LES FICHES DE LECTURE  de la Chaire D.S.O.

A. Zakavati

 

Jeremy F. DENT

La comptabilité et les cultures organisationnelles :

Une étude de terrain sur l’émergence d’une nouvelle réalité organisationnelle

(Accounting, Organizations and Society, Vol. 16, No. 8, 1991)

 

Sommaire :

* L’auteur
* L’objet de la recherche
* Les idées clés
* La description du terrain de recherche
* La méthode de la recherche
* Les résultats de la recherche
* Les conclusions générales
* Quelques remarques et réflexions

 

L’AUTEUR

Jeremy F. DENT est à London School of Economics and Political Science

 

L’OBJECTIF DE LA RECHERCHE

L’article rapporte une étude longitudinale du changement organisationnel au sein d’une grande entreprise des chemins de fer européenne, en traçant la façon dont les nouvelles pratiques comptables ont été impliquées dans la reconstruction émergeante de sa culture organisationnelle.

 

LES IDÉES CLES

Les idées de base de l’auteur peuvent être classifiées en trois rubriques : la culture organisationnelle, la place de la comptabilité dans les organisations vue sous l’angle culturel, et l’articulation entre la culture organisationnelle et la comptabilité.


a) culture organisationnelle

En s’appuyant sur les idées des sociologues comme M. Weber, T. Parsons, Geertz, etc., l’auteur commence par l’affirmation que les organisations ont des propriétés culturelles distinctes. Il utilise les mots culture et propriétés culturelles dans le sens ethnologique de ces termes. Il adopte les définitions de la culture d’après l’anthropologie interprétative selon laquelle la culture est une vaste constellation de structures interprétatives par lesquelles les actions et les événements sont dotés de sens au sein d’une communauté. D’autres définitions similaires de la culture sont : grappes (clusters) ordonnées de signification, réseaux (webs) partagés de signification, etc.

Selon le modèle culturel :

- Les organisations créent et maintiennent des coutumes de travail, établissent des normes pour le comportement et la performance convenables ou non convenables ; elles propagent des histoires et mythes, et sont dotées du rituel.

- Les communautés au sein des organisations ont des codes particuliers de communication : comportement, langage, vêtement, présentation, dessin, architecture, cérémonies, etc.

- L’opération des technologies du travail dans les organisations n’est pas simplement une affaire technique ou rationnelle. Elle est scellée (attachée) à un système d’idées (croyances, savoirs), et de sentiments (valeurs) dans lequel les actions et artefacts sont investis de qualités symboliques de sens (significations).


b) La comptabilité et les organisations

Les pratiques comptables constituent un aspect commun de la plupart des organisations du travail : les activités de planning et budget, systèmes de responsabilité hiérarchique, procédures d’évaluation de performance, contrôle budgétaire, et accords salariaux sont plus ou moins fondés sur les pratiques comptables. Par conséquent, la comptabilité est probablement impliquée dans le système culturel des organisations.


c) L’articulation entre la comptabilité et la culture

La question consiste à savoir comment et de quelle manière la comptabilité s’implique dans la culture (ou dans le système culturel) des organisations. Il existe deux approches concernant l’importance (ou la signification) de la comptabilité au sein des organisations. Selon la première approche, basée sur les points de vue des auteurs comme Meyer & Rowan, Pfeffer & Salancik, DiMaggio & Powel, Scott, Zucker, etc., l’impact potentiel de la comptabilité sur la culture des organisations doit être recherché dans le contexte plus vaste des valeurs et croyances sociétales. Autrement dit, les organisations dépendent d’un flux de ressources pour leur survie ; la société a des croyances en l’efficacité des pratiques managériales "rationnelles" ; (donc) les organisations qui adoptent de telles pratiques ont plus de chance d’être rémunérées. Dans les études empiriques influencées par ce point de vue la comptabilité ressort comme un symbole expressif culturel de la rationalité qui est particulièrement orienté vers les éléments constitutifs externes, et vers le contrôle modérateur de l’environnement. Elle est considérée neutre en ce qui concerne ses effets sur l’organisation, elle est nécessaire mais pas pertinente, elle est délibérément découplée des activités de base de l’organisation, on prend une certaine distance d’avec elle, comme si on ne la prenait pas au sérieux.

Selon la deuxième approche, toutes les connaissances et pratiques peuvent être réflexives, et donc la comptabilité peut réagir sur les institutions qui l’adoptent. D’après Hopwood, Hines, Miller & O’Leary, etc., la comptabilité a un rôle constitutif en matière de vie organisationnelle. Les notions finement élaborées comme le coût, efficience, profitabilité, revenue par action, etc., construisent de façon active certaines définitions de la réalité qui privilégient les sphères financières et économiques. Donc, elles ne sont pas découplées des activités technologiques bases (activité cœur) de l’organisation. Elles peuvent pénétrer dans le schéma organisationnel, créer des ordres du jour (objectifs, priorités, moyens, etc.), définir des standards de succès et d’échec, caractériser la performance héroïque, et mobiliser certaines dynamiques de changement. Donc, il existe bien la possibilité d’une implication plus intime de la comptabilité dans les cultures organisationnelles.

Mais, les pratiques comptables ne sont pas impliquées de la même façon dans les activités organisationnelles. Dans certaines organisations la comptabilité est impliquée de façon centrale dans le rituel du travail, la performance financière est célébrée, les budgets comptent. Dans d’autres organisations la comptabilité est secondaire (accessoire), elle existe peut être comme une pratique mais elle n’a pas de signification particulière. D’autres valeurs, comme la prise de risque entrepreneurial, sont parfois appréciées indépendamment des résultats financiers.

 

La description du terrain de recherche

Le terrain de recherche est une grande compagnie européenne des chemins de fer déguisée sous le pseudonyme Euro Rails (ER). Elle emploie 160.000 personnes.

L’objet de la recherche est le changement culturel au sein de cette entreprise, et le rôle de nouvelles méthodes et pratiques comptables dans ce changement.

Le point de focalisation de l’étude est un groupe d’environ 120 personnes (groupe de direction) composé d’élite managériale de cette entreprise. Ce groupe comprend le comité de direction (le directoire), les hauts managers de ligne (hiérarchique), et les cadres supérieurs d’état major (finance, ingénierie, etc.). En fait, ce groupe (groupe de direction) dans la recherche s’identifie avec l’entreprise. Donc, ce sont les changements dans les croyances, les valeurs, et les grilles d’interprétation et de compréhension de ce groupe qui ont été l’objet de l’étude, ainsi que le rôle et l’implication des concepts comptables dans le système d’interprétation et de compréhension de ce groupe. Comme on le verra par la suite, la composition de ce groupe a subi des changements pendant la durée de la recherche (en fait, il y a des départs, et de nouvelles entrées dans le groupe).

La recherche s’étale sur une durée de deux ans au cours desquels une nouvelle culture émergeante remplace l’ancienne culture et devient la culture dominante.

L’étude se termine en 1986.

 

L’historique de l’organisation

Euro Rails (ER) a une histoire glorieuse et distinguée. Ses origines sont les grandes compagnies privées de chemins de fer créées au milieu du 19ème siècle. Chaque compagnie construisait et exploitait alors une grande ligne de la capitale vers la province avec des branches (correspondances) associées. Ces compagnies étaient caractérisées par un capital gigantesque (pour l’époque), ingénieurs de réputation mondiale pionniers de nouvelles technologies (magnifiques locomotives à vapeur, wagons et ponts), et une infrastructure sans précédent. Les chemins de fer étaient et sont une célébration visible de la réussite victorienne.

Ces compagnies jouissaient d’une situation de monopôle jusqu’au milieu du 20ème siècle. Elles avaient de bonnes relations avec les différents gouvernements, elles payaient de gras dividendes à leurs propriétaires, et leurs actions étaient considérées comme "blue chips" sur le marché. En raison de leur situation monopolistique, du soutien gouvernemental, de la continuité de leurs activités, etc., elles sont devenues hautement bureaucratiques avec des règles et procédures bien définies, une chaîne de commandement (ligne hiérarchique) bien claire, et un système formalisé pour la gestion des opérations. La direction fut conservatrice, cultivant une croyance en l’unicité du management des chemins de fer, et en la sagesse des pratiques construites au fil de nombreuses décennies.

Tout en étant des établissements commerciaux avec de jolis taux de retour en investissement, ces compagnies incarnaient également un esprit de service public, car le réseau des chemins de fer représentait une infrastructure de transport très utile pour le commerce, l’industrie, et la mobilité de la main d’œuvre. Cette notion du service public était significative dans l’interprétation que faisait le management des chemins de fer. Ces derniers étaient dirigés par les "hommes de chemins de fer" : les ingénieurs et opérateurs qui étaient fiers du management professionnel des chemins de fer ainsi que du service public.

Les compagnies des chemins de fer ont été nationalisées vers la fin des années 1940. Sur beaucoup d’aspects, cet acte n’avait que de signification limitée. L’entreprise nationalisée a consolidé l’ancienne structure managériale qui était organisée par région. Chaque région représentait une des lignes radiales allant de la capitale vers une région et vice versa. Chaque région était gérée par un Directeur Général (General Manager). Il y avait un Comité Exécutif (Directoire) composé des directeurs régionaux (directeurs généraux), plus le président du directoire (CEO) de l’ER, plus les chefs des différentes unités d’ingénierie. Les pratiques managériales sont restées intactes. La nationalisation a renforcé l’orientation "service public" de l’entreprise, car on était dans l’époque de l’Etat de Prospérité (Welfare Stae). Donc, le but principal de l’entreprise était de fournir une infrastructure de transport.

La réalité de la culture de l’ER à cette époque, la "culture des chemins de fer", peut se résumer de la façon suivante :

Donc, les "mots clés" de leur culture furent : le service public, la mise en fonctionnement des trains, et la maintenance de l’infrastructure et matériels selon les critères et objectifs définis par les corps professionnels, et notamment les ingénieurs. Dans cette culture, les enjeux centraux de l’entreprise étaient l’ingénierie et la production (de services). Le client, autrement dit, l’origine des revenues, ne faisait pas partie des enjeux de l’entreprise

La comptabilité dans cette culture avait une place secondaire. Elle était nécessaire dans la mesure où la rationalité technique l’exigeait, et pour s’assurer qu’on tenait compte des revenues et qu’on payait les fournisseurs. La comptabilité n’était incorporée en aucune manière significative dans la culture des hauts managers de l’ER. Les rituels, symboles, et le langage célébraient la suprématie des orientations d’ingénierie et de production.

 

Émergence de la perspective économique

La nationalisation avait créé une sorte de dépendance de l’ER vis-à-vis du gouvernement.

En raison de ces changements une certaine sensibilité relative aux coûts se fait sentir dans le groupe de management. Mais ce n’était pas encore un changement culturel. Les anciennes valeurs étaient toujours en place, et la sensibilité envers les coûts signifiait seulement une meilleure utilisation des ressources (définies selon l’ancien modèle d’affectation ou d’allocation des ressources).

 

La méthode de la recherche

L’auteur déclare qu’une analyse basée sur la distanciation (arm’s length analysis) n’est pas appropriée pour ce genre de recherche culturelle. Il suggère un engagement plus intime et plus proche de la part du chercheur, une approche utilisée par les ethnographes, basée sur la méthodologie interprétative. Le but consiste à saisir "le point de vue de l’indigène, sa relation avec la vie, sa vision du monde", il s’appuie sur les méthodes développées ou expliquées par Geertz, Burrel & Morgan, Denzin, etc. En fait, cette approche est inspirée de l’approche weberienne selon laquelle le but de la recherche dans les sciences sociales consiste à comprendre et non pas (ou non seulement) expliquer les phénomènes. Et la compréhension est la compréhension et l’interprétation du point de vue de l’acteur. Donc, il faut se mettre en quelque sorte à la place des acteurs afin de pouvoir comprendre la situation, ainsi que les conditions (ou les raisons) de leur manière d’agir. Donc, l’exclusion de toute critique.

Ce genre de recherche est nécessairement qualitative. Les données sont les descriptions des rapports fournis par les participants dans le terrain de recherche, plus les observations du chercheur sur les activités, interactions, et les contextes dans lesquels elles ont lieu.

Le chercheur, en général, ne cherche pas à tester des hypothèses préalables. Il (elle) cherche plutôt à théoriser à travers les données d’une façon inductive. Le chercheur doit en permanence chercher d’autres interprétations (ou "lectures" selon Lévi Strauss) jusqu’à ce qu’il soit convaincu que sa représentation est fidèle au déroulement des faits. La représentation doit être basée sur le contexte et cohérent avec la chronologie des événements et interactions.

La collecte et le traitement des données

Les données ont été collectées de plusieurs façons. La première source était une série d’entretiens non structurés. Environ 30 managers ont été interviewés (parfois deux ou trois fois selon la demande du chercheur). Chaque entretien durait en moyenne une heure et trente minutes. Ils ont été étalés sur la période de la recherche. Deuxièmement, il y a eu accès aux différentes réunions internes. Troisièmement des données ont été collectées par des conversations au hasard.

Au fur et à mesure que le projet progressait, on analysait les données. Au début il semblait qu’il y avait un réel risque d’être noyé dans les données. Les registres des entretiens s’empilaient rapidement. Il paraît c’est un aspect commun de toutes les recherche en matière culturelle. Mais peu à peu une configuration (forme) commencer à émerger.

Finalement, l’analyse se présentait sur trois dimensions : le rôle (fonction), le niveau hiérarchique, et le temps. D’abord les données ont été classifiées selon leur contenu et les valeurs sous jacentes, et sans référence au rang ou au rôle des interviewés. Les données collectées au fil du temps semblaient correspondre avec les constellations distinctes (dans le sens des groupes de gens exprimant des points de vue similaires). Une fois les identités ont été attachées aux points de vue on s’est rendu compte que grosso modo les personnes ayant les rôles similaires dans les niveaux hiérarchiques similaires avaient des points de vue et perspectives similaires. Ce genre d’analyse a été répétée dans le temps. On a constaté que les opinions, sentiments, et interprétations de chaque groupe évoluaient d’une façon systématique. Au cours du déroulement de ce processus, il s’est avéré qu’après un certain temps, le point de vue des interviewés en fonction de leur rôle (fonction), rang hiérarchique, et le temps d’interview devenait prévisible.

 

Les résultats de la recherche

Cette recherche a été conduite sur une période de deux ans. Pendant cette période un changement culturel important a eu lieu au sein de l’ER. L’auteur retrace la dynamique de ce changement d’abord par la désignation des Directeurs des Affaires (Business Managers), pour faire face aux pressions gouvernementales. Ensuite, il explique l’élaboration et la mise en place du nouveau système de comptabilité, et puis les processus au travers desquels la nouvelle comptabilité a été attachée aux activités organisationnelles. L’auteur explique ces changements par un processus de découplage vis-à-vis d’anciennes valeurs, perspectives, et interprétations, et un processus de recouplage aux nouvelles valeurs, perspectives, interprétations, etc. On verra à travers trois exemples significatifs l’affrontement entre l’ancienne et la nouvelle cultures, ainsi que le processus de remplacement.

Dans un contexte d’une menace sérieuse pour l’organisation de la part du gouvernement et la concurrence (d’autres moyens de transport), la haute direction de l’ER a lancé l’idée de la désignation des Business Managers. L’objectif, au début, consistait à réfléchir sur les différentes voies d’amélioration du fonctionnement de l’ER. Les Business Managers n’avaient pas d’autorité dans le domaine opérationnel, et leur tâche consistait à aider les managers de lignes. Ils étaient supposés aider l’ER dans le domine du marketing, de la planification à long terme, et "le management par la ligne des résultats" (bottom line management). Les Directeurs des Affaires avaient tous travaillé dans un moment ou autre avec ou dans les chemins de fer, et ils avaient pratiquement tous une expérience en dehors de ce secteur. Tout en connaissant la culture des chemins de fer, ils appréciaient ce qu’ils appelaient une pratique plus large des affaires : manager pour le profit.

Les Directeurs des Affaires avaient compris le caractère formel de l’ER, et ils ont essayé d’utiliser au maximum l’autorité formelle des hauts managers de l’ER afin de faire avancer leurs idées. Quant au travail sur le terrain, ils ont essayé d’une part de convaincre les gens sur l’importance de rentabilité, du profit, etc., et d’autre part de se familiariser avec le mode de fonctionnement des chemins de fer, les problèmes sur le terrain, etc.

La mise en place du management par la ligne des résultats était loin d’être évidente. Pour les Directeurs des Affaires le but des chemins de fer était le profit, la signification des clients était la revenue, la signification des trains, de l’infrastructure, et du personnel était le coût. Or, il n’y avait pas de comptes pour chaque marché (ou secteur d’activité de l’ER). On mesurait le profit et la perte (le compte des résultats) à l’échelle de la compagnie et non pas en fonction de chaque marché (ou chaque segment). Les coûts communs n’étaient pas attribués aux segments. Du fait que l’activité des chemins de fer est très intégrée, le poids des coûts non attribués était substantiel. Les comptables avaient argumenté pendant longtemps que l’allocation des coûts était impossible et n’avait pas de sens. Or, pour les Directeurs des Affaires ce qui importait ce n’était pas une responsabilité basée sur la contribution aux profits, mais une responsabilité liée à la ligne des résultats. En fait, la "ligne des résultats" avait un sens normatif, et un sens pratique. Elle permettait aux Directeurs des Affaires de poser des questions sur la pertinence des coûts.

Il était difficile d’avancer l’idée d’élaboration des compte des résultats par secteur, car il y avait une longue tradition dans l’entreprise sur l’impossibilité ou l’impertinence de ce genre de mesures comptables.

Finalement un système basé sur les coûts totaux, et affectation de tous les coûts à un ou plusieurs segments (secteurs) ont été adoptés.

Nous avons vu que les Directeurs des Affaires n’avaient pas de positions hiérarchiques (contrairement aux Directeurs Régionaux qui assumaient la responsabilité des lignes régionales). Après quelque temps les Directeurs des Affaires ont demandé du pouvoir, et une nouvelle structure managériale leur a permis d’avoir un statut équivalent aux Directeurs Régionaux. Peu à peu les Directeurs des Affaires étaient en contact et interaction avec les ingénieurs et opérateurs, et par ces contacts leurs idées sont devenues plus spécifiques et plus concrètes. Mais ils étaient encore dans le siège et non pas sur le terrain. Plus tard ils ont demandé d’avoir leurs représentants dans les régions.

Trois événements symboliques ont aidé à la consolidation du pouvoir des Directeurs des Affaires au sein de l’ER :

  1. Pendant une période un Directeur Régional avait réussi d’obtenir des ressources pour investir dans les trains à grande vitesse pour le transport des passagers. Ils les gardaient jalousement pour sa région, et refusait d’en faire profiter d’autres. D’après l’analyse du Directeur des Affaires correspondant, le profit pourrait augmenter si l’on réallouait les trains à grande vitesse à d’autres régions. Ce Directeur des Affaires a fait du lobbying auprès du PDG et ses conseillers afin de baser les décisions d’allocation de trains selon les critères économiques. Cela a été accepté.
  2. Le deuxième événement concerne les décisions d’investissement des capitaux. On voulait reconvertir une grande ligne en un trajet des trains rapides. Selon la pratique d’ingénierie, dans de pareils cas on changeait également en même temps le système de signalisation. D’après l’analyse du Directeur des Affaires cela n’était ni nécessaire ni économique. Le Directeur des Affaires a fait du lobbying, et par conséquent on n’a pas renouvelé le système de signalisation.
  3. Le troisième événement concerne le planning des trains. Traditionnellement le planning des trains se faisait selon le critère de maximiser la commodité opérationnelle. Un Directeur des Affaires a demandé de modifier le planning d’une ligne en fonction de la commodité (confort) des passagers. L’intervention du Directeur des Affaires a été très mal vécu par le Directeur Régional, mais finalement le PDG a approuvé le jugement du Directeur des Affaires.

Ces trois événements marquaient des échecs pour l’ancien mode de travail, ainsi que l’introduction de nouvelles méthodes qui s’imposaient.

Au fil du temps le pouvoir des Directeurs des Affaires augmentait et celui des Directeurs Régionaux diminuait. Finalement la structure régionale a été dissoute. Les activités de l’ER ont été divisées en différents métiers (businesses) comme le transport passagers sur les granges lignes, le transport passagers trains de banlieue, les frets, le transport des colis postaux, etc. L’aspect opérationnel a été intégré dans différents métiers de l’ER.

Il n’y a plus de Directeur Régional.

 

Les conclusions générales

 

Quelques remarques et réflexions

  1. Bien que l’auteur parle en maintes reprises de différentes cultures qui cohabitent au sein d’une organisation, il semble qu’il identifie la culture du groupe dirigeant avec la culture de l’organisation. En fait, comme nous l’avons déjà mentionné, l’analyse de l’auteur concernant le changement culturel concerne essentiellement le groupe des 120 personnes qui ont été l’objet de sa recherche, et non pas celle des 160000.
  2. L’auteur ne parle pas de la relation entre la culture organisationnelle et le(s) but(s) ou le(s) objectif(s) de l’organisation : on peut notamment penser au rôle de la culture en matière de coordination, de contrôle, et de réalisation des objectifs des organisations. La culture, dans ce sens peut être considérée comme un complément de la hiérarchie, autrement dit, comme instrument de l’influence du groupe dominant et outils de coordination et de contrôle moins chers que la hiérarchie
  3. En ce qui concerne la relation entre la culture et le pouvoir, l’auteur prend en compte essentiellement le pouvoir des acteurs "visibles". Dans le cas de l’ER le gouvernement, ainsi que certains groupes sociaux dans le contexte historique de cette entreprise, sont plus importants. En fait, dans ce cas particulier, il serait plus pertinent de considérer le gouvernement non pas comme "environnement" mais comme "acteur interne". L’auteur semble, comme l’un de ses interlocuteurs, considérer le gouvernement comme un environnement.
  4. La nouvelle méthode comptable dans le contexte de l’ER semble plutôt un instrument au service de la nouvelle culture qu’un élément actif. En fait, le choix de nouveau système comptable se fait est ultérieur à celui de la nouvelle culture. Cependant, le nouveau système comptable joue un rôle important dans la consolidation et la propagation de la nouvelle culture
  5. Outre de nombreux points intéressants concernant la culture, la comptabilité, etc., le cas est un exemple intéressant qui met en évidence l’interaction entre les facteurs internes et externes comme cause de changements organisationnels.

 

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