Catherine LE GAC

Auditeur CNAM I172063

DPCE Cycle A

 

FICHE DE LECTURE

 

 

Christophe DEJOURS

 

" SOUFFRANCE EN FRANCE

LA BANALISATION DE L’INJUSTICE SOCIALE "

 

 

 

SOMMAIRE

  1. Biographie de l’auteur
  2. Postulats
  3. Hypothèses
  4. Démonstration
  5. Résumé de l’ouvrage
  6. Principales conclusions
  7. Actualité de la question
  8. Bibliographie complémentaire

 

 

 

  1. BIOGRAPHIE DE L’AUTEUR

Professeur de psychologie au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), psychanalyste et psychiatre, Directeur du Laboratoire de psychologie du travail (PARIS), Christophe DEJOURS est l’un des principaux spécialistes de la psychopathologie et de la psychodynamique du travail.

Il a écrit entre autre :

Entreprise moderne d’édition

Bayard édition

 

2 . POSTULATS

Les Français souffrent et ne le disent pas.

Nous acceptons sans protester des contraintes de travail toujours plus dures tout en étant conscients de la mise en danger de notre intégrité mentale et physique.

La peur puis la honte, pour faire fonctionner la machine néolibérale, nous font commettre des actes que nous réprouvons. Mais elles nous permettent d’endurer la souffrance (subie et infligée) sans perdre la raison et ainsi de nous protéger.

La question centrale du livre est " pour reprendre l’expression d’Alain Morice (1996), celle des ‘ressorts subjectifs de la domination’ :

Pourquoi les uns consentent-ils à subir la souffrance, cependant que d’autres consentent à infliger cette souffrance aux premiers ? "

 

  1. HYPOTHESES
  2. Le mal, la barbarie peuvent être produits en l’absence de contribution d’ l’intelligence et de la délibération.

    La plupart des " braves gens " disposent d’un sens moral, d’un faculté de penser et d’une certaine intelligence. Ils réprouvent le mal et la barbarie. Ils opposent une résistance face au mal qu’ils doivent infliger à autrui.

    Le néolibéralisme génère injustice et souffrance. Le nouveau système repose sur l’utilisation méthodique de la menace et sur une stratégie efficace de distorsion communicationnelle.

    Le processus de banalisation du mal par le travail n’est pas nouveau. Ce qui l’est, c’est l’aspect raisonnable et justifié, réaliste et rationnel qu’on lui accorde aujourd’hui. De plus, qu’il soit accepté par une majorité de citoyens, qu’il soit décrit comme modèle à suivre au nom du bien, du juste et du vrai.

    Le travail peut être le médiateur irremplaçable de l’accomplissement de soi. A contrario, il peut aussi être à l’origine de processus redoutables d’aliénation.

    Ce peut être aussi un moyen de connaissance de la solidarité et de la démocratie.

    L’élément décisif de chaque action est la peur qui est un vécu subjectif et une souffrance psychologique. Elle implique la mise en place de stratégies défensives contre la souffrance.

    La violence et l’injustice commencent toujours à engendrer un sentiment de peur.

  3. DEMONSTRATION
  4. " Nous serions donc aujourd’hui, si l’on en croit la rumeur, dans une conjoncture sociale et économique présentant de nombreux points communs avec une situation de guerre. A la différence près qu’il ne s’agit pas d’un conflit armé entre nations, mais d’une guerre économique. "

    L’analyse développée reconnaît avant toute chose que les partisans que la guerre saine l’ont emporté depuis une quinzaine d’années, et que dans la bataille, il y a des vaincus et des vainqueurs.

    Et s’il y a des vainqueurs et que la guerre se poursuit, c’est que la machine de guerre mise en place fonctionne.

    Cette guerre trouverait son origine non seulement dans la nature du système économique, dans le marché ou dans la " mondialisation ", mais surtout dans les conduites humaines.

    Pour comprendre comment nous en sommes rendus à tolérer et à produire le sort réservé aux chômeurs et aux nombreux pauvres dans une société qui pourtant ne cesse de s’enrichir, nous prendrons connaissance de la souffrance au travail. Certaines stratégies de défense particulièrement préoccupantes seront analysées.

    Dans la souffrance, comme dans les défenses, et au-delà dans le consentement à subir ou à infliger la souffrance, se sont des règles de conduite construites par des hommes et des femmes qui régissent ces processus.

    Tout au long de son livre, Chistophe DEJOURS s’efforcera de nous faire comprendre et d’analyser, exemples vécus à l’appui ainsi que différentes thèses, les différentes phases de la souffrance au travail et de la banalisation du mal.

    Cet essai a essentiellement une visée théorique. L’orientation de la réflexion est théorique, parce qu’il n’y a pas, selon Christophe DEJOURS, de réponse politique à la notion de " guerre économique " sans apport conceptuel nouveau.

  5. RESUME DE L’OUVRAGE

AVANT-PROPOS

Nous serions dans une conjoncture économique et sociale identique en de nombreux points à une situation de guerre " économique ". Son enjeu serait la survie de la nation et la sauvegarde de la liberté.

Dans le monde du travail, on use de méthodes cruelles afin d’exclure les plus faibles et d’exiger des autres des performances toujours supérieures en matière de productivité, de disponibilité, de discipline et de don de soi.

Développement de la compétitivité et sacrifices individuels et collectifs ne peuvent être évités. Les effectifs sont dégraissés. De petites et moyennes entreprises sont détruites chaque semaine. Mais les grandes ne sont pas à l’abri. La concurrence est destructrice.

L’analyse développée dans ce livre démontrera que la machine de guerre mise en place fonctionne et que cette guerre proviendrait de la logique interne du système économique mondial, le marché. Ce point ne sera pas vu afin de concentrer l’effort d’analyse sur les différentes conduites humaines.

Les ressorts subjectifs du consentement jouent un très grand rôle.

Les " stratégies de défense " sont astucieuses.

La prise de conscience de la souffrance au travail et l’analyse des stratégies de défense nous permettront de comprendre le sort réservé aux chômeurs et aux nouveaux pauvres dans notre société qui ne cesse de s’enrichir.

I – Comment tolérer l’intolérable ?

Le processus de désocialisation progressif touchant les chômeurs ne peut laisser indifférent. Chacun peut être concerné à un moment donné, provoquant un sentiment de peur face aux risques d’exclusion.

La dissociation entre malheur et injustice permet de rejeter cette souffrance. La défense de l’individu est de se persuader qu’il n’est pour rien dans le malheur de l’autre.

Aucune solution à court terme face au malheur social généré par le libéralisme économique n’est envisageable car nous sommes, pour la plupart, partie prenante.

Les formes de banalisation du mal dans les systèmes totalitaires sont de construction humaine. Le remaniement est toujours possible.

En 1980 , les 4 % de chômeurs dans la population active ne pouvaient être dépassés sans provoquer une crise or la tolérance peut être de 13 % et plus. La transformation de la société démontre une évolution des réactions sociales à la souffrance, au malheur et à l’injustice, plutôt qu’une action tendue vers le bonheur. Cette démobilisation est le résultat du retournement politique dû au Mitterrandisme.

Dans l’univers du travail, cette période s’est caractérisée par la remise en cause du travail et des acquis sociaux. Les nouvelles méthodes de gestion et de direction entraînent licenciements et souffrance.

Une question se pose quant à l’action politique qui est feutrée par la familiarisation de la société civile avec le malheur et une préparation psychologique à le supporter.

II – Le travail entre souffrance et plaisir

La réciprocité du rapport entre souffrance et emploi et rapport entre souffrance et travail ne doit pas être négligée. Là s’en trouve toute la banalisation du mal d’où la dynamique des rapports entre travail, souffrance et plaisir doit se révéler.

La souffrance est différente selon le lieu où l’on travaille, le degré de mécanisation et de robotisation qui ont permis la disparition de certaines tâches. Mais ceux qui effectuent des tâches dangereuses pour la santé, ceux qui travaillent dans de mauvais conditions, impuissants devant les infractions au Code du travail n’ont pas disparu. Il y a aussi ceux qui souffrent, qui appréhendent et angoissent face aux risques liés aux contacts permanents avec les radiations ionisantes, les virus, etc. Un autre groupe englobe ceux qui souffrent de crainte de ne pas être à la hauteur, incertains face aux contraintes de l’entreprise.

Cette souffrance n’intéresse pas les médias qui la considère comme exceptionnelle, sans valeur réelle alors qu’il en est tout autre.

  1. La crainte de l’incompétence
  2. Le réel du travail a été mis en évidence par les sciences du travail depuis les années 70. Pour atteindre les objectifs fixés, il ne faut pas respecter dans leur intégrité toutes les procédures qui nous mènerait vers la grève du zèle. L’efficacité vient du zèle, de ces ajouts des opérateurs à l’organisation prescrite. Nous sommes face à la " mobilisation des ressorts affectifs et cognitifs de l’intelligence ".

    Dans certaines situations de travail " impliquant des risques pour la sécurité des personnes et la sûreté des installations ", il est difficile de cerner l’incompétence ou l’anomalie du système technique, d’où le développement de la souffrance face à la crainte d’être incompétent là où la responsabilité est engagée.

     

  3. La contrainte à mal travailler
  4. Contrairement à ce qui précède, la compétence est hors de cause. Les contraintes sociales du travail empêchent le travailleur d’effectuer ses tâches par divers biais tels que mauvais climat social, rétention d’informations, lourdeurs du système. Cette contrainte à mal travailler se retrouve aussi bien dans l’industrie que dans les services ou dans les administrations et n’est pas rare.

  5. Sans espoir de reconnaissance
  6. La reconnaissance apparaît comme décisive dans la dynamique de la mobilisation subjective de l’intelligence et de la personnalité dans le travail.

    Le rôle majeur de la " psychodynamique de la reconnaissance " joue dans le destin de la souffrance au travail et la possibilité de transformer cette souffrance en plaisir. Cette reconnaissance vient compléter le registre de la construction de l’identité du sujet, identité qui constitue l’armature de la santé mentale.

  7. Souffrance et défense

La reconnaissance est rarement accordée à sa juste valeur. Lors des premières recherches, dans les années 50 , celles-ci visaient plus les effets nuisibles du travail sur la santé mentale, sans qu’il ne soit possible d’en décrire la pathologie mentale du travail comparable à la pathologie des affections somatiques professionnelles. Grâce aux défenses manifestées par le sujet, la souffrance est contrôlée et n’est pas suivie par une maladie mentale.

Il existe des " stratégies collectives de défense " marquées par les contraintes réelles du travail. La normalité est interprétée comme le résultat d’un compromis entre la souffrance et la lutte contre la souffrance dans le travail. Il n’y a donc pas absence de souffrance mais la normalité apparaît comme le résultat d’une lutte contre la déstabilisation psychique provoquée par les contraintes de travail.

Ces stratégies peuvent contribuer à rendre acceptable ce qui ne peut l’être. Mais il peut y avoir un effet pervers qui désensibilise contre ce qui fait souffrir. Ce qui fait qu’une souffrance infligée occasionne aussi une souffrance à celui qui l’inflige car elle n’est plus seulement psychique mais éthique. Et contre cette souffrance, seule la construction de défenses lui permettra de sauvegarder son équilibre psychique.

 

III – La souffrance déniée

La source principale d’injustice et de souffrance est le chômage. Par conséquent, le lieu de ces drames est le travail tant pour ceux qui en son exclus que ceux qui y demeurent. Les organisations syndicales affaiblies par le manque d’intérêt face à la montée du malheur social sont en première ligne.

  1. Le déni des organisations politiques et syndicales
  2. La faiblesse syndicale et la désyndicalisation rapide ne sont pas seulement des causes mais un effet de la tolérance à l’injustice et au malheur d’autrui.

    Les mouvements sociaux de 1968 ont fait ressortir massivement le thème de la souffrance dans le rapport au travail. Malgré les différentes revendications du monde des ouvriers et des employés, les organisations syndicales ont presque systématiquement écarté le thème de l’aliénation des discussions. Le mouvement gauchiste ne s’est emparé de ces revendications qu’à des fins de rassemblement en faveur d’objectifs politiques sans considérer cette souffrance au travail. D’ailleurs, les diverses organisations politiques n’ont pris en compte que la souffrance physique et les revendications sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Tout ce qui concernait la santé mentale et la souffrance psychique au travail a été rejeté.

    Dans les années 70, tout ce qui touchait au psychisme et aux métiers tel que psychiatre et psychologue était tabou et considéré comme pratiques individualisantes nuisant à l’action collective. L’analyse de la souffrance psychique relevait de la subjectivité.

    Ce fut une erreur historique avec des incidences redoutables non seulement dans le développement des recherches dans le domaine de la souffrance psychique mais aussi dans les recherches en psychologie du travail, psychosociologie, psychopathologie générale et psychanalyse alors qu’elles ont fait leur chemin dans de vastes secteurs de la société.

    Dans les années 80 émerge la notion nouvelle de " ressources humaines ".Là ou les syndicats refusent de s’intégrer, le patronat et les cadres introduisent de nouvelles pratiques concernant la subjectivité et le sens du travail. Ces organisations syndicales sont responsables de la tolérance à la souffrance subjective. La France est le pays comptant le plus faible taux de syndiqués de toute l’Europe. Cette faiblesse était latente avant la crise de l’emploi et le tournant socialiste en faveur du libéralisme économique.

  3. Honte et inhibition de l’action collective
  4. Le refus délibéré de mobilisation collective face à la souffrance occasionnée par le travail a provoqué une absence de réaction collective face au chômage. L’erreur d’analyse des organisations syndicales a laisse le champ libre aux innovations managériales et économiques. Ce qui a permis aux générateurs de malheur social, souffrance et injustice de forger de nouvelles utopies sociales telle que la promesse de bonheur demeurant dans l’avenir des entreprises. Ainsi sont nées de nouvelles méthodes de recrutement, de nouvelles formes de gestion. Le thème de l’organisation supplante le thème du travail dans les pratiques discursives du néolibéralisme. Les thèses néolibérales sont qu’il n’y a plus de travail, qu’il ne pose plus de problème scientifique, qu’il n’est plus un moyen d’identification. Ces thèses sont contestables.

    Le travail ne devient pas une denrée rare. Il n’est pas entièrement intelligible, formalisable et automatisable. Il est le seul médiateur de l’accomplissement de soi. Bien que médiateur de l’émancipation, il demeure, pour ceux qui ont un emploi, générateur de souffrances. Ceux qui souffrent de son intensification, de l’augmentation de la charge de travail ont beaucoup de difficultés à réagir collectivement.

    Face au chômage et à l’injustice liée à l’exclusion, les travailleurs tentant de lutter par des grèves se heurtent à la culpabilité par " les autres " qui prônent la menace pour la pérennité des entreprises et la honte spontanée de protester alors qu’eux ont du travail.

    De plus en plus de tentatives de suicides ou suicides réussis sur les lieu de travail témoignent du peu de place laissé à l’écoute de la souffrance au travail.

    Les enquêtes restent irrésolues sous l’influence de la pression qui amène vers la banalisation d’actes désespérés. Ainsi nous entrons dans la phase de la honte de rendre publique la souffrance engendrée par les nouvelles techniques de gestion du personnel. La perception de la souffrance d’autrui déclenche un processus affectif et la stabilisation mnésique de la perception nécessaire à l’exercice du jugement dépend de la réaction défensive du sujet face à son émotion. De fait, l’intolérance affective à sa propre émotion réactionnelle le conduit à s’isoler de la souffrance de l’autre par une attitude d’indifférence.

  5. Emergence de la peur et soumission
  6. Dans la troisième étape du processus s’effectue un nouveau clivage entre ceux qui travaillent et les victimes du chômage et de l’injustice.

    La charge de travail n’et pas seulement augmentée par les licenciements mais par un changement dans l’organisation. La production devient la préoccupation principale.

    L’examen des candidatures des futurs embauchés tend à mieux cerner leur motivation. Le turn-over devient anormalement élevé.

    L’apparition de la peur est un phénomène alarmant. Celle-ci est à l’origine de la faiblesse ou de l’absence de mouvement collectif de lutte contre une condition qui n’aurait été tolérée il y a quinze ou vingt ans en France.

    La précarité de l’emploi touche n’importe quel travailleur. La précarisation a pour effet d’intensifier le travail et d’augmenter la souffrance subjective. Elle neutralise la mobilisation collective et provoque une stratégie défensive du silence. Face à la menace de licenciement se crée l’individualisme.

    Cette peur coupe radicalement ceux qui subissent la domination dans le travail de ceux qui en sont loin (les exclus, les chômeurs). Nous assistons à la séparation subjective croissant entre ceux qui travaillent et les autres.

  7. De la soumission au mensonge

Bien qu’ils souffrent eux aussi des nouvelles formes de management, les cadres semblent se référer sans réticence apparente à la description gestionnaire lorsqu’ils s’adressent à un tiers. Sans leur optimisme et leur motivation, le système connaîtrait probablement des crises. Il est quand même difficile de ne pas se poser de questions quant à leur apathie face au dégraissage des effectifs alors qu’ils tiennent difficilement leurs objectifs par manque chronique d’effectifs.

L’interprétation repose sur un diptyque :

Du fait de leur propre expérience de la peur, ils obtiennent une intensification du travail des opérateurs en usant la menace au licenciement.

De plus, il y a une concurrence telle entre travailleurs à la recherche d’emploi et salariés que la réserve de main-d’œuvre paraît inépuisable et qu’une mise sous tension supplémentaire est réalisée. Le zèle est alors un ingrédient nécessaire pour ceux qui travaillent.

Le système ne peut se nourrir uniquement du consentement et de la résignation, voire de la soumission.

Le bilan général d’activité laisse ressortir que, quelque soit son poste, chacun dépend d’une information dont la véridicité ne peut être vérifiée. Ceci relève de la " stratégie de la distorsion communicationnelle ".

IV – Le mensonge institué

L’expérience du réel dans le travail se traduit par la confrontation à l’échec, qu’il soit d’un ordre matériel, humain ou social. Excepté pour les ergonomes et certains anthropologues du travail, le réel fait l’objet d’un déni généralisé.

1 . La stratégie de la distorsion communicationnelle

Ce terme de " distorsion communicationnelle " est emprunté à Habermas et sa " Théorie de l’agir communicationnel ".

Gérer rationnellement l’ajustement de l’organisation du travail passe par la construction du compromis. Un " espace de discussion " est indispensable. Travailler est non seulement accomplir des activités de production mais aussi " vivre ensemble ".

Une opinion est l’association de références techno-scientifiques à des éléments relatif au monde social et au monde subjectif. C’est dans l’espace de discussion que sont exposées, critiquées, acceptées ces opinions. On y fait face à de nombreuses difficultés pénalisant la communication. Le mensonge constitue une des formes de troubles. Le déni du réel du travail est généralement associé au déni de la souffrance dans le rapport au travail.

" Le travail, c’est l’activité coordonnée des hommes et des femmes pour faire face à ce qui ne pourrait être obtenu par l’exécution stricte des prescriptions ".

La méconnaissance, par l’encadrement, des difficultés rencontrées dans l’exercice du travail rend le déni résistant à l’épreuve de vérité de l’expérience.

2. Le mensonge proprement dit

Le mensonge permet de décrire la production à partir des résultats et non des activités dont ils sont issus. Cette hypocrisie trouve sa justification dans des arguments commerciaux e gestionnaires qui dépendent de l’image de marque, des indicateurs de qualité, son fonctionnement interne et son " état de santé " social et technique.

3. De la publicité à la communication interne

Le travail et son organisation vise essentiellement l’extérieur mais des objectifs internes font peu à peu surface en fragmentant les divers services en " centres de résultats ", " centres de profits " ou en " directions par objectifs ", dont les relations du type commercial s’installent. La valorisation que cela implique n’est pas le reflet de la réalité. Pour défendre le message de la valorisation, l’absence de critique, la solidarité face aux difficultés et à la concurrence sont primordiaux.

La discussion et la délibération sur le réel du travail et sur la souffrance sont étouffées par le mensonge au sein même de l’entreprise.

4. L’effacement des traces

Outre le fait de taire les échecs, de faire pression sur les salariés pour que certaines omissions volontaires ou falsifications soient effectuées, il semble important d’effacer la mémoire du passé en écartant les anciens des zones critiques de l’organisation, en les privant de responsabilités et au pire en les licenciant.

En effet, les entreprises redoutent les procès en justice qui pourraient déboucher sur des débats publics. En effaçant les preuves, ces affaires se terminent en non-lieu. Ainsi le silence est maintenu, le mensonge stabilisé.

  1. Les médias de la communication interne
  2. Des spécialistes de la communication sont invités à produire des documents simplifiés, à l’usage des salariés qui ont peu de temps pour lire ou se documenter, et de plus, sont incompétents dans les domaines spécifiques où l’on tente de faire passer le message de la valorisation. Ces spécialistes étant eux aussi incompétents techniquement jouent un rôle de lecteurs-tests.

    Ainsi les pratiques discursives sont-elles progressivement uniformisées par le bas.

    Un " changement de structure " est toujours difficile à faire passer. On utilise des références aux travaux de recherche dont l’usage passe souvent par des déformations ou de véritables falsifications pour qu’elles paraissent en accord avec la culture d’entreprise.

    La qualité de mise en page et l’image (très parlante) ont une très grande importance.

    Des budgets dont les montants sont exorbitants sont consacrés à ces médias.

  3. La rationalisation

Ces documents sont lus pour trois raisons :

En fait, ils indiquent les grandes lignes du " conformisme " par rapport à l’évolution de l’esprit interne à l’entreprise.

La distorsion communicationnelle implique une action volontaire et une puissante coopération entre tous les acteurs. Ce qui pousse les cadres à adhérer à cette pratique discursive de la distorsion communicationnelle est une souffrance " éthique ", la peur de perdre sa propre dignité, trahir son idéal et ses valeurs.

La rationalisation permet de démontrer que le mensonge est un mal nécessaire et inévitable. En y participant, on permet le passage d’une étape historique douloureuse à une étape de soulagement.

 

V – L’acceptation du " sale boulot "

  1. Les explications conventionnelles
  1. l’explication par référence à la rationalité stratégique
  2. La participation consciente du sujet à des actes injustes relèverait d’un calcul bien que celui-ci n’éviterait pas les décisions de " dégraissage ".

    Les cadres sont conditionnés par la certitude de la réussite de leurs prévisions optimistes.

    Les ouvriers menacés de licenciements individuels parfois associés à la menace de dépôt de bilan se surpassent pour franchir cette étape. De ces nouvelles performances, ils pensent arriver à de nouvelles embauches. Ce qui n’et pas le cas mais au contraire la justification d’un nouveau dégraissage.

    Cette explication par référence au calcul stratégique est insuffisant. Qu’en est-il du sens moral, important obstacle à la flexibilité des conduites humaines ?

  3. l’explication par référence à la criminologie et à la psychopathologie

A l’inverse des premiers, les " collaborateurs " et les " leaders " des actions injustes seraient essentiellement des pervers et des paranoïaques.

Les pervers fonctionnent selon deux registres antagoniques, l’un moral, l’autre l’ignorant.

Les paranoïaques ont une rigidité morale maximale. On les retrouve souvent en position de leaders de l’injustice commise au nom du bien. Seuls les prémisses sont erronées.

Pervers et paranoïaques ne sont pas tant des " collaborateurs " que des leaders de l’injustice infligée à autrui mais ils conçoivent le système.

La collaboration zélée est le fait d’une majorité de sujets qui ne présentent pas de troubles majeurs du sens moral.

L’analyse et l’interprétation de la " banalité du mal " sont importantes au niveau du système contemporain de la société néolibérale où se trouve l’entreprise car elle concerne la majorité des collaborateurs zélés d’un système fonctionnant par l’organisation réglée, concertée et délibérée du mensonge et de l’injustice.

  1. L’explication proposée : la valorisation du mal

  1. Le mal dans les pratiques ordinaires de travail
  2. Le mal est la tolérance au mensonge, sa non-dénonciation et, au-delà, le concours à sa production et sa diffusion. Il en est de même face à l’injustice et à la souffrance infligée à autrui.

    Toutes ces souffrances et injustices sont connues mais tendent à devenir norme d’un système d’administration des affaires humaines dans le monde du travail.

  3. enrôler les braves gens

L’enrôlement de gens " dotés d’un sens moral ", qui plus est en masse, relève au moins de deux conditions :

Le retournement de la raison éthique ne peut être soutenu publiquement et emporter l’adhésion des tiers que parce qu’il est fait au titre du travail, de son efficacité et de sa qualité.

  1. Le ressort de la virilité

Il y a donc, ici, une sorte d’alchimie sociale grâce à laquelle le vice est transmuté en vertu.

Le principal ingrédient de cette réaction alchimique porte le nom de " virilité ". Celle-ci doit être distinguée de la masculinité.

Le leader du travail du mal est avant tout pervers parce qu’il a recours à la virilité en utilisant la " menace de castration " comme levier de la banalisation du mal. Cette banalisation relève de la normalité même si cette normalité a pour caractéristique d’être funeste et sinistre.

La virilité est une défense contre la souffrance. Elle est considérée comme un caractère sexuel, celui qui confère à l’identité sexuelle mâle la capacité d’expression de la puissance, soit contre les rivaux sexuels, soit contre ceux qui pourraient porter atteinte au sujet lui-même ou à ses proches à qui il doit protection et sécurité.

VI – La rationalisation du mal

  1. La stratégie collective de défense du " cynisme viril "
  2. La motivation principale est de ne pas perdre sa virilité. Les " braves gens ne sont pas tous très fiers de leur conduite. Au contraire, le fait de concourir à effectuer des actes qu’on réprouve peut mener jusqu’à la souffrance morale.

    Le processus décrit relève des stratégies collectives de défense où l’on oppose à la souffrance d’avoir à accomplir ces actes un déni collectif accompagné de provocation.

    La virilité fait donc l’objet " d’épreuves à répétition ", jouant un rôle majeur dans le zèle des travailleurs du " sale boulot ". On arrose cela au cours de repas fort coûteux où l’on cultive le mépris à l’égard des victimes, où l’on réaffirme la nécessité " d’indispensables sacrifices à consentir pour sauver le pays du naufrage économique.

    Nous sommes ici à proximité de la transformation de la " stratégie collective de défense du cynisme viril " en " idéologie défensive du réalisme économique ".

  3. L’idéologie défensive du réalisme économique
  4. Cette idéologie consiste à faire passer le cynisme pour de la force de caractère, de la détermination, un haut degré du sens de responsabilités collectives, du sens du service rendu, voire du sens civique et d’intérêt national.

    Ces qualités sont associées à l’idée d’appartenance à une élite, impliquée dans l’exercice et la mise en œuvre d’une " Realpolitik ".

    Pour parfaire l’idéologie défensive, se dessine peu à peu la référence à la sélection qui, si elle est sérieuse, rigoureuse, voire scientifique rend le " sale boulot " propre et légitime, travail de nettoyage débarrassant l’entreprise de ses parasites.

    La radicalisation de cette stratégie collective de défense débouche sur la culture du mépris à l’égard de ceux qui sont exclus.

  5. Le comportement des victimes au service de la rationalisation
  6. Ceux qui subissent ces rapports de domination, ainsi que le mépris, l’injustice et la peur, adoptent parfois des comportements de soumission, voire de servilité qui " justifient, à leur tour, le mépris des leaders et des collaborateurs ".

    De plus, l’emploi est précarisé par les nombreux licenciements. On n’embauche plus. On fait appel à des entreprises sous-traitantes qui emploient toute sorte de personnel tels qu’intérimaires, travailleurs qui ne sont pas en règle, en bonne santé. Ces travailleurs sont voués à la précarité constante, à la sous-rémunération, à la flexibilité hallucinante de l’emploi, les obligeant à changer d’entreprise, habitant dans des baraquements à proximité des chantiers. Ils ont recours à l’alcool et surtout aux drogues pour calmer le désespoir et le malheur. La prostitution devient inévitable.

    Ils évoquent la méfiance, le dégoût, voire la condamnation morale du personnel statutaire chargé de la surveillance et du contrôle. Ils alimentent le discours élitiste, raciste et méprisant des leaders et des collaborateurs.

    L’injustice et la réalité sociale qu’elle engendre confirme l’idéologie défensive du réalisme économique. L’efficience de la stratégie de la distorsion communicationnelle est suspendue à la rationalisation.

    Le processus est organisé et piloté par les dirigeants dont le collaborateur n’est que le subordonné obéissant. L’obéissance est considérée comme une décharge de responsabilité et non un engagement.

  7. La science et l’économie dans la rationalisation
  8. L’injustice dont les braves gens sont devenus l’instrument est inévitable dans la " mondialisation " de l’économie. La machine néolibérale est lancée. Le néolibéralisme serait fondé sur le réalisme de la rationalité instrumentaliste alors que le socialisme l’est sur le mensonge économique. La " vérité " est dans l’enthousiasme avec lequel chacun participe à la lutte concurrentielle. La violence serait de nature économique. La gestion serait l’application de la science.

    Ce n’est pas la rationalité économique qui est cause du travail du mal, mais l’enrôlement progressif de cette majorité qui recrute l’argument économiciste comme moyen de rationalisation et de justification de la soumission et de la collaboration au sale boulot.

  9. " Sale boulot ", banalité du mal et effacement des traces

De jeunes diplômés sont embauchés pour faire le " sale boulot ". La mémoire du passé par les anciens est donc effacée. Leurs tâches apparaissent comme une banalité. Ce dispositif permet d’éviter la discussion sur les pratiques managériales dans l’espace public. Et l’effacement des traces mettent en échec les plaintes en justice et les instructions judiciaires. Ainsi, chaque fois qu’une affaire émerge, elle passe pour exceptionnelle.

VII – Ambiguïtés des stratégies de défense

  1. L’aliénation
  2. Le travail peut générer le malheur, l’aliénation et la maladie mentale, mais il peut aussi être médiateur de l’accomplissement de soi, de la sublimation et de la santé.

    Les dégâts affectifs et cognitifs engendrés par le travail répétitif sous contrainte de temps, favorise l’émergence de l’angoisse et de la violence.

    L’émergence de conduites injustes généralisées, hors des contextes organisationnels de la chaîne fordienne, amène la question du mal sous une forme nouvelle.

    L’analyse de l’injustice infligée à autrui, comme forme banalisée de management, suggère de revenir sur l’interprétation de l’expérience nazi. Le régime nazi, comme tous régimes totalitaires, fait passer le mal pour le bien. Le cas " Eichmann " décrit par " Hannah Arendt " est assez éloquent.

    Le ressort du " travail d’extermination " n’est pas la perversion mais la gestion la plus rationnelle du rapport entre tâche et activité, entre organisation prescrite et organisation réelle du travail.

    " La violence, l’injustice, la souffrance infligées à autrui ne peut être rangées du côté du bien que si elles sont infligées dans le cadre d’une contrainte de travail ou d’une ‘mission’ qui en sublimerait la signification ".

    La virilité, contrairement au courage sans virilité, est dépendante du regard des autres. Le discours viril est un discours de maîtrise, appuyé sur la connaissance, la démonstration, le raisonnement logique.

    Le discours féminin, au contraire, n’accorderait pas à la science et la connaissance, le statut que leur confère le discours viril.

    Dans l’idéologie défensive du cynisme viril, la rationalisation par l’économique est une forme de maîtrise symbolique typique des hommes.

  3. Virilité versus travail
  4. " L ‘origine du mal ne semble pas se situer dans la violence elle-même, mais en amont dans les stratégies collectives de défense mobilisées pour lutter contre la peur dans un contexte de rapports sociaux, de domination où il n’est pas possible de déclarer forfait.

  5. Retour sur les stratégies collectives de défense
  6. Les stratégies individuelles de défense ont peu d’incidences sur la violence sociale contrairement aux stratégies collectives de défense.

    Dans certaines corporations, les travailleurs doivent affronter des risques. Pour vaincre la peur, ils utilisent collectivement différentes stratégies qui ont plutôt tendance à aggraver qu’à limiter ces risques.

    Celui qui n’y participe pas est considéré comme méprisable et peut être sujet à différentes violences physique et morale.

  7. Réversibilité des positions de bourreau et de victime
  8. Dans ces collectifs de travail, les participants ont tantôt la position de " victime soumise à l’épreuve, tantôt celle de celui qui impose l’épreuve et la violence à autrui ".

  9. Retour sur le mal

Le problème centrale du mal est la mobilisation en masse du " peuple le plus civilisé " dans l’accomplissement du mal.

L’élucidation du processus rendant possible cette mobilisation de masse dans le travail de la violence rationalisée est capitale. Il s’agit de la banalisation du mal.

Ce processus de mobilisation de masse dans la collaboration à l’injustice et à la souffrance infligées à autrui n’est pas différent de la mobilisation du peuple allemand dans le nazisme.

VIII – La banalisation du mal

  1. Banalité et banalisation du mal
  2. La banalité du mal renvoie ici à la personnalité même d’Eichmann, être terne. Il occupe une position intermédiaire entre leader passionné ou paranoïaque et l’esclave aliéné qui fait de lui un être terriblement " banal " mais par pour autant une exemplaire de " l’homme moyen ".

    Le problème soulevé est celui du consentement de la participation, de la collaboration de millions de personnes, au système. Ce problème change quand on passe de l’analyse de la conduite criminelle, de la banalité du mal, de son caractère absolument non exceptionnel à l’étude des personnalités car celles-ci sont très variées.

    Avant le problème de la banalité du mal, on doit poser celui de la banalisation du mal qui est un processus grâce auquel un comportement exceptionnel peut être érigé en norme de conduite, voire en valeur. Le point commun de toutes ces personnes est le travail.

    A partir de la psychodynamique du rapport au travail, on peut, peut-être, comprendre comment la " banalisation " du mal a été possible.

  3. Le cas Eichmann
  4. Sa personnalité est déconcertante par sa banalité même, son " absence d’imagination ", son manque de pensée. Il à tendance à mentir aux autres comme à lui-même pour embellir sa situation, se rendre " important ".

    Il est obéissant, discipliné, rigoureux dans l’exercice de ses fonctions et la qualité de son travail. Il a tendance à se rassurer. Il cède facilement à des mouvements de déception, suivis de découragement et d’apathie. Il fait preuve d’entêtement et d’obstination sous forme de zèle dans les missions dont il a la charge. Il dépend des directives, de l’encadrement, de la protection conférée par les papiers signés. Il n’a pas d’esprit critique.

  5. L’analyse des conduites d’Eichmann du point de vue psychopathologique
  6. Il y a " rétrécissement de la conscience intersubjective ".

    Dans cette organisation psychique, il y a une frontière nette entre le monde proximal et le monde distal.

    Eichmann est un normopathe. Normopathie qu’Hannah Arendt désigne par l’expression " banalité du mal ".

  7. L’analyse des conduites d’Eichmann du point de vue de la psychodynamique du travail
  8.  

    Le comportement normopathique peut être le fait d’une " stratégie individuelle de défense " pour s’adapter à la souffrance qu’implique la peur, en réponse à un risque de précarisation, risque venu de l’extérieur.

    La division sociale du travail favorise incontestablement le rétrécissement concentrique de la conscience, la responsabilité et l’implication morale. On ne maîtrise pas ce que font les autres, on en dépend.

  9. La stratégie défensive individuelle des " œillères volontaires "
  10. Cette stratégie est fréquemment et facilement utilisée. Ce comportement découle de la " stratégie individuelle de défense " à distinguer radicalement des " stratégies collectives de défense ".

    Le " choix " de la stratégie se fait en fonction de la distance entre le sujet et le théâtre où s’exercent directement violence, injustice et mal contre autrui.

  11. Limites des stratégies défensives et crise psychopathologique
  12. Il n’y a pas de lien de causalité entre souffrance et défense collective, pas d’automatisme ni de mécanique. Il s’agit d’une construction toujours frappée d’un certain degré de fragilité, de précarité. Chaque nouvelle vague déstabilise cette défense collective.

    En dernier ressort, il ne reste que la défense individuelle des œillères.

    On assiste à un effondrement brutal des défenses qui mène vers la dépression, l’alcoolisation, le suicide où à des actes de violence, de casse, de vengeance ou de sabotage.

    Les directions d’entreprise cachent ces décompensations qui n’arrivent que très rarement à l’espace public.

  13. Banalisation du mal : l’articulation des étages du dispositif

Le secteur clivé se caractérise par la suspension de la faculté de penser. La précarisation ne concerne pas que l’emploi mais toute la condition sociale et existentielle.

Le clivage, pour tenir, a besoin d’un discours tout fait, appris, repris, trouvé pour chaque sujet, individuellement certes mais dans un discours fabriqué et produit de l’extérieur, proposé enfin de l’extérieur.

La banalité du mal repose sur un dispositif à trois étages :

Le premier étage concerne les leaders de la doctrine néolibérale et de l’organisation concrète du travail du mal sur le théâtre des opérations.

Le deuxième étage concerne les collaborateurs directs aux structures mentales diverses.

Le troisième étage concerne la masse de ceux qui recours aux stratégies de défense individuelles contre la peur.

Il faut aussi distinguer deux catégories de ceux qui n’adhèrent pas au système sur le processus lui-même, à savoir, ceux qui ignorent la réalité à laquelle ils n’ont pas accès et ceux qui s’opposent au système.

Ces derniers sont confrontés à l’inefficacité de leurs protestations en raison de la cohérence qui soude le reste de la population à la banalisation du mal.

L’objectif de la lutte contre l’injustice et le mal ne pourrait être atteint qu’en substituant une lutte intermédiaire contre le processus même de la banalisation.

IX – Requalifier la souffrance

  1. La virilité contre le courage
  2. L’apprentissage du courage impliquerait l’apprentissage de la soumission volontaire et la complicité avec ceux qui exercent la violence.

    " Est courageux, l’homme qui est capable lorsque les circonstances l’exigent, de se conduire en bourreau . "

    Au niveau des stratégies collectives de défense, la virilité est provoquée quand la peur est au centre du rapport vécu aux contraintes de travail. Sans ce lien où l’on retrouve parfois la violence au travail, la référence à la virilité n’aurait plus aucune utilité.

    La banalité du mal est le résultat d’un vaste processus de banalisation où virilité défensive et stratégie de distorsion communicationnelle doivent coexister. Sans le mensonge, il ne pourrait y avoir de banalisation de la violence.

  3. Dé-banaliser le mal

La virilité est en soi un mensonge.

Pour lutter contre le processus de banalisation du mal, il faut avoir pour objectifs de :

6 – PRINCIPALES CONCLUSIONS

Au fur et à mesure de la lecture et de la compréhension des différents chapitres, j’ai pris conscience que nous sommes tous plus où moins ces " Français qui souffrent et ne le disent pas ".

Je défie qui que ce soit de ne pas découvrir son appartenance présente ou passée à une des représentations qui nous conduisent toutes à un moment donné à ce sentiment de peur puis de honte, que nous soyons victime ou bourreau.

La souffrance nous oblige à concevoir l’avenir armés d’une stratégie de défense individuelle ou collective selon le camp dans lequel nous sommes capables de nous introduire, selon notre état d’esprit, notre fragilité au moment donnée, selon notre degré d’acceptation du "salle boulot ", notre positionnement moral face à la distorsion communicationnelle, le mensonge.

Mais ces différentes stratégies de défense ont des limites.

  1. ACTUALITE DE LA QUESTION
  2. Question centrale du livre :

    " Pourquoi les uns consentent-ils à subir la souffrance, cependant que d’autres consentent à infliger cette souffrance aux premiers ? "

    C’est une question politique cruciale, centrale pour la période actuelle, mais elle n’en est pas l’apanage.

    Elle se pose pour toutes les périodes du système économique libéral passé, présent et à venir.

  3. BIBLIOGRAPHIE COMPLEMENTAIRE

Surveiller et punir

Naissance de la prison

Michel FOUCAULT Gallimard

Fiches de lectures de la Chaire D.S.O.

Les différences culturelles dans le management

Daniel BOLLINGER Geert HOSTEDE

Les Editions d’Organisation, 1987

" Organisations déconcertées : La gestion stratégique de la connaissance "

Philippe BAUMART Masson , 1996

" La crise de la culture "

Hannah Arendt

" La condition de l’homme moderne "

Hannah Arendt

 

Réussir le résumé de texte

Françoise GIQUEL

Les éditions d’Organisation Université

Mémoires et thèses

L’Art et les Méthodes de Jean-Claude Rouveyran

Maisonneuve et larose

Rédiger, présenter, composer

L’Art du rapport et du mémoire

De Boeck Universite – Guy JUCQUOIS