LES FICHES DE LECTURE  de la Chaire D.S.O.

Présenté par : Gueblaoui Rahma

 

Bartlett et Ghoshal

"Beyond the M-Form :
Toward a managerial theory of the firm"

SMJ, Vol 14, 1993

 

Sommaire :

* Présentation des auteurs
* Résumé de l'article
* Perspectives et limites de la recherche

 

 

Présentation des auteurs :


Christopher A Bartlett

est diplômé de l'université de Quennsland d'Australie en 1964. Il a obtenu son master et son doctorat à la Harvard University en 1971.
Il a auparavant travaillé à Alocoa en Australie et a été consultant manager au cabinet McKinsey à Londres et directeur général des laboratoires Baxter à en France.
Avant de rejoindre l'Université de Harvard, ces centres d'intérêt traitaient des enjeux organisationnels et stratégiques auxquels étaient confrontés les dirigeants des multinationales.

Il travaillait également à la chaire de l'international senior management Program entre 1990 et 1993.
Il a publié sept ouvrages, l'un de ses ouvrages "Managing across bordres  : The transactional solution" a été élu l'un des cinquante ouvrages les plus influents du siècle.

Ces ouvrages :

Ces différents livres ont été traduits en plusieurs langues.
Il a en outre publié une quarantaine d'articles dans les plus importantes revues ; : Harvard business Review, Sloan management review, Strategic Mangement Journal, Academy of Management Review et Jounal of international Business Studies. Et il a également publié plus de 100 cas d'entreprises.

Ces travaux continuent à traiter du management des grosses entreprises et plus particulièrement de la gestion des transformations radicales en leur sein. Il porte un œil nouveau sur les relations managériales grâce à une expérience pratique riche.
Il se concentre également de plus en plus à comment des entreprises de petite et moyenne taille pourraient se développer dans le nouveau contexte concurrentiel.
Il a été élu par ses collègues comme membre associé des deux revues Academy of Management et Academy of International Business.
Il est aujourd'hui, conseiller de plusieurs grosses entreprises, dans des domaines en rapport avec ses recherches.

 

Sumantra Ghoshal

S. Ghoshal a obtenu son PhD au MIT et son DBA à la Harvard University. Il est professeur de politique générale à l'INSEAD et professeur visiteur au MIT.

Parmi ses publications, nous pouvons citer :

Ces centres de recherche se concentrent sur le management international (stratégie globale), le management stratégique (Entrepreneurship et le renouvellement stratégique)
Il est également membre du comité de rédaction du Strategic Management Journal, the Academy of Management Review, the European of Management Journal, Journal of International Business. Il est aussi consultant dans plusieurs grosses entreprises américaines.

 

Résumé de l'article :

En partant des travaux de Chandler, Bower et Cyert et March, les auteurs analysent, sous la lumière d'un nouvel environnement concurrentiel, les nouveaux modes gestion développés par les grosses entreprises pour être performantes.

Bartlett et Ghoshal, à travers ce travail, ré-identifient les logiques de fonctionnement de ces nouvelles grandes firmes, leurs éléments de succès et leurs stratégies, comme l'avait fait Chandler auparavant pour les premières firmes en "M-form".

Ils repartent des bases et des conclusions de Chandler, Bower, Cyert et March et démontrent que ces conclusions sont à compléter voir à modifier pour coller à la réalité de la globalisation commerciale et technologique à laquelle font face ces nouvelles grosses entreprises. Les conclusions liées à la forme M concernent la structure (Chandler), les processus de gestion (Bower) et les mode de prise de décision (Cyert et March).

L'objectif de cette recherche est plus d'identifier comme l'a fait Chandler les formes émergentes d'organisation et leurs logiques de fonctionnement.

Les auteurs remarquent l'existence d'un fossé entre les modèles théoriques et la réalité de gestion dans les entreprises. Ils essaient en outre d'établir des prémisses de réflexion sur la nécessité d'une nouvelle théorie plus managériale de la firme. Cette théorie se distinguera des apports de l'économie industrielle et de la théorie béhavioriste et concernera plus des aspects managériaux.

A travers une monographie, les auteurs essaient d'identifier les éléments de ressemblances entre ces entreprises et celles identifiées par Chandler, Bower et Cyert et March, et également les points de différence qui sont apparus en réponses aux modifications de l'environnement stratégique.

L'approche utilisée pour l'étude est celle d'Allison dans son analyse de la crise des missiles cubains. Cette méthode consiste à l'étude d'une situation informée à travers plusieurs perspectives conceptuelles qui donnent non seulement une connaissance des différentes facettes de la situation mais les limites de chaque type de perspective conceptuelle.

Dans ce cadre, les auteurs vont étudier le cas de l'Asea Brown Boveri (ABB), par le prisme de la perspective conceptuelle de Chandler, le modèle des processus de Bower et la théorie béhavioriste de Cyert et March. A travers ces trois perspectives de l'entreprise. Ils peuvent identifier mieux les différentes logiques qui la régissent et les limites des différents modèles.

La risque de cette méthode est de présenter ABB comme une firme idéale, la présentation se limite à une partie de l'entreprise et a ses attributs particuliers. Ce n'est qu'une présentation de l'entreprise vue par ses managers et à travers leurs rôles et tâches. L'article se veut un premier pas pour une nouvelle étude des nouveaux développements organisationnels de la firme.

I- ABB vue selon la perspective chandlérienne : création d'un entrepreneurship distribué :

La conclusion de Chandler précise que face à une croissance du marché et des changements technologiques, l'entreprise développent plusieurs produits et pour les gérer efficacement, elle adopte la structure M (multidivisionnelle).

Cette structure apporte du pouvoir en définissant des nouveaux rôles au management et les différentes relations entre les niveaux hiérarchiques. La décentralisation des responsabilités est orientée vers les décisions opérationnelles préplanifiées, coordonnées et contrôlées par le pouvoir central.

Le centre remplace le staff fonctionnel et domine les différentes parties des deux nouvelles compagnies par une équipe d'exécutifs très spécialisés au niveau du staff. La principe important de la décentralisation de Chandler est aussi central dans la nouvelle organisation d'ABB. Les éléments de coordination et de contrôle gardent les prescriptions de Chandler  : Création d'information transmissible et des flux de données pour supporter la ligne des autorités. Le reporting demeure un outil privilégié des dirigeants pour s'informer et réagir rapidement.

Les principes de délégation sont très importants , la forme structurelle diverge de celle de Chandler. La matrice est autour de l'activité et la position géographique. Les compagnies sous la pression concurrentielle et technologique sont globalement intégrées, subissent plus de pression et doivent avoir une réponse nationale. Le manager doit à la fois gérer le produit et la diversité géographique.

Les différences avec la M-Firme :

L'étendue de la décentralisation et la délégation n'est pas la même. En effet, la localisation de l'entrepreneurship n'est pas la même. Ce ne sont pas uniquement des activités coordonnées et contrôlées par le TOP, la "décentralisation est radicale". Cette décentralisation est possible grâce à un redéploiement des ressources humaines, technologiques et financières. Les relations sont régies par l'auto-confiance, le management d'un ensemble d'unités pour une vision globale. Le reporting lie deux éléments différents : les unités opérationnelles du Front line à la politique globale d'une part et la politique nationale et régionale d'autre part. La décentralisation est soumise à une stricte comptabilité, la rapidité, flexibilité et des orientations claires.

La compagnie est divisée en unités distinctes, le but est la motivation, la contribution au succès. Il existe un seul niveau intermédiaire entre le Top et les managers des 1300 unités, la structure est donc très plate. Les ressources humaines sont gérées au niveau du Front line. Autre élément de l'indépendance de gestion, 90% du budget de la recherche et développement est géré directement par le Front Line. Ces unités travaillent transversalement les unes avec les autres. Chaque Front line est responsable de son résultat, elle peut retenir 1/3 de ses profits, ce qui représente une indépendance financière importante. Le but est que les activités entrepreneuriales soient mieux distribuées dans l'entreprise et diminuent de la machine de contrôle.

Le processus entrepreneurial est la clé du système. Il est basé sur l'alignement et le support des initiatives. Il a pour but de redéfinir le rôle du management et la relation entre les fonctions. Le Front line devient le créateur des initiatives. Le middle manager se consacre mois au contrôle et plus à l'aide des front line dans leurs activités et relations avec le Top. La responsabilisation du Front line permet de favoriser l'innovation car les contraintes sont gérées localement et diminuent les distances entre le produit et le marché.

Le Top s'occupe du processus entrepreneurial en fixant des objectifs, et en établissant des performances standards que les front line doivent remplir. C'est par la même un nouveau processus d'intégration des connaissances, des ressources et des capacités dans l'entreprise.

La perspective de Bower : Intégration des ressources et des capacités.

Bower par ses études sur le Business planning et les processus de prise de décision a enrichi les travaux de Chandler. Le rôle du middle management est plus explicite dans ces recherches, il a pour mission de faire correspondre les ressources aux objectifs. La mission principale du Top management est le contrôle du "Contexte Structurel". Cette mission est visible au niveau de l'analyse de la firme ABB où le Top management est chargé de l'orientation des opérations émergentes vers un contexte défini, ce que Bower appelle " Constitution writing". Il se décline sous la forme de missions/ Valeurs/ Politiques. La DG raffine le modèle structurel, élabore une philosophie et développe une stratégie globale.

La philosophie dans ce cadre serait la décentralisation sous certaines conditions. Dans le cas d'ABB, les pouvoirs sont générés par des milliers d'actions établies au niveau de différents centres de profit, chaque manager est une force de conduite pour le changement et le développement. Dans la conception de Chandler et de Bower le middle manager se consacre à deux activités très prenantes : le Business planning et l'allocation des ressources.

Différences :

Chez ABB, il devrait résoudre les asymétries d'informations en communicant aux front line les objectifs et standards de la DG et transmettre leurs besoins et leurs opportunités au Top Management.

Le rôle du middle manager est alors selon Bower; : la sélection, l'observation et l'interprétation d'informations.

Le rôle d'allocation des ressources était central à l'époque de Chandler et de Bower, mais aujourd'hui la nature des ressources de l'entreprise a changé. Aujourd'hui les compétences et le savoir sont les ressources clés de l'entreprise, ils sont difficiles à accumuler et à allouer suivant les besoins stratégiques.

En décentralisant au niveau des petites unités, ABB essaie de créer un environnement adéquat pour développer et utiliser de manière plus appropriée ces ressources distinctives. Ce qui nécessite un processus d'intégration horizontal pour assurer tous les bénéfices des ressources spécialisées et des expertises développées. Le middle manager gère et développe ces nouveaux liens. Pour chaque budget, les managers des unités établissent les objectifs, présentent, défendent et ajustent leurs besoins en fonction des contraintes d'activité et de positionnement géographique.

Pour ABB, le problème d'asymétrie d'informations fut évité par la mise en place d'un SI commun."Ne pas informer mais tout informer". Les managers reçoivent les différentes informations les concernant en même temps. Les objectifs sont transmis directement jusqu'à la base. Pour éviter la recollecte d'informations, ABB limite le point de contact entre Base et DG a un seul niveau hiérarchique. Le middle manager gère le système et les liens transversaux créés dans l'entreprise. Avec les processus d'informations verticaux, les middle managers se concentrent sur les tâches de communication horizontales.

Le processus d'intégration : lier et évaluer les capacités :

Ce processus est conduit par le middle management, demande beaucoup d'interaction et de soutien des différents managers des différents niveaux de l'organisation.

Le rôle du middle manager est un rôle pivot, qui demande un comportement collaborateur, et une exploitation de réseaux sociaux et personnels importants.

Le Top manager essaie de créer un sens à l'identité organisationnelle commune, lubrifiant et fédérateur. Cette identité se décline dans une politique de gestion de carrière, dans la sélection et la promotion des ressources humaines. Il diminue les isolations, la fragmentation entre les fonctions, contrairement à la forme M qui divise les initiatives. C'est un défi pour favoriser le partage des compétences et des savoir faire.

La DG crée un espace où les front line managers développent leurs réseaux personnels. les contacts transversaux qui s'y attachent, créent des transferts spontanés de savoirs et d'expertises, favorisant de nouvelles capacités organisationnelles. Elle définit les attitudes à adopter : la flexibilité, l'ouverture et la générosité.

Le middle manager est là pour faciliter l'existence et la croissance de ces liens. L'évaluation de ces réseaux passe par la création de canaux additionnels de communications, de "forums de discussions" à différents niveaux et des possibilités de transmissions des meilleurs savoirs vers d'autres activités géographiquement distinctes. C'est une nouvelle gestion et mode de direction basés sur la motivation, le comportement et l'apprentissage.

La vision de Cyert et March :

L'organisation est vue comme une coalition des participants avec des demandes disparates, ils développent la notion d'information. L'organisation est basée sur un processus interne qui traite des différentes coalitions. Pour y faire face, elle institutionnalise des standards.

Les dirigeants créent une stabilité par des processus de contrôle interne adaptable aux changements internes de coalitions et aux changements externes.

Le comportement est soumis à une quasi résolution des conflits, une incertitude, une recherche problématique et apprentissage organisationnel.

ABB définit les grandes lignes de sa politique et chaque unité établit les mesures à atteindre : Croissance, profit, ROI. De plus chaque manager régional définis ces ratios en des cibles d'évaluation plus faibles.

Un vrai processus de négociation s'instaure pour résoudre les conflits.

Les devoirs de comportement et les guides de prise de décisions constituent des politiques cibles, clarifient et définissent les rôles, les standards.

Le processus incrémental du changement de Cyert et March n'est pas observé à ABB. Le Top joue un rôle cible où il met en place le processus entrepreneurial.

Les efforts sont faits dans le cadre d'un processus d'apprentissage continu. Contrairement aux apports de Cyert et March sur la fixation des objectifs, ABB fixe ses objectifs partagés après un travail de négociation.

C'est un processus plus entrepreneurial et consensuel. Les consensus sont établis pour définir la stratégie, ne donnent pas lieu aux vagues objectifs cités par Cyert et March. Les forums de discussion, les équipes de projets permettent de régler les problèmes de manière légitime.

Le processus de renouveau :

Le front line est le centre de la conduite du processus. Le middle manager traite le processus d'intégration et la DG crée l'inspiration, l'orientation, elle légitime les objectifs, et crée une stratégie favorisant un processus d'apprentissage continu.

Le leadership absent des analyses des béhavioristes est une réalité forte chez ABB.

Le contexte de la théorie managériale de la firme :

Le changement environnemental se traduit par des changements dans les caractéristiques des organisations et des nouvelles hypothèses de gestion.

Le modèle est construit autour de trois processus clés impliquant les trois niveaux de l'organisation.

Le processus entreupreneurial se concentre sur l’alignement et le support des initiatives innovantes. Le front line est le premier initiateur de l’entrepreneurship dans l'organisation, le middle management dans cette perspective diminue son contrôle, aide et supporte le front line quant au Top management, il gère les processus par la fixation d'objectifs et une plus forte responsabilisation.


Le processus d’intégration
permet de lier et évaluer les capacités, il fait déplacer l’intérêt de l’organisation des ressources matérielles vers la connaissance. Le middle manager est au centre puisqu’il a la charge la gestion d’un SI partagé, il gère aussi bien le processus que son contenu, il a le rôle de pivot et s’appuie sur un comportement collaborateur. Le Top crée un sens à l’identité organisationnelle, les front line créent leurs réseaux personnels, se partagent des expertises et des informations.


Le processus de renouvellement
consiste en la création et proposition de challenge, le front line est la clé de conduite du changement, le middle management aide le front line à changer et le top management met en place les conditions de création et d’inspiration de nouvelles initiatives.


L’ensemble de ces processus compose un modèle de cadre conceptuel complet. En effet, chacun des processus est construit par l’intégration des avantages d’une conception théorique établie et par élimination des ses limites.

Le processus de renouvellement, Bartlett et Ghoshal, 1993


Les trois processus constitutifs de l'organisation présentent les différents rôles des différents niveaux organisationnels. C'est un cadre complet qui lie les actions opérationnelles aux actions stratégiques du Top management et aux actions managériales du middle management.

Pour résumer le nouveau modèle : le TOP management est le créateur de la vision et un challenger, le middle manager gère l'information horizontale et intègre les différentes capacités, la base est entrepreneuse et conductrice de la performance. Chaque niveau a un rôle à jouer, qui est souvent le fruit d'analyse passées des organisations.

Les changements intervenues font état du développement de nouvelles compétences, une part importante du processus d'apprentissage est inscrit en tant que tâches stratégiques de l'organisation. Les auteurs mettent en avant la valeur ajoutée du centre dans un aspect de portefeuille d'activités comme celui d'ABB.

Une prolifération des agrégations d'actions des petites unités, les modes de gestion et la structure organisationnelle s'en ressentent et sont plus bottom-up que divisionnels.

La philosophie de la Direction Générale se concentre autour : des ressources décentralisées au niveau du Front line, des processus basés sur des activités, la qualité totale dans l'entreprise, développement de nouveaux produits et l'orientation client de toutes les fonctions de l'organisation.

 

Perspectives et limites de la recherche :

Un essai d'analyse se rapportant à des firmes moins larges qu'ABB pourrait donner une nouvelle dimension à ces nouveaux modes de gestion et ne point les limiter aux très grosses entreprises. En effet, le cas d'ABB est particulier, c'est une grosses entreprise avec plusieurs directions régionales et des filiales qui constituent une le Front Line. Il est aussi à remarquer que les points de vue recueillies pour établir les rôles managériaux sont ceux des managers. Un complément de recherche pourra être fait en s'intéressant à d'autres niveaux organisationnelles et confronter leur point de vue à ceux des managers.

C'est une recherche monographique avant de pouvoir généraliser ou agréger ces résultats des études similaires sur d'autres entreprises dans des secteurs différents pourraient donner de nouveaux éclaircissements.

Les nouvelles technologies sont absentes de cet exposé, on se pose la question si plusieurs différences dans les logiques de fonctionnement n'auraient pas été dues, également, à l'existence de ces nouveaux outils.

Quels sont les impacts sur les statuts sociaux dans l'organisation de ces nouvelles tendances de gestion : plus de liberté, de nouvelles valeurs,…?

L'opportunisme Humain est-il limité par le nouveau contexte organisationnel et existe-t-il donc une varie tendance à l'auto-confiance et moins de contrôle ?

 

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