Fiche de lecture

 

 

 

 

 

" La porte du

changement

s’ouvre de

l’intérieur "

Jacques Chaize

 

 

 

 

Sommaire

Biographie de l’auteur *

Hypothèses *

Démonstration *

Résumé de l’ouvrage *

La révolution cachée *

Première partie : le contrat de méfiance *

1) La première peur : le paradoxe des outils *

2) La deuxième peur : le désordre du réseau *

3) La troisième peur : le pouvoir du maillon faible *

Deuxième partie : les trois mutations *

Le temps *

4) Les quatre coins de la vitesse *

5) L’entreprise à deux vitesses *

6) La stratégie du temps maillé *

L’espace *

7) Implosion, explosion *

8) L’espace fluide *

L’échange *

9) La naissance de l’hyperéchange *

10) Les lois de l’échange *

Troisième partie : vie et mort des grenouilles, des éléphants et des chevaux de bois *

11) La stratégie de la grenouille *

12) La stratégie des éléphants *

13) L’œil du cheval de bois *

Quatrième partie : le réseau, mode d’emploi *

14) Le cercle vertueux *

15) Les grandes manips *

16) L’intelligence de l’entreprise *

17) Les trois arches *

Principales conclusions *

Discussion et critique *

Actualité de la question *

Bibliographie complémentaire *

 

Biographie de l’auteur

 

 

A 52 ans, Jacques Chaize est depuis 1997, président de Danfoss Water Valves du groupe Danfoss International qui a intégré en 1993 Socla, une PME de robinetterie industrielle au management moderne basée sur l’organisation en réseau, dont il était le directeur général depuis 1982.

Il a dirigé le Cercle des Jeunes Dirigeants (CJD) de 1988 à 1990.

Il est président du Medef de saône-et-Loire depuis 1997 et de Bourgogne depuis 1998 et membre de la commission Progrès des Entreprises du CNPF.

Il a écrit en 1992, " La porte du changement s’ouvre de l’intérieur ", ouvrage anti-conformiste incitant les chefs d’entreprise à se remettre en question ; En 1998, " Le grand écart, les débuts de l’entreprise hyper-texte ", décrit l’entreprise qui " se construit à partir de liens imprévisibles qu'établit son client autour de la valeur ajoutée à produire. "

 

 

Hypothèses

 

L’auteur appuie sa démonstration sur les hypothèses suivantes :

" Seul le changement est permanent " disait le philosophe grec Parmenide. De tous temps, les différentes évolutions ont régulièrement entraîné des adaptations. L’auteur dresse un panorama des modifications de l’environnement qui caractérisent les dernières années à titre d’introduction des changements que les entreprises devront opérer pour rester compétitives.

Les changements sont, pour la plupart, issus des progrès de la technologie. Or celle-là progresse de manière quasiment exponentielle au fil des découvertes, précipitant avec elle les changements dans toutes les sphères de la société.

L’inexorable déploiement des moyens de communication conduit les entreprises à vouloir et devoir échanger de plus en plus sur l’ensemble de la planète. Pour les organisations, la modification des comportements induite vis-à-vis de l’extérieur ne pourra réussir sans une modification préalable des comportements à l’intérieur de celles-ci.

Le paradigme dont relèvent les entreprises traditionnelles ne permet pas le changement car il recouvre des caractéristiques de structure et d’organisation qui engendre l’immobilisme et la méfiance au lieu d’encourager l’échange et l’initiative.

 

 

Démonstration

 

Pour démontrer l’objet de son ouvrage, l’auteur commence par peindre deux paradigmes qui s’opposent ; Celui qui était le berceau des entreprises traditionnelles et celui qui permet aux entreprises de réussir aujourd’hui. Il procède ensuite par les étapes suivantes :

Dans l’ancien paradigme, les entreprises qui réussissaient étaient celles qui avaient une structure figée, une masse imposante, des lois immuables, des employés à vie, … ce qui correspondaient aux caractéristiques de l’environnement de l’époque.

Pour coller à l’évolution de l’environnement et rester compétitives, les entreprises doivent modifier leur rapport au temps et aux distances dont les contraintes se trouvent libérées avec l’avènement des nouveaux outils de communication. Elles doivent également et surtout réviser et développer leurs modes d’échange comme clés de la réussite au sein du paradigme qui fait autorité aujourd’hui.

L’auteur fait en outre régulièrement état de la fracture qui existe entre les deux types d’entreprise.

L’auteur se sert de métaphores pour illustrer des exemples de stratégies qui, consciemment ou non, ont parodié le changement au lieu de le mettre en œuvre et ont conduit les entreprises à l’échec faute d’avoir avancé.

En s’appuyant sur les préceptes qu’il a précédemment avancés, l’auteur décrit les ingrédients qui permettent de construire une organisation capable d’être compétitive dans l’environnement actuel et d’opérer les changements ultérieurs qui ne manqueront pas de s’imposer.

 

 

 

 

 

 

 

Résumé de l’ouvrage

 

 

 

 

Les progrès technologiques, en particulier ceux qui favorisent le rapprochement des hommes et leur communication, s’accélèrent de plus en plus et s’intègrent tout aussi vite dans notre quotidien.

Les trois mutations

Trois mutations sont à la source des changements actuels :

Non seulement il s’accélère mais il se dédouble : les événements arrivent de plus en plus vite et de plus en plus simultanément.

Les moyens de communication permettent de s’affranchir des distances. L’éloignement tient aujourd’hui plus à l’incompréhension mutuelle qu’aux lieux géographiques.

Les échanges sont grandement favorisés, faisant de l’information une ressource fondamentale.

Ces trois mutations impactent nos repères et obligent à reconsidérer nos certitudes. On ne peut plus échapper à travailler vite, en réseau, avec une vision internationale en favorisant le développement des connaissances et de la communication.

La bataille des deux planètes

Ils ont un métier, dans une vie, mettent en pratique d’une seule façon des connaissances qu’ils ont apprises une fois pour toutes et bâtissent ainsi des entreprises pyramides aux normes Taylordiennes. Dans ce monde linéaire, il n’est pas nécessaire de communiquer. Il suffit de suivre les procédures et d’attendre.

Echangeant en permanence, ils forment les entreprises réseaux. Pour des hommes de marbre, ils sont ingérables : ils ne tiennent pas en place, fourmillent d’idées, ont des horaires aléatoires, remettent en cause les idées reçues, parlent plusieurs langues, … mais leurs résultats laissent loin derrière les entreprises pyramides.

Des stratégies pour changer

La propagation des réseaux engendre la peur, celle de ne pas réussir à rester " à jour ", et l’impatience car la remise en question est permanente. Pour se protéger, il est naturel d’élaborer des stratégies de résistance destinées à protéger les modes de fonctionnement qui nous sont familiers. Mais alors, le fossé s’agrandit avec ceux qui acceptent de prendre en compte les trois mutations.

Le présent ouvrage est censé apporter des réponses aux hommes et aux organisations qui devront transformer les stratégies de résistance en stratégies de changement qui viendra, ainsi, de l’intérieur.

 

 

La peur du changement aveugle les hommes, paralyse les organisations et nourrit la méfiance.

 

    1. La première peur : le paradoxe des outils
    2. Les hommes préfèrent se priver d’outils utiles et efficaces voire les détruire, plutôt qu’affronter le changement que leur utilisation va provoquer et qui pourrait engendrer une perte de compétence, de crédibilité, d’autorité, de pouvoir, … et entretiennent un " contrat de méfiance ".

      Le contrat de méfiance

      Il repose sur les différentes peurs partagées dans l’entreprise : peur du changement, de l’inconnu, de la complexité, de l’arrivisme, de l’apathie, des abus de pouvoir, de la désinformation, de la critique, du jugement, … et entraîne l’immobilisme à tous les échelons. Il est la pierre angulaire des entreprises pyramides qui ne jurent que par les machines et négligent l’homme tout en s’en méfiant. Or ce contrat est coûteux par le matériel sans cesse renouvelé ; Il est contradictoire vis-à-vis des notions de qualité et de confiance prônées auprès des clients ; Enfin, il est dérisoire car il protège un système qui ne peut de toute façon pas gagner dans un environnement changeant.

      Les victimes de la peur des outils enfermés dans leur contrat de méfiance se laissent distancer jour après jour par ceux qui savent tirer profit des trois mutations.

      Le principe d’intelligence

      L’accroissement de productivité lié à la maîtrise des nouveaux outils provient de leur faculté à contenir plus d’information mais surtout, au fait qu’ils font appel à plus d’intelligence.

      Le principe d’intelligence conjure la première peur, à condition que les intelligences puissent s’exprimer pour se conjuguer et échapper au contrat de méfiance et aux organisations Tayloriennes qui le soutiennent.

       

    3. La deuxième peur : le désordre du réseau

L’intelligence dépend du nombre d’interconnexions. C’est aussi vrai pour les collaborateurs d’une entreprise que pour les neurones du cerveau.

Le principe du réseau

C’est le réseau qui met les intelligences en inter-relation dans les organisations. Sa définition par P. Boulanger et G. Perelman dans Le Réseau et l’Infini - Nathan 91, est " un assemblage de petites unités dispersées, reliées entre elles de façon plus ou moins formelle et organisée, pour satisfaire des besoins communs ". Le réseau vit de son utilité et disparaît avec elle. Il apparaît comme un moyen idéal pour accomplir les trois mutations : aller vite, partout, en maximisant les échanges. Il favorise en outre la prolifération des intelligences. Ainsi, il menace les organisations traditionnelles et effraie les hommes de marbre qui, en conséquence, lui résistent. En effet, quand on ne peut éviter l’implantation d’un nouvel outil, il reste à en neutraliser l’usage.

Les stratégies de résistance

Il est publiquement mal vu de s’opposer au changement. Les techniques doivent donc recourir à la clandestinité qui consiste à neutraliser le principe d’intelligence des outils.

L’outil est pris comme un privilège. Il est associé à un statut et devient un symbole de prestige. Son déploiement engendre envies, polémiques et paralysie de l’organisation.

La technique consiste à mettre en place des mots de passe, des clés d’accès, …, de peur que l’outil ne divulgue des informations confidentielles, alors que 2 % seulement des informations le sont. En outre, la sur-protection attise la curiosité et réduit la capacité de détection et de résolution des problèmes.

Une méthode efficace pour dénigrer un outil est de l’utiliser à tort et travers. Il finit par mécontenter le plus grand nombre et générer le rejet.

L’outil pallie les défaillances inhérentes à l’organisation au lieu d’être utilisé pour sa valeur ajoutée.

Toutes ces stratégies de résistance censées combattre la peur du réseau, mobilisent de l’énergie et du temps dont le manque fait défaut à la productivité.

 

 

 

Le réseau et l’institution

Le désordre apparent du réseau inquiète par la perte de contrôle à laquelle on l’associe et fascine en même temps par l’irréfutable efficacité qui se dégage des entreprises ainsi organisées.

Les institutions ont assis leur organisation sur la verticalité, la stabilité, la permanence et la pérennité traduites à travers la taille, l’organigramme, les procédures, la hiérarchie, … et emploient parfois plus d’énergie à entretenir leur structure qu’à apporter les services pour lesquels elles existent.

Ainsi, réseaux et institutions semblent s’opposer. Pourtant, ils se nourrissent l’un de l’autre. Les premiers apportent aux secondes la souplesse dont celles-ci ne disposent plus et sont amenés à résoudre des situations sur lesquelles elles sont impuissantes ; Les secondes fournissent aux premiers des moyens indispensables qu’ils ne pourraient acquérir en propre sans devenir eux-mêmes des entreprises pyramides.

 

    1. La troisième peur : le pouvoir du maillon faible
    2. La tendance naturelle est de protéger ses acquis de peur de perdre le pouvoir alors que le fait transmettre son savoir permet en général de gagner du pouvoir.

      Mailles et maillons

      Dans l’entreprise pyramide, l’organisation en chaîne a des faiblesses : les forts redoutent les faibles qui ont le pouvoir de bloquer le système, et les courts-circuits qui le déstabilisent.

      Le réseau lui, est basé sur le principe du maillage qui évite l’émergence de maillons forts ou faibles puisque c’est un ensemble de maillons qui interviennent à chaque instant. Un maillon isolé ne présente donc aucun danger. De plus, les courts-circuits sont recherchés car ils représentent l’accès le plus rapide et le plus efficace à l’information et donc à la décision. Le mot d’ordre est de ne jamais confier à un échelon ce qui peut être réalisé par un échelon inférieur, ce qui développe l’autonomie en matière de responsabilité.

      Le principe du troisième actif

      On connaît le compte de résultat qui traduit l’activité de l’entreprise ; Le bilan qui donne une idée de son patrimoine ; Mais aucun document n’indique son intelligence, son expérience accumulée ni sa capacité à s’adapter et à innover. Les financiers attribuent pourtant parfois un " good will " qui représente l’image de marque, la réputation et qui vient grossir la valeur d’acquisition de l’entreprise.

      On peut distinguer ainsi trois actifs : les actifs matériels (locaux, stocks, systèmes informatiques, ..) et les actifs immatériels (brevets, logiciels, bases de données, …) figurent au bilan. Le troisième actif, l’actif virtuel qui comprend la pensée, l’expérience, la compétence, la réactivité, l’innovation, la qualité de l’organisation, la capacité concurrentielle, la culture, sous-tend la valeur des deux premiers.

      L’entreprise repose de manière indissociable sur ces trois actifs. Ensemble, ils constituent un éventuel good-will déterminant pour son devenir.

      La raison pour laquelle il n’existe pas d’outil pour mesurer l’actif virtuel, c’est qu’il n’existe pas de marché : on ne peut ni l’échanger ni le vendre. Il se loge dans les comportements et les relations entre les gens. Il se construit et s’entretient notamment par la formation et l’apprentissage permanent.

       

       

       

       

       

       

       

       

       

    3. Les quatre coins de la vitesse
    4. Il faut non seulement produire plus vite, mais aussi concevoir, vendre, livrer plus vite.

      Produire plus vite

      Au temps des hommes de marbre, cela signifiait accélérer la cadence des chaînes. Pourtant, les produits pouvaient rester bloqués avant d’être livrés ou présenter des défauts de qualité.

      Aujourd’hui, produire vite, c’est savoir plus tôt ce qu’il faut produire pour fournir le produit ou le service attendu par le marché au bon endroit au bon moment grâce à une information précise recueillie en temps utile. Or le meilleur moyen de connaître les attentes des clients est de les laisser passer eux-mêmes les ordres de fabrication. C’est ainsi que s’est propagée la méthode Kanban qui considère chaque service de l’entreprise comme fournisseur et client d’autres services, et l’usage de l’Echange de Données Informatisées.

      Concevoir plus vite

      Cela demande de passer de l’approche linéaire où chaque service apportait successivement sa contribution avec le risque de voir remis en cause des étapes validées antérieurement, à une approche de type projet où les services concernés concourent simultanément à la conception du produit et résolvent ensemble et du premier coup, les éventuelles incompatibilités.

      Vendre plus vite

      Meilleure sera la connaissance et la proximité du client, plus grandes seront les chances de lui proposer un produit qu’il achètera.

       

       

      Livrer plus vite

      Grâce aux systèmes de communication avec les compagnies de transport, l’entreprise peut organiser ses livraisons dans des délais restreints et garantis, avec la possibilité pour elle-même et pour ses clients, de suivre pas à pas le cheminement des colis.

      Le consommateur s’est habitué à cette rapidité de satisfaction de ses désirs de sorte qu’il n’est pas possible pour les entreprises de rester à l’écart de cette évolution sans risque de perdre leur compétitivité.

       

    5. L’entreprise à deux vitesses
    6. La vitesse acquise par les entreprises repose sur des outils qui peuvent tomber en panne et réduire à néant les efforts accomplis. De plus, la vitesse est inutile si elle sert à pallier une mauvaise stratégie. Enfin, c’est la vitesse collective de l’entreprise qui compte et non celle, individuelle, de quelques cadres dirigeants.

      Savoir où l’on va

      Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Si la direction prise n’est pas la bonne où s’écarte de l’objectif en cours de route, la vitesse plongera plus vite l’entreprise dans la difficulté. D’où la nécessité de contrôler la trajectoire en permanence.

      Y aller ensemble

      Tant qu’une partie des collaborateurs résiste faute d’avoir été informés, impliqués, motivés, les dirigeants ne pourront opérer aucun changement durable. L’efficacité suppose une synchronisation non seulement au niveau des actions mais également au niveau des mentalités. La formation est une clé d’une telle réussite.

      Armer, tirer, viser

      L’objectif identifié se déplace en permanence avec les fluctuations du marché, l’évolution des techniques, … L’entreprise doit donc être capable de réagir au plus vite et si possible d’anticiper. A l’instar des missiles modernes, l’ajustement sur la cible intervient après le tir qui, lui, doit intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Cet ajustement doit être le souci de tous les collaborateurs qui doivent, pour cela, posséder la vision nécessaire.

       

    7. La stratégie du temps maillé

Les clients veulent être servis 24h sur 24 alors que les journées de travail ne font que huit heures. On passe de plus en plus de temps en transport quand par ailleurs, on ne supporte plus d’attendre. Le temps maillé, c’est la flexibilité offerte par le maillage du réseau qui permet d’intervenir au bon endroit au bon moment avec les bons moyens.

Le pouvoir du temps flexible

L’objectif premier de l’entreprise est que le service soit rendu à temps. Le temps flexible se compose à cette fin du temps utile et du temps délégué.

C’est le seul perceptible par le client. Or il est comme le minerai prisonnier de la roche sans valeur que représentent les temps morts, les attentes, les blocages, les incompréhensions, les erreurs, les réunions sans fin, … Certains augmentent leur temps de présence, pensant ainsi augmenter le temps utile alors que ce n’est que le temps perdu qu’ils augmentent. D’autres accélèrent leur cadence, ne réussissant à augmenter que leur stress et celui de leurs collaborateurs jusqu’à atteindre la limite de leurs résistances physiques. C’est quand ils sont forcés de s’arrêter qu’ils réalisent, étonnés, que les affaires continuent à tourner car, en particulier, d’autres sont capables d’assurer la plupart des tâches. Il faut donc se consacrer à son temps vraiment utile et déléguer tout ce qui peut l’être.

Il permet de mettre en œuvre la puissance du réseau en toutes circonstances et, en conséquences, de satisfaire au maximum les besoins des clients. Mais il ne suffit pas de déléguer les objectifs, les responsabilités et les moyens. Il faut également déléguer le pouvoir qui va avec (notion en anglais d’empowerment). Cette méthode implique d’avantage les personnes quant à l’attente des clients et à leur réaction et favorise ainsi l’image de toute l’entreprise.

Le savoir du temps polyvalent

Pour prodiguer du temps utile, directement ou par délégation, il faut disposer de la compétence nécessaire.

Dans les entreprises pyramides, il faut de la présence comme au temps où la ressource n’était que physique. On remplace donc les absents sans réaliser qu’une personne incompétente est inutile et coûte cher. Quand trop de personnes sont absentes en même temps (ex : congés d’été), on ferme l’entreprise.

Le réseau lui, a recours au temps polyvalent. Le maillage autorise plusieurs chemins pour fournir le service requis. De plus, grâce aux nouveaux outils, l’information stockée peut être restituée de façon inaltérée, les procédures déroulées sans encombre, les raisonnements appliqués à l’identique. La polyvalence ainsi obtenue permet d’assurer le service au client car il n’y a plus ce que les entreprises pyramides nommaient les " personnes clé ". De plus, la compétence globale de l’entreprise est ainsi supérieure à la somme des compétences individuelles. On distingue le temps nécessaire à identifier et synchroniser les compétences nécessaires et le temps consacré au renouvellement des compétences. On nomme le premier " temps transparent ", le deuxième " temps apprenant ".

Ce temps consacré au renforcement du réseau et des systèmes d’information, permettra le jour venu, d’accéder aux réponses globales qu’il faudra fournir, de prendre la bonne décision, d’anticiper les changements à venir, … c’est un commercial qui rédige un rapport de visite, un dirigeant qui met à jour son agenda et informe de son emploi du temps, un cadre qui écoute les remarques de ses collaborateurs, un directeur qui explique sa politique d’action, un opérateur qui signale une erreur et propose une action corrective, un technicien ou un administratif qui rédige et diffuse une procédure, … ces pratiques supposent le renoncement à la rétention d’information comme sauvegarde du pouvoir, mais aussi de consacrer du temps au renouvellement régulier des compétences.

Le renouvellement est indispensable pour ne pas se laisser distancer. Le renouvellement du savoir de chacun entraînera le renouvellement des techniques, des machines, des procédés, des modes d’organisation pour rester toujours compétitif. Ce renouvellement des compétences passe par la formation formelle mais aussi par l’échange, les rencontres, le dialogue.

L’entreprise pyramide remplace les hommes de marbre quand ceux-ci ne sont plus à la page, appauvrissant par là même son troisième actif qui participe à sa valeur et à son identité. Elle acquiert de nouveaux outils avec la conviction d’intégrer le changement mais rechigne à consacrer le temps nécessaire à l’apprentissage.

Pourtant, contrairement, aux machines, le potentiel de l’homme peut être développé d’années en années grâce à l’apprentissage, pour autant qu’il soit curieux et motivé par les perspectives d’application de son nouveau savoir. Dans l’entreprise réseau, le temps d’apprendre et de transmettre fait partie intégrante du quotidien.

Le temps polyvalent est souvent négligé car il coûte cher. Pourtant, temps transparent et temps apprenant sont les garants du développement de l’intelligence de l’entreprise.

Le test du temps maillé

Prenez votre agenda et classez les activités selon les quatre temps du temps maillé.

Concernant le temps flexible :

Concernant le temps polyvalent :

La mise en place du temps maillé doit venir de la direction qui doit réaliser qu’à défaut d’apprivoiser le temps, celui-là deviendra l’un de ses pires ennemis. Dans les entreprises pyramides qui conservent un rapport coercitif au temps, on dénote un absentéisme élevé, des heures de délégation incontournables, la préférence de perdre des heures plutôt que de les " donner au patron ". Dans les entreprises réseau, le temps n’est plus une contrainte mais une ressource. C’est la première liberté qui permet d’opérer la première mutation.

 

 

 

 

 

    1. Implosion, explosion
    2. L’intelligence fait fi des distances. De plus en plus, les entreprises travaillent avec des clients, fournisseurs et autres partenaires aux quatre coins de la planète suivant leurs intérêts économiques. Ce brassage met à jour les différences linguistiques et culturelles qui bousculent les points de repère et forcent à changer ses habitudes. Les français ne sont malheureusement pas les plus hardis sur ce terrain.

      Avec les nouveaux modes de communication, les liens se tissent plus avec des contacts téléphoniques que par la proximité. C’est ainsi qu’on discute plus facilement avec un étranger à l’autre bout de la terre qu’avec son voisin de palier et que les patrons communiquent mieux avec leurs clients qu’en interne avec leurs collaborateurs.

      L’exotisme réside aujourd’hui moins dans les distances que dans les appartenances sociales.

       

    3. L’espace fluide
    4. La fluidification de l’espace provient de la mise en réseau des entreprises autrefois enserrées dans des carcans pyramidaux. Le premier exemple de réseau est le monde lui-même. Nombre de multinationales n’ont pas leur siège dans une capitale. Cela demande seulement une ouverture sur l’extérieur possible si l’entreprise est déjà ouverte de l’intérieur, c’est-à-dire si elle est libérée des principes féodaux d’exercice et de représentation du pouvoir, si elle est un lieu de rencontre, si elle s’appuie sur les nouveaux outils pour communiquer, …

      Le monde n’est plus à découvrir. Pétrole, minerai et autres ressources sont déjà conquis. La valeur qu’il reste à développer se trouve à présent dans les rencontres. Rien n’est plus riche qu’un groupe hétérogène, que ce soit sur le plan ethnique ou fonctionnel. La consanguinité fréquemment rencontrée dans les entreprises françaises rassure mais stérilise l’intelligence collective.

      Le réseau, sans centre ni paroi, est le lieu idéal des rencontres improbables génératrices de richesses, et du climat propice à l’épanouissement de l’échange. Cet espace constitue la deuxième liberté qui sous-tend la deuxième mutation.

       

       

       

       

       

       

       

       

       

       

       

       

    5. La naissance de l’hyperéchange

Les nouveaux outils démultiplient la nature et la vitesse des échanges, à condition que nous soyons seulement prêts à échanger. On peut parler d’hyperéchange dans la mesure où un échange d’information n’est pas à somme nulle mais enrichit l’un sans appauvrir l’autre. Celui qui maîtrise l’information possède un avantage concurrentiel indéniable.

L’hyperéchange peut se traduire dans le transport par l’accompagnement du déplacement des marchandises, d’un suivi informationnel ; Dans l’automobile, par l’ouverture des études de design aux consommateurs via internet ; Dans l’informatique, par l’amélioration des logiciels grâce au erreurs signalées par les clients.

Pour produire un produit ou un service, l’entreprise recourt à une infinité d’échanges dont certains avec des sous-traitants qui possèdent les compétences qu’elle n’a pas en interne, sous-traitants qui, comme elle, sont rompus aux méthodes de l’hyperéchange et se transforme progressivement en partenaires pour finalement proposer aux clients, une offre parfaitement ficelée. Ce genre de partenariat développé sur la base de l’hyperéchange peut également être mis en œuvre avec des concurrents notoires. Malheureusement, la coopération n’est pas une tendance naturelle. Beaucoup se contentent d’un échange plat basé sur le principe du " donnant-donnant " visant à protéger ses intérêts ou d’une stratégie de conquête. Pour que l’autre accorde sa confiance, il faut que les bonnes intentions se traduisent dans le comportement et dénotent une volonté d’ouverture et de solidarité qui n’apparaît souvent qu’en cas d’extrême urgence. Le jeu du prisonnier montre que la stratégie la plus favorable consiste à coopérer dès le début puis à reproduire systématiquement les comportements de l’adversaire. Cette tactique est mise en oeuvre chaque fois qu’une négociation est nécessaire. La clé de la réussite réside dans les quatre recommandations suivantes :

Ce n’est utile que dans les échanges à somme nulle ; Pas dans les hyperéchanges.

Il est montré que celui qui gagne est toujours celui qui a coopéré le plus longtemps.

Et pas plus. La rancune ne sert pas l’hyperéchange.

Il ne faut pas tenter, comme aux échecs, de dissimuler sa stratégie. Il faut au contraire qu’elle soit la plus lisible possible pour donner au plus tôt à l’autre, l’opportunité de revenir à la coopération.

 

    1. Les lois de l’échange

Si les outils permettent d’apprivoiser le temps et de s’affranchir de l’espace, ils restent impuissants en matière de création qui exige la rencontre physique des hommes car c’est à cette occasion que peut fleurir l’hyperéchange. Les outils véhiculent l’information alors que les rencontres la créent.

L’échange au sein duquel différences et contradictions sont indispensables, passe par l’expression écrite et orale, la parole et l’écoute qu’il faut donc favoriser. C’est la troisième liberté qui permet la troisième mutation.

 

Les trois mutations remettent en cause dans l’entreprise, ses fondations les plus profondes :

Face à ces perturbations, les entreprises inventent des stratégies pour ne pas changer, telles que celles de la grenouille de l’éléphant ou du cheval de bois.

 

    1. La stratégie de la grenouille

Le principe est qu’une grenouille plongée dans l’eau bouillante se sauve immédiatement tandis que la même plongée dans l’eau froide dont la température est augmentée progressivement par demi-degré, ne perçoit pas le changement et se laisse cuire sans réagir. Ainsi, pour l’entreprise imprudente, chaque micro-changement ne semble pas la menacer mais un jour, elle est distancée, endettée, dépassée, agonisante pour avoir repoussé indéfiniment les trois mutations.

Les trois morts de l’entreprise

Il entraîne inexorablement une baisse de la qualité des produits car personne ne fait connaître sa réaction aux anomalies qu’il peut détecter et l’entreprise cuit dans son immobilisme.

Un espace cloisonné ne peut laisser se développer l’indispensable échange.

 

 

 

Le temps perdu des entreprises pyramides est transformé en temps apprenant dans les entreprises réseaux … et vice versa.

Les défis ont changé

Les dirigeants formés " à l’ancienne ", reproduisent les stratégies qui ont marché … dans le temps.

Il faut avoir les " moyens " d’attirer le client, d’écraser la concurrence. Mais les moyens en question sont d’une inertie extrêmement vulnérable dans un monde en mouvement où la mobilité est reine.

Aujourd’hui, l’avantage concurrentiel passe plus par la rapidité et l’acuité d’acquisition des informations pertinentes que par les économies d’échelle dont l’obtention participe d’un processus fastidieux. La valeur ajoutée de l’entreprise repose plus sur son potentiel de conception que sur son potentiel de production, autrement dit sur son troisième actif.

A l’ère de l’information, ce n’est plus suffisant puisque l’avantage concurrentiel vient de l’innovation issue de l’échange.

Aujourd’hui, avec l’évolution exponentielle de la technologie, un brevet a intérêt à présenter une particularité extraordinaire pour que sa protection garantisse une réelle avancée pendant vingt ans. La meilleure protection reste encore l’innovation.

 

    1. La stratégie des éléphants

Empêtrés de leur masse, les éléphants hésitent entre changer les hommes et changer l’organisation quand les deux sont indispensables au changement global.

Changer l’organisation

C’est peser sur la pyramide pour tenter d’en modifier la structure.

Mais une pyramide ne reste pas de manière stable sur sa pointe. Elle revient tôt ou tard sur sa base.

 

C’est réduire les niveaux hiérarchiques.

C’est l’organisation matricielle qui croise les responsabilités entre opérationnel et fonctionnel, ce qui rapproche les gens mais entraîne la confusion et favorise les jeux de pouvoir.

C’est le management participatif d’obédience tribale. Il renforce le sentiment d’appartenance mais inhibe l’initiative par un excès d’homogénéisation.

L’effet novateur d’une nouvelle organisation insuffle quelque temps l’enthousiasme mais les nouvelles règles sont bientôt détournées et génèrent de nouveaux travers. Les éléphants pensent alors à changer les hommes.

Changer les hommes

Mais les hommes ne sont pas des machines dont on peut acheter la dernière version. Ils ne marchent pas sans motivation. Pour cela, les méthodes sont nombreuses. La première était la carotte et le bâton. Puis fut développée la théorie X dont les leviers de récompense et sanction rappelaient la première méthode. Ensuite apparut la théorie Y qui favorise l’épanouissement individuel comme moteur de la réussite collective. Enfin, la théorie Z a vu le jour, combinaison des deux premières, clamant que les hommes étaient transcendés par l’appartenance à un groupe. Toutes ces théories avaient en commun l’acception que l’homme avait des besoins fondamentaux à assouvir ; Le tout était de trouver lesquels. Quatre moteurs de la motivation ont ainsi été identifiés :

La recherche en matière de motivation est loin d’être achevée. Il apparaît que chaque type d’organisation engendre une combinaison différente de ces différents besoins. La solution passe donc plus par une action sur la relation de pouvoir des hommes entre eux .

 

    1. L’œil du cheval de bois

Pour ne pas cuire comme les grenouilles ni rester figés comme les éléphants, d’autres font comme les chevaux de bois du manège du changement. Ils regardent fixement devant eux pour garder le cap, la maîtrise du pouvoir. Les chevaux de bois ne craignent aucun changement. Ils les intègrent sans sourciller, sans bouger d’un iota. Ils font ainsi illusion jusqu’à ce qu’ils découvrent, trop tard également, que leur protection du pouvoir les a conduits à être, comme les autres, inéluctablement distancés.

Les sources du pouvoir

Elles ont longtemps été la force et l’argent. Elles reposent aujourd’hui sur l’information.

Ce fut d’abord la force physique ; Puis la force de la loi.

Il permet d’attribuer ou de retirer les ressources nécessaires à l’entreprise, de promouvoir un salarié et sert de moyen d’échange et de pression.

Cette nouvelle source de pouvoir a la capacité de supplanter les deux précédentes. Elle sert à l’expert qui aura à cœur de tenir à jour ses connaissances pour conserver sa longueur d’avance. Elle est aussi l’apanage de la figure charismatique bien que celui-là soit respecté plus pour sa personnalité que pour sa position.

Les six masques du pouvoir

Les deux premiers masques portent sur les hommes : leur énergie, leur temps, leur espace.

  1. Le premier masque est celui de la violence. Il existe toujours sous forme de colère, ou de menace alors que la peur qu’il engendre entraîne des réactions en opposition avec les besoins de l’entreprise.
  2. Le deuxième masque, c’est la loi, le règlement, les procédures. C’est le plus fréquemment utilisé dans les entreprises pyramides. Le contrôle qu’il fait porter sur le temps et l’espace musèle les esprits innovateurs.
  3. Les masques suivant portent sur les esprits, les modes, les idées. Ils sont nécessaires pour vraiment garder le contrôle.

  4. Le troisième masque recouvre le leurre de la négociation. Il a tiré les leçons de deux premiers masques, mais entretient le jeu peu satisfaisant, des gains à somme nulle.
  5. Le quatrième masque s’appelle persuasion. Il marche tant que le collaborateur a de l’espoir mais celui-là ne peut être indéfiniment entretenu.
  6. Le cinquième masque utilise la complexité comme levier de pouvoir. Sous prétexte de chaos, le collaborateur est embrouillé dans des conjonctures inextricables qui permettent d’éviter d’avoir à changer et légitiment le pouvoir en place.
  7. Le sixième masque se sert de la morale et s’exerce sur la conscience. Il fait l’apologie des valeurs sans les suivre à son niveau.

Pour conserver le pouvoir, les six masques sont passés à tour de rôle voire simultanément.

La fin du contrat de méfiance

Les maques soulevés les uns après les autres, laissent apparaître l’état de mépris et d’apathie qu’ils dissimulaient, appauvrissant l’intelligence de l’entreprise. Il reste à mettre en œuvre les ressources ainsi libérées.

 

 

 

" Croire à l’intelligence de l’autre, c’est la faire naître et la développer ; La nier, c’est la détruire " - Jean Ghéhenno

 

    1. Le cercle vertueux

Permettre à l’information de circuler en s’enrichissant, participe à accroître l’intelligence de l’entreprise.

Les conditions de l’échange

La confiance est un investissement pour le futur. Elle trouve sa source dans le respect de l’autre, indépendamment de sa position hiérarchique ou sociale. Tant que les organisations seront basées sur la méfiance et le mépris, les techniques de communication les plus avancées ne changeront rien.

Les moteurs de l’entreprise réseau

Les hommes maillés ont besoin de deux libertés essentielles, celle d’agir et celle de partir.

Les nouveaux contrats

Les contrats de travail actuels prévoient rarement la rémunération de l’engagement particulier que peut démontrer le collaborateur. Ils agissent donc comme source de démotivation à la première difficulté.

Les contrats des entreprises réseaux devraient garantir la liberté de temps avec les horaires flexibles permettant de jouer des quatre types de temps ; La liberté de l’espace pour déjouer toute méfiance ; Et la liberté de dialogue dont l’exemple doit être montré par la direction avec ses partenaires sociaux. Ils devraient également garantir la liberté d’agir et celle de partir. Ils devraient en outre exprimer la rémunération du temps utile et non celle du temps mort ; Prévoir de récompenser la délégation réussie, qu’elle concerne les tâches transmises ou les tâches acceptées ; Penser à réviser les grilles de salaire en fonction de l’évolution de la technicité de certains postes ; Rémunérer le temps transparent qui nourrit l’intelligence de l’entreprise et le temps apprenant qui assure son avenir à travers l’actualisation des compétences de ses membres ; Enfin, rémunérer les actions qui conduisent à l’hyperéchange.

 

    1. Les grandes manips

Le revers de la propagation de l’information est que celle-ci peut être déformée à des fins manipulatoires.

La dialectique de l’homme de marbre

Il a détourné la dialectique dont l’art consiste à faire passer des idées, pour imposer sa vision univoque et maîtriser l’autre. IL n’y a alors plus échange mais combat stratégique et tactique.

Elle permet de cerner l’adversaire à son insu tout en lui donnant mauvaise conscience pour l’affaiblir. Elle prend les formes de harcèlement (demander sans cesse la même chose), d’orchestration (" calomniez, il en restera toujours quelque chose ") et de fausse alternative (" vous préférez venir me voir mardi matin ou mercredi soir ?). La stratégie doit être simple voir simpliste ; Elle doit exagérer les traits qu’elle veut attaquer ; Elle doit enfin, ne jamais désarmer.

Elle commence par provoquer la confusion de l’esprit en recourant à l’amalgame de reproches en tout genre, à l’implication en se référant à des situations similaires bien que contextuellement différentes, enfin à l’unanimité en prenant à témoins supposés des groupes tout entiers. Après l’esprit, on vise la fibre sentimentale voire la corde du souvenir.

L’antidote consiste à repérer la méthode utilisée et à expliquer à l’attaquant qu’il est dévoilé afin de le ramener à des rapports plus rationnels plutôt que de surenchérir.

 

 

La dialectique de l’homme maillé

Pour repérer la méthode des hommes de marbre, il faut être à l’écoute, vérifier ses sources d’information et pratiquer des méthodes toutes différentes telles que :

Plutôt qu’enfermer l’autre dans l’agression et la confusion, l’homme maillé l’ouvre à la coopération. C’est le mettre en avant plutôt que l’écraser, lui demander son avis plutôt que lui imposer le sien, même et surtout si c’est son ennemi. Cela revient à avancer en utilisant les forces de l’autre.

C’est ne pas se contenter du simplicisme ni du manichéisme propres à l’homme de marbre, mais prendre en compte les palettes de nuances possibles. C’est être inquiet, curieux, dubitatif, positif, empathique, indulgent.

 

    1. L’intelligence de l’entreprise

Le réseau est une émanation de l’homme. Il n’a pas d’existence sans lui. Contrairement aux entreprises pyramides dans lesquelles il ne faisait que remplir des cases de façon sur- ou sous-dimensionnée, l’entreprise réseau s’étend et se densifie avec l’étoffe que prend ses membres. Elle se construit de l’intérieur .

Les cinq talents de l’homme maillé

    1. Auteur
    2. Personne n’est passif dans un réseau. Chacun est volontaire, autonome, " patron " de son poste. Le dirigeant a, comme les autres, des tâches à accomplir, des responsabilités à assumer et en plus, il est un chef d’orchestre qui veille à la cohérence de l’ensemble à l’intérieur de l’entreprise et par rapport au marché.

    3. Intégrateur
    4. Chacun doit mettre en commun avec les autres le fruit de sa création malgré la montée de l’individualisme. Pour cela, il faut qu’il ait perçu le surcroît d’efficacité né de l’aide de partenaires internes et externes. Le dirigeant participe à l’intégration en garantissant les solidarités que sont la conscience de la valeur ajoutée de l’entreprise issue de la contribution de chacun, le souci de ramener dans le réseau ceux qui seraient en passe de s’en voir insidieusement exclure et enfin le retour de satisfaction aux membres qui font vivre le réseau.

    5. Echangeur
    6. Pour rester en phase avec les membres du réseau, il faut être capable d’échanger indépendamment des nationalités et des fonctions dans le respect de la culture en place, quitte à utiliser les difficultés comme des opportunités de progrès.

    7. Bâtisseur de ponts
    8. L’échange interne est indispensable mais insuffisant. Il faut renouveler la matière première qu’est l’information en la nourrissant de l’extérieur soit en jetant des ponts vers d’autres réseaux. Ce talent nécessite une gestion optimale des temps.

    9. Portier du réseau

Par définition, un réseau est ouvert aux quatre vents. C’est sa force mais aussi sa faiblesse qui impose à chacun de se comporter en gardien. De plus, si les lois des entreprises pyramides sont immuables, les règles des entreprises réseau évoluent en permanence engendrant d’éternelles remises en cause.

Toutes ces qualités relèvent plus du comportement que des compétences.

Le contrat de maillage

L’entreprise pyramide était représentée par un organigramme hiérarchique anonyme. Les hommes maillés des entreprises réseaux ont au contraire une forte identité liée à leur personnalité plus qu’à leur position. Aussi dresse-t-on une carte des savoirs et des compétences autrement appelée contrat de maillage. Ce contrat informel permet d’obtenir les informations utiles. Il repose sur la connivence souvent à l’initiative de l’émetteur. Il a pour desseins la valeur ajoutée, l’innovation, le changement. Il est aussi un contrat de solidarité puisque la production de chacun dépend de la qualité des échanges avec les autres. Le risque principal qui guette le réseau, c’est la spécialisation dans l’un des cinq talents aux dépens des quatre autres, l’ombre de la pyramide ne tardant alors pas à se profiler. Pour éviter cette pente glissante, il faut pouvoir évacuer les frustrations qui ne manqueront pas de se faire sentir. Le dirigeant doit être particulièrement vigilant aux dérapages et rattraper voire écarter les éléments souffrants.

 

    1. Les trois arches

Si les hommes s’arrêtent d’apprendre, l’entreprise s’arrête de fructifier. " Etre compétitif, c’est apprendre plus vite que les autres " dit A. de Geus de Shell. Aussi faut-il mettre en place une organisation qui favorise la triple arche de l’apprentissage.

La première arche : que faut-il apprendre ?

Il faut tout d’abord apprendre à être à l’affût des menaces, des faiblesses, des forces et des opportunités ce qui était, dans les entreprises pyramides, l’apanage du dirigeant. La réalité est aujourd’hui trop complexe pour qu’elle ne soit surveillée que par un seul homme. De même, les intelligences individuelles ne suffisent plus. La compétitivité passe par la combinaison des intelligences. Il faut donc apprendre à composer avec les autres et à s’interroger sur sa propre utilité. Les quatre étapes de l’apprentissage sont les suivantes : incompétence inconsciente, incompétence consciente, compétence consciente et compétence inconsciente. L’incompétence inconsciente vient souvent d’un manque de clarté des objectifs ou des consignes par négligence de la part des dirigeants à apporter les précisions voire les illustrations nécessaires. Ils vont " à l’essentiel ", celui-là restant souvent ésotérique, faute de temps … Le point de départ de l’apprentissage, c’est de reconnaître son incompétence. Formuler un problème apporte souvent 50 % de sa solution. A cette fin, il est plus judicieux de recourir à l’arbre des causes qui déniche pour chaque anomalie constatée, les cinq pourquoi, plutôt que de se précipiter bille en tête sur une solution à la mode, coûteuse, inadaptée et pour finir, hostile et rejetée. Quand, après réflexion, l’outil est choisi à bon escient, il faut assurer son adoption par l’ensemble des utilisateurs.

La deuxième arche : savez-vous apprendre ?

Pour beaucoup, cela fait des années qu’ils n’ont fait que restituer mais n’ont plus appris. Ils ont perdu l’habitude. De plus, ils craignent, en révélant qu’ils ont quelque chose à apprendre, de perdre de leur crédibilité. La capacité d’apprendre demande un déclic, celui de prendre conscience que c’est nécessaire. Cela demande également d’être en éveil pour ne pas se tromper de solution d’apprentissage, d’être capable de se faire une représentation du résultat de l’apprentissage, de pouvoir comprendre, de réfléchir, c’est-à-dire de prendre du recul et d’ouvrir l’esprit, enfin de pouvoir mémoriser de manière fiable et définitive.

La troisième arche : apprendre ensemble ?

Chacun doit être à tour de rôle maître et élève. Une fois la peur d’apprendre jugulée, il faut trouver le temps et le lieu (ce qui ne pose pas de problème dans les entreprises réseaux), accepter de se tromper, commencer par ce qui est simple et être ouvert aux disciplines connexes. En dehors de l’apprentissage formel, l’enseignement mutuel doit être permanent grâce à l’hyperéchange.

Rappelons que l’apprentissage permanent contribue à l’intelligence collective de l’entreprise qui constitue son précieux troisième actif. Le dirigeant se doit de bâtir l’arche de la connaissance. Mais il doit aussi semer le doute et l’humilité pour en alimenter le fonctionnement. Il doit accompagner les idées naissantes en apportant son soutien à leur réalisation. Il doit se conduire en catalyseur pour faire jaillir les idées des tumultes. Il doit montrer l’exemple pour l’usage des nouveaux outils, incarnations du changement. Il doit enfin encourager et valoriser les pionniers dans leurs nouvelles voies en veillant à l’extension des bénéfices à tout le réseau.

Vers une quatrième arche : l’apprentissage du dirigeant ?

Le dirigeant a lui-même besoin d’être accompagné dans son apprentissage, voire surveillé pour ne pas manquer aux préceptes du réseau et à sa condition d’homme maillé. Ses collaborateurs sont les premiers à pouvoir tenir ces différents rôles. Il doit aussi chercher appui chez ses pairs grâce aux ponts lancés vers d’autres réseaux tels que les associations inter-professionnelles. Pour que le système fonctionne, la démarche des dirigeants doit tenir dans les trois mots suivants :

Prendre des risques, en action et non seulement en parole, est le moteur des entrepreneurs. Les risques peuvent toutefois être limités grâce à l’échange avant l’action.

 

C’est la clé de la réussite si elle est bien le siège d’un échange symétrique et sincère.

C’est en son nom que le dirigeant trouve appui auprès de réseaux. Cette capacité est étrangère aux hommes de marbre. C’est pourtant grâce à elle que la porte du changement s’ouvre de l’intérieur.

 

 

 

 

 

 

Principales conclusions

 

Les méthodes d’organisation et de management qui ont fait le succès des entreprises il y a quelques décennies, sont dépassées et conduisent aujourd’hui les mêmes sociétés à l’échec.

L’auteur montre qu’on ne peut pas greffer de nouveauté sur une organisation empreinte d’immobilisme rétrograde, mais que tout changement doit être initié de l’intérieur de l’organisation par une prise de conscience émanant du dirigeant et partagée par tous. Cette prise de conscience doit conduire à une reconsidération des modes de relation entre les gens, des objectifs à atteindre et des moyens à mettre en œuvre.

La première difficulté est de prendre conscience de la nécessité de changer, la deuxième de savoir quoi changer, la troisième d’avoir la capacité de se remettre en question, la quatrième de convaincre l’entourage, la cinquième de trouver les solutions adéquates, la sixième de réussir l’implémentation de ces solutions, la septième d’assurer la pérennité des changements entrepris, la huitième de ne pas se décourager, la neuvième de s’assurer que personne ne revient en arrière, …

 

Les entreprises qui ne réussiraient pas à changer ou qui se bâtiraient sur les fondements de l’ancien paradigme seraient vouées au déclin, le succès étant d’ores et déjà l’apanage des entreprises participant du nouveau paradigme.

 

 

 

Discussion et critique

 

 

Points Positifs

Points Négatifs

Fond

  • L’environnement a effectivement changé ce qui doit immanquablement entraîner des changements dans les modes de fonctionnement des entreprises et les comportements de leurs acteurs.

 

  • L’auteur met le doigt sur des pratiques particulièrement vivaces en France et contribue en cela à ouvrir les yeux et à faire bouger les choses.

  • Il semble que l’idéal de fonctionnement décrit convienne parfaitement à certains types d’entreprises mais soit plus problématique pour celles qui, en particulier, ont de fortes contraintes d’horaire telles que le fret express, le service médical, …
    • La distinction entre homme de marbre et homme maillé ne peut être manichéenne mais correspond à des tendances fluctuantes notamment en fonction des circonstances de la vie d’où, par combinaison, une probabilité pour les entreprises d’osciller entre des organisations de type pyramide et réseau.

    Forme

    • Le style est très illustré ce qui rend la lecture rapide et agréable.

    • Les paragraphes sont bien articulés entre eux, la fin de chacun introduisant le début du suivant.

    • La construction de l’ensemble est logique et cohérente.

  • La troisième partie fait un usage légèrement abusif de la métaphore diluant la démonstration
    • Certains paragraphes foisonnent d’exemples mais restent nébuleux quant aux enseignements à en tirer (ex : chapitre " l’Espace ").

     

     

     

    Actualité de la question

     

    La question du changement est tout à fait d’actualité. Elle fait l’objet de cours spécialisés dans toutes les écoles de management, d’une production pléthorique d’ouvrages et fait les choux gras de nombre de cabinets de conseil florissant chaque jour.

    Elle s’est d’abord manifestée par une approche de type descriptif telle qu’abordée dans le présent ouvrage de Jacques Chaize. L’objectif était de sensibiliser les lecteurs aux changements qui intervenaient dans l’environnement et à la nécessité d’opérer, dans leurs organisations, des changements permettant de rester en phase avec les nouvelles données.

    On a ensuite vu apparaître des ouvrages de type méthodologique. La nécessité de changer étant acquise au plus grand nombre, il a bien ensuite fallu expliquer comment s’y prendre concrètement et l’on trouve aujourd’hui dans les librairies, de véritables modes d’emploi de la conduite du changement.

    L’engouement pour cette spécialité est également renforcé par les demandes presque systématiques formulées par les entreprises pour accompagner les missions plus traditionnelles et plus techniques prodiguées par les cabinets de conseil, que ce soit en matière de systèmes d’information, de ressources humaines, de gestion de production, …. Comme on l’a vu dans le présent ouvrage, le changement porte essentiellement sur les comportements humains. Or il n’est pas d’intervention, si technique qu’elle soit, qui ne mette des hommes en jeu. Les clients, aujourd’hui informés de la nécessité de prendre en compte les impacts des changements organisationnels sur les acteurs, demandent de plus en plus souvent aux cabinets de conseil de compléter leurs propositions d’action par un volet de conduite du changement, amenant parfois ceux-ci à créer une entité voire une filiale spécialisée sur le sujet.

     

    Bibliographie complémentaire

     

    Edward T. Hall – Seuil 1971

    Watzlawick,Weakland, Fish – Seuil 1975

    Jacques Chaize – 1998

    François Dupuy – Dunod 2001

    Senge, Kleiner, Roberts, Ross, Roth, Smith – FirstEdition 1999