LES FICHES DE LECTURE  de la Chaire D.S.O.

Freddy Colin
Chaire de Développement des systèmes d'organisation
Cours d'organisation C1 (2000-2001)

 

Thomas Schael

"THEORIE ET PRATIQUE DU WORKFLOW"

Des processus métier renouvelés

(1997)

 

SOMMAIRE

 

 

L’auteur

Docteur en informatique de l’université de technologie d’Aachen, Thomas Schael a fait sa thèse sur le workflow (Worklow management systems for process organisations). Il est également diplômé en génie mécanique spécialisé dans la conception de systèmes socio-techniques.
Outre ses activités de consultant en organisation expert dans les domaines du workflow et du groupware, il se consacre également à des travaux de recherche sur des problèmes organisationnels parmi lesquels on peut citer : la gestion du changement, la conception de processus métier et la gestion de projets.

 

Le problème 

Les entreprises, face à la mutation des marchés, doivent être de plus en plus réactives pour d’obtenir la satisfaction du client qui se trouve maintenant placée au centre de leurs préoccupations. Si une organisation en processus est considérée comme une solution très prometteuse, il s’avère pourtant que sa mise en œuvre n’a abouti le plus souvent qu’à une simple automatisation des processus. Face à cet échec l’auteur propose une nouvelle démarche permettant aux entreprises de réussir ce changement.

 

Postulats

La satisfaction du client est un facteur de survie de l’entreprise, elle s’obtient par "la conception et le suivi d’une chaîne client/fournisseur cohérente tout au long du processus de travail".
Ce processus ne doit pas être vu que comme une simple série de tâches, car c’est en fait le résultat d’un dialogue entre des individus qui coopèrent (travail coopératif) et où chaque tâche fait l’objet d’une transaction/négociation qui peut être analysée sous forme d’actes de paroles. La "perspective langage-action" développée par l’auteur à partir de la théorie de l’acte de parole permet de modéliser les processus métier.
La technologie "workflow" est présentée comme la solution la plus adaptée pour informatiser les processus métier selon la perspective language-action. En effet, elle permet d’intégrer la dimension coopérative du travail tout en prenant en compte les interactions et les engagements que l’on peut trouver dans un processus.

 

Démarche

T. Schael part de la nécessité des organisations traditionnelles actuelles à assurer le changement que représente la prise en compte de la satisfaction du client. La démarche préconisée aux entreprises est de se tourner vers un modèle d’organisation orienté processus en adoptant une conduite du changement appropriée issue du BPR.
Après nous avoir montrer que l'expression de la satisfaction du client passe par la linguistique, il nous présente alors sa théorie de la perspective langage-action qui permet d’analyser les flux de conversation dans un processus. Il nous propose ensuite une démarche méthodologique d’analyse et de conception des réseaux coopératifs et la prise en charge des processus organisationnels grâce à la technologie du workflow management. Pour finir, il illustre la mise en pratique de sa démarche et des technologies associées sous forme de deux études de cas.
Une bibliographie abondante termine cet ouvrage.

 

Commentaires

L'auteur dans cet ouvrage nous propose d'avoir pour les processus, une vision "systémique" et d'y intégrer les facteurs humains.
Pour cela, il décrit un processus comme un système débutant et finissant par le client. La relation client/fournisseur est symbolisée par une boucle elle-même composée de boucles reliées entre elles. Le processus, qui n’est plus vu comme linéaire mais circulaire devient alors un système dynamique ayant un but (satisfaire le client) et composé de sous-systèmes ouverts.
Pour modéliser les processus, il nous propose de les voir sous la forme de réseaux coopératifs conçus comme des systèmes socio-techniques (comme une association des visions sociale et technique). Cette démarche a pour intérêt de vouloir intégrer une dimension humaine à une vision traditionnellement mécaniste des processus des organisations.
Il pousse son intégration des facteurs humains jusqu’à proposer l’ambitieux projet de codifier les interrelations des processus à l’aide de la linguistique. Son approche sous forme d’acte de parole devant permettre de compléter une analyse des processus métier le plus souvent vus qu’à des niveaux matériels ou informationnels.
Cependant la théorie développée par l’auteur semble rencontrer de sérieuses difficultés de mise en place dont les causes sont à rechercher dans le manque de "subtilité" des technologies mais aussi dans les actes de paroles eux-mêmes qui demandent à être "sans ambiguïtés, clairs et indiscutables". Ce type de pré-requis qui n’est pas sans rappeler ceux du Taylorisme (un environnement stable, linéaire et prévisible) peut se révéler inadéquat pour un concept sensé évoluer dans un environnent en constant changement (cf. le problème).

Sans doute ces difficultés n’apparaîtraient pas, comme le souligne l’auteur, dans le cadre d’une organisation entièrement conçue en processus avec des équipes en réseau où chacun aurait conscience des enjeux liés à son activité. C’est donc la phase de transformation des organisations en processus qui doit être menée en amont, avec comme condition de réussite le changement des mentalités. Sinon, l’analyse des processus sous l’angle de l’analyse verbale des interactions entre individus risque fort de se heurter à la hiérarchie (fondement des structures fonctionnelles) et ne parviendra pas à formaliser ce qui est souvent qualifié d'informel. En effet, la zone de floue entourant les engagements pourrait bien être, dans une structure fonctionnelle classique, auto-entretenue par les acteurs du système pour leur permettre d’évoluer "librement" dans la zone d’incertitude ainsi obtenue.

Sur le plan des technologies, les processus métier sont actuellement vus comme un des axes stratégiques par les éditeurs de logiciels avec le développement d’architectures EAI (Enterprise Application Intégration) intégrant le transport de l’information, sa transformation et son routage, ainsi que la modélisation et la gestion des processus.

Avec l’arrivée d’Internet, le périmètre s'est encore élargi avec des offres telles que CPC (Collaborative Product Commerce) qui proposent d’intégrer non seulement les fournisseurs et les clients, mais aussi les sous-traitants et les autres partenaires. Dans ce cadre, la relation client-fournisseur va plus loin que la simple transaction commerciale en intégrant notamment la co-définition et le co-développement des produits. On assiste dans ce cas à une migration d'Internet qui couvre maintenant selon la terminologie de l'auteur aussi les services de domaine.
Mais, les problèmes posés par l’auteur semblent encore d’actualité. En effet les offres concernent encore le plus souvent que des workflows vus comme des workflows de données où ne sont pas prises en compte les interactions humaines. De plus, on note toujours des offres immatures dans le domaine de la modélisation des processus métiers (administration, gestion et développement).

En conclusion, ce livre présente encore un intérêt dans sa partie théorique même si l'auteur aurait sûrement gagné en clarté en travaillant davantage l’articulation des différents thèmes, ce qui aurait donné une meilleure cohérence à l'ensemble. Par contre, du fait de l’évolution rapide des technologies, cet ouvrage demanderait à être complété par les derniers développements en matière de logiciel que l’on peut trouver notamment dans la presse informatique.

 

Résumé


1. Introduction

L’auteur nous présente tout d’abord la problématique des entreprises contraintes d’évoluer avec l’environnement économique. Il propose de les accompagner dans leur gestion du changement avec une nouvelle démarche BPR et une technologie basée sur le même concept.
Il fixe la portée de l’ouvrage à l’analyse des processus et à une méthodologie de type récursive visant à mettre la satisfaction du client au centre de la problématique des systèmes d’information dans un contexte organisationnel.
Une rapide présentation de la structure de l’ouvrage termine cette introduction.


2. D’une organisation fonctionnelle à une organisation en processus

Si beaucoup d’organisations traditionnelles sont encore bâties sur les principes Tayloriens (décomposition des tâches et hiérarchie), elles ont cependant commencé à évoluer suivant une approche processus orienté client afin de faire face non seulement à l’évolution des marchés (concurrence mondiale, diversification,…) mais aussi à celle des technologies.
Cette nouvelle approche -qui apporte comme avantages la réduction des coûts, la flexibilité et l’amélioration de la qualité de vie productive- place la satisfaction du client au cœur du nouveau modèle de gestion des processus. Elle exige par contre une évolution dans la recherche de la Qualité qui doit aller au delà de la qualité du produit en tenant compte notamment des qualités organisationnelle et sociale.
Cependant, faute de mesure fiable, les organisations conventionnelles basées sur les procédures ne peuvent pas véritablement intégrer la satisfaction du client. C’est pourquoi l’approche procédurale inadaptée au concept de processus doit laisser sa place au concept de "workflow" qui est présenté comme une unité de travail se répétant et finissant avec la satisfaction du client. Il existe deux types de workflow :

  • le workflow de production  (réponse à une demande standard du client)
  • le workflow ad hoc (réponse à une demande de prestation particulière d’un client).

Pour parvenir à une organisation orientée processus, il faut identifier les processus primordiaux qui répondent aux objectifs majeurs de l’entreprise. Ces processus -transfonctionnels et composés de processus opérationnels- incluent l’ensemble des processus métiers, de contrôle et de support.
Pour la méthode de changement très répandue BPR (Business Process Reengineering), ce sont ces processus primordiaux qui sont à prendre en compte en premier lieu lors de la refonte des processus; l’organisation et la technologie s’adaptant en conséquence.

L’étude de cas N°1 montre comment le remodelage de la procédure de recouvrement des factures chez Ford permit de passer d'un traitement de plusieurs documents à la consultation d’une base de données interactive.

La conjonction de la démarche BPR et des recherches sur le travail coopératif assisté par ordinateur a abouti à la réalisation de projets de BPR s’accompagnant dans une large mesure d’un apport de technologies de l’information sous forme d’outils de type groupware et workflow management (tel que Lotus Notes).

Pourtant choisi pour ses objectifs économiques d’amélioration de la performance, le BPR n'est souvent parvenu qu'à des échecs du fait de certains défauts (manque de dimension sociale, manque de motivation des acteurs, manque de méthode) mais aussi devant l’impossibilité de changer radicalement le mode de fonctionnement des organisations.

Le BPR doit alors, pour réussir sa gestion du changement, devenir une vision de l’organisation considérée comme un système de coopération et un passage de la gestion des tâches à la gestion des processus. Il doit en outre être accompagné d’une réelle volonté de changement et de l’instauration de valeurs d’entreprise. Cinq objectifs lui sont fixés : créer de la valeur, réduire les coûts, réduire les cycles (de production), innover (par l’amélioration continue des compétences) et développer le social.
Schael et Butera proposent en 1997 une nouvelle façon de voir le PBR avec le concept de "système socio-technique" dont les différentes dimensions (processus, technologie, organisation, système professionnel, règles de ressources humaines, système social) sont en symbiose.

Les critiques formulées à l'égard du BPR sont de travailler à un niveau macroscopique, d'être trop conceptuel et d'être géré comme un projet à court terme. C’est pourquoi la refonte des processus doit aussi s’appuyer sur "l’amélioration continue" qui permet, en installant une capacité d’apprentissage et en impliquant tous les membres de l’organisation (l’individu étant un facteur clé), de faire face aux changements continuels.
Mais le BPR, l’amélioration continue et le travail coopératif assisté par ordinateur ne suffisent pas pour réussir une refonte des organisations, les problèmes liés au passage vers une organisation en processus restent encore nombreux :

C’est pourquoi une forme dynamique du modèle socio-technique est proposée pour accroître progressivement la performance des organisations.

Avant de modéliser un processus, l’interrogation doit porter sur les objectifs à atteindre. En effet, il existe trois niveaux pour appréhender un même processus en fonction de ces objectifs :

  1. le niveau matériel : où sont assemblés les composants destinés à fournir des produits

  2. le niveau informationnel : destiné au traitement des données pour fournir de l’information. Il existe trois types de modèles conceptuels (les modèles de flux d’information, les modèles procéduraux, les modèles d’activité)

  3. le niveau métier où sont effectuées les transactions métier (interaction et coordination des activités des individus) permettant d’obtenir la satisfaction du client.

Pour palier à l’incapacité des méthodes actuelles à modéliser correctement les processus métier l’auteur propose de mettre la linguistique au centre de sa démarche avec la "perspective langage-action". Il peut ainsi modéliser la relation client-fournisseur en partant des principes que les individus agissent par le langage et que la satisfaction du client s’exprime par la linguistique.
Cette démarche, qui repose sur la théorie linguistique traditionnelle (syntaxe, sémantique, pragmatique), est fondée sur la théorie de l’acte de parole (Austin, 1962) dont la principale caractéristique est de privilégier l’intention du locuteur (ce que l’on veut faire avec) plutôt que la forme ou le sens. Son composant référentiel est donné par sa situation sémantique et sa force illocutoire peut être classée en cinq catégories (assertive, directive, commissive, déclarative, expressive).
Les actes de paroles sont liés et constituent différents types de conversation :

Sur ces quatre types, seules les conversations pour action et pour possibilité appartiennent au modèle des processus métier (les deux autres ne font seulement qu’établir un contexte).

Diagramme de conversation pour action entre 2 individus A et B

Neufs états caractérisent les niveaux d’engagement et les transitions dans une conversation pour action :

  • commencé
  • demandé
  • accepté
  • achevé
  • satisfait
  • non satisfait
  • effacé
  • refusé
  • proposé

La perspective langage-action permet alors de décrire les processus métiers sous la forme de boucles mettant en relation un client et son fournisseur. La boucle fermée symbolisant la satisfaction du client, on distingue :

Les processus complexes peuvent être décomposés en workflow de base et en worflows secondaires. Ces workflows reliés (interconnectés) entre eux forment des réseaux coopératifs.

L’analyse des workflows, dont l'absence de certaines phases peut mettre en évidence des dysfonctionnements, se base dans la perspective langage action sur l’identification des éléments suivants:

  • les clients et fournisseurs (leurs rôles dans les organisations)
  • les conditions de satisfaction
  • les différentes phases de la boucle (et les manques)
  • les liens entre les différentes boucles (workflows)

L’étude de cas n° 2 présente l’utilisation d’un protocole de workflow lors d’une réorganisation d’un processus métier distribué dans une entreprise de produits chimiques. Elle permet de montrer la pertinence des concepts proposés ci-dessus (les actions correspondent bien aux attentes des clients). Les résultats obtenus par l'analyse détaillée des flux de conversation auraient pu encore être améliorés par un BPR.


3. Analyse et conception des réseaux coopératifs

L’organisation sociale du travail montre l’importance de la coopération dans l’environnement de travail. Les activités y sont effectuées par des individus dans le cadre d’interactions complexes avec d’autres individus (on parle de travail socialement organisé).
L’idée principale étant que "les organisations existent parce qu’elles produisent quelque chose pour les clients" on arrive à une définition du travail coopératif comme "constitué de processus de travail appartenant à la production d’un produit particulier ou d’un type de produit ou de service".
Ce concept associé à l'explosion de la micro-informatique a donné naissance dans les années 80 au travail coopératif assisté par ordinateur
(ou Computer Supported Cooperative Work), lieu de recherche interdisciplinaire consacré aux systèmes techniques qui assistent les personnes travaillant de manière coopérative. Il repose souvent sur le groupe - on trouve alors la notion de Groupware (logiciels conçus pour les groupes) exemple agenda partagé- et il peut également impliquer l’assistance au processus.

Le fonctionnement des organisations est une autre dimension à prendre en compte. Celui-ci est basé non pas sur la gestion de l’information mais sur les relations (communication et échange d’information). La conception des outils doit alors dans ce domaine aller au delà du cloisonnement habituel temps/lieu en permettant la transition continue entre le travail individuel et le travail de groupe. Dans ce cadre le travail coopératif se situe (s’interface) entre l’informatique personnelle et les systèmes d’information centralisés.
On en arrive à la notion de réseau coopératif qui, issue de travaux sur l’analyse de réseau, permet de mieux décrire les environnements et les ensembles coopératifs.
Il est possible, dans un processus, d’identifier différents types élémentaires de coopération :

Un réseau est défini en nœuds (capable de participer à une relation : individus, documents,…) et en connexions (définies par l’analyse).

Quatre dimensions permettent de décrire les réseaux coopératifs :

L’étude de cas no 3 nous montre l’analyse des réseaux coopératifs dans une entreprise italienne de génie logiciel. L’entreprise, suite à cette analyse décida de mieux prendre en compte les besoins des clients en introduisant des changements organisationnels destinés à rendre plus transparent le rôle des différents acteurs.

La dynamique s’ajoute aux quatre dimensions ci-dessus et permet avec l’articulation de décrire le comportement du réseau. Elle est déterminée par l’interaction des individus entre eux, on discerne :

  • la coopération au sens étroit qui est caractérisée par un environnement stable, connu et permanent dans lequel on distingue les unités organisationnelles stables des équipes projets temporaires orientées vers l’action
  • la coopération au sens large qui décrit les relations occasionnelles des membres d’un groupe avec l’extérieur. Elle comprend la recherche de personnes pour la mise en place (création) de réseaux coopératifs et l’aide exceptionnelle permettant de faire face à des manques ou des blocages

L’évaluation des réseaux coopératifs passe par les disciplines de la communication regroupées autour de :

  • l’exécution (synchronisation, identification, adressage, nommage)
  • l’organisation (délégation, autorisation, réorganisation)
  • l’administration (évaluation, copie, annulation, composition)

Les critères de performance sont fournis par l’utilisateur.

En synthèse, on obtient avec le tableau suivant un modèle d’analyse des réseaux coopératifs qui peut être utilisé pour déterminer le type de coopération, établir un diagnostique et définir les solutions organisationnelles à mettre en place.

L’étude de cas no 4 nous montre un exemple d’analyse de dynamique des réseaux coopératifs dans la recherche spatiale. Cette analyse permet de faire ressortir un besoin d’assistance spécifique à chaque groupe de travail étudié.

Il est possible, à ce stade, de déterminer les besoins en support du travail qui doivent correspondre à un équilibre entre la synchronisation d’activités et le partage d’informations. En correspondance avec les différents types de coopération élémentaires on identifie :

-> les besoins de support pour la coordination  comprenant :
  • la distribution et la sélection des messages
  • le lien de messages au sein d’une conversation
  • l’enregistrement et la classification de message/conversation (+ statut)
  • la modélisation de la coordination 
  • la classification et la sélection des processus récurrents 
-> les besoins de support pour la collaboration sont liés à la notion de gestion de l’information ou d’espace d’information. On trouve des outils qui :
  • structurent l’information afin d’indiquer son mode de création
  • gèrent l’accès aux informations en fonction des droits utilisateurs
  • gèrent des questions réponses pour une tâche en cours
-> les besoins de supports pour la codécision sont associés à la notion de partage d’information. Ils ont pour but de faciliter le processus de décision en rendant possible :
  • le partage de l’information utile à la prise de décision
  • la comparaison des critères de décisions
  • le partage des décisions déjà prises
  • la gestion des conversations pour possibilité, clarification et orientation

La combinaison de la dynamique avec les besoins en synchronisation d’activité et en partage d’information, outre son impact sur le développement des systèmes d’information, permet d’offrir un portefeuille de service. On distingue alors les services ouverts destinés à la coopération au sens large (messagerie, Internet,..) et les services de domaine associés à la coopération au sens étroit (assistance à la communication et au partage de l’information). Le tableau suivant croise les fonctionnalités avec les types de service.

 

Fonctionnalités

Communication

Gestion de l’information

Services ouverts

e-mail, bulletin board, téléconférence

Recherche d’information

Services de domaines

Workflow

Hyper-lien

Recherche événement


4. La technologie du workflow

En introduction, l’auteur rappelle que cette technologie ne doit surtout pas être une simple automatisation des procédures mais doit assister le travail coopératif sans oublier les facteurs humains et sociaux.
Devant le besoin des organisations à s’adapter au changement devenu fréquent les notions d’imprévu, de blocage et la gestion des exceptions deviennent des concepts fondamentaux du travail coopératif. Les systèmes d'aide au travail coopératif doivent être en conséquence ouverts et dotés de circuits d’échappement.

Historiquement, les systèmes de workflow ont été conçus et développés à partir de systèmes propriétaires utilisant pour décrire les processus des langages de compilation, des outils de routage, des représentations graphiques, des réseaux de pétri,….
Ils regroupent différents flux initialement séparés (flux de communication, flux d’information, flux de données) et combinent les procédures informatiques, organisationnelles à la gestion des exceptions.
C’est la partie modélisation qui distingue un workflow des applications traditionnelles de traitement de procédure. Cette modélisation, rendue possible par l'introduction des langages de définition de procédure, doit être accessible à tous (notamment et surtout aux utilisateurs du système).
Une autre approche est présentée avec ADL. Ce langage de description d’activités permet de décrire la manière dont les activités sont connectées aux données et aux flux de contrôle ainsi que le rôle des acteurs.
Les systèmes de workflow doivent impérativement être construits en faisant appel à des couches logiciels de "contrôle de message" dans une architecture comprenant également la gestion :

  • des interfaces d’entrés/sorties
  • des applications (transactionnel, administratif, informatif,..)
  • du contrôle de données
  • des données

Les principales critiques associées aux systèmes de worflow traditionnels sont une trop grande rigidité et des manques fonctionnels parmi lesquels on peut citer :

  • la personnalisation
  • la génération de flux
  • la simulation
  • la réutilisation d’actions ou de règles
  • la modification (en cours de processus)
  • l'affectation souple des individus
  • être auditable.

L’intégration d’une application de workflow dans l’architecture des systèmes d’information pourra être facilitée si elle résulte d’une collaboration entre les responsables des systèmes d’information et les utilisateurs et si sa conception prévoit d’aller au delà du simple routage électronique en cherchant à :

  • faciliter le processus
  • fournir des outils appropriés pour compléter chaque action
  • posséder une aide en ligne
  • avoir la capacité à gérer (acheminer) une grande variété de données
  • lier le workflow aux autres processus ou flux secondaires
  • créer et modifier facilement des formulaires
  • intégrer des messages de workflow à l’application de courrier électronique

En ce qui concerne le choix d’un produit de wokflow; celui-ci demeure encore pour beaucoup (informaticiens, managers, utilisateurs,…) un problème du fait de la nouveauté de ce type de produit. Le marché, principalement anglo-saxon est en pleine expansion et porte sur une quarantaine de produits classés en :

  • automatisation des processus métier,
  • routage de documents,
  • groupeware ad hoc.

La différentiation doit se faire sur les caractéristiques propres à chaque produit, l’assistance et la formation

Parmi ces produits "the coordinator" -logiciel de productivité de groupe sur PC- fournit des outils pour gérer des enregistrements de séquence de conversation dans une optique langage-action. Le fait de gérer des conversations et non pas seulement des messages représente un facteur important de réussite des systèmes d’aide au travail coopératif.

Six études de cas (no 5 à no 10) illustrent l’utilisation de  ce logiciel. De ces six études de cas conduites dans des entreprises différentes il ressort la nécessité d’une adhésion des acteurs aux concepts. Cette adhésion peut être obtenue par une formation portant sur les principes mêmes de la théorie de l’acte de parole. D’autres difficultés furent également signalées notamment l’incapacité du produit à fonctionner dans des situations critiques ou exceptionnelles.

Un second produit "X_Workflow" est ensuite présenté comme gérant l’automatisation des procédures de bureau multi-utilisateur. Ce produit, basé sur l’échange de messages issus d'un système procédural pour la modélisation et la supervision des processus structurés (DOMINO), est orienté formulaire mais comporte aussi un format libre d’échange. Il offre en outre la possibilité de gérer les exceptions.


5. Etude de cas I : the coordinator en soutien des processus de gestion distribués

Cette étude de cas a pour objectif d’évaluer la théorie de l’engagement fondée sur la perspective langage-action et les technologies associées mises en œuvre.
Elle se déroula dans un siège régional d’une société de formation professionnelle en Italie dans les années 90. Les relations professionnelles sont décrites comme complexes, le personnel qualifié et le système d’information décentralisé et ouvert.
Le sujet en est d’une part l’amélioration des processus coopératifs internes par le partage de l’information et d’autre part l’obtention d’une meilleure communication grâce à une architecture technique permettant d'assister la synchronisation d’activités.

Dans un premier temps, l’analyse des réseaux coopératifs caractérisant les processus métier fût menée avec des entretiens suivant la méthodologie des chaînes clients fournisseurs de la perspective langage-action (engagement, nœud, relation, articulation, dynamique, type de réseau). Elle permit de se rendre compte des besoins et des améliorations à apporter.
L’analyse du flux de communication, effectuée ensuite sur un des processus jugé critique, donna un découpage en un workflow de base et des workflows secondaires. Les conversations analysées selon la perspective langage-action donnèrent lieu à la conception d’un nouveau système d’information réalisé à partir de la version 2 de the coordinator.
Celui-ci fut installé sur des micro-ordinateurs en réseau étendu connecté à un service de messagerie publique. Une formation aux utilisateurs (fonctionnalités de base et fonctionnalités plus perfectionnées) accompagna sa mise en place.

L’évaluation de the coordinator, effectuée à partir d’interviews d’un panel d’utilisateurs et sur l’analyse de données systèmes, révéla une utilisation limitée principalement à la messagerie. La raison identifiée fût une adéquation limitée du protocole de conversation dans la perception des processus. Celui-ci ne donnant pas une assistance suffisante nécessita une formation intensive.

Des difficultés avec la perspective langage-action furent également constatées : la non prise en compte de la hiérarchie, une modélisation ne donnant qu’une image des anciens modes de fonctionnement, la nécessité de processus bien définis et le fait que toutes les conversations ne soient pas adaptées au protocole de conversation.
Ces résultats démontrèrent que l’analyse des processus doit se faire globalement et non sur la seule gestion des engagements tels que le voit un outil de groupeware comme the coordinator.


6. Etude de cas II : X_Workflow pour la gestion des découverts bancaires

Cette seconde étude est présentée afin de montrer une meilleure application de la perspective langage-action avec un autre produit X_Workflow. L’objectif de l’étude est de parvenir à une refonte des procédures de travail vers des processus orientés clients (modèle client/fournisseur) par l’analyse et la conception de workflows.

La société étudiée est une banque coopérative en réseau. Celle-ci devant faire face à une hausse des demandes de crédit engagea une réorganisation. L’analyse des processus, effectuée par des interviews permit d’observer un travail basé essentiellement sur des échanges de documents avec les clients et des conversations le plus souvent informelles.

Deux processus de base furent identifiés :

  • le processus d’attribution d’un crédit qui se compose d’un workflow de base  "demande de crédit" et de workflows secondaires (exploitation de la motivation du client, constitution dossier de crédit par le client (qui devient fournisseur), demande d’information sur le client, constitution du dossier de prêt, ouverture d’un compte bancaire, évaluation du crédit, archivage du dossier,…)
  • le processus de gestion du crédit constitué de trois workflows :
    Un premier workflow de type déclaratif permet la gestion des informations sur le client provenant de diverses personnes ou organismes.
    Le deuxième workflow "garantie de la performance du crédit" est relié à des workflows secondaires (révision ligne de crédit, demande de documents au client, nouvelles conditions de crédit, extinction du crédit,….).
    Un troisième workflow d'audit de la performance complète la description de ce processus.

La simplification des relations client-fournisseur fut obtenue par la réduction en nombre et en complexité des processus et par la volonté d’éviter une simple automatisation des anciens processus.
Le workflow de base de gestion du crédit fut remodelé afin de permettre l’identification des événements critiques et le traitement des événements auparavant inexploités.
L’analyse tenant compte des faiblesses détectées (redondance de saisie, pas de temps réel,…) aboutit à la spécification de nouvelles fonctions pour le système d’information crédit pour :

  • décentraliser et réduire les procédures opératoires,
  • améliorer le processus de prise de décision,
  • apporter une assistance à la communication et aux interactions informelles

Le suivi des découverts fut choisi comme projet pilote en raison de sa criticité. La partie workflow management system de la nouvelle architecture de suivi d’événements comporta les éléments suivants :

  • un système de gestion des données central + serveurs),
  • un système expert (contrôle des messages, base de connaissances)
  • un système de worflow management (aidant à la réalisation des actions) : X-Workflow
  • une interface utilisateur

Les avantages perçus par les utilisateurs furent :

  • une meilleure définition des responsabilités
  • une évaluation des compétences professionnelles (sur des données intégrées au système de suivi)
  • des critères transparents pour la gestion du risque
  • des informations exhaustives et mieux utilisées

Mais des points à améliorer furent également détectés :

  • la gestion des exceptions,
  • les communications informelles mal gérées,
  • la mauvaise intégration des autres outils bureautique,
  • le manque de visibilité du processus.

En définitive, pour ce projet pilote l’application du modèle client/fournisseur donna une dimension nouvelle au système d’information et démontra la facilité d’utilisation du modèle client-fournisseur grâce au workflow. De plus, ce projet prouve aussi que le couplage d’un système de workflow avec un système expert est une excellente solution au problème de la prise de décision, considérée comme un processus complexe de nature coopérative.


Conclusion

L’auteur rappelle la démarche utilisée dans son ouvrage. Il présente un bilan des concepts et des outils proposés d’où il ressort que les systèmes de worflow actuels nécessitent encore des améliorations fonctionnelles. Mais les produits évoluent et apportent une meilleure souplesse notamment avec Lotus Notes qui supportant les besoins généraux de coopération amène la création de micro-organisations constituées de réseaux d’équipes interconnectées.

L’étude de cas type no 11 présente cette approche avec le produit OnTopAction qui est utilisé dans l’amélioration du processus de certification des fournisseurs d’Hitachi (1996).

Les projets de BPR faisant appel à des systèmes de workflow doivent, pour réussir, être accompagnés d'une recherche des facteurs critiques de succès et prendre en compte la gestion du changement dans une approche globale visant la création d’environnements socio-techniques.
La démarche proposée intègre les managers, les technologues, les employés, les sciences humaines,… pour la création de ces systèmes socio-techniques durables. La stratégie consiste à avoir une approche technologique avec le workflow et une approche client-fournisseur avec le réseau coopératif, le résultat étant une organisation en processus utilisant des systèmes de worflow.

 

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