LES FICHES DE LECTURE  de la Chaire D.S.O.

Yvon Pesqueux

 

Chee W. CHOW,
Michael A. SHIELDS & Anne WU


Accounting, Organizations and Society 24 (1999) pp 441-461 :

The importance of national culture in the design of and preference for management controls for multi-national questions

 

 

Les auteurs

A la date de l’édition de l’article, Chee W. Chow est professeur à San Diego State University, Michael D. Shields au department of accounting de la Michigan State University et Anne Wu à la National Chengchi University.

 

Postulats

Les auteurs acceptent l’évidence des instruments de gestion et la mise en perspective de ceux-ci au regard d’une gestion plus efficiente. Le postulat de la Raison Utilitaire "une et indivisible" est exprimé sans faille ici.

La culture nationale est perçue comme un élément de contingence majeure. Les auteurs, Chee W. Chow en tête, sont des tenants de la "localisation" des instruments de gestion. Ils vont en conséquence traiter la culture nationale comme un instrument de contingence.

 

Hypothèses

Il s’agit donc d’appuyer la thèse-postulat de la culture nationale comme facteur de contingence.
La typologie d’Hostede constitue la première hypothèse majeure car il est possible, aux yeux de ces auteurs, d’en donner ici une validation supplémentaire. Il est donc possible, de valider l’hypothèse de la contingence culturelle locale en comparant des entreprises, filiales de multinationales américaines et japonaises et des entreprises taïwanaises afin de montrer qu’il n’y a pas de différence majeure dans la mesure où c’est le "local" qui impose sa contingence.
Par ailleurs, les préférences des acteurs locaux seront ainsi en adéquation avec les systèmes mis en œuvre.

 

Résumé

Les systèmes de contrôle aident les organisations à accroître la probabilité que les décisions prises par les acteurs de l’organisation aillent dans le sens de l’intérêt des organisations. Des recherches antérieures sur la structure de ces systèmes ont montré qu’ils dépendaient de la technologie, de la concurrence, de l’incertitude de l’environnement et de la taille (postulats de contingence) de même que de la structure organisationnelle. Mais une grande partie des différences entre systèmes de contrôle suivant les pays reste inexpliquée alors que, de nombreuses études montrent l’importance des différences liées aux cultures nationales, d’où l’hypothèse de cet article dans sa vocation à se focaliser sur les différences nationales. Les auteurs soulignent l’intérêt de ce type d’études pour ce qui concerne l’activité internationale de l’entreprise, même si ce facteur de contingence reste discuté. Les points de discussion portent sur l’homogénéité des contingences suivant les filiales (activités, taille, contexte légal, facteurs locaux de concurrence).

Afin de préserver les comparaisons entre cette étude et les précédentes, ce sera le cadre conceptuel d’Hostede qui sera retenu. L’étude porte sur des managers de culture identique (chinoise) de 18 entreprises du même lieu (Taipeh) et de même activité (électronique). L’échantillon est divisé en trois fois six entreprises (d’origine japonaise, américaine et taïwanaise) sur le principe de comparaison des deux premiers ensembles avec le 3ème.

L’article est divisé en 5 sections :

1- Revue de littérature

Reprise du cadre d’Hostede et application à l’échantillon

1.1 Les critères de classification des cultures nationales

Les auteurs reprennent le fil des classifications proposées, en particulier celle de Trompenaars (1994), mais il souligne le manque de validation de celles-ci en comparaison avec celle d’Hofstede d’où son choix.

Ils en reprennent donc les 5 dimensions :

Les auteurs vont donc reprendre les scores calculés pour le Japon, Taïwan et les E. U. afin de proposer de manière prédictive le lien sociétés-mères/filiales et les modalités d’adaptation des filiales à Taïwan pour des multinationales d’origine japonaise et américaine. Ils montrent ici leur apport au regard du caractère partiel de la validation rencontré dans d’autres études.

1.2 Cultures nationales et différences prédies dans les usages du contrôle entre sociétés-mères et filiales

L’étude va donc prendre en compte 7 variables de contrôle couvrant peu ou prou les fonctions principales du contrôle (organisation, planification, évaluation et rémunération). Une telle palette autorise, aux yeux des auteurs, une évaluation compréhensive des effets de la culture même si des ambiguïtés subsistent (variables de contrôle réunissant plusieurs de ces aspects conjointement). Ce dernier aspect sera envisagé plus tard.

La classification d’Hostede a été utilisée pour générer le tableau suivant avec, en colonnes :

Mais quelques précautions doivent encore être prises :

Par ailleurs, le Japon, Taïwan et les EU ont différents degrés de divergence pour ce qui concerne les dimensions culturelles et la dimension selon laquelle les pays diffèrent suivantune dimension culturelle devrait affecter le degré suivant lequel ces éléments influencent les variables de contrôle de gestion qui leur sont liées. Hostede avait indiqué que seuls 20 points au moins de différence de score pouvait être considérés comme significatifs. Pour le Japon, Taïwan et les EU pris ensemble, il n’y aurait que le degré d’individualisme et l’aversion face au risque (18 seulement entre Taïwan et les EU pour la distance hiérarchique. Pour la masculinité, tous les scores diffèrent de plus de 20 sauf entre Taïwan et le Japon.

Enfin, Harrison a noté qu’individualisme et distance hiérarchique sont en corrélation négative, d’où la nécessité de regarder les variables de contrôle en accord avec cela.
D’où le choix de privilégier l’influence du degré d’individualisme sur la structure et les orientations du contrôle de gestion avant la masculinité et la distance hiérarchique. Les deux autres dimensions auraient moins d’effet.

1-2-1- Organisation

La décentralisation est la dimension selon laquelle le processus de décision est délégué aux niveaux de la hiérarchie les plus bas. Hostede suggère que parce que la distance hiérarchique conduit à accepter les inégalités de pouvoir, la décentralisation est en corrélation inverse avec une distance hiérarchique élevée et inversement pour les pays à degré d’individualisme élevé.
De ce fait, les multinationales américaines seront supposées avoir une décentralisation plus importante que les japonaises et les taïwanaises.
La structuration des activités se réfère à l’existence ou non de procédures écrites, de règles, de procédures qui spécifient ou non comment agir suivant les circonstances. Hostede suggère que les groupes qui ont une aversion pour l’incertitude sont plus en difficultés avec l’incertitude et l’ambiguïté. La distance hiérarchique et le degré d’individualisme sont également cohérents. Les groupes avec un faible degré d’individualisme et une faible distance hiérarchique vivront avec un contrôle individualisé plus faible (EU, Japon en situation intermédiaire et Taïwan avec le contrôle le plus formalisé).

1-2-2- Planification

La participation au processus de budgétisation se réfère à l’importance suivant laquelle les subordonnés ont une influence dans le développement et la sélection des indicateurs de performance pour lesquels ils seront considérés comme étant responsables. Hostede suggère qu’une faible distance hiérarchique entraîne une demande pour plus d’égalité dans les relations, d’où l’impact sur leur volonté de participation au processus de budgétisation. Le degré d’individualisme est également une dimension pertinente. Cette participation serait la plus élevée pour les EU, la plus faible pour Taïwan et en position intermédiaire pour le Japon.
La rigueur des standards se réfère à la probabilité ex ante pour qu’un employé atteigne ses objectifs de performance. Deux dimensions culturelles influent par contre sur cette dimension : les groupes dont l’aversion à l’incertitude est élevée préfèreront des standards plus aisés à atteindre, les pays à degré de masculinité élevé aussi. Ce seraient donc les entreprises japonaises qui auraient les standards les plus rigoureux, puis les EU, puis Taïwan.

1-2-3- Évaluation et systèmes de récompense

La participation à l’évaluation des performances se réfère à l’importance de la participation des employés dans la mise en œuvre de leur propre système de performance. Hostede suggère que la préférence pour ce contrôle est corrélée négativement avec la distance hiérarchique (même chose avec le degré d’individualisme) d’où le classement EU, Japon, Taïwan.
Les filtres de contrôle réduisent le degré suivant lequel les évaluations des performances des employés sont liées à des facteurs qui vont au-delà de leur contrôle. Le cadre d’Hostede conduit à l’idée que l’aversion au risque incite à demander de tels filtres de même qu’un degré d’individualisme élevé, d’où le classement Japon, EU, Taïwan.
Le système de sanctions-récompenses reprend l’importance de la compensation financière liée à la comparaison prévisions-réalisations. Cet aspect peut être lié à trois éléments culturels : la masculinité, fort degré d’individualisme et faible aversion à l’incertitude. D’où le classement EU, Japon, Taïwan.

1.3 Comparaison entre ces prédictions et d’autres études

Les prédictions vont dans le même sens que les conclusions d’études précédentes, pas avec ce degré de détail, mais elle va au-delà dans sa vocation à intégrer toutes ces dimensions.

 

2 - Hypothèses et schéma de recherche

Cela nécessite des comparaisons entre ce qui se passe au niveau du pays d’origine et localement. Afin de réduire la difficulté de comparaison c’est dans un lieu tiers (Taïwan) que l’étude a eu lieu. Cela signifie qu’il faut se contenter des hypothèses prédictives pour ce qui est du premier cas. D’où le recours à une triple comparaison (filiales américaines et japonaises à Taïwan et entreprises taïwanaises) avec un secteur (électronique) et une taille similaire. De plus, seuls les éléments de contrôle "non contraints" ont été étudiés (cf. pas les systèmes comptables à cause de l’environnement fiscal et légal).

 

3 - Méthode empirique

3.1 L’échantillon

Deux niveaux de management supérieur taïwanais dans 6 entreprises. Dans chaque cas, un membre de la direction a envoyé le questionnaire par le courrier interne avec retour à l’équipe de chercheurs (391 questionnaires, 206 réponses dont 159 complètes de taïwanais seulement).

3.2 Instrumentalisation et variables dépendantes

Deux étapes :

4 - Résultats :

La première partie est consacrée à un travail de statistiques descriptives de comparaison entre la structure des systèmes de contrôle de gestion et les préférences exprimées en matière de structure et les deux autres sont consacrées au test des hypothèses.

    4-1 Statistiques descriptives

Des dispersions existent aussi bien à l’intérieur des pays selon les variables de contrôle qu’à l’intérieur des pays pour un type de contrôle.

    4-2 La structure des systèmes de contrôle

Les tests mettent en évidence une différence significative entre les variables de contrôle suivant les nationalités d’origine. L’importance des différences EU-Japon à Taïwan avec l’absence de différence Taïwan-EU plaiderait pour le fait que les entreprises japonaises n’auraient pas modifié leur système de contrôle en s’installant à Taïwan.

    4-3 Similarités structures-préférences

Les différents tests effectués valident l’hypothèse 2.

 

5 - Discussion et résumé

Les faibles différences observées entre filiales d’entreprises américaines et entreprises taiwanaises plaident pour une adaptation locale pour ce qui concerne ce cas, ce qui est moins vrai pour les filiales d’entreprises japonaises.

Dans tous les cas, les attentes locales sont reçues comme un élément important. La meilleure réponse apportée dans les filiales européennes peut être liée à la plus grande distance culturelle EU/Taïwan que Japon/Taïwan.

5.1 Structure de la recherche, méthode et mesure des variables

La présente étude répond à des critiques de méthode qui pouvaient être adressées aux études précédentes (hétérogénéité des échantillons par exemple). En particulier, des études de cas devraient permettre encore de compléter les conditions de validité de la présente étude (par exemple sur l’hésitation vécue par les managers taïwanais, du fait de leur culture collective, à comparer les individus).

Par ailleurs, le processus managiéral peut interférer de façon subtile (en donnant une priorité apparente au système formel sur le système informel, d’où l’intérêt, ici aussi, des études de cas).

5.2 Théorie et sélection des variables

Le cadre d’Hofstede pose lui-même des problèmes :

D’autres facteurs influencent les préférences et les structures de contrôle (technologie, incertitude du secteur,…). Des variables telles que la culture organisationnelle, la gouvernance, la stratégie sont affectées par les conditions économiques locales. Le système global de contrôle interagit avec les variables locales de la même manière que les représentations individuelles sont affectées par le thème de la mondialisation. Ceci peut amener les américains à plus travailler en équipe ou les citoyens japonais ou taïwanais à des valeurs individualistes. De telles modifications peuvent ne pas impacter sur la population mais seulement pour ceux qui travaillent dans les entreprises exposées aux enjeux de la mondialisation. L’importance du relais effectué par les cadres expatriés gêne également.
D’où l’importance de la compréhension de la façon dont la culture nationale influence le système de contrôle.

 

Commentaires

Comme cela a déjà été souligné plus haut, les auteurs Chee W. Chow en tête, sont des tenants de la contingence culturelle dans une vision qui tient du déterminisme culturel.
Les auteurs de cet article acceptent les catégories d’Hostede comme un donné, une évidence utile sans aborder l’enracinement culturel même de ces catégories-là.
C’est ce qui autorise un traitement statistique venant s’ajouter aux "n" traitements statistiques déjà effectués en validation (ou pseudo-validation ?) des catégories d’Hostede même s’ils prennent la précaution de mentionner tout l’intérêt d’effectuer des études de cas approfondies. Ils ne parleront pas de démarche ethnographique et ne se réfèrent pas plus à la moindre définition de la culture. La culture nationale est aussi vue comme un préjugé "utile" au service d’une conception "utile" des instruments de gestion. C’est aussi ce qui leur permet de juger comme évident le relativisme culturel, la culture nationale étant, en conséquence, un élément de gestion.

 

Bibliographie complémentaire

"Vivre dans un monde multiculturel" HOFSTEDE bien sûr, Philippe d’IRIBARNE également. "Culture et mondialisation" "La logique de l'honneur"

 

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