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CLAUDE REMILA |
C.N.A.M. Paris |
Henri FAYOL"ADMINISTRATION INDUSTRIELLE ET GÉNÉRALE" |
SOMMAIRE :
L’AUTEUR
L’ŒUVRE
POINTS CLEFS DU TEXTE
ANALYSE DU TEXTE
RESUME DU TEXTE :PARTIE I : NECESSITE ET POSSIBILITE D’UN ENSEIGNEMENT ADMINISTRATIF
1. Définition de l’administration
2. Importance relative des diverses capacités qui constituent la valeur du personnel des entreprises
3. Nécessité et possibilité d’un enseignement administratifPARTIE II : PRINCIPES ET ELEMENTS D’ADMINISTRATION
4. Principes généraux d’administration
5. Eléments d’administration 15
L’AUTEUR
Henri Fayol est né à Constantinople en 1841.
Elève de l’Ecole des Mines de Saint-Etienne, il débuta à 19 ans comme ingénieur d’un groupe minier et métallurgique, la Compagnie de Commentry-Fourchambeau-Decazeville, et en fut le directeur général de 1888 à 1918, année ou il quitte ses fonctions.
Fayol appartenait au conseil de perfectionnement de l’Ecole des Mines de Saint-Étienne et du Conservatoire National des Arts et Métiers.Dans les dernières années de sa vie, il s’intéressa à la gestion des services publics et donna beaucoup de conférences, notamment à l’Ecole supérieure de guerre.
Il meurt à Paris en 1925.
L’ŒUVRE
Henri Fayol a publié les textes suivants dans le Bulletin de la Société de l’Industrie minérale :
Etudes sur l’altération et la combustion spontanée de la houille exposée à l’air (1878)
Note sur les mouvements de terrains provoqués par l’exploitation de mines (1885)
Etudes sur le terrain houiller de Commentry, Théorie des deltas (1887)
L’industrialisation de l’Etat (1919)
Outre ces textes, l’ouvrage qui a fait la renommée de Henri Fayol, Administration industrielle et générale, a été publié pour la première fois en 1916 dans le Bulletin de la Société de l’Industrie minérale, puis par Dunod en 1918, réédité en 1979 et en 1999.
Il a été traduit en langue anglaise, allemande, norvégienne, suédoise, lithuanienne, polonaise, tchèque, grecque, espagnole, italienne, portugaise et roumaine.
But et division de l’ouvrage :
L’administration joue dans le gouvernement des affaires, de toutes les affaires, grandes ou petites, industrielles commerciales, politiques, religieuses ou autres, un rôle très important. L’auteur se propose d’exposer dans cet ouvrage ses idées sur la manière dont ce rôle devrait être rempli.
Son travail devait être divisé en quatre parties.
1e partie - Nécessité et possibilité d’un enseignement administratif.
2e partie - Principes et éléments d’administration.
3e partie - Observations et expériences personnelles.
4e partie - Leçons de la guerre
Les deux premières parties qui font l’objet de l’ouvrage, Administration industrielle et générale, sont le développement de la conférence que l’auteur a faite au cinquantenaire de la Société de l’Industrie minérale, à Saint-Étienne, en 1908.
Les 3e et 4e parties auraient dû faire l’objet d’un deuxième volume à paraître, mais qui n’a jamais vu le jour.
POINTS CLEFS DU TEXTE
I. Nécessité et possibilité d’un enseignement administratif1. L’administration n’est que l’une des six fonctions essentielles d’une entreprise.
Toutes les opérations auxquelles donnent lieu les entreprises peuvent se répartir entre six fonctions essentielles, à savoir : Technique ; commerciale ; financière ; de sécurité ; de comptabilité ; administrative.
Administrer, c’est prévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler.
Administrer ne doit pas être confondu avec gouverner qui consiste à assurer la marche des six fonctions essentielles.2. A chaque fonction essentielle correspond une capacité spéciale.
Cette capacité repose sur un ensemble de qualités et de connaissances et qui constituent la valeur du personnel de l’entreprise.
Dans toutes les sortes d’entreprises, la capacité essentielle des agents inférieurs est la capacité professionnelle de l’entreprise, et la capacité essentielle des grands chefs est la capacité administrative.
3. Nécessité de créer une doctrine administrative à partir de cette étude et possibilité de résoudre le problème d’un enseignement administratif.
II. Descriptif de ce que pourrait être un enseignement administratif
4. Une douzaine de principes généraux d’administration pourraient prendre place dans le code administratif qu’il est indispensable de constituer.
La fonction administrative n’a pour organe que le corps social. La santé et le bon fonctionnement du corps social dépendent d’un certain nombre de conditions que l’on peut qualifier de principes.
A ce propos, Fayol passe donc en revue quatorze principes d’administration parmi un nombre non limité, à savoir : la division du travail ; l’autorité ; la discipline ; l’unité de commandement ; l’unité de direction ; la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général ; la rémunération ; la centralisation ; la hiérarchie ; l’ordre ; l’équité ; la stabilité du personnel ; l’initiative ; l’union du personnel.
5. Cinq éléments donnent la teneur de ce que pourrait être un enseignement de la fonction administrative.
Fayol passe donc en revue ces cinq éléments d’administration, à savoir : La prévoyance ; l’organisation ; le commandement ; la coordination ; le contrôle.
Dans l’élément organisation : Préconisation de Henri Fayol de remplacer, à l’école polytechnique et dans les grandes écoles françaises de génie civil, une partie de l’enseignement des cours de mathématiques par des cours d’administration plus utiles aux futurs ingénieurs des grandes entreprises.
ANALYSE DU TEXTE
QUESTIONS POSÉES PAR L’AUTEUR
L’administration ne figure même pas dans les programmes d’enseignement des écoles supérieures de génie civil. Pourquoi ?
Est-ce qu’on méconnaît l’importance de la capacité administrative ?
Serait-ce parce que la capacité administrative ne peut s’acquérir que dans les affaires ?
Qui n’a entendu parler de la nécessité des grands principes d’autorité, de discipline, de subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général, d’unité de direction, de coordination des efforts, de prévoyance, etc. ?
Ou commence l’abus des mathématiques dans l’enseignement ?
Pourquoi les mathématiques supérieures jouissent-elles en France d’un si grand prestige ?
Recrutés parmi les enfants intelligents du pays tout entier, les élèves de polytechnique seraient-ils moins une élite sans l’excès de mathématiques auquel ils sont soumis ?
Est-il bien certain que cet enseignement des mathématiques ne leur est pas plus nuisible qu’utile ?
POSTULATS ÉNONCÉS PAR L’AUTEUR
Fayol a élaboré sa doctrine administrative à partir du postulat de base suivant : L’autorité qui commande doit toujours être présente ou représentée.
De ce postulat découlent les six fonctions pouvant exister dans toute entreprise et synthétisant cette même doctrine administrative, chacune de ces fonctions étant assortie d’une capacité particulière.
Un second postulat permet d’étayer, la fonction administrative elle-même parmi ces six fonctions, à savoir : La capacité administrative croît au fur et à mesure qu’on s’élève dans la hiérarchie.
Ce postulat a son corollaire qui est : Parmi ces candidats de valeur technique sensiblement égale, la préférence doit être donnée à celui qui paraît supérieur sur les plans de la tenue, de l’ordre et de l’organisation.
Fayol devait en outre préciser qu’administrer est différent de gouverner.
La fonction administrative n’a pour organe que le corps social.
Administrer se caractérise par les cinq éléments d’administration suivants : Prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler.
Fayol a aussi énoncé quatorze principes généraux d’administration parmi un nombre non limité.
HYPOTHÈSES POSÉES PAR L’AUTEUR
1. L’enseignement technique supérieur pourrait être dirigé d’une manière beaucoup plus utile aux besoins de l’industrie qu’il ne l’est actuellement, notamment pour remédier à la pénurie de grands chefs qui de fait sentir dans les entreprises.
2. La mise en évidence des différentes fonctions, existantes dans toute entreprise, et leurs capacités spéciales reposant sur un ensemble de qualités et de connaissances, devrait permettre de dégager les bases nécessaires à la création d’une doctrine administrative.
3. La formalisation des principes et autres éléments de cette doctrine administrative devrait ensuite permettre de l’intégrer dans l’enseignement de toutes les grandes écoles françaises de génie civil
(Cette troisième l’hypothèse vient boucler par retour l’hypothèse première).
MODE DE DÉMONSTRATION UTILISE PAR L’AUTEUR
Parcours historique de l’auteur
Henri Fayol fût élève d’une école supérieure en génie civil, l’Ecole des Mines de Saint-Étienne. Il débuta à 19 ans comme ingénieur d’un groupe minier et métallurgique, la Compagnie de Commentry-Fourchambeau-Decazeville, et en fut le directeur général de 1888 à 1918, année de sa retraite.
Fayol appartenait au conseil de perfectionnement de l’Ecole des Mines de Saint-Étienne et du Conservatoire National des Arts et Métiers (C.N.A.M.).
Il est clair au vu de ce parcours, que Fayol est sorti de l’Ecole des Mines de Saint-Étienne avec une formation très technicienne, et qu’il a commencé a acquérir ses expériences administratives directement dans le groupe minier et métallurgique qu’il a ensuite intégré. Son appartenance au conseil de perfectionnement de deux grandes écoles prouve son intérêt pour l’organisation de l’enseignement. Le C.N.A.M. n’est d’ailleurs certainement pas étranger à son intérêt pour la constitution et la formalisation d’une doctrine administrative. Son ouvrage semble donc être le reflet, sinon la synthèse, de ses activités extra-professionnelles et de son parcours professionnel.
Trame thématique
Dans la première partie de son ouvrage, Fayol se propose de démontrer la nécessité et la possibilité d’un enseignement administratif.
Il commence donc par exposer les grandes lignes de sa doctrine administrative et démontre alors que la capacité la plus nécessaire aux agents supérieurs des grandes entreprises est la capacité administrative.
Il part de ce constat pour prouver, données chiffrées à l’appui, qu’une éducation exclusivement technique ne répond pas au besoins généraux des entreprises, même des entreprises industrielles.
Or, il fait remarquer que tandis que les plus grands efforts sont déployés pour répandre et perfectionner les connaissances techniques, presque rien n’est fait dans les écoles industrielles pour préparer les futurs chefs à leurs fonctions commerciales, financières, administratives, etc.
Il souligne de surcroît, les carences totales en matière d’administration des programmes d’enseignement des écoles supérieures de génie civil, alors même que les éléments de la capacité administrative existent et sont pris en compte sur le terrain des entreprises.
L’auteur pose alors la question du pourquoi d’une telle situation, avant de conclure que la vraie raison de l’absence d’enseignement administratif dans les écoles est l’absence de doctrine administrative.
Fayol affirme alors que les principes, les connaissances et les moyens existent partout dans les entreprises françaises. Selon lui, il suffirait seulement d’un peu de bonne volonté de la part de quelques grands chefs, pour qu’ils exposent leurs idées personnelles sur les principes qui président à la bonne marche des affaires et sur les moyens à mettre en œuvre. Les comparaisons et les discussions qui s’ensuivraient permettraient de constituer une doctrine administrative.
En Fait, Fayol pense qu’une fois le courant établi, il ne s’arrêtera plus ; il s’agit donc de déterminer ce courant, d’ouvrir la discussion publique. C’est ce qu’il essaie de faire en publiant cette étude, tout en espérant vivement qu’une doctrine administrative en sortira.
Cela fait, se posait le problème de la résolution de l’enseignement dans tous les rangs de la population.
Dans la seconde partie de son ouvrage, et avec le même esprit, Fayol expose donc en détail, non sans quelques réserves, les principes et éléments de ce que pourrait être un enseignement administratif.
Les 3ème et 4ème parties annoncées de l’ouvrage, qui auraient très certainement illustrées la situation de l’époque, n’ont malheureusement jamais été écrites. Elles auraient de surcroît certainement permis de mieux cerner l’origine des motivations de l’auteur.
COMMENTAIRES
Sur l’actualité de la question
L’ouvrage de Henri Fayol, Administration industrielle et générale, qui n’est pas un texte historique, demeure plus que jamais un texte fondateur du management. En effet, Fayol a vraiment énoncé les principes fondamentaux du management. Il était même en avance sur son temps de par ses analyses.
Ce texte est surprenant de par la modernité de certains de ses thèmes qui sont vraiment d’une incroyable actualité. Aujourd’hui encore, nombre de chefs d’entreprise gagneraient d’ailleurs beaucoup à le lire, ne serait-ce que pour s’imprégner de quelques bons principes de management et pour mieux fédérer leurs équipes autour d’un projet global d’entreprise.
Critique
Il est très difficile, voire présomptueux, pour un lecteur, en cette dernière année du 20ème siècle, d’émettre une critique sur le texte de Henri Fayol, dont les apports tant théoriques que pratiques ont été considérables, et qui fait figure de pionnier pour l’époque. Seule la société française tout entière est critiquable de ne pas avoir su utiliser en temps réel une arme aussi redoutable pour les temps modernes.
Néanmoins, et en marge de ceci, il faut souligner que le texte de Fayol, présente nombre de rapprochements avec les organisations publiques, mais parfois de façon insuffisamment explicite pour le lecteur non averti en la matière. En effet, dans ce cas, et pour ce dernier, il est alors très difficile de comprendre plus en profondeur la situation en question à l’aide du parallèle auquel se réfère l’auteur.
Enfin, et pour enrichir conceptuellement les présents propos, on peut dire que si Fayol a conceptualisé une doctrine administrative, en revanche, il ne semble pas avoir soupçonné nombre d’autres processus comme l’innovation, l’obsolescence, pas plus d’ailleurs que les progrès de la psychosociologie. Son œuvre, plus en rapport avec l’univers des entreprises du 19ème siècle n’est cependant pas celle d’un stratège du 20ème siècle.
RÉSUMÉ DU TEXTE
HENRI FAYOL
"ADMINISTRATION INDUSTRIELLE ET GÉNÉRALE"Le texte fondateur du management
DUNOD
NÉCESSITÉ ET POSSIBILITÉ D’UN ENSEIGNEMENT ADMINISTRATIF
1. Définition de l'administration
Toutes les opérations auxquelles donnent lieu les entreprises peuvent se répartir entre les six groupes suivants :
1. Opérations techniques (production, fabrication, transformation)
2. Opérations commerciales (achats, ventes, échanges)
3. Opérations financières (recherche et gérance des capitaux)
4. Opérations de sécurité (protection des biens et des personnes)
5. Opérations de comptabilité (inventaire, bilan, prix de revient, statistique, etc.)
6. Opérations administratives (prévoyance, organisation, commandement, coordination et contrôle)
Que l’entreprise soit simple ou complexe, petite ou grande, ces six groupes d’opérations ou fonctions essentielles s’y trouvent toujours.
Les cinq premiers groupes sont bien connus, sauf à signaler pour la fonction technique, que l’enseignement des écoles professionnelles est à peu près exclusivement technique.
Le groupement administratif appelle plus d’explication.
Administrer, c’est prévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler.
- Prévoir ; c’est-à-dire scruter l’avenir et dresser le programme d’action ;
- Organiser ; c’est-à-dire constituer le double organisme, matériel et social, de l’entreprise ;
- Commander ; c’est-à-dire faire fonctionner le personnel ;
- Coordonner ; c’est-à-dire relier, unir, harmoniser tous les actes et tous les efforts ;
- Contrôler ; c’est-à-dire veiller à ce que tout se passe conformément aux règles établies et aux ordres donnés.
La fonction administrative se distingue nettement des cinq autres fonctions essentielles.
Il importe de ne pas la confondre avec le gouvernement.
Gouverner, c’est conduire l’entreprise vers son but en cherchant à tirer le meilleur parti possible de toutes les ressources dont elle dispose ; c’est assurer la marche des six fonctions essentielles dont fait partie l’administration.
L’administration n’est que l’une des six fonctions dont le gouvernement doit assurer la marche. Mais elle tient dans le rôle des grands chefs une si grande place qu’il peut parfois sembler que ce rôle est exclusivement administratif.
2. Importance relative des diverses capacités qui constituent la valeur du personnel des entreprises
A chaque groupe d’opérations, ou fonction essentielle, correspond une capacité spéciale.
Chacune de ces capacités repose sur un ensemble de qualités et de connaissances que l’on peut résumer ainsi :
1. Qualités physiques : santé, vigueur, adresse.
2. Qualités intellectuelles : aptitude à comprendre et à apprendre, jugement, vigueur et souplesse intellectuelles.
3. Qualités morales : énergie, fermeté, courage des responsabilités, initiative, dévouement, tact, dignité.
4. Culture générale : notions diverses qui ne sont pas exclusivement du domaine de la fonction exercée.
5. Connaissances spéciales : elles concernent exclusivement la fonction, soit technique, soit commerciale, soit financière, soit administrative, etc.
6. Expérience : connaissance résultant de la pratique des affaires. C’est le souvenir des leçons qu’on a soi-même tirées des faits.
Les activités de chaque groupe sont présentes dans toute tâche mais à des degrés divers : par exemple, pour un ouvrier d’une grande entreprise industrielle, l’auteur estime ses activités techniques à 85% de ses activités totales et ses activités administratives, de sécurité et de comptabilité à 5% chacune ; pour un chef d’atelier, ses activités techniques à 45%, administratives à 25%, commerciales à 5%, de sécurité à 10% et de comptabilité à 15% ; pour un directeur général ses activités administratives à 50%, et ses activités techniques, commerciales, financières, de sécurité et de comptabilité à 10% chacune.
Dans toutes les sortes d’entreprises, la capacité essentielle des agents inférieurs est la capacité professionnelle caractéristique de l’entreprise, et la capacité essentielle des grands chefs est la capacité administrative.
3. Nécessité et possibilité d’un enseignement administratif
Une éducation exclusivement technique ne répond pas aux besoins généraux des entreprises, même des entreprises industrielles.
L’administration ne figure pas dans les programmes d’enseignement des écoles supérieures de génie civil. Pourquoi ?
Est-ce qu’on méconnaît l’importance de la capacité administrative ? Non.
Serait-ce parce que la capacité administrative ne peut s’acquérir que dans la pratique des affaires ? Ce serait la raison qu’on se donne.
La vraie raison de l’absence d’enseignement administratif dans les écoles professionnelles, c’est l’absence de doctrine administrative. Sans doctrine il n’y a pas d’enseignement possible.
Il importe donc d’établir le plus tôt possible une doctrine administrative.
Cela fait, il faudra résoudre le problème de l’enseignement.
PRINCIPES ET ÉLÉMENTS D’ADMINISTRATION
4. Principes généraux d’administration
La fonction administrative n’a pour organe et pour instrument que le corps social. Tandis que les autres fonctions mettent en jeu la matière et les machines, la fonction administrative n’agit que sur le personnel.
La santé et le bon fonctionnement du corps social dépendent d’un certain nombre de principes, encore appelés lois ou règles. Ce terme principe doit être dégagé de toute idée de rigidité. Il n’y a rien de rigide ni d’absolu en matière administrative ; tout y est question de mesure.
Les principes sont souples et susceptibles de s’adapter à tous les besoins. Il s’agit de savoir s’en servir. C’est un art difficile qui exige de l’intelligence, de l’expérience, de la décision et de la mesure. Faite de tact et d’expérience, la mesure est l’une des principales qualités de l’administrateur.
Le nombre des principes d’administration n’est pas limité. Toute règle, tout moyen administratif qui fortifie le corps social ou en facilite le fonctionnement prend place parmi les principes, aussi longtemps du moins que l’expérience le confirme dans cette haute dignité. Un changement dans l’état des choses peut déterminer le changement des règles auquel cet état avait donné naissance.
Quatorze principes d’administration vont donc être passé en revue ci-après :
Division du travail :
La division du travail est d’ordre naturel : elle s’observe dans le monde animal ou plus l’être est parfait, plus il possède d’organes chargés de fonctions différentes.
La division du travail a pour but d’arriver à produire plus et mieux avec le même effort.
Elle a pour conséquence la spécialisation des fonctions et la séparation des pouvoirs.
La division du travail a ses limites que l’expérience accompagnée de l’esprit de mesure, apprend à ne pas franchir.
Autorité – Responsabilité :
L’autorité, c’est le droit de commander et le pouvoir de se faire obéir.
On distingue dans un chef, l’autorité statutaire qui tient à la fonction, et l’autorité personnelle faite d’intelligence, de savoir, d’expérience, de valeur morale, de don de commandement…
On ne conçoit pas l’autorité sans responsabilité, c’est à dire sans sanction – récompense ou pénalité – qui accompagne l’exercice du pouvoir. La responsabilité est un corollaire de l’autorité.
Le jugement exige une haute valeur morale, de l’impartialité et de la fermeté. Si toutes ces conditions ne sont pas remplies, il est à craindre que le sentiment de la responsabilité disparaisse de l’entreprise.
La responsabilité est généralement aussi redoutée que l’autorité est recherchée.
Discipline :
La discipline, c’est essentiellement l’obéissance, l’assiduité, l’activité, la tenue, les signes extérieurs de respect réalisés conformément aux conventions établies entre l’entreprise et ses agents.
Dans l’ordre des influences sur la discipline, il faut placer à côté du commandement, les conventions.
La discipline est le respect des conventions qui ont pour objets l’obéissance, l’assiduité, l’activité et les marques extérieures de respect.
Unité de commandement :
Pour une action quelconque, un agent ne doit recevoir des ordres que d’un seul chef.
Dans toutes les associations humaines, dans l’industrie, dans le commerce, dans l’armée, dans la famille, dans l’Etat, la dualité de commandement est une source perpétuelle de conflits, parfois très graves, qui sollicitent particulièrement l’attention des chefs à tous les niveaux.
Unité de direction :
Ce principe a pour expression : Un seul chef et un seul programme pour un ensemble d’opérations visant le même but.
Il ne faut pas confondre unité de direction (un seul chef, un seul programme) avec unité de commandement (un agent ne doit recevoir des ordres que d’un seul chef ).
Subordination de l’intérêt particulier à l’intérêt général :
Ce principe rappelle que dans une entreprise, l’intérêt d’un agent, ou d’un groupe d’agents, ne doit pas prévaloir contre l’intérêt de l’entreprise.
Rémunération du personnel :
La rémunération du personnel est le prix à payer du service rendu. Elle doit être équitable, et autant que possible, donner satisfaction à la fois au personnel et à l’entreprise, à l’employeur et à l’employé.
Le taux de rémunération dépend, d’abord de circonstances indépendantes de la volonté du patron et de la valeur des agents, telles que la cherté de la vie, l’abondance ou la rareté du personnel, l’état général
des affaires, la situation économique de l’entreprise ; il dépend ensuite, de la valeur des agents et il dépend, enfin, du mode de rétribution adopté…
Le mode de rétribution du personnel peut avoir une influence considérable sur la marche des affaires.
Ce que l’on cherche généralement dans le mode de rétribution c’est :
1. Qu’il assure une rémunération équitable.
2. Qu’il encourage le zèle en récompensant l’effort inutile.
3. Qu’il ne puisse conduire à des excès de rémunération dépassant la limite raisonnable.Examen des modes de rétribution usités pour les ouvriers, pour les chefs et pour les grands chefs :
. Ouvriers
Les divers modes de rétribution usités pour les ouvriers sont :
1. Le paiement à la journée qui a l’inconvénient de pousser à la négligence et d’exiger une surveillance attentive
2. Le paiement à la tâche qui a pour inconvénient d’abaisser le rendement des bons ouvriers au niveau de celui des ouvriers médiocres
3. Le paiement aux pièces auquel on reproche de pousser à la quantité au détriment de la qualité.
Ces trois modes de rétribution peuvent se combiner entre eux et donner lieu à d’importantes variantes par l’introduction des primes, de la participation aux bénéfices, de subsides en nature, de satisfaction honorifique, etc.
. Primes
Pour intéresser l’ouvrier à la bonne marche de l’entreprise, on ajoute parfois au tarif de la journée, de la tâche ou des pièces, un supplément sous forme de prime : prime d’assiduité, prime d’activité, prime de marche régulière des appareils, de production, de propreté, etc.
. Participation aux bénéfices
L’idée de faire participer les ouvriers aux bénéfices est très séduisante. Mais la formule pratique de cet accord n’est pas encore trouvée.
La participation aux bénéfices des contremaîtres, chefs d’ateliers et ingénieurs, n’est guère plus avancée que pour les ouvriers. Elle est très rare en France. Les primes à la production ou à certains résultats d’un atelier sont beaucoup plus fréquentes.
Pour les grands chefs la participation aux bénéfices est un moyen de rémunération qui peut donner dans certains cas d’excellents résultats ; ce n’est pas une solution générale.
. Subsides en nature – institutions de bien-être – satisfactions honorifiques
Que le salaire se compose de numéraire ou qu’il comprenne divers compléments en chauffage, éclairage, logement, vivres, peu importe, pourvu que l’agent soit satisfait.
Dans l’usine, l’œuvre de bien être s’exerce sur les questions d’hygiène et de confort : air, lumière, propreté, réfectoire. Hors de l’usine, elle s’applique au logement, à l’alimentation, à l’instruction et à l’éducation. Les œuvres de prévoyance rentrent dans cette catégorie de moyens.
Les satisfactions honorifiques sont presque exclusivement du domaine de l’état.
Centralisation :
La centralisation est un fait d’ordre naturel ; celui-ci consiste en ce que dans tout organisme, animal ou social, les sensations convergent vers le cerveau ou la direction, et que du cerveau ou de la direction partent les ordres qui mettent en mouvement toutes les parties de l’organisme.
Trouver la mesure qui donne le meilleur rendement total, tel est le problème de la centralisation et de la décentralisation.
La valeur absolue et relative du chef et des agents étant en perpétuelle transformation, on comprend que la mesure de centralisation ou de décentralisation puisse être elle-même constamment variable.
Hiérarchie :
La hiérarchie est la série des chefs qui va de l’autorité supérieure aux agents inférieurs.
La voie hiérarchique est le chemin que suivent, en passant par tous les degrés de la hiérarchie, les communications qui partent de l’autorité supérieure ou qui lui sont adressées. Ce chemin est imposé à la fois par le besoin d’une transmission assurée et par l’unité de commandement.
Il n’est pas toujours le plus rapide. Or il y a beaucoup d’opérations dont le succès repose sur une exécution rapide ; il faut donc pouvoir concilier le respect de la voie hiérarchique avec l’obligation d’aller vite.
Ordre :
Ordre matériel. – Pour que l’ordre matériel règne, il faut qu’une place ait été réservée à chaque objet et que tout objet soit à sa place. De plus, il faut que la place ait été bien choisie.
L’ordre doit avoir pour résultat d’éviter les pertes de matière et des pertes de temps.
La propreté est un corollaire de l’ordre. Aucune place n’est réservée à la saleté.
Ordre social. - Pour que l’ordre social règne dans une entreprise, il faut, qu’une place soit réservée à chaque agent et que chaque agent soit à la place qui lui a été assignée.
L’ordre parfait exige de plus que la place convienne à l’agent et que l’agent convienne à sa place.
Équité :
Pourquoi équité et non justice ?
La justice est la réalisation des conventions établies. Mais les conventions ne peuvent tout prévoir ; il faut les interpréter ou suppléer à leur insuffisance.
Pour que le personnel soit encouragé à apporter dans l’exercice de ses fonctions toute la bonne volonté et le dévouement dont il est capable, il faut qu’il soit traité avec bienveillance ; l’équité résulte de la bienveillance avec la justice.
Stabilité du personnel :
Il faut du temps à un agent pour s’initier à une fonction nouvelle et pour arriver à bien la remplir – en admettant qu’il soit pourvu des aptitudes nécessaires.
Si lorsque son initiation s’achève ou avant qu’elle soit achevée, l’agent est déplacé, il n’aura pas eu le temps de rendre un service appréciable.
Et si la chose se répète indéfiniment, la fonction ne sera jamais bien remplie.
Les fâcheuses conséquences d’une telle instabilité sont surtout redoutables dans les grandes entreprises où l’initiation des chefs est généralement longue.
Le principe de stabilité est une question de mesure.
Initiative :
La possibilité de concevoir et d’exécuter est ce que l’on appelle l’initiative. La liberté de proposer et celle d’exécuter sont aussi, chacune de leur côté, de l’initiative.
L’union du personnel :
L’union fait la force. Ce proverbe s’impose à la méditation des chefs d’entreprise.
L’harmonie, l’union dans le personnel d’une entreprise est une grande force dans cette entreprise.
Il faut donc s’efforcer de l’établir par un principe et en évitant deux dangers. Le principe à observer c’est l’unité de commandement. Les dangers à éviter sont :
a) Il ne faut pas diviser son personnel. - Diviser les forces ennemies pour les affaiblir est habile ; mais diviser ses propres troupes est une lourde faute contre l’entreprise.
b) Abus des communications écrites. - Toutes les fois que c’est possible, les relations doivent être verbales. On y gagne en rapidité, en clarté et en harmonie.
Ces principes prendront-ils place dans le code administratif qui est à constituer ? Ce code est indispensable. Il y a dans toute entreprise une fonction administrative à remplir, et pour remplir cette fonction on a besoin de s’appuyer sur des principes, c’est à dire sur des vérités admises, considérées comme démontrées. C’est le code qui représente à chaque moment l’ensemble de ces vérités.
Prévoyance :
Prévoir, ici, signifie à la fois supputer l’avenir et le préparer ; c’est déjà agir.
La principale manifestation de la prévoyance, son signe sensible, son instrument le plus efficace, c’est le programme d’action.
Le programme d’action, c’est à la fois le résultat visé, la ligne de conduite à suivre, les étapes à franchir, les moyens à employer ; c’est la marche de l’entreprise prévue et préparée pour un certain temps.
Le programme d’action repose :
1. Sur les ressources de l’entreprise ;
2. Sur la nature et l’importance des opérations en cours ;
3. Sur les possibilités d’avenir.
Caractères généraux d’un bon programme d’actionLe programme d’action est indispensable.
L’unité de programme : Il ne peut y avoir en application qu’un programme à la fois, sinon ce serait la confusion.
Dans la grande entreprise on trouve avec le programme général, un programme commercial, un programme technique, un programme financier, etc.… ou encore un programme d’ensemble avec un programme particulier pour chaque service.
Mais tous ces programmes sont reliés de manière à n’en faire qu’un, et toute modification apportée à l’un quelconque d’entre eux est aussitôt traduite dans le programme d’ensemble.
Unité, continuité, souplesse, et précision tels sont les caractères d’un bon programme d’action.
Il n’y a pas d’albums de programmes d’action ; il n’y a pas d’enseignement de prévoyance ; la doctrine administrative est à faire.
A titre de document, l’auteur expose la méthode qui est suivie dans une grande industrie minière et métallurgique.
Mode d’établissement d’un programme d’action dans une grande entreprise minière et métallurgiqueLa société comprend plusieurs établissements distincts et occupe environ dix mille agents.
Le programme d’ensemble se compose d’une série de programmes distincts qu’on appelle prévisions.
Il y a les prévisions annuelles, les prévisions décennales, des prévisions mensuelles, hebdomadaires, quotidiennes ; il y a des prévisions à très long terme, des prévisions spéciales…Et toutes ces prévisions se fondent en un programme unique qui sert de directive à l’entreprise.
1. Prévisions annuelles. - Chaque année, deux mois après la fin d’un exercice, un rapport général est fait sur les opérations et les résultats de cet exercice. Le rapport traite particulièrement de la production, des ventes, etc.
Le rapport est accompagné de prévisions qui traitent des même sujets. Les prévisions sont une sorte de compte-rendu fait d’avance des opérations et des résultats probables du nouvel exercice.
Les deux mois écoulés du nouvel exercice ne sont pas restés sans programme, grâce à des prévisions provisoires faites quinze jours avant la fin de l’exercice précédent.
Dans une grande entreprise minière et métallurgique, il faut tenir compte des répercutions que les opérations prochaines doivent avoir sur les opérations ultérieures, et de l’obligation de préparer quelquefois longtemps à l’avance un état de choses désiré.
Ces diverses considérations sortent du cadre des prévisions annuelles et conduisent à des prévisions à plus long terme.
2. Prévisions décennales. - Les prévisions décennales traitent des mêmes matières que les prévisions annuelles.
Au départ ces deux sortes de prévisions sont identiques.
Pour conserver l’unité de programme il faut chaque année mettre les prévisions décennales en harmonie avec les prévisions annuelles, si bien qu’au bout de quelques années elles ne sont plus claires.
La règle est que les prévisions décennales embrassent toujours une décade, et qu’elles sont refaites tous les cinq ans.
3. Prévisions spéciales. - Il est des opérations dont le cycle dépasse une ou même plusieurs périodes décennales ; il en est d’autres qui surgissant tout à coup, doivent modifier sensiblement les conditions de l’entreprise. Les unes et les autres sont l’objet de prévisions spéciales.
Ces trois sortes de prévisions - annuelles, décennales, spéciales – fondues, harmonisées constituent le programme général de l’entreprise.
Avantages et inconvénients des prévisionsGrâce au programme prévisionnel, sachant ce qu’elle peut et ce qu’elle veut, l’entreprise est préparée à dresser toutes ses forces contre les surprises et les accidents de toute nature qui peuvent se présenter. De surcroît, en faisant ce travail, le personnel accroît sa valeur d’année en année.
Conditions et qualités nécessaires à l’établissement d’un bon programme d’actionLe programme d’action facilite l’utilisation des ressources de l’entreprise et le choix des meilleurs moyens à employer pour arriver au but ; il supprime ou réduit les hésitations, les fausses manœuvres, les changements injustifiés d’orientation ; il contribue à l’amélioration du personnel.
C’est un précieux instrument de gouvernement.
La confection d’un bon programme d’action exige chez le personnel dirigeant :
1. L’art de manier les hommes ;
2. Beaucoup d’activité ;
3. Un certain courage moral ;
4. Une assez grande stabilité du personnel dirigeant ;
5. Une certaine compétence dans la spécialité professionnelle de l’entreprise ;
6. Une certaine expérience générale des affaires.
Prévoyance nationaleLa nation française est prévoyante ; son gouvernement ne l’est pas.
Les prévisions annuelles (budget) y sont rarement terminées en temps utile ; les prévisions à long terme y sont rares.
La raison immédiate est l’instabilité ministérielle.
Une autre raison de l’instabilité de l’Etat est l’absence de responsabilité des dirigeants. La responsabilité financière par exemple, ce puissant stimulant des chefs d’affaires privés est à peu près nulle dans l’Etat.
Donc du point de vue de la prévoyance, il faut faire les plus grands efforts pour arriver à la stabilité ministérielle.
La prévoyance revêt une grande importance dans l’entreprise et elle exige des qualités chez le personnel dirigeant.
Organisation :
Organiser une entreprise, c’est la munir de tout ce qui est utile à son fonctionnement : matières, outillage, capitaux, personnel.
On peut faire dans cet ensemble deux grandes divisions : l’organisme matériel et l’organisme social.
L’auteur n’a traité que de ce dernier.
Mission administrative du corps social
Le corps social a à remplir la mission administrative suivante :
1. Veiller à ce que le programme d’action soit mûrement préparé et fermement exécuté.
2. Veiller à ce que l’organisme social et l’organisme matériel soient en rapport avec le but, les ressources et les besoins de l’entreprise.
3. Etablir une direction unique, compétente et vigoureuse.
4. Concerter les actions, coordonner les efforts.
5. Formuler des décisions claires, nettes et précises.
6. Concourir à un bon recrutement, chaque service devant avoir à sa tête un homme compétent et actif, chaque agent devant être à la place où il peut rendre le plus de services.
7. Définir nettement les attributions.
8. Encourager le goût des initiatives et des responsabilités.
9. Rémunérer équitablement et habilement les services rendus.
10. Prendre des sanctions contre les fautes et les erreurs.
11. Faire observer la discipline.
12. Veiller à ce que les intérêts particuliers soient subordonnés à l’intérêt de l’entreprise.
13. Donner une attention particulière à l’unité de commandement.
14. Surveiller l’ordre matériel et l’ordre social.
15. Faire tout contrôler.
16. Combattre les abus de réglementation, de formalisme bureaucratique et de paperasserie…Constitution du corps social
A). Forme du corps social à ses divers degrés de développement – Ressemblance – Importance du facteur individuel – Analogies :
La forme générale du corps social dépend presque uniquement du nombre des agents de l’entreprise.
Dans une entreprise rudimentaire, l’artisan en est l’unique personne.
Dans une petite entreprise de quelques ouvriers seulement, ceux-ci reçoivent directement les ordres du chef de l’entreprise.
Quand le nombre des ouvriers s’élève, un contremaître, un intermédiaire intervient entre le chef de l’ensemble ou une partie des ouvriers. Chaque nouveau groupe de dix, vingt, trente ouvriers fait apparaître un nouveau contremaître ; deux, trois, quatre ou cinq contremaîtres déterminent la nomination d’un chef d’atelier ; deux, trois, quatre ou cinq chefs d’atelier donnent naissance à un chef de division…
Le corps social de toutes les sortes d’entreprises se constitue de la même manière que celui des entreprises industrielles, de sorte que, au même degré de développement, tous les corps sociaux se ressemblent.
Mais pour créer un corps social utile il ne suffit pas de grouper des hommes et de distribuer des fonctions ; il faut savoir approprier l’organisme aux besoins, trouver les hommes nécessaires et mettre chacun à la place où il peut rendre le plus de services.
B). Organes ou membres du corps social :
Ces organes seront mis en évidence par l’exemple d’une grande entreprise industrielle minière et métallurgique.
On peut donc distinguer dans le corps social de la société anonyme les principaux organes suivants :
1. Actionnaires
Leur rôle est fort réduit, il consiste principalement :
a) à nommer les membres du conseil d’administration et les commissaires - vérificateurs des comptes ;
b) à délibérer sur les proposition du conseil d’administration.Ils se réunissent une fois par an.
L’acte le plus important et le plus difficile des actionnaires est la nomination des administrateurs.2. Conseil d’administration
Le conseil d’administration possède des pouvoirs statuaires très étendus. Ces pouvoirs sont collectifs.
Il en délègue généralement une très grande partie à la direction générale qu’il nomme.
Il doit être en mesure d’apprécier les propositions de la direction générale et d’exercer un contrôle général.3. La direction générale
La direction générale est chargée de conduire l’entreprise vers son but, en cherchant à tirer le meilleur parti possible des ressources dont elle dispose. C’est le pouvoir exécutif.
Elle dresse le programme d’action, recrute le personnel, ordonne le mouvement, assure et contrôle l’exécution des opérations.
Elle se compose tantôt d’un seul, tantôt de plusieurs directeurs généraux.
Dans tous les cas, la direction générale s’appuie sur un état-major.État-major. - L’état-major est un groupe d’hommes disposant de la force, de la compétence et du temps qui peuvent manquer au directeur général, c’est une aide, un renfort, une sorte d’extension de la personnalité du chef. Ce groupe d’agents s’appelle l’état-major dans l’armée.
Les agents de l’état-major ne participent pas à l’exécution des services subordonnés.Perfectionnements. - Parmi les obligations de l’état major, une des plus importantes est la recherche des perfectionnements.
La méthode consiste : à observer, à recueillir et à classer les faits, à les interpréter, à instituer des expériences s’il y a lieu, et à tirer de tout cet ensemble d’études, des règles qui, sous l’impulsion du chef, entreront dans la pratique des affaires.
4. Les directions régionales et locales
Système Taylor. - Selon l’auteur, ce système est surtout ce que Taylor a appelé : "l’organisation scientifique ou administrative".
Ce système repose sur les deux grandes idées suivantes :
1. - La nécessité de renforcer les chefs d’atelier et les contremaîtres par un état-major ;
2. - La négation du principe de l’unité de commandement.Autant la première idée paraît bonne à Fayol, autant la deuxième lui paraît fausse et dangereuse.
5 à 9. Les ingénieurs principaux, les chefs de service, les chefs d’ateliers, les contremaîtres, les ouvriers
La fonction administrative, d’abord dominante, cède peu à peu le pas à la fonction spéciale – technique, commerciale ou autre – qui est la principale occupation des agents inférieurs.
C). Agents ou éléments constitutifs du corps social :
Essayons de dégager les qualités nécessaires aux chefs.
. Chefs des grandes entreprises
La première condition que doit remplir le chef d’entreprise est d’être bon administrateur.
La seconde condition requise est de posséder une assez grande compétence dans la fonction spéciale caractéristique de l’entreprise.
En résumé, les qualités et connaissances désirables chez tous les grands chefs d’entreprise sont les suivantes :
1. Santé et vigueur physique.
2. Intelligence et vigueur intellectuelle.
3. Qualités morales : volonté réfléchie, ferme, persévérante ; activité, énergie et, s’il y a lieu, audace ; courage des responsabilités ; sentiment du devoir, souci de l’intérêt général.
4. Forte culture générale.
5. Capacité administrative.Prévoyance. – Habileté à dresser et à faire dresser le programme d’action ;
Organisation. – En particulier, savoir constituer le corps social ;
Commandement. – Art de manier les hommes ;
Coordination. – Harmoniser les actes, faire converger les efforts ; Contrôle.6. Notions générales sur toutes les fonctions essentielles.
7.La plus large compétence possible dans la profession spéciale caractéristique de l’entreprise.. Chefs des moyennes et petites entreprises
Pour le chef de la très grande entreprise, la capacité administrative est la plus importante de toutes, tandis que pour le chef de l’entreprise rudimentaire, la capacité la plus importante est la capacité technique.
. Chefs de service
Les chefs d’entreprise ont la responsabilité de l’ensemble et doivent assurer l’exécution de toutes les fonctions ; la responsabilité des chefs de service ne s’étend que sur une partie de l’entreprise.
. Agents inférieurs. – ouvriers
Même pour les agents inférieurs des entreprises, la valeur se compose des mêmes éléments que celle des grands chefs ; mais l’importance absolue et la proportion de ces éléments sont différentes.
Eléments de la valeur des chefs et des agents des entreprisesOn retrouve les mêmes qualités et connaissances que pour les grands chefs mais dans des proportions variables selon le rang de l’agent.
Tableaux d’organisationDes tableaux synoptiques facilitent beaucoup la constitution et la surveillance du corps social. L’emploi de tableaux n’est cependant pas limité à la création de l’organisme. La prise en compte des modifications survenues suite à des changements dans l’état des affaires ou des personnes fait de ces tableaux de précieux instruments de direction.
RecrutementLe recrutement consiste à se procurer les agents nécessaires à la constitution du corps social.
Cette opération est parmi les plus importantes et les plus difficiles des entreprises.
Les conséquences d’un mauvais choix sont en rapport avec le rang de l’agent, généralement peu importantes pour l’ouvrier, toujours plus graves pour l’agent supérieur.
Selon le Comité des Forges de France, le nombre des hommes capables de diriger les grandes affaires, en créer de nouvelles et maintenir la France au rang que son clair génie a su lui attirer à la tête du progrès des sciences et des arts industriels, a singulièrement diminué depuis quelques années.
La concentration industrielle augmente cependant le besoin des grands chefs et rend leur formation difficile.
L’enseignement technique pourrait être dirigé d’une manière beaucoup plus utile aux besoins de l’industrie qu’il ne l’est actuellement.
Formation des agents d’entreprisesChaque cas appelle un examen spécial. Les propos suivants s’appliquent en grande partie à la formation des agents de toutes sortes d’entreprises.
A). Rôle de l’école :
1. Enseignement technique supérieur
En France, les agents supérieurs et les chefs de l’industrie minière et métallurgique sortent en majeure partie des écoles supérieures du génie civil (Ecoles nationales supérieures des mines, école centrale des arts et manufactures, etc.).
Les cours y sont presque exclusivement techniques, il n’y est question ni d’administration, ni de commerce, ni de finance, à peine de sécurité et très peu de comptabilité.
Le concours d’admission donne une place prépondérante aux mathématiques.
Il y a un tel écart entre cette éducation et les qualités et connaissances dont les ingénieurs et les chefs d’industrie doivent être pourvues, qu’on ne saurait s’étonner si le résultat visé n’est pas atteint.
Ainsi les écoles de génie civil semblent ignorer que la santé et la vigueur physique comptent parmi les plus importantes qualités nécessaires aux directeurs des établissements industriels.
On ne saurait éclairer trop tôt et trop fortement les futurs chefs sur l’importance des qualités morales.
La culture générale n’est pas plus à l’honneur dans les écoles de génie civil.
Il n’est guère question de littérature, d’histoire ou de philosophie lors de la sélection des candidats.
Or les chefs d’industrie et les ingénieurs, sauf à de rares exceptions près ont besoin de savoir parler et écrire ; ils n’ont pas besoin de mathématiques supérieures. On ne sait pas assez que la règle de trois simple a toujours suffi aux hommes d’affaires comme aux chefs d’armées.
Connaissances administratives. - L’action administrative du chef est considérable et prépondérante.
L’enseignement actuel des écoles de génie civil repose sur deux illusions.
La première, c’est que la valeur des ingénieurs et des chefs d’industrie se compose presque uniquement de capacité technique.
La seconde, c’est que la valeur des ingénieurs et des chefs d’industrie est en rapport direct avec le nombre d’années qu’ils ont consacrées à l’étude des mathématiques. Celle-ci n’est pas moins funeste que la précédente et sera peut-être plus difficile à détruire.
Abus des mathématiques. – Les mathématiques sont l’une des branches les plus importantes de l’enseignement. Elles sont un tout puissant instrument de formation de l’esprit. Mais il y a la mesure qu’il ne faut pas perdre de vue.
Il serait souhaitable que l’on réduisît les programmes de mathématiques et que l’on introduisît dans l’enseignement des notions d’administration.
Durée des études. - Les futurs ingénieurs restent beaucoup trop longtemps sur les bancs de l’école.
Quatre années sont largement suffisantes pour faire d’un bon élève de l’enseignement supérieur un diplômé des écoles techniques supérieures.
Ce résultat doit être obtenu tout en consacrant six mois à des leçons d’administration, de commerce, de finance, de sécurité et de comptabilité qui manquent dans les grandes écoles.
Il faut donc gagner au moins deux ans sur le temps consacré aux mathématiques supérieures et quelques détails inutiles des cours techniques.
Conseils aux futurs ingénieurs. - Les qualités que vous allez devoir mettre en œuvre ne sont pas exactement celles qui permettent d’arriver au premier rang de l’école :
Il vous faut la santé, acquérir l’art de manier les hommes et de la tenue.
Vous n’êtes pas préparés à prendre la direction d’une entreprise, même petite. Il vous manque les notions administratives, commerciales et comptables nécessaires au chef d’entreprise. Les auriez -vous qu’il vous manquerait la pratique et l’expérience.
Vous n’êtes pas préparés à conduire un grand service technique. Il vous faut d’abord apprendre le métier que vous ne connaissez pas. Vous débuterez donc en qualité d’ingénieur en second ou dans des fonctions plus modestes.
On vous demande d’apporter avec votre diplôme, de la réflexion, de la logique, de l’esprit d’observation, du dévouement dans l’accomplissement de votre tâche.
Vous devrez observer vis à vis des ouvriers, une attitude de politesse et de bienveillance ; attachez-vous à les étudier dans leur conduite, leur caractère, leurs aptitudes, leur travail et même dans leurs intérêts personnels.
Dans le service, mesurez soigneusement vos paroles et n’exprimez aucun reproche immérité.
Efforcez-vous de vous concilier la sympathie de votre chef par un zèle de bon aloi dans l’exercice de vos fonctions.
Apporter dans votre appréciation des gens et des choses qui vous entourent de la réserve et de la mesure.
Ayez confiance en vous-mêmes sans tomber dans la présomption.
Travaillez à compléter vos connaissances professionnelles, mais ne négligez pas votre instruction générale.
Soyez convaincus qu’il y a beaucoup à apprendre autour de vous. Prenez note des choses au fur et à mesure qu’elles se présentent à votre esprit.
Instruisez-vous par les livres, par les revues, par l’effort personnel.
Faites-vous inscrire comme membres des principales sociétés techniques de votre spécialité, sinon suivez les réunions, assistez aux congrès. Vous-vous mettrez ainsi en relation avec les hommes les plus éminents de votre profession. Essayez-vous à publier.
Après un travail intense, ne jamais prendre de vacances est une fâcheuse habitude.
Soyez vaillant et enthousiastes comme il convient à la jeunesse ; ne vous laissez jamais aller au découragement.
Ayez de l’initiative, ayez de l’audace.
N’oubliez pas que toute l’intelligence, tous les efforts, toutes les qualités consacrées à la prospérité d’une grande entreprise peuvent échouer ; le hasard, les circonstances ont parfois une grande influence sur le succès des affaires et par conséquent sur celui des hommes qui les dirigent. Mais il ne faut pas exagérer le rôle de la chance.
Vous appartenez à l’élite intellectuelle, vous ne devez donc pas vous désintéresser de votre temps ; vous devez être au courant de toutes les idées qui agitent la société moderne.
Enfin ne perdez pas de vue que le mariage est l’acte le plus important de la vie civile.
2. Enseignement secondaire
L’enseignement secondaire des lycées a pour but la culture générale et, pour sanction le baccalauréat.
Le jour où les écoles techniques supérieures demanderont à leurs candidats moins de mathématiques, plus de clarté dans l’expression de leur pensée et un peu d’administration, les lycées mettront leur enseignement en harmonie avec les programmes d’admission.
a) Enseignement universitaire. – L’enseignement secondaire de l’université n’a pas directement l’industrie en vue. Ses élèves rayonnent vers les carrières les plus diverses : la médecine, le droit, les écoles industrielles, etc.
L’enseignement secondaire paraît à l’auteur beaucoup moins défectueux que l’enseignement technique supérieur et c’est sur ce dernier que l’effort doit, d’abord se porter.
b) Enseignement spécial. – Les agents moyens que l’industrie ne trouve pas parmi les élèves de l’enseignement secondaire universitaire, elle les recrute en grande partie dans les écoles spéciales instituées en vue de préparer de bons contremaîtres et de bons chefs d’ateliers.
Résultant généralement d’une sélection qui s’est opérée pendant le cours des études primaires, l’ensemble de ces jeunes constitue une élite bien disposée au service industriel.
C’est une lacune regrettable que jusqu’ici l’administration ne fasse pas partie des programmes d’enseignement des écoles secondaires.
3. Enseignement primaire
Un bon enseignement primaire est une excellente préparation aux travaux industriels.
Il serait bon d’introduire dans l’enseignement primaire quelques notions d’administration.B). Rôle de l’atelier ( du patron ) :
Lorsqu’il vient de quitter l’école, l’agent industriel n’est qu’un apprenti. L’éducation des élèves a besoin d’un complément ; au moment où le rôle de l’école finit, celui de l’atelier doit commencer.
La fonction éducatrice du patron doit s’exercer à tous les niveaux ; elle doit être sans cesse en éveil.
Il fait découvrir les aptitudes, encourager les efforts, faciliter l’initiation, l’apprentissage, récompenser le zèle et le succès, opérer une sélection continue.
En ce qui concerne la formation administrative, l’absence de doctrine détermine des hésitations, des contradictions au milieu desquelles il est souvent difficile de voir autre chose que la volonté omniprésente du chef.
C). Rôle de la famille :
Seule une doctrine enseignée, permettra à la famille de jouer dans la formation administrative de la jeunesse le rôle qui lui revient.
D). Rôle de l’Etat :
L’Etat peut contribuer à la formation administrative des citoyens par ses écoles et par ses exemples.
Les écoles de l’Etat ont généralement négligé l’enseignement administratif, lequel pourrait améliorer cette situation.Commandement :
Le corps social est constitué, il s’agit de le faire fonctionner : c’est la mission du commandement.
Cette mission se répartit entre les divers chefs de l’entreprise, chacun ayant la charge et la responsabilité de son unité.
L’art de commander repose sur certaines qualités personnelles et sur la connaissance des principes généraux d’administration.
Le chef chargé d’un commandement doit :
1. Avoir une connaissance approfondie de son personnel ;
2. Eliminer les incapables ;
3. Bien connaître les conventions qui lient l’entreprise et ses agents ;
4. Donner le bon exemple ;
5. Faire des inspections périodiques du corps social ; s’aider dans ces inspections de tableaux synoptiques ;
6. Réunir ses principaux collaborateurs en des conférences où se préparent l’unité de direction et la convergence des efforts ; utiliser les rapports écrits et verbaux ;
7. Ne pas se laisser absorber par les détails ;
8. Viser à faire régner, dans le personnel, l’union, l’activité, l’initiative et le dévouement.Coordination :
Coordonner c’est mettre de l’harmonie entre tous les actes d’une entreprise de manière à en faciliter le fonctionnement et le succès ; c’est, en somme, donner aux choses et aux actes les proportions qui conviennent, adapter les moyens au but.
L’un des moyens de tenir le personnel en haleine et de lui faciliter l’accomplissement de son devoir est la conférence des chefs de service.
Conférence hebdomadaire des chefs de service. – Elle a pour but de renseigner la direction sur la marche de l’entreprise, de préciser les concours que les divers services se doivent entre eux et de profiter de la présence de chefs pour résoudre divers problèmes d‘intérêt commun.
Agents de liaison. - Mais pour que la conférence ait lieu, il faut qu’aucune impossibilité de distance ou autre ne s’oppose à la réunion des chefs des services.
S’il y a seulement difficulté, on peut espacer les séances ; s’il y a impossibilité, il faut suppléer dans la mesure du possible à la conférence par des agents de liaison.
Les agents de liaison font généralement partie de l’état-major dont nous avons étudié précédemment les attributions et le fonctionnement.
La conférence des chefs de service est pour la coordination ce que le programme d’action est pour la prévoyance, et ce que les tableaux synoptiques du personnel sont pour l’organisation sociale, c’est à dire un signe caractéristique et un instrument essentiel.
Contrôle :
Dans une entreprise, le contrôle consiste à vérifier si tout se passe conformément au programme adopté, aux ordres donnés et aux principes admis.
Il a pour but de signaler les fautes et les erreurs afin qu’on puisse les réparer et en éviter le retour.
Il s’applique à tout, aux choses, aux personnes, aux actes.
Dans une entreprise industrielle, chaque service surveille ses agents. L’autorité supérieure a l’œil sur tout.
Mais lorsque certaines opérations de contrôle deviennent trop nombreuses ou complexes, ou trop étendues pour pouvoir être faites par les agents ordinaires des divers services, il faut avoir recours à des agents spéciaux qui prennent le nom de contrôleur ou d’inspecteur.
Pour que le contrôle soit efficace, il faut qu’il soit fait en temps utile et suivi de sanctions.
Un autre danger à éviter est l’immixtion du contrôle dans la direction et l’exécution des services.
Le bon contrôleur doit être compétent et impartial.