|
Liliane CORREIA DE GOUVEIA DEA 124 : Comptabilité - Décision - Contrôle Année 2000-2001 |
Séminaire : "Philosophie et management" |
René de Vos"QUI GOUVERNE ?"L'Etat, le pouvoir et les patrons dans la société industrielleEditions L’Harmattan (1997) |
QUI GOUVERNE ?
1/Présentation de l’auteur :René de Vos est sociologue et docteur en philosophie.
Il enseigne au Centre d’Enseignement et de Recherche de l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts et Métiers de Cluny. Il y développe un cours de sociologie et de philosophie de l’environnement à l’Institut Conception, Mécanique et Environnement de Chambéry.
Il est enfin le co-fondateur de l’Atelier Permanent Sciences Humaines et Métiers de l’Ingénieur.
2/ Postulats et Hypothèses
La philosophie des Lumières a énoncé le principe de la démocratie, celle-ci étant devenue une exigence : elle est un instrument de justice.
Par conséquent, la société industrielle se doit d’être unes société démocratique. Or, le peuple est supposé être à l’origine du pouvoir et de l’ordre social. Cependant, lorsque l’on analyse la société industrielle, on ne parle que des entrepreneurs, de l’état mais jamais du peuple. De ce fait, il faut s’interroger sur la place qui est réservée au peuple dans les mécanismes socio-politiques de la société industrielle.La société industrielle se fixe pour objectif de produire des marchandises (biens et services) pour satisfaire les besoins infinis et donc favoriser le bien être de la populations. Cependant, on observe des dysfonctionnements dans l’économie industrielle que l’Etat ne peut entraver.
La question est de savoir comment la société industrielle se trouve les moyens pour son fonctionnement et quels sont les fondements de sa puissance ? En d’autres termes, les hommes auraient pu t-ils s’organiser autrement ?
L’auteur cherche a comprendre ce qui peut fonder le pouvoir d’une catégorie particulière de capitalistes : les "capitaines d’industrie" et leurs rapports avec l’état.
Par ailleurs, l’entreprise est le principe fondamental de la société humaine. Il semble qu’il y ait une correspondance historique entre la société industrielle et la société médiévale et féodale (hypothèse d’une continuité historique qui pourrait se trouver dans l’organisation socio-politique des sociétés occidentales). Ainsi la structure de la société peut expliquer les raisons pour lesquelles la société industrielle ne parvient pas à réaliser le "bonheur des hommes".
3/Résumé
CHAPITRE 1 : Dans la société industrielle, le discours sur le travail et le progrès légitime la maîtrise du temps.Le travail est la source première de la société industrielle, il occupe la place centrale dans la représentation que les hommes de la société industrielle ont d’eux-mêmes.
La société industrielle place donc le travail au centre de la pensée politique moderne. En réalité, c’est aussi par le travail que l’homme est devenu en mesure de construire les formes de ses organisations sociales. Par conséquent, le travail et la politiques sont étroitement liés : la valeur donné à son propre travail définit les formes et la nature des organisations sociales.
Ainsi, cette société légitime le travail car il permet de se sentir bien, alors il faut travailler sous peine de disparaître. Mais pour éviter de se fatiguer au travail pour atteindre ce bien être, il n’y a qu’un seul moyen : la productivité du travail.
Cependant, se sentir bien suppose également pouvoir disposer de tout ce dont nous avons envie (consommer), cette idée étant exprimée par la notion de "valeur". En d’autres termes, ce qu’on échange dans une société industrielle, ce n’est pas du travail mais de la valeur.
Par conséquent, dans la société industrielle, la liberté est d’abord la liberté de consommer. Cette liberté dépendra du pouvoir d’achat de chacun. Or, le salarié ne fixe pas la valeur de son travail contrairement à l’entrepreneur.
Par ailleurs, afin de légitimer le travail, l’homme moderne se voue au progrès, à la modernité car la société industrielle s’interroge sur elle-même en permanence. Or Le progrès technologique ne peut avoir lieu sans démocratie ni liberté d’entreprendre .
Cependant cette liberté d’entreprendre est parfois entravée (ex : l’ancien régime qui contrôle la montée en puissance des industriels en faisant de la fonction d’industriel, un privilège). On observe en fait un "totalitarisme de la raison industrielle" qui s’exprime par la domination de l’industrie sur le temps des hommes : travail et temps sont réciproques.
En effet, c’est par le travail que le temps est devenu une donnée fondamentale ; en quantifiant le temps, on peut quantifier le travail.(pour les grecs qui ne savaient pas mesurer le temps, le travail était une notion ambiguë)De ce constat, est née l’ère de la performance : il devient question de courir, d’accomplir quelque chose en luttant contre le temps qui passe, en fait le "travail fait l’homme".
Or, cette raison industrielle ne garantit en rien le fonctionnement harmonieux de l’organisation sociale. L’histoire de la société industrielle montre une succession de dictateurs arrivés au pouvoir au nom de cette "raison industrielle" (Hitler, Staline, Mao Tsé Tong).
La domination exercée sur une société consiste en la capacité d’influencer de manière décisive les orientations fondamentales de la vie sociale, et l’industrie exerce cette domination : c’est elle qui détermine la répartition des richesses et des revenus. Son pourvoir est accentué du fait que la société industrielle est reliée à la force militaire dont la puissance ne tient qu’ à sa capacité technologique.
Par ailleurs, la société industrielle est une société en danger de totalitarisme car elle tend à effacer la différenciation par l’accès qu’elle offre à la consommation
Conclusion : Dans la société industrielle, tout se définit par la durée. Le progrès se trouve davantage dans la maîtrise du temps que dans le savoir-faire. L’entrepreneur industriel se rend maître du temps des hommes et le conditionne.
CHAPITRE 2 : Produire des marchandises est un acte politique.
Vu l’insuffisance des moyens disponibles pour assurer le bonheur de tous, une autorité est nécessaire pour créer une société juste, en procédant au partage dans un milieu où prévalent les inégalités et les servitudes.
Par conséquent, c’est au gouvernement d’agir afin que les chances de bonheur soient les mêmes pour tous. Mais ceci n’est possible qu’ à une seule condition : l’état doit être démocratique.
Ainsi, l’état a des impératifs économiques qu’il lui faut assurer en s’appuyant sur les forces de ceux qui détiennent les clefs de la croissance. On se trouve donc face à une contradiction fondamentale : la démocratie n’est pas universelle car elle s’adjoint d’un qualificatif : elle est industrielle.
Par ailleurs, la structure sociale est instable et l’Etat, considéré comme la force suprême de l’organisation des hommes, est essentiellement en crise.
La société industrielle est la combinaison de 3 facteurs :
- le résultat d’une action sur la nature,
- le résultat de la recherche immodérée des moyens par lesquels on pourra satisfaire tous les besoins,
- le résultat du développement et de la mise en œuvre de processus techniques qu’aucune autre société n’a envisagé de mettre en œuvre.
Par ce dernier aspect, la société moderne s’inscrit dans une continuité historique et politique évidente. La société industrielle n’est qu’une transformation de plus d’une société dont le développement est continu. Heidegger a montré que la société moderne s’enracine dans la pensée grecque.
Ainsi, essentiellement technique, et parce qu’elle se prétend universelle, la société industrielle est fondée à faire une théorie de réel et peut ainsi s’inscrire dans l’ordre du politique.Par conséquent, La production et la consommation de masse sont des objectifs industriels mais surtout elles se justifient par un projet humaniste : la volonté de transformer les hommes. Il s’agit plutôt de se faire une place dans l’ordre social. Aujourd’hui, la société industrielle se donne pour impératif économique, l’intégration des hommes à un monde toujours nouveau.
On peut donc assimiler la société industrielle à une entreprise idéologique. Elle apparaît d’abord comme la société d’entreprendre. Or, entreprendre est un acte politique ; en effet, la liberté d’enrichissement individuel est le but principal de la vie en société.
C’est avant tout par le travail et l’épargne qu’on accède au bien être, l’Etat doit contraindre au travail ceux qui ne peuvent subvenir à leurs besoins (si ils sont en bonne condition physique) et veiller à ce qu’il y ait des emplois et à interdire un gaspillage excessif pour encourager l’épargne.
La société industrielle peut donc fonctionner dans les trois ordres fondateurs : l’ordre imaginaire, l’ordre moral et l’ordre symbolique.
Les hommes veulent se servir de la technique pour dominer les hommes. En France notamment, la formation des ingénieurs est basée sur la maîtrise du pouvoir.
Conclusion : la société industrielle présente un caractère profondément historique. Elle ne peut survivre qu’en bouleversant constamment les modes de production puisqu’elle fonde son ordre sur les faits matériels de la production et des échanges et qu’elle est soumise au principe concurrentiel.
CHAPITRE 3 : L’entrepreneur industriel s’assure la domination sur la ville (réflexion sur la ville)
A côté du travail et du progrès qui fondent la société industrielle, le symbole de la modernité est la ville. La ville apparaît comme la marque du pouvoir dominant.
Dans le passé, la ville antique et médiévale n’avaient aucune importance politique, elles ne sont que des projections imaginaires et romantiques héritées du 19ème siècle (ex : Rome). La ville n’étaient que le lieu de rassemblement d’artisans, de boutiquiers sans responsabilité politique.
Quant aux villes du moyen âge, elles étaient réduites à leurs fonctions marchandes. En fait, la vie civile s’organisait dans les châteaux seigneuriaux..Avec l’avènement de la société industrielle, la ville a concentré toutes les fonctions économiques. Le travail salarié est une activité citadine et la société industrielle qui n’existe que par le travail salarié, est par là, une société urbaine.
La ville apparaît donc comme la marque de l’émergence de la modernité qui s’accompagne de la création de villes nouvelles et la marque d’une puissance dominante..
Ainsi, avec la société industrielle, la plus grande modification de l’ordre social est apparue : la campagne perd toute signification politique et la ville est devenue le débouché naturel de l’activité industrielle, même si les premiers industriels s’étaient installés en campagne (recherche de cours d’eau, de lieux d’extraction minière et des matières premières).
Le prestige social s’associe à la responsabilité que l’on prend à la prospérité de la ville : décoration des façades des riches négociants , rachat d’hôtels particuliers, construction de "maisons bourgeoises" .
Ainsi, les "entrepreneurs conquérants" construisent des villes grandioses mais néanmoins artificielles. La ville industrielle crée ses propres types sociaux : le propriétaire du foncier bâti et le locataire. Elle crée également une topographie urbaine : au centre, l’usine, puis les habitations de ceux qui travailleront dans l’usine, puis les services nécessaires à l’organisation de la population (églises, écoles, dispensaires).
Puis avec l’avènement du transport ferroviaire, un nouveau lieu apparaît : la gare. Puis l’ère de l’automobile provoquera la création d’un système de zonage qui rendra toujours plus lointaine la limite de la terre agricole.
Cependant avec cette ville industrielle , on voit l’apparition des "ghettos", de "villes villégiatures" que s’approprient les "princes de l’industrie" au détriment des autochtones.
Ainsi, ces villes ne sont que des purs objets de consommation, on en évacue toute forme d’expression politique, et de ce fait la campagne devient un lieu insignifiant. Ce type de débordement est le fait de la carence du politique dans la cité.
L’administration urbaine a perdu toute dimension politique pour ne plus être qu’un système de gestion des activités de la ville et un appareil destiné à organiser et faciliter les diverses activités de production de la ville : rues, ronds-points, zones industrielles.
Bref, les villes industrielles sont devenues des "gigantesques bureaux" qui ont de plus en plus de mal à conserver son caractère d’espace de vie, et par conséquent deviennent invivables.
Quant à l’Etat, il ne fait rien pour éviter ces débordements, au contraire il les facilite (ex : endettement des puissances publiques pour des équipements rendus nécessaires à l’installation des entreprise tels que les quartiers d’affaires, autoroutes…).
Enfin, la ville affirme l’homme dans la solitude de sa personne. La ruralité fonctionne sur un mode communautaire (la personne n’a que très peu d’importance, c’est la communauté qui importe). Alors que dans les villes, la cellule familiale se réduit au couple et à ses descendants directs). La ville apparaît donc d’abord comme l’espace primordial du travail dédié à l’entretien de la vie de la personne.
Conclusion : la ville a été confisquée par l’idéologie industrielle. L’urbanisme est devenu hasardeux, totalitaire et anarchique de par l’indifférence politique.
CHAPITRE 4 : Points de repère pour une recherche de correspondances entre la société féodale et la société industrielle.
La société est divisée en classes par leur position dans la production matérielle. Ces classes connaissent une lutte économique qui tend à résoudre le problème de l’appropriation privée du profit.
L’apparition de l’entrepreneur industriel individuel est une manifestation historique des formes successives que prend la lutte des classes : c’est l’argent qui légitime la fonction de l’entrepreneur et ce dernier ne cherche que la satisfaction de ses intérêts personnels.Pour comprendre l’entrepreneur capitaliste, Weber propose une piste : c’est le modèle de l’entrepreneur mystique. La soif d’acquisition et le possessif de l’entrepreneur suffisent à justifier le désir d’accumuler la valeur..
Cependant le capitalisme peut se comprendre également par l’éthique puritaine des premiers entrepreneurs qui voyaient dans leur réussite matérielle, le signe de leur élection religieuse.Selon Keynes, le désir d’entreprendre s’explique par la soif innée de l’homme à agir : il veut être en permanence occupé à faire quelque chose qui puisse contredire sa mort. L’entrepreneur a un rôle moteur dans l’économie et l’organisation sociale car c’est un acteur investisseur qui prend des risques alors que les rentiers et épargnants sont improductifs et spéculateurs. Ainsi les pouvoirs publics doivent encourager ces entrepreneurs (ex : crédit à faible taux d’intérêt).
Quant à Schumpeter, l’entrepreneur est le véritable agent du progrès technique et le profit récompense son esprit innovateur.
Cependant les formes spécifiques de l’économie capitaliste étaient déjà vieilles de plusieurs siècles même si la société industrielle et son type idéal d’entrepreneur est d’abord un fait européen et occidental..
Or du point de vue symbolique et au plus profond de leur histoire, les sociétés se composent de 3 parties :
- les "lettrés-magistrats",
- les guerriers,
- les hommes de la terre ou des "arts".
Ainsi, le système ternaire apparaît comme une forme quasi-universelle. La société féodale est la forme achevée de cette ternarité, mais ce cadre ternaire de la société de pourrait-il pas s’adapter à la société industrielle ?
En fait, la société industrielle recevrait une histoire dans laquelle elle s’inscrit, repenserait la structure héritée et la manipulerait.La transformation industrielle, par exemple est impossible dans le développement des moyens de communication et il n’y a que l’Etat qui puisse prendre en charge ces projets. Or dès le 17ème siècle, les gouvernements de l’Europe continentale se lancent dans des programmes de mise en valeur industrielle.
Autre exemple : l’exclusion est une condition de la modernité. On a observé, notamment Norman Cohn, ce phénomène tant dans l’urbanisation médiévale que dans l’émergence de l’industrialisation.
Cependant, la société industrielle refuse d’être comparée à la société féodale et encore moins à la société féodale européenne médiévale. La féodalité est donnée pour une société sans pouvoir organisé, sans économie cohérente et sans projet politique. Aux yeux du grand public, la société féodale est noyée dans des visions romantiques de la chevalerie active et courtoise. La féodalité, c’est la violence, l’anarchie, la peste et la disette.
La société féodale repose sur une structure complexe qui tient à sa vocation guerrière. Pour marx, la "guerre y est la grande tâche d’ensemble".
La guerre détermine les conditions de l’échange sur lequel se fondent les rapports de vassalité, et cette relation d’échange passe par la maîtrise des forces, des moyens et des techniques militaires.
Dans la société médiévale, la notion d’Etat est présente aux consciences : l’autorité publique y est affirmée et l’Etat exerce un contrôle sévère sur les activités commerciales. Ainsi, l’Europe médiévale est une économie (notamment une économie de gaspillage) où le pouvoir et la production sont des réalités organisées.
Par ailleurs, si l’économie politique, au sens moderne du terme, n’existe pas, la politique économique est pourtant bien réelle au Moyen-Age (ex : entretien par les rois capétiens des voies de circulation entre les grandes villes pour faciliter les échanges.
La société médiévale est composé de 3 parties : 3 ordres qu’on énonce comme l’organisation idéale du monde. La tripartition médiévale relève en effet de l’ordre de l’imaginaire car la tripartition est une représentation symbolique du pouvoir avant d’être une vision réaliste de l’ordre social.
Les 3 ordres sont : les orants, les cultivateurs, les guerriers. Dans la structuration tripartite, c’est la chevalerie qui occupe la place la plus hautement symbolique, elle est d’abord un mouvement de valorisation de la personne. La chevalerie se distingue par sa spécialité, le combat cavalier, par la liberté de ses membres (ex : exemptée du paiement de l’impôt) car elle est au service du pouvoir pour l’aider à défendre le pays ou le territoire.
CHAPITRE 5 : Tripartition, féodalité et société industrielle.
La chevalerie et la ternarité sont lisibles dans le système industriel.
Par exemple, au Japon, la féodalité et la ternarité se révèlent compatibles avec le système industriel. C’est la féodalité qui a permis au Japon d’assurer à la fois son industrialisation et son orientation vers les formes occidentales de la mise en valeur de ses ressources économiques. En d’autres termes, le Japon n’a pas procédé à la destruction de la forme féodale pour entrer dans le processus démocratique et industriel.
Dès le 12ème siècle, la société japonaise se scinde en 3 parties : les aristocrates (Kuge), le smilitaires (Buke) et un troisième groupe composé des paysans, des marchands et des artisans (Domin). Après le règne des Tokugawa (1603-1868) qui a scindé ces 3 groupes, on assiste de nouveau à cette tripartition avec un groupe qui rassemble les commerçants et les samouraï (les guerriers), un deuxième groupe composé de l’aristocratie impériale et des "bonzes" et un dernier groupe rassemblant les paysans et les artisans.
On remarque ici l’association des guerriers avec les commerçants. Ce sont en effet les samouraï qui se voient confier le soin de bâtir la société industrielle en respectant les deux valeurs fondamentales : la fidélité et la "piété filiale".
Ainsi le Japon est à l’évidence industriel, démocratique et capitaliste mais il est aussi féodal et peut être présenté comme la forme achevée de la symbolique chevaleresque.
Cependant, ce qui fait l’originalité du féodalisme japonais, c’est que l’obligation d’obéissance est univoque : les liens de personnes ne peuvent être rompus. Alors que dans la féodalité médiévale européenne, l’obligation de fidélité entres suzerain et vassaux était réciproque, en ce sens que le seigneur ou un chevalier pouvaient se quitter en appelant Dieu ou un droit supérieur et rompre ainsi le serment d’attachement.
Quant à la société industrielle française, elle révèle des grands fondateurs du capitalisme industriel qui sont des hommes d’entreprise mais aussi des hommes politiques. En effet, il y a bien chez ces entrepreneurs, la marque d’un désir de conquête : ils se rendent maîtres du monde. Mais la seule recherche du profit, du pouvoir ou de la gloire ne conduit pas leur action car il s’agit d’abord de servir l’Etat (d’ailleurs, dans les familles des grands entrepreneurs, on retrouve généralement des ingénieurs sortis des grandes école publiques telles que l’Ecole Polytechnique ; des diplomates, des hauts fonctionnaires).
Aussi, on retrouve chez ces grands entrepreneurs un goût prononcé pour l’innovation technique, la volonté de marquer l’histoire par son passage ainsi qu’une recherche évidente de carrières d’abord prestigieuses avant d’être rémunératrices.Par conséquent, on retrouve chez eux, un certain "engagement de la personne" et il devient alors possible d’envisager des correspondances avec l’esprit de la chevalerie.
CHAPITRE 6 : Qu’est ce qu’un entreprise industrielle ?
Depuis la première guerre mondiale, l’Etats et les entreprises privées se partagent des zones d’influence. L’Etat français marque l’intérêt qu’il manifeste pour son engagement direct dans les affaires économiques (ex : intervention de l’Etat dans l’affaire Pineau-Valencienne, dirigeant de la société Creusot-Loire, qui annonce le dépôt de bilan en 1984).
L’entreprise en tant qu’objet industriel clame haut et fort que l’humanité s’est affranchie du travail, qu’avant elle l’homme était privé de liberté parce que la nécessité l’étranglait. De plus, elle affirme que la libération de l’homme vient de la profusion des marchandises et des biens.
La société industrielle est à la recherche de techniques qui permettent d’évacuer l’incertitude et de disposer de systèmes d’évaluation qui placent l’ensemble des procédures dans l’économie marchande : tout a un prix, tout s’achète et tout se vend. C’est la méthodologie qui prime sur les contenus et l’efficacité du système se mesure au temps que l’on met pour y accomplir les procédures.
Aussi, par la puissance du capital, l’entrepreneur industriel semble disposer du pouvoir et impose de ce fait à la puissance publique, sa stratégie économique car il permet d’enrichir la nation.
Par conséquent, le "capitaine d’industrie" est l’image emblématique de la vie, même si l’entreprise naît quelque part à un moment donné, se développe et mûrit, puis vieillit et finir par mourir !
Cependant, le patronat de la première industrialisation développe une idéologie autoritaire face à l’acculturation des masses ouvrières
CHAPITRE 7 : L’entrepreneur industriel apparaît comme un type idéal.
L’entrepreneur est celui qui décide de faire quelque chose. Cependant l’entrepreneur industriel est celui qui veut transformer le monde et qui s’en donne les moyens.
Le mot entrepreneur masque, en lui même, une réalité multiple puisqu’il ne permet pas de distinguer celui qui est à la tête d’une petite entreprise et celui qui est à la tête d’une grande. En France, le terme "entrepreneur" fait référence au dirigeant des petites entreprises alors que le terme "patron" se réfère au dirigeant des grandes entreprises.
Le dispositif idéologique de l’entrepreneur industriel est plus une modification d’un ordre ancien : celui du mercantilisme qui est la première réponse fonctionnelle à l’apparition d’une idéologie de la croissance.
Ainsi, le mercantilisme annonce la modernité dans la pensée économique : les activités économiques doivent être stimulées par les autorités nationales (subventions, prêts, privilèges) et l’activité économique doit être subordonnée à la volonté de l’Etat.
C’est donc avec le mercantilisme, que l’industrialisation trouve les sources de son développement : le capitalisme sera la condition de possibilité de sa croissance.
Par ailleurs, on retrouve dans la société industrielle , deux conceptions du travail : le travail de l’artisan et le travail de l’entrepreneur.
Le travail de l’artisan est aliénant et n’a aucune valeur honorifique. Leroi-Gouhan en 1965 parle même de "faiseur mal-aimé de civilisation". Prisonnier de sa condition, l’artisan ne peut pas être innovant, il reproduit, imite et se plie à la tradition.Alors que l’entrepreneur est innovant. Par ailleurs, son travail est gratifiant car il prend le risque de sa vie.
Quant à l’image donnée à l’entreprise et à l’usine, elle est plutôt sécurisante :lumière, propreté, santé, espace rationalisé, circulation contrôlée, vagabondage impossible (la taylorisation aura permis de lutter victorieusement contre ce qui pouvait tuer la société industrielle : la flânerie).
Autre caractéristique de l’entrepreneur : il se conjugue au "masculin" comme le mot "chevalier".
Les femmes sont confinées dans l’univers domestique du travail, de la fécondité, des fonctions nourricières et par conséquent, il y a peu de femmes parmi les capitaines d’industrie dans les grandes entreprise industrielles. L’action, par contre, est masculine.
CHAPITRE 8 : l’entrepreneur industriel tient un discours qui lui est propre.
La technique produit une parole conventionnelle : une parole officielle spécialisée au monde des affaires et de l’industrie. E c’est par un discours spécialisé que l’homme d’entreprise marque son appartenance au monde prométhéen.
Le entrepreneurs de l’industrie ont le pouvoir de se mesurer au pouvoir. Leur lutte nécessite des stratégies du langage, des "ruses verbales". Ainsi, le discours de la société industrielle se fonde sur un usage méthodique de la science et la science est donnée comme seule voie de l’acquisition dus avoir.
Cependant, le discours des patrons n’est et ne peut être qu’un discours privé, et au sens de Lacan, c’est un discours hystérique. Le sens ne se forme que dans la représentation que l’entrepreneur a de son usine : l’être et le devoir se confondent dans le produit du discours, il n’y a aucune place pour le doute.
Par ailleurs, le discours des entrepreneurs révèle aussi un caractère totalitaire, caricatural (notamment dans l’analyse jadis des parutions du journal "Action Patronale").
Mais au lendemain de la seconde guerre mondiale, les attitudes patronales se modifient : les chefs d’entreprise décident d’appliquer les leçons d’une nouvelle école, celle des relations professionnelles. Le organisations syndicales ne plus des ennemis, mais des partenaires avec lesquels on doit faire le monde. Survient alors le discours de la négociation, suivi par la création des "services de relations humaines" puis des "directions des ressources humaines" dans les entreprises.
Or, le dialogue et la confrontation peuvent servir à pratiquer une politique de l’usure, du détournement et de l’infléchissement.
CHAPITRE 9 : Le discours de l’entrepreneur industriel est un discours de puissance.
L’homme de pouvoir est toujours, non seulement celui qui parle mais encore le seul dont la parole est légitime. Aussi, le discours de l’entrepreneur est symbolique, imaginaire et rassurant car sa parole est une parole savante (c’est à lui qu’appartient la décision d’investir, de créer des emplois…)
On est donc amené à dire que la parole de l’entrepreneur est celle d’un maître, infaillible.Ainsi, la puissance de capitaine d’industrie réside alors dans sa capacité à produire un discours d’avenir qui a tout l’air d’être comme un "ciment social". L’Autre est toujours évident dans son discours et c’est bien dans ce discours qu résident les formes du pouvoir du capitaine d’industrie. Il est ainsi sans cesse renvoyé à sa propre conscience et son discours peut renaître à l’infini.
CHAPITRE 10 : Organisation féodale et société industrielle.
Au japon, le samouraï voue sa vie à l’Empereur et lorsqu’on lui confiera des entreprises, cela ne changera rien et la pensée confucéenne ordonne le serment d’allégeance.
Or, l’entrepreneur wébérien comme le chevalier médiéval s’inscrivent bien dans cette logique : ils errent entre une conduite rationnelle et une mystique.Aussi, l’entrepreneur agit comme le chevalier à la recherche de l’absolu. Il cherche à combler le manque exprimé par le marché et se pose en pourvoyeur de bonheur dans la consommation des marchandises et le bien-être de l’existence. Sa quête est alors infinie, et les réponses qu’il produit ne sont jamais satisfaisantes.
Par ailleurs, le chevalier comme l’entrepreneur se vouent à la perfection par le moyen de ce qu’ils savent maîtriser : l’un la guerre, l’autre, la production de marchandises. Mais, en même temps, ils doutent et se désespèrent parce que dans la quête de l’être, ils ne parviennent à aucune certitude et risquent de disparaître à tout moment par l’action de ceux qu’ils soumettent et dominent.
L’entrepreneur est également, comme le chevalier, un homme de guerre. Le conflit qui caractérise la guerre ne s’inscrit pas uniquement dans le militaire, la guerre se retrouve aussi sur les marchés par le jeu de la concurrence.
Ainsi, la société industrielle s’offre au regard féodal. La puissance publique de l’entrepreneur peuvent trouver dans l’organisation et la définition des marchés, les conditions qui nourrissent une relation de type authentiquement féodal au sens médiéval.
Enfin, la société démocratique est une société de droit et le Droit est la forme idéale de la société industrielle. Son respect garantit les liens contractuels comme il garantissait dans le passé, les liens vassaliques médiévaux
CHAPITRE 11 : Lorsque le pouvoir est mal assuré, la société a tout à craindre de son fonctionnement.
Comme l’affirmait Hobbes, dans la société industrielle, c’est l’entrepreneur qui fait la guerre. La maîtrise des moyens techniques correspond à la maîtrise des moyens militaires. Cependant, la maîtrise des moyens techniques est masquée par les valeurs idéalisées de la société de consommation. En effet, la démocratie idéale est un humanisme qui ne peut qu’entre en conflit avec le positivisme technologique.
Aussi, l’entrepreneur conquérant est capable de mobiliser ou de détourner les ressources financières à son gré : c’est sa liberté. Il dispose donc d’un pouvoir redoutable aux yeux de la puissance publique : il peut faire chanter le pouvoir.
Il faut donc s’interroger sur la place qu’occupe l’Etat : il semble que la légitimité de l’Etat est menacée : le peuple se désintéresse de plus en plus de l’Etat (ex : il répond de moins en moins à la convocation aux urnes) ; le savoir-penser politique a disparu !
Par conséquent, l’Etat capitaliste ne peut pas être le lieu ou la société se pense car il est prisonnier des intérêts économiques qui se le disputent. L’Etat doit être repensé par le peuple et c’est à la poursuite de cette objectif qu’il faut tenter de mobiliser les sociétés.
Il est clair que l’engagement direct dans l’expression démocratique constitue l’acte premier de cette restauration. Même si ce n’est qu’un début, il faut bien rendre le refus de vote hors la loi !
4/ Conclusion et apport dans la gestion
D’après l’auteur, la société industrielle est dominée par l’entrepreneur : ce dernier détient un pouvoir de puissance vis à vis de l’Etat et vis à vis de ceux qu’ils soumettent au travail.
Cette impression dans le domaine de la gestion est souvent vérifiée : le "patron" représente pour les salariés, celui qui nous permet de vivre et de consommer tout ce dont nous avons envie, mais il présente également un caractère autoritaire, puissant même si le discours actuel semble vouloir relever de la négociation.
Aussi, l’auteur suppose que la société légitime le travail (chapitre 1), car il permet de se sentir bien mais que pour éviter de se fatiguer de trop, il n’y a qu’une seule solution : la productivité du travail.
Or, dans la société dans laquelle nous vivons et de ce que nous pouvons observer dans les entreprises, la productivité du travail semble être plutôt un moyen pour le dirigeant de l’entreprise d’augmenter les résultats bénéficiaires de l’entreprise et non un moyen de rendre le salarié "moins fatigué" !Par ailleurs, le monde industriel semble être un monde qui se conjugue au masculin, les femmes sont ainsi réduites à leurs fonctions domestiques, ou alors on les retrouve dans les petites et moyennes entreprises. Or la place que prennent les femmes dans les grands groupes industriels se remarque de plus en plus (Ex : Liliane Bettencourt pour l’Oréal représente l’une des plus grandes fortunes en France).
Enfin, le rapprochement fait entre la société industrielle et la société féodale semble être pertinent, notamment dans cette idée que le chevalier et le capitaine d’industrie partage la même passion : la guerre.
Avec la mondialisation grandissante, le climat concurrentiel ressemble bel et bien à un climat de guerre avec ses limites.Et pour conclure, l’auteur prétend que la position de l’Etat occupée dans la société industrielle est inconfortable et de moins en moins légitime : l’Etat se doit de sauvegarder la démocratie, les valeurs morales et en même temps, il ne peut "contrer" les entrepreneurs conquérants car ces derniers permettent à la nation de s’enrichir.