Maori Ranapiri, ceci s’explique par le fait que la chose qui est donnée a un esprit (le "hau"). Celui-ci menacera le receveur d’un grand malheur s’il conservait la chose donnée.
En fait, ces biens ne cessent jamais d’appartenir à leurs détenteurs initiaux.

A l’exception de l’interprétation indigène, un biais économiste semble marquer les interprétations du don archaïque.

 

3) Les différences entre le don archaïque et le don moderne et leurs caractéristiques :

Dans le système du don, il existe une règle de fond assez étrange : il n’est possible de donner qu’à tour de rôle, donner deux fois à la suite n’est pas possible.

4) Le passage au don moderne :

Le don moderne ne tire pas son origine du don archaïque mais de l’introduction du marché dans la société féodale. Cette introduction a permis à la communauté (les serfs) de se libérer de contraintes extérieures à elle-même, autrement dit, de supprimer les liens de subordination que les serfs avaient à l’égard des seigneurs.

L’introduction du marché dans la société féodale va être à l’origine de grandes modifications. On va passer d’une société où les choses circulaient au sein de rapports personnels, le serf sachant pour qui il produisait et pour quel usage, à une société marchande où une rupture radicale se fera entre le producteur et l’usager du produit. En effet, le producteur ne fabriquera plus à la demande et ne tiendra plus compte des besoins des usagers qui deviendront des inconnus. Ainsi, le producteur est libéré de toute subordination personnelle, on rentre dans un processus de dépersonnalisation de l’acte de production.
Cependant, il existera un risque de surproduction qui sera assumé par un intermédiaire, le marchand qui sera chargé de l’écoulement de la fabrication.

Le marché, par contre, a peu affecté les échanges de services qui sont régies, en général, par des liens communautaires. En fait, c’est l’Etat qui a pris la relève du marché dans ce domaine. Il a transformé les échanges de dons en rapports de type marchand et a libéré les individus de leurs obligations envers leurs proches en les transférant à des intermédiaires, qui sont les employés du secteur public. En terme marchand, cette nouvelle façon de rendre des services est équivalente à l’ancienne, mais ce n’est pas le cas en terme de liens sociaux car les services se rendent à un étranger. Ainsi, dans les rapports personnels, il n’y a plus que les sentiments qui circulent.

L’Etat et le marché nous libèrent de tout lien social mais nous soumettent à la loi de la productivité : l’homme doit créer toujours plus ou alors il n’est pas moderne.
L’individu moderne peut investir dans n’importe quelle activité, même dans la musique, à la condition que l’activité connaisse une croissance mesurée par le PNB, ce qui signifie que le lien producteur usager soit rompu, ou autrement dit que cette activité ne soit pas transmise aux réseaux de réciprocité et de don.

La pensée moderne a tendance a isolé les liens affectifs d’un côté et l’univers marchand de l’autre. Cette incapacité à penser les biens au service des liens conduit à évacuer toute circulation des biens dans les liens affectifs. Le modèle décrit précédemment où toutes les obligations seraient prises en charge par l’Etat et par le marché, où les liens seraient "pures" et où l’affection uniquement circulerait est un idéal. Il existe dans la société moderne des rapports sociaux qui sont encore insérés dans un système d’obligations. D’ailleurs, la libération par rapport à ces liens n’est souhaitée par personne. C’est le cas, par exemple des rapports aux enfants qui cependant semblent être menacés par les techniques (bébés éprouvettes) qui rendraient les enfants de plus en plus produits et de moins en moins donnés.

On a vu apparaître des réactions des usagers contre le système étatique et le système marchand face aux inconvénients de la dépersonnalisation des rapports. Ils refusent de jouer uniquement le rôle de consommateur de produits et de services. Cela se traduit le plus souvent par une résistance passive.
Mais il y a aussi une résistance indirecte à ces deux systèmes : l’usager en tant que personne continue à établir des liens sociaux qui ne sont pas fondés sur la rupture du lien producteur-usager. "Il n’en fait qu’à sa tête", bien qu’il existe d’autres systèmes, il choisit celui des relations personnelles.

 

III. LA BOUCLE ÉTRANGE DU DON :

 

1) Don, marché, gratuité :

Le marché est un don scindé car il provoque une scission du don qui un geste ou un mouvement complet. En effet, le marché isole le fait de donner et le fait de recevoir, ceci engendre deux opérations distinctes (l’offre et la demande) qui seront mis en rapport en vue de rechercher une équivalence.
Ce phénomène se voit dans le vocabulaire marchand, par exemple le mot reconnaissance dans le langage courant a un double sens : il signifie la reconnaissance que l’on reçoit en vertu d’un mouvement des autres vers soi et la reconnaissance que l’on manifeste envers quelqu’un, dans un mouvement vers un autre. Il indique un double mouvement et le marché le réduit à un sens unique. A cause de cette scission, le modèle marchand ne pourra jamais rendre compte du don.

La valeur de lien correspond à la valeur d’un bien, d’un service, d’un geste dans le cadre d’un renforcement des liens.
Elle se distingue de la valeur d’usage (valeur de l’utilité immédiate de la chose) et de la valeur marchande (valeur qui a un équivalent quantitatif).
Le don exprime la valeur du lien et prouve ainsi que les individus ne sont pas des objets. Le "hau" correspond en fait à la valeur du lien, c’est l’esprit de la chose qui circule, c’est-à-dire c’est ce qu’elle contient de la personne qui a donné la chose.

1. La mise en évidence du paradoxe de la gratuité :

Il existe une contradiction dans la notion de gratuité, autant dans la pensée marchande que dans le système de don :

L’auteur rappelle quelques traits du don moderne qui le distingue du marché en vue d’éclairer le paradoxe du marché :

2. première proposition de résolution de ce paradoxe : L’élargissement du cadre du geste gratuit :

Pour expliquer le paradoxe de la gratuité, trois solutions ont été formulées :

3. une obligation de rendre qui est libre :

Cependant, ce n’est pas en élargissant tout simplement le cadre du cycle gratuit que le paradoxe est résolu, il reste à expliquer l’obligation de rendre qui pourtant est libre : c’est une "obligation libre".

Le don est donc nécessairement triste. Or, ceci est une erreur, il y a retour immédiat dans le plaisir du don. Le don est gratuit au sens où il est spontané, il ne résulte pas d’un calcul. La pensée utilitariste ne retient que le calcul rationnel ou une spontanéité mais animale. Or, la spontanéité peut s’apprendre. Le don est gratuit au sens qu’il n’est pas fait en vue d’un retour, même si le retour existe presque toujours.
Donc au sens marchand, la gratuité signifie donc sacrifice, perte, spontanéité expliqué par l’impulsion, on ignore ici le phénomène du plaisir du don. Pour résoudre le paradoxe, on peut dire que le don est gratuit, non pas au sens où il n’a pas de retour, mais qu’il l’est au sens que ce qui circule ne correspond pas aux règles de l’équilibre marchande c’est-à-dire que le don n’est pas une mauvaise affaire, n’est pas un sacrifice (la gratuité n’est pas une exploitation). Il y a des dons gratuits au sens que, pour celui qui les faits, le geste est entièrement satisfaisant en lui-même et sans nécessité de retour. Il faut rejeter ce qu’implique l’utilisation de la gratuité dans le contexte marchand (sacrifice, exploitation) mais conserver l’élément de gratuité dans la notion de don. La gratuité s’explique par la réalité du plaisir de don, par le fait que les individus affirment recevoir plus qu’ils ne donnent.

Le donateur et le receveur cherchent à nier le don. Ils savent ce qu’ils font mais refusent d’expliciter les règles et en énoncent d’autres qui affirment le contraire.
Par exemple, on peut se demander pourquoi la réciprocité du don n’est-elle pas explicite ?
Ceci est fait pour ne pas obliger l’autre à rendre le don, pour le libérer. Ainsi, si l’autre rend, ce geste aura de la valeur au sein de la relation. Il est possible d’affirmer que moins c’est explicite, plus c’est libre et plus la valeur du lien sera grande. Mais, il existe le risque, l’incertitude que le don ne soit pas rendu.
Cependant, l’explicitation de la règle de réciprocité tuerait le don et pourrait même entraîner la non-réciprocité.

Le marché et le don sont libres, cependant le don rend le lien social libre et tandis que le marché libère l’individu de tout lien social.
La société a besoin des trois systèmes car l’Etat et le marché sont de bons systèmes pour faire circuler les choses entre étrangers et empêchent le don d’entraîner des phénomènes graves de dominations.
Il faut en plus (pour que chacun soit efficace) qu’ils se nourrissent les uns des autres tout en soumettant le marché et l’Etat au système du don.

Le marché et l’Etat sont des systèmes complets et fournissent donc une vision mécaniste et déterministe du monde.
Inversement, le retour du don est indéterminé. Le don est un système moins déterminé, moins simple et moins précis que l’Etat et le marché.
Le don est insaisissable dans un modèle mécaniste qui a pour caractéristique d’être un système complet. Ainsi, les belles histoires nous font mieux comprendre le don que les sciences humaines.

 

2) Esquisse pour un modèle du rapport de don :

L’intelligence artificielle comporte quelques ressemblances avec le don, son étude permet de fournir une première vision du don et de faire apparaître ses différences avec le modèle marchand et le modèle étatique.

Ce domaine a connu deux approches :

1. La première approche est hiérarchique et déterministe : le but est d’élaborer une théorie de l’intelligence pour la reproduire ensuite dans une machine qui donnera ses ordres à ses différents éléments et qui traitera de façon prédéterminée toutes les informations qu’elle reçoit (c’est l’approche synoptique). Cette approche considère le contexte comme une constante, ceci implique la nécessité de prévoir toutes les situations possibles.

2. La deuxième approche a pour objectif de comprendre comment l’intelligence émerge de connections simples entre les neurones. (les réseaux neuronaux). Elle prend en compte le contexte qu’elle considère comme une donnée qui varie à l’infinie. Il ne s’agit pas d’une organisation en niveaux mais d’un ensemble de connexions simples sans hiérarchie qui se font par affinité.

Cette dernière approche est celle adoptée aujourd’hui, l’intelligence artificielle est considérée comme un réseau, relativement indéterminé, où l’objectif n’est plus de savoir ce qui se passe. Hofstadter considère l’IA comme une "hiérarchie enchevêtrée" faisant des "boucles étranges".
Ce phénomène se rapproche de celui de la boucle étrange du retour du don qui se produit dans une hiérarchie enchevêtrée.

A la différence de l’Etat, l’individu se retrouve face à de multiples chemins qui lui sembleront infinis. Mais l’individu sera privé de divers retours qui sont contenus dans le don (plaisirs du don, reconnaissance, contre-don) et ne pourra bénéficier que du retour monétaire, en conséquence de quoi, il s’ennuiera.

Il combine la boucle du marché et la hiérarchie de l’Etat, il s’agit donc d’une hiérarchie enchevêtrée. Il est le seul à avoir une boucle étrange et une hiérarchie enchevêtrée. A la différence de l’Etat et du marché, il garde en mémoire les dons antérieurs de chaque personne et c’est pourquoi chaque personne est unique à l’égard de l’autre.
Tout ce qui se passe dans un don se situe à plusieurs niveaux qui sont en interaction, formant des boucles étranges.

Ce rapprochement du don et des systèmes intelligents avait pour objet pour l’auteur : de fournir une idée sur des modèles de dons qu’on pourrait mettre en place, de mettre en évidence le niveau de complexité de ces modèles par rapport aux modèles marchand ou étatique, d’établir leur irréductibilité à des modèles déterministes, de montrer que les autres systèmes procèdent du don, de comprendre qu’on ignore tout du don.

 

Conclusion

L’auteur ne nie pas l’existence d’effets pervers du don, cependant, il a choisit de se pencher uniquement sur le don à son état "normal". La société moderne veut que tout soit transformé en objet, de l’enfant (avec la technologie) à nos ancêtres. Ce livre s’insère parmi les tentatives qui cherchent à renverser ce courant.

  • Dernier éloge du marché

L’auteur ne cherche pas à tout réduire au don, à la différence des utilitaristes. Il reconnaît que le marché est préférable lorsqu’on ne cherche pas à créer des relations personnelles. Il est donc nécessaire à tout échange entre deux étrangers. Cependant, les utilitaristes veulent tout réduire à l’intérêt. Ceci est lié au fait que leur objectif est de produire toujours plus et que le don ne le permet pas. Ainsi, le potlatch a été interdit au Canada parce qu’il a été considéré comme un gaspillage.

La violence et son lien avec le don n’ont pas fait l’objet d’une étude dans cet ouvrage. Selon l’auteur, le don est une forme d’échange alternative à la violence. La violence est l’état négatif d’un système social et le don est l’état positif de ce système. En effet, la violence apparaît lorsqu’il y a interruption du don. Il ne faut qu’ "un geste" pour passer d’un état à un autre, cependant ces deux états sont très différents, ils ne reposent pas sur les mêmes lois (illustration avec l’exemple de l’eau liquide qui passe à l’état gazeux).

Selon René Girard, il n’y a pas d’amour possible, il n’y a que la haine et du désir. Il reconnaît le don mais il l’évacue hors des rapports sociaux. Seule l’intervention divine peut renverser la logique de la violence et de la vengeance. Mais il semble être aveuglé par sa théorie, ceci se voit dans son interprétation d’un passage biblique : " le jugement de Salomon" où finalement, l’une des mères va rejeter la logique de la violence pour adopter celle de l’amour (envisage d’abandonner son enfant pour le sauver). Le roi Salomon avait fait le pari que la logique de l’amour allait faire éclater la logique girardienne qu’il avait proposé aux deux femmes. Donc sur trois personnes, deux ont adopté une logique de don et malgré cela, Girard ne retiendra que celle de la deuxième mère qui est finalement la perdante de l’histoire parce qu’elle a adopté sa logique.

Boudon considère que toute décision est l’affirmation d’une liberté, mais elle fait l’objet d’un calcul. Tout comportement qui ne relève pas d’une décision est un réflexe, il est donc irrationnel. Comme nous le précise MacIntyre et Simmel, les décisions portent sur les moyens nécessaires pour atteindre des buts.
Par rapport à ce modèle, le don fait un pas de plus dans la définition de la liberté : elle n’est pas le résultat d’un calcul, elle relève de la spontanéité.

Le marché est un "attracteur simple" qui rend compte de la circulation des marchandises : les négociations fluctuent autour d’un point fixe jusqu'à la transaction qui constitue le point d’équilibre. Cependant, tous les échanges ne peuvent s’expliquer par cet attracteur simple, il existe des turbulences qui peuvent être expliqués par l’attracteur étrange qu’est le don : il n’a pas de point fixe, il n’atteint jamais l’équilibre, il nous met dans un état de dette réciproque.

Dans cet ouvrage, l’auteur a parlé du don avec "les moyens de la raison occidentale". Il affirme qu’il est possible d’aller plus loin dans l’analyse du don en atteignant "les couchent universelles… dont parlent les mythes" c’est-à-dire en réintégrant le temps.

En analysant le don dans les sociétés archaïques, les anthropologues ont conclut que celui-ci n’était pas libre, les "archaïques" en donnant obéissent en fait à la tradition.
Cependant, cette conclusion résulte de l’interprétation des réponses qui sont aussi données par les donneurs de reins : "je n’ai pas réfléchi, cela allait de soi". Pourtant l’interprétation est différente, dans la société moderne dans la mesure où on considère que le don est libre.
Pour penser le don, il faut le situer dans une pensée qui ne soit pas fondé sur "la rupture entre le producteur et usager, rupture entre eux et nous, qui nous ramènent à la rupture de l’homme avec le cosmos".

J.T. Godbout a cherché à montrer qu’il était impossible de faire l’impasse comme le fait l’utilitariste sur le don et que le monde appartient beaucoup plus aux donateurs qu’on a tendance à le penser. Mais, il n’y a pas de preuve de son existence, on ne peut l’expliquer car quelque chose s’échappe : le rien, l’esprit du don, le supplément, si on tente de le décomposer en ces éléments.

 

L’ACTUALITÉ DE LA QUESTION :

La relation entre le don et le management a été traitée par Godbout :
Plusieurs auteurs ont considéré que le don pouvait être au service des affaires. Selon Mayo, l’école des relations humaines et Dale Carnegie, si une entreprise prêtait plus d’attention à ses salariés ou aux "autres", ceci aurait pour effet d’améliorer ses résultats. Cependant, comme l’affirme Dale Carnegie, ceci ne fonctionnera qui si le don est réalisé d’une façon sincère et qu’il n’est pas envisagé comme un moyen au service d’une fin.
Ainsi, une entreprise qui met en place par exemple des cercles de qualité, doit avoir uniquement pour objectif l’amélioration des relations sociales au sein de son organisation et ceci ne doit pas être envisagé dans le but d’améliorer ses résultats.

 

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