LES FICHES DE LECTURE  de la Chaire D.S.O.

 

Fabien ROUX
DESS 202
2000-2001

Yvon Pesqueux
Calcul et Management des Coûts

 

DOZ Yves, HAMEL Gary

"L'avantage des alliances :
Logique de création de valeur"

Edition DUNOD (336 pages)

 

Sommaire :

I ) Biographie des auteurs
II ) Hypothèses et postulats
III ) Mode de démonstration
IV ) Résumé de l’ouvrage
V ) Commentaires et actualité du texte
VI ) Bibliographie complémentaire sur le sujet des alliances.

 

 

I ) Biographie des auteurs

Gary HAMEL est le président fondateur de Strategos, un bureau d’expert-conseil.
Professeur invité à la London Business School et "Distinguished Research Fellow" à l’université de Harvard. Son : "Compétint for the Future" (1994) est considéré aujourd’hui comme l’ouvrage de management de référence des années 1990.

Ouvrages du même auteur :

Yves DOZ est professeur à l’INSEAD et spécialiste de la gestion de l’innovation et de la technologie. Il a enseigné à la Harvard Business School et ses recherches sur les alliances stratégiques ont fait l’objet de nombreuses publications.

Ouvrages du même auteur :

 

II ) Hypothèses et postulats.

L’ouvrage étudié est essentiellement fondé sur l’analyse empirique d’un certain nombre d’alliances passées ou actuelles. De ce fait, les hypothèses avancées par les auteurs regroupent l’ensemble des explications données à la réussite ou à l’échec de ces alliances. Il est de ce fait impossible de les énumérer dans cette partie. C’est pour cette raison que nous ne donnerons ici que les postulats sur lesquels s’appuie, en partie, la démonstration de ces hypothèses explicatives. Ces postulats peuvent être classés en trois parties – ceux relatifs à l’environnement concurrentiel, ceux ayant trait à la nécessité des alliances et enfin ceux relatifs aux caractéristiques intrinsèques des alliances actuelles.

1 ) Postulats relatifs à l’environnement concurrentiel.

  • à la conquête des marchés internationaux,
  • à la conquête du futur.

2 ) Postulats relatifs à la nécessité des alliances.

3 ) Postulats relatifs aux caractéristiques intrinsèques des alliances actuelles.

 

III ) Mode de démonstration.

La démonstration des auteurs suit une démarche rigoureuse qui se fait en trois temps. Tout d’abord, ils examinent les différents éléments de la dynamique concurrentielle actuelle. De ces éléments, ils en déduisent la nécessité pour les entreprises d’acquérir rapidement les ressources de compétences et de capacités indispensables pour exploiter les nouvelles opportunités de croissance.

Dans un deuxième temps, les auteurs comparent les différentes alternatives possibles à l’obtention de ces ressources et savoir-faire – les alliances, les acquisitions et le développement en interne. D’une analyse rapide, ils en déduisent l’avantage des alliances sur les deux autres alternatives.

Enfin, dans un troisième temps, les auteurs appuient leur démonstration sur l’étude d’un nombre relativement important d’alliances passées ou encore d’actualités telles que celles menées par Xerox, Corning, Boeing, Honda, General Electrique et Snecma ou Airbus. Certaines de ces alliances se sont révélées être des réussites, d’autres des échecs. En observant chacune de ces alliances, ils examinent les meilleures pratiques pour créer de la valeur et pour les rendre plus efficace.

 

 IV ) Résumé de l’ouvrage.

1 ) Alliances : la nouvelle donne.

L’économie mondiale connaît depuis quelques années un bouleversement à la fois technique - avec le développement des nouvelles technologies de l’information et des télécommunications - et politique - avec les privatisations et déréglementations qui se généralisent.

De ce fait, les firmes ont vu apparaître deux opportunités de croissance, à savoir l’internationalisation de leurs activités, ainsi que la création de nouveaux produits et services utilisant les NTIC.

Par conséquence, les entreprises se livrent aujourd’hui à deux courses concurrentielles :

  • à la conquête des marchés internationaux,
  • à la conquête du futur.

Ces deux courses ne peuvent se mener sans faire appel à des ressources financières et techniques conséquentes. Pour obtenir ces ressources aussi indispensables qu’importantes, les entreprises peuvent faire appel à trois moyens :

  • la croissance interne,
  • la croissance externe par fusion-acquisition,
  • les alliances avec d’autres organisation.

Les deux premières solutions présentent un certain nombre d’inconvénients. La croissance interne est essentiellement critiquée pour son manque de rapidité dans l’obtention de ressources La croissance externe par fusion-acquisition pose un problème au niveau, de la difficulté d’évaluation d’une acquisition dans la mesure où elle dépend d’aléatoires synergies futures, de son irréversibilité. Une troisième critique de cette alternative d’obtention de ressources réside dans le fait que l’entreprise qui en acquière une autre est bien souvent obligée d’absorber cette dernière dans sa globalité, y compris certaines activités qui ne s’inscrivent pas dans ses activités stratégiques.

C’est pour cette raison que les alliances sont désormais le véhicule préféré de beaucoup d’entreprises, à la fois pour la course aux marchés mondiaux et pour la conquête du futur.

Or, traditionnellement, on aborde le sujet des alliances en l’articulant autour de l’accord initial auquel la plupart des responsables s’intéressent de très près. Les auteurs, quant à eux, estiment nécessaire d’élargir les investigations, d’une part aux fondements stratégiques de l’alliance, d’autre part aux processus et aux interactions dynamiques qui permettent aux alliés d’atteindre leurs objectifs stratégiques.
L’ouvrage a pour but d’aider les entreprises à créer et piloter plus efficacement leurs alliances stratégiques.

Les alliances posent quatre questions fondamentales :

  • L’alliance créera-t-elle de la valeur et pour qui ?
  • L’alliance résistera-t-elle à l’épreuve du temps ?
  • Les partenaires parviendront-ils à concilier des priorités et des préoccupations conflictuelles ?
  • Comment chaque partenaire gérera-t-il un réseau d’alliances de plus en plus dense ?

2 ) Les alliances : outil de création de valeur.

Nous avons mentionné précédemment que les entreprises se livraient aujourd’hui simultanément à la conquête des marchés internationaux et à celle du future. Chacune de ces deux courses présentent des impératifs stratégiques.

Les impératifs stratégiques de la globalisation sont :

  • atteindre la masse critique à l’échelle mondiale ou sur un nouveau marché spécifique,
  • s’informer rapidement sur les marchés que l’entreprise ne connaît pas et y pénétrer,
  • accéder à des compétences concentrées en un point géographique précis.

Les impératifs stratégiques de la technologie sont :

  • s’installer au cœur de coalitions visant à créer de nouveaux marchés pour exploiter les externalités de réseau par exemple,
  • créer de nouvelles opportunités grâce à la combinaison de compétences et de ressources,
  • acquérir plus rapidement des compétences nouvelles qu’on aurait pu le faire en interne.

Les alliances stratégiques permettent de répondre efficacement aux différents impératifs stratégiques des différentes courses avec les trois logiques de création de valeur suivantes :

- La création de valeur par la cooptation : transformer des concurrents directs ou potentiels en alliés susceptibles d’apporter les biens et services complémentaires indispensables au développement de nouvelles activités.

- La création de valeur par la cospécialisation : création de valeurs synergiques qui résulte de la combinaison de ressources, de compétences et de connaissances jusque-là séparées.

- La création de valeur par l’apprentissage et l’appropriation de nouveaux savoir-faire.

3 ) Les logiques de création de valeur.

L’alliance doit être conçue et gérée selon sa logique de création de valeur. En outre, elle entraîne des attentes et des mesures différentes de la performance. Six tâches cruciales incombent à la direction :

a ) Evaluer la contribution de chaque partenaire :

- dans les alliances de cooptation.
La contribution la plus critique de chaque partenaire est l’aptitude à renverser l’équilibre concurrentiel en faveur de la coalition, permettant ainsi à ses membres de renforcer leur compétitivité.

- dans les alliances de cospécialisation.
Les contributions critiques sont ici les apports uniques, difficilement transmissibles, non substituables, non reproductible indépendamment dans des délais raisonnables.

- dans les alliances destinées à l’apprentissage de savoir-faire.
Les contributions critiques sont les savoir-faire valables, tacites ou profondément enracinés dans les habitudes de travail du partenaire, mais difficiles à acquérir, à transférer et à apprendre autrement que dans le cadre d’une relation de maître à élève.


b ) Définir, en accord avec les partenaires, le champ d’application de l’alliance.

Le champ d’application de l’alliance a une triple dimension :

  • une dimension stratégique :

C’est la raison stratégique de l’alliance que perçoit chaque partenaire.

  • une dimension économique :

C’est l’ensemble des bénéfices de l’alliance que chaque partenaire peut retirer de l’alliance, même en dehors de celle-ci et de son champ opérationnel.

  • une dimension opérationnelle :

C’est ce que les partenaires font ensemble.

Les trois champs d’application de l’alliance peuvent être source de conflits qui risquent d’éclater en divers points. Ainsi, quand on envisage une nouvelle alliance, il faut étudier soigneusement la façon dont elle s’articulera stratégiquement, économiquement et opérationnellement avec les autres activités que les partenaires exécuteront pour leur propre compte ou même par le biais d’autres alliances.


c ) S’accorder sur les tâches critiques au succès de l’alliance.

Chaque logique de création de valeur appelle à une approche très différente des tâches exécutées par les partenaires. Ainsi, si les alliances de cooptation demandent en général peu d’aménagements au niveau de l’organisation ou de la direction, les alliances qui comportent beaucoup de tâches communes – cospécialisation des savoir-faire, apprentissage , ou les deux – sont beaucoup plus exigeantes à cet égard.


d ) Mesurer les avantages.

Les attentes de création de valeur des alliances doivent définir la façon dont on mesurera leur réussite. Pour évaluer les performances d’une alliance, la comparaison n’est pas "alliance/pas alliance", mais "alliance existante/alliance d’efficacité optimale".

Dans une alliance de cooptation, le critère de réussite est l’amélioration du caractère attractif du secteur pour les membres de l’alliance et le renforcement de leurs capacités concurrentielles.

Pour les alliances de cospécialisation, on cherchera à mesurer la valeur des nouvelles opportunités qu’elles créent en comparaison avec ce que les partenaires auraient pu réaliser tout seuls.

Pour les alliances d’apprentissage, la réussite se mesure en terme d’intensité de l’amélioration des savoir-faire et d’étendu des applications de ce qui a été appris. Comparer la rapidité d’apprentissage par rapport à la durée de vie de ce qui a été appris peut être également un bon critère d’évaluation du succès de l’alliance.


f ) Prévoir la durée de l’alliance.

Une fois de plus la longévité de l’alliance est fonction de la logique de création de valeur qui la justifie. Si l’on se fait vite une idée de cette durée, il devient plus facile de se fixer des étapes et de prévoir le moment éventuel d’une renégociation.


g ) Anticiper les points de friction.

Dans les cooptations, ils se développent souvent autour du partage des avantages entre la firme nodale et les autres.

Dans les cospécialisations, la valeur des contributions des partenaires et les bénéfices que chacun compte tiré de l’alliance sont une source de tension classique dans les pourparlers initiaux.

Dans les alliances d’apprentissage, les plus grands désaccords concernent la symétrie de l’apprentissage.


4 ) Vérifier la compatibilité stratégique.

Dans une alliance, chaque partenaire, à la poursuite de ses propres objectifs, prend des engagements intéressés. D’accord en principe sur la logique de la création de valeur, les différents partenaires agissent cependant en fonction de leurs objectifs et critères propres. Une incompatibilité entre les différents partenaires fait qu’au fil du temps, il devient impossible de s’accorder sur la manière de gérer l’alliance et d’en partager les fruits. C’est entre entreprises du même secteur, rivales à la fois au sein de l’alliance et sur le marché, que les tensions sont les plus fortes. Il faut donc qu’il y ait compatibilité stratégique entre les intérêts des partenaires.

  • Alliances pilotées par les leaders.

Il s’agit des entreprises qui se sont assuré une position solide ou dominante sur un marché. Les alliances formées par leur challengers les poussent à chercher eux aussi des alliances. Les entreprises dominées par ses leaders choisiront de s’allier avec le leader qui leur offrira la plus grande part du gâteau. Il ne suffit pas de partager des ambitions et des intérêts stratégiques. Les leaders collaborent rarement avec des suiveurs "musclés" : alliés aujourd’hui, ceux-ci pourraient devenir leurs challengers de demain. Ils tiennent encore moins à coopérer entre eux dans le même secteur. Sur des segments de marchés très différents au contraire, ces alliances sont fréquentes.

  • Alliances pilotées par des suiveurs.

Les alliances entre suiveurs d’un même secteur sont généralement dictées par la complémentarité et la cospécialisation : ensemble, ils peuvent se transformer en challengers. Malgré une logique aussi simple et apparemment solide, ces alliances ne fonctionnent pas toujours. Quand les partenaires ont les mêmes faiblesses et peu de forces différenciées, leur alliance ne résout rien.

  • Alliances pilotées par de nouveaux venus

Leur logique est généralement semblable à celle des suiveurs : ensemble, ils peuvent devenir des challengers. Leurs alliances sont souvent les plus stables : ils sont en général les plus motivés. Les nouveaux venus peuvent aussi s’allier à des partenaires plus expérimentés, mais vulnérables, pour accéder rapidement à leurs compétences et à leur marché.

La compatibilité n’est pas, en général, le résultat d’une similarité en termes de position stratégique et/ou d’autres apports, mais d’une complémentarité, donc de la mise en œuvre de positions et de contributions différenciées plutôt que semblables.


5 ) Une architecture propice à la coopération.

Dès lors qu’une alliance repose à la fois sur une réelle compatibilité stratégique et sur une robuste logique de création de valeur, une bonne conception permettra d’éviter que des conflits ne viennent mettre en péril une relation par ailleurs solide.

L’architecture de l’alliance comprend l’ensemble des paramètres sur lesquels les responsables peuvent agir pour définir où et comment elle doit fonctionner. Quatre d’entres eux sont déterminants pour éluder les conflits évitables et créer un climat favorable à la coopération. Les deux premiers ont trait à la configuration de l’alliance - qui limite l’apparition de conflits -, les deux autres à sa coordination - qui permet d’y faire face s’il en apparaît tout de même.

  • Le champ opérationnel de l’alliance.

Les partenaires doivent tenter de comprendre la manière dont chacun définit les champs stratégique, économique et opérationnel. Pour minimiser les divergences, on peut agir sur l’étendue des activités et des tâches menées conjointement.

  • La configuration et l’évaluation des apports.

Les apports peuvent se faire en termes de produits, de technologies, de savoir-faire, d’informations, de pratiques managériales. D’éventuelles différences de perception sur la nature et la valeur de l’apport peuvent en effet saper les chances de réussite de l’alliance.

  • La structure juridique de l’alliance.

Les partenaires doivent définir le mode de gestion, l’organisation de la régulation (par accords ou par processus). Dès lors que l’une des trois dimensions suivante – intégration des tâches, contexte marqué par l’incertitude, nécessité de prendre des décisions rapides – fait figure de priorité dans l’alliance, la structure institutionnelle s’impose. Dans le cas contraire, une structure par contrats est préférable.

  • L’interface de l’alliance.

Il s’agit de prévoir la manière dont seront gérés les échanges et les interactions quotidiennes, mais aussi de décider si l’on met en commun les contributions respectives ou si on les sépare, et par quel lien opérationnel les partenaires seront reliés. L’interface se concrétise par des échanges d’informations, l’organisation des réunions, la mise en place d’équipes et de groupes de travail mixtes, le suivi commun de l’avancement d’un projet commun… Ce sont les exigences imposées par la nature des tâches à accomplir, la coordination de la production et/ou l’intégration des processus qui doivent déterminer la structure de l’interface quotidienne.


6 ) Les premières étapes de la coopération.

La complémentarité stratégique, les bénéfices potentiels et une architecture adaptée sont souvent contrebalancés par une telle distance, de telles différences entre les partenaires potentiels que la mise en œuvre du concept bien conçu et stratégiquement solide s’avère difficile. Les écarts concernent le contexte de l’alliance, le contenu de l’alliance et les processus de coopération.

  • Le contexte de l’alliance.

Le contexte initial de l’alliance encourage rarement la coopération. C’est le moment où l’on ne se connaît pas, où l’on se comprend mal, et où la confiance n’est pas encore établie. Tout manager arrive avec l’expérience d’acquisitions, d’alliances ou d’autres types de coopération et donc des idées préconçues. La première chose à faire est de voir l’alliance avec les yeux du partenaire. Chaque partenaire projette sur l’alliance ses propres méthodes de travail – ensembles de comportements, de normes, de procédures, et de routines – tacites ou acceptées. Les différences de contexte organisationnel peuvent bloquer ou fausser l’apprentissage. L’un des grands problèmes lorsque l’on cherche à harmoniser les contextes organisationnels, c’est que peu de dirigeants ont conscience de la spécificité de leur propre culture. Il est donc judicieux d’affecter à la gestion de l’alliance des personnes capables de prendre leurs distances par rapport au déterminisme de leur propre culture et de collaborer avec leurs homologues en respectant une certaine neutralité culturelle. Il est fréquent aussi qu’on attende trop d’une alliance. Pour mieux la "vendre" aux cadres supérieurs et aux salariés, les responsables en auront exagéré les bénéfices potentiels. Le réalisme s’impose donc dans les évaluations initiales. Les différences de taille entre les entreprises alliées créent encore plus de tensions que les différences nationales. Les divergences sur les méthodes de travail compliquent elles aussi la coopération. Enfin, l’alliance suscite souvent des méfiances au sein même de l’entreprise. Certains y voient une menace sur l’emploi. La cospécialisation est en effet une occasion d’éliminer les doublons et d’amorcer certaines délocalisations. L’abandon d’autonomie qu’elle impose est souvent aussi mal perçu.

  • Le contenu de la collaboration.

Au bout de quelque mois, il est fréquent que les responsables se disent déçus par le savoir-faire du partenaire et se demandent s’ils ne l’ont pas surestimé au départ. La vérité est souvent qu’ils ne le comprennent pas. Il faut étudier ces savoir-faire en répertoriant les tâches de chacun, les distribuer et les séquencer de manière à ce que l’exécution des premières instruise les suivantes.

  • Le processus de coopération.

Après avoir négocié l’un contre l’autre, le moment vient où il faut travailler ensemble. C’est un passage difficile. Les alliances reposent sur le partage de l’information. Attention : fournir toute l’information au partenaire revient à ne plus rien avoir à lui vendre. Mais une certaine asymétrie est inévitable au départ.


7 ) Apprendre à coopérer.

L’aptitude des partenaires à apprendre à travailler ensemble contribue immédiatement à la réussite de l’alliance. La manière dont ils se découvrent et s’adaptent l’un à l’autre est aussi déterminant que la planification et l’architecture de l’alliance. Il faut, au fil du temps, harmoniser les discordances et améliorer à mesure les imperfections de l’architecture initiale de leur alliance. C’est un véritable apprentissage qui est au cœur des alliances fructueuses.
L’étape qui fait suite à cet apprentissage est celle de la réévaluation. Celle-ci met en œuvre trois indicateurs qui permettent d’apporter des réponses aux trois questions suivantes :

Pour créer les conditions d’une coopération réussie, les partenaires ont en général besoin d’étudier de près cinq domaines essentiels :

  • L’environnement.

La mise en œuvre d’efforts en commun pour s’informer sur l’environnement concurrentiel et technologique ainsi que sur le marché renforce la confiance mutuelle des partenaires, rapproche leurs points de vue et diminue le risque que chacun envisage l’alliance à sa manière.

  • Les tâches exécutées dans l’alliance.

Les tâches que les partenaires considèrent, au départ, comme essentielles sont appelées à évoluer à mesure que l’alliance évoluera elle-même et que les partenaires les réaliseront de mieux en mieux. Il leur faudra donc apprendre à en améliorer la définition initiale et à les exécuter dans les meilleures conditions.

  • Les processus de collaboration.

Si les processus de collaboration peuvent être étudiés avant même que l’alliance ne soit mise en place, ce n’est souvent qu’à l’épreuve de l’action que l’on découvre les plus appropriés ; les partenaires les peaufineront par la suite, en acceptant de transcender les processus de prise de décision et les façons de faire de leur propre entreprise.

  • Les compétences des partenaires.

Un certain apprentissage est nécessaire pour conjuguer et fusionner les compétences. Cependant, s’il semble évident que les partenaires ont tout intérêt à mieux connaître leurs savoir-faire respectifs, il est souvent difficile d’obtenir un climat de transparence suffisante.

  • Les objectifs visés au départ et ceux qui se révèlent en cours de route.

Dès l’instant où l’un des partenaire ne comprend pas les objectifs de ses alliés, il est clair que leur collaboration sera difficile, en particulier lorsqu’ils sont en même temps rivaux. Les soupçons et la méfiance ont alors tôt fait de s’engouffrer dans le moindre interstice entre les éléments connus avec certitude des objectifs des partenaires.


8 ) Équilibrer pouvoir et dépendance, clé du partage équitable des fruits de l’alliance.

Quand les partenaires apprennent à coopérer de façon plus efficace, leurs attentes de création de valeur augmente et la question du partage de cette valeur revêt une importance croissante. La juste part de bénéfice, personne ne la définit jamais de la même manière. Mais quelles que soient les raisons invoquées et l’habileté des négociateurs, le ratio finit toujours par s’établir en faveur du partenaire dont les apports sont les plus indispensables. Aussi, chacun tente de se rendre indispensable et s’efforce de faire en sorte que l’autre le soit moins. Le meilleur moyen d’y parvenir est d’enrichir ses compétences et ses savoir-faire. Il en résulte une course à l’apprentissage.

Comment une entreprise acquiert-elle le plus de compétences et de savoir-faire au contact de ses partenaires ?

  • La volonté d’apprendre.

Le fait que des partenaires apprennent plus que d’autres reflète des intentions différentes dès le départ. En s’alliant à des Japonais, les entreprises américaines se sont crues dispensées d’améliorer en permanence leurs compétences clés : leurs nouveaux partenaires s’en chargeaient à leur place. Le problème, c’est que, dès qu’on relâche cet effort, on décroche. Et si c’était là le but initialement visé par les Japonais ?

  • De la direction au terrain.

La volonté d’apprendre doit être partagée par l’ensemble des collaborateurs. Ceux-ci doivent d’autre part éviter que leurs compétences clés ne migrent vers les partenaires.

  • Le processus d’apprentissage.

Dans toute alliance où l’apprentissage fonctionne, on constate les même processus :

L’apprentissage n’est possible que dans une situation de transparence suffisante. Bien gérer cette transparence, c’est chercher constamment le juste équilibre entre la transparence nécessaire à la création de la valeur et l’opacité requise par sa captation. Les entreprises aimeraient bien gérer la transparence par le biais des accords de collaboration. Mais ce sont souvent les transferts involontaires qui modifient l’équilibre du pouvoir et de la dépendance. Dans ces conditions, quel type d’accord est préférable ? Un accord strict ou, au contraire, ouvert ? Tout dépend de la confiance qu’a l’entreprise dans ses aptitudes à apprendre. Si elle se croit capable d’apprendre plus vite que son partenaire, elle doit rechercher un accord ouvert. Si elle se sait mauvaise élève, un accord qui limite sa transparence tout en permettant de créer de la valeur est préférable pour elle. Certaines sociétés sont, de manière inhérente, plus impénétrables que d’autres en raison du caractère insaisissable de leurs savoir-faire. C’est souvent le cas dans les cultures asiatiques, où forme et contenu, rituel et substance sont plus ou moins indissociables. Quand la loyauté et l’identification sont fortes, l’accès aux informations se trouvent également restreint naturellement. La complexité interne de la société produit elle aussi des résultats de ce type, ainsi que la difficulté inhérente à certains types de technologie.

Outre cette défense passive des savoir-faire, il existe des moyens de limiter la transparence. En évitant de mettre en contact avec les partenaires les collaborateurs qui en savent le plus sur votre entreprise, par exemple. Des sentinelles peuvent aussi être mises en place pour limiter l’accès à l’information stratégique. On peut enfin limiter la transparence en laissant planer la menace que la soif d’apprendre du partenaire ne soit fatale à l’alliance elle-même.
Dans une logique inverse, plusieurs démarches peuvent contribuer à améliorer la réceptivité : se fixer des objectifs d’apprentissage clairs et réalistes ; faciliter l’accès aux savoir-faire cibles ; maîtriser les langues des partenaires ; benchmarking (ou calibrage de la performance interne en la comparant à un standard externe) ; mimétisme.

La société doit être capable de continuer à progresser seule. Sa taille doit être suffisante pour amortir les investissements et exploiter ses nouveaux savoir-faire au rythme de développement de la concurrence.


9 ) Gérer de multiples alliances.

Il faut veiller à la fois à l’intégrité des alliances individuelles et à la fois à la façon dont chacune s’articule avec ce réseau. Seule la prise en compte simultanée de tous les liens qui le forment permet de le comprendre et de le gérer efficacement.

  • Le réseau d’alliances.

Une seule alliance, de nombreux partenaires : de tels réseaux d’alliances servent essentiellement à collecter et échanger des informations. Ou à canaliser le partage d’informations sensibles. D’autres alliances dépassent aussi le simple échange d’informations en se donnant pour objectif une action commune. Ce qui distingue ces réseaux ces réseaux des simples alliances, c’est qu’ils sont plus difficiles à gérer et à maintenir. Lorsque les partenaires sont relativement égaux, la gestion du réseau est généralement confiée à un organe spécialisé : représentants de membres, ou tiers neutre engagé pour remplir cette fonction.

  • Le portefeuille d’alliances.

Une seule entreprise, impliquée dans plusieurs alliances : ce type de relations multilatérales est fréquent dans le secteur des technologies de l’information. Au milieu des années 90, IBM et Xerox étaient engagées ensemble dans près de 300 relations significatives ! L’entreprise nodale ne conserve de valeur aux yeux de ses partenaires que si elle maintient son leadership dans des domaines crutiaux de technologie ou de compétence. Pour conserver son leadership, elle doit aussi éviter de trop disperser ses ressources techniques et financières : elle doit être en mesure d’investir autant que ses partenaires.

  • L’écheveau d’alliances.

Plusieurs partenaires, plusieurs alliances : plutôt que de maintenir une séparation entre leurs alliances, certaines entreprises reconnaissent explicitement la nature multilatérale des réseaux d’alliances auxquelles elles appartiennent et tentent d’en tirer parti. Certaines de ces entreprises tirent davantage de l’ambiguïté des écheveaux d’alliances qu’elles ont assemblés : elles en font des coalitions concurrentielles. Futitsu en est un bon exemple, qui, adossé à son alliance, a pu livrer une concurrence féroce à IBM. L’écheveau d’alliances peut n’être qu’une phase transitoire dans le processus qui mène à une coalition classique. Des entreprises autonomes nouent ainsi des alliances multilatérales pour faire face à une menace commune ou répondre à une opportunité.


10 ) Votre entreprise est-elle apte à l’alliance.

Comment décider si une entreprise est prête à l’alliance ? Quelles structures l’y prédispose ? Les réponses à ces questions, assez paradoxales, modéreront l’enthousiasme des chefs d’entreprise trop optimistes. Si les dirigeants recherchent l’alliance non pas pour remédier aux échecs passés mais pour bâtir l’avenir, ils accroissent leurs chances de réussite. Si la culture d’entreprise favorise à la fois la capacité à collaborer et l’esprit de compétitivité, si les salariés sont encouragés à faire preuve d’imagination pour créer de la valeur, s’ils ne craignent ni de tenir leurs engagements, bon nombre de conditions préliminaires sont également réunies. Les entreprises réellement aptes aux alliances acceptent les difficultés. Leurs dirigeants doivent comprendre intuitivement qu’ils relèvent d’un ensemble plus large d’interdépendances et de rivalités entre entreprises, et souvent même entre secteurs d’activité. Les entreprises riches font rarement des partenaires efficaces et motivés. Les entreprises pauvres, petites mais riches en ambitions recherchent sans relâche des moyens de compléter, d’exploiter ce qu’elles ont. C’est dans cette perspective qu’elles recherchent des alliances. Les entreprises pauvres recherchent l’alliance. Les riches, l’acquisition. L’alliance n’est pas pour autant la meilleure solution dans tous les cas de figure. Chacune a sa place.

 

V ) Commentaires et actualité du texte.

1 ) Commentaire du texte.

Les auteurs font prendre conscience au lecteur, à travers leur ouvrage, de la complexité de l’environnement concurrentiel qui caractérise l’activité économique actuelle. En effet, ils montrent que les frontières entre collaboration et compétition deviennent de plus en plus floues. Les entreprises peuvent simultanément être en concurrence et collaborer que ce soit sur un marché, dans une alliance ou les deux à la fois. Les dirigeants d’entreprise doivent donc, à travers leurs alliances, gérer une contradiction, une dualité qui revêt un caractère hautement stratégique. L’alliance doit être en effet appréhender comme un niveau de concurrence alternatif au marché. Les dirigeants doivent, coopérer au sein de l’alliance pour que cette dernière aboutisse à la création d’un avantage compétitif vis-à-vis des entreprises qui n’en font pas partie, concurrencer leurs partenaires pour tirer davantage parti de cet avantage que ses derniers. Les auteurs montrent que les dirigeants d’entreprise sont peu compétents en général face à cette situation.


2 ) Actualité de la question.

L’histoire des alliances est pour le moins contrastée. Selon une étude menée par Accenture auprès de 214 dirigeants d’entreprises européennes et américaines, les alliances représentaient en 1998, un quart du chiffre d’affaires en moyenne des entreprises classées au palmarès Fortune 500, contre 11% seulement en 1993. Malgré cet essor important, les dirigeants interrogés estiment que 30% des alliances sont vouées à l’échec, tandis que 49% d’entre elles donnent des résultats peu satisfaisants.

De même, une étude menée par Jérôme HUBLER et Pierre-Xavier MESCHI sur un échantillon de plus de 150 opérations d’alliances et d’acquisitions réalisées en France montre que les annonces d’acquisitions sont beaucoup mieux reçues que les annonces d’alliances par les marchés financiers. Ceci a été démontré en testant l’impact à court terme des annonces d’alliances et d’acquisitions sur la valeur boursière des entreprises françaises concernées. Les résultat de cette étude sont les suivants :

Devant ce constat d’échec, il est utile de se poser la question de savoir quelles en sont les causes. L’ouvrage de Yves DOZ et Gary HAMEL met en évidence, en s’appuyant sur l’étude d’un grand nombre d’alliances passées ou actuelles, des facteurs critiques qui aboutissent au succès d’un partenariat. Il est donc intéressant pour les dirigeants ou collaborateurs fortement impliqués dans un partenariat d’en faire la lecture.

 

VI ) Bibliographie complémentaire sur le sujet des alliances.

 

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