LES FICHES DE LECTURE  de la Chaire D.S.O.

 
Estelle NOEL
DESS 202 - Stratégie, planification et contrôle dans l'entreprise
2000-2001

Yvon PESQUEUX
"Calcul et Management des coûts"



Texte de Hélène Löning

Universel ou local ?
La problématique interculturelle du contrôle de gestion

Questions de contrôle, sous la direction de Lionel Collins, PUF, 1999.

 

Université PARIS XI - DAUPHINE
Janvier 2001

 

 

I - Biographie de l’auteur

Docteur ès Sciences de gestion, Hélène Löning est un professeur-chercheur du Groupe HEC HEC au sein du Département Comptabilité-Contrôle de gestion.
Les centres d’intérêt d’Hélène Löning portent en particulier sur la diversité des pratiques de gestion au regard des cultures nationales, l’analyse stratégique des coûts, la comptabilité de gestion et le suivi de la performance, le contrôle de gestion des activités commerciales et marketing.

Quelques ouvrages reconstituant une partie de son œuvre :

 

II - Questions posées par l’auteur

L'économie moderne est en pleine marche vers la mondialisation et la globalisation. Les entreprises sont forcées de suivre cette évolution si elles veulent rester compétitives. Parallèlement, la culture ne cesse de se démarquer de ce système par sa volonté récurrente de diversité. Toutefois, il est pertinent de se demander combien de temps pourra-t-elle résister à cette pression de l'économie. Quel est l'avenir de la culture au sein de la mondialisation ? Comment la diversité culturelle peut-elle s'imposer à la volonté globalisante de l'économie et subsister face à celle de l’harmonisation?
Pendant de nombreuses années, les entreprises ont privilégié la maximisation du profit comme but majeur de l’organisation. Mais au fur et à mesure, les buts se sont multipliés et se sont contredits. Les entreprises d’aujourd’hui doivent donc faire face à de nombreuses contradictions. Des paradoxes, tel que celui de l’international, font partie intégrante de leur stratégie. Mais un problème se pose : comment gérer simultanément des exigences contradictoires ? Pour rompre ces paradoxes, ne faut-il pas rompre avec nos modes de pensée traditionnels ? N’est-il pas temps de redonner tout son sens à la problématique de la différenciation et de l’intégration dans les organisations développée par Lawrence et Lorsch ? Et comment le contrôle de gestion peut-il intégrer cette réflexion pour dépasser ses propres paradoxes ?

III - Postulats

Toutes les entreprises sont confrontées à l’interculturel. Outre la confrontation de plus en plus fréquente avec des cultures nationales différentes, elles doivent faire face à de nombreux paradoxes concernant tant les moyens humains, matériels qu’organisationnels.

Les deux termes d’une opposition sont indissociables ; on ne peut, par exemple, envisager séparer la dimension formelle de la dimension informelle.

La conception de l’informel est étroite. Rares sont les auteurs qui ont étudié cette dimension en profondeur, tenté de l’expliciter et perçu son importance.

Les réactions des hommes face à l’interculturel sont ambiguës. Bien qu’ils en reconnaissent l’importance dans l’organisation, ils n’y réfléchissent guère considérant le thème peu maîtrisable et réservé aux dirigeants.

 

IV - Hypothèses

V - Mode de démonstration

VI - Résumé

Toute entreprise est confrontée un jour à un choix primordial : s’ouvrir au marché mondial ou conserver son activité locale. Tel est le paradoxe de l’international. Mais après avoir choisi la voie de la mondialisation, les entreprises ont encore à prendre des décisions en matière d’organisation, d’exercice de leur activité, de ressources humaines... et doivent faire de nouveaux choix. Il existerait donc pour les entreprises des oppositions incontournables entre l’universel et le culturel, le global et le local, l’économique et le social, les manuels et les pratiques...

  1. Le paradoxe de l’international : quels choix s’offrent aux entreprises ?

Opposition entre universel et culturel

Dans chacun des termes de l’opposition universel/culturel subsistent un aspect positif et un aspect négatif. Il est donc difficile d’appréhender ce paradoxe d’autant plus que la notion même de "culture" est ambiguë. Finkelkraut expose ainsi l’existence de deux cultures : l’une, lieu d’épanouissement de la pensée, est universelle, alors que l’autre, induite par les traditions, les croyances et les coutumes, est essentiellement locale. Mais les deux cultures, étant présentes chez un même individu, sont étroitement liées.

Un individu dispose d’une culture, d’un mode de connaissance à partir desquels il pourra, plus ou moins, s’éloigner en fonction du degré d’autonomie relative qu’il possèdera. Cette évolution vers la réflexion personnelle et autonome, affaiblit la culture "dictée" et laisse place à la connaissance propre. Mais rien n’indique à quel moment ni dans quelles conditions l’une prend le pas sur l’autre.

Il est donc difficile de différencier totalement la culture universelle des cultures particulières, de détacher l’esprit individuel de la communauté dont il fait partie. A titre d’exemple, la France et la Grande-Bretagne ont chacune "triomphé" grâce à des cultures différentes. La France a d’ailleurs la particularité d’avoir fondé son identité culturelle sur l’universalité de sa culture. Certains respectent et encouragent cette contribution à la culture universelle tandis que d’autres rejettent cette appropriation de la culture et cette aisance à créer un mythe de soi-même.

Elargissement à un paradoxe plus général

La problématique interculturelle ne peut se limiter au paradoxe universel/culturel. En effet, l’auteur élargit sa réflexion à d’autres antagonismes relativement simples découlant des approches "objectives" et "subjectives" : universel/culturel, formel/informel, économique/social, manuels-théories/pratiques, ce qui s’enseigne/ce qui se vit... Il est impossible de dissocier les deux termes de l’opposition. Démontré précédemment avec l’exemple universel/culturel, le cas est identique pour chacune des différentes associations. Les manuels n’existent que par l’application pratique des théories tout comme les pratiques ne peuvent se développer que grâce aux modèles théoriques. La situation est similaire pour l’économique et le social qui pèsent l’un sur l’autre. Pour finir, dans une entreprise, la dimension informelle est indissociable de la dimension formelle. En effet, les structures, outils... – systèmes formels indispensables à l’organisation – induisent une création de l’informel, par les utilisations et les pratiques propres des hommes.

Les deux dimensions doivent être reconnues et on ne doit plus s’arrêter essentiellement à l’approche objective de l’opposition, c’est-à-dire ne prendre en considération que les aspects universels, économiques, théorisés ou formalisés comme il est coutume de le faire. Toutefois, il ne faut pas condamner ces aspects non plus. Les recherches interculturelles semblent donc intéressantes puisqu’elles poussent à considérer et distinguer ce qui est culturel et informel de ce qui est universel et plus général. En étudiant les différences et similitudes entre entreprises et systèmes de différents pays, elles tentent également de réconcilier les deux dimensions culturelle et universelle.

B. La problématique interculturelle du contrôle de gestion

Les études en recherche internationale s’orientent généralement vers deux grands axes : soit la dimension technique, soit la compréhension des différences culturelles. Ainsi, en contrôle de gestion, on peut s’intéresser particulièrement aux phénomènes de gestion liés aux groupes internationaux, tels que les prix de cession interne, la fiscalité, les risques de change ou d’inflation. Mais on peut également étudier la gestion des ressources humaines, le management choisi et s’attacher à des éléments, tels que le contrôle des filiales, le choix entre un local ou un expatrié, les modes de gestion adaptés au pays concerné...

Ces recherches interculturelles, enrichissant l’ensemble de la réflexion en contrôle de gestion, font apparaître l’existence de problématiques auxquelles sont confrontées toutes les entreprises, et non uniquement celles évoluant dans un contexte international : centralisation ou décentralisation des décisions, primauté aux systèmes formels ou aux systèmes informels, culture d’entreprise forte ou identité de chaque activité professionnelle, contrôle du siège ou autonomie aux opérationnels... ? De ces problématiques, le contrôle de gestion doit apprendre à ne pas éliminer d’entrée de jeu l’un des deux termes de l’opposition, et grandir sur chacun des deux axes apparemment contradictoires. Ne s’agit-il pas de différencier et intégrer davantage comme nous l’ont appris auparavant Lawrence et Lorsch ?

En contrôle de gestion, une opposition se distingue des autres : les systèmes formels et les systèmes informels de contrôle, de gestion et d’information. Cette dualité est au cœur même du contrôle de gestion et la perspective interculturelle peut nous aider à aller au bout de cette problématique.

Notion de systèmes formels et systèmes informels d’information et de gestion

La distinction entre systèmes formels et informels n’est pas simple et peu d’auteurs se sont véritablement interrogés sur la dimension même des systèmes informels. Pour Antony, un système informel est "un système qui existe sans jamais avoir été créé, ni conçu par qui que ce soit". Il reconnaît ne s’intéresser qu’aux systèmes formels puisque ce sont les seuls que l’on puisse améliorer pour une plus grande efficience de l’entreprise. Mais il faut aujourd’hui dépasser cette idée car on ne peut fermer les yeux sur l’influence des systèmes informels sur les systèmes formels et donc leurs conséquences sur l’organisation.

L’information informelle n’est en réalité que peu reconnue. Peaucelle l’explique en soulignant que les individus ont peur de l’informel et préfèrent s’attacher aux systèmes formels, synonymes de maîtrise, de contrôle et de domination totale. Néanmoins, il n’apporte pas, lui non plus, de définition précise de l’informel, se contentant d’assimiler les systèmes informels à des supports, des "canaux".

La conception de l’informel est donc étroite. On l’assimile souvent à l’oral par opposition au formel représenté par l’écrit. Simon signale, toutefois, la différence entre formel/informel et écrit/oral par le système de communication. Selon lui, la communication formelle inclut non seulement les écrits, les notes mais également des éléments de la communication orale. La communication informelle, elle, concerne les aspects sociaux de l’acte de communication et non ce qu’on appelle communication orale. L’information communiquée repose donc à la fois sur le formel et l’informel. En effet, le système de communication formelle sera toujours associé à des canaux informels, construits autour des relations sociales des individus au sein de l’organisation.

La frontière entre le formel et l’informel serait elle-même une frontière de nature culturelle tracée différemment selon les cultures. Hall souligne cette idée en reliant l’importance accordée aux systèmes formels et informels à la relation au temps. La distinction entre formel et informel est également présente en théorie des organisations. Etzioni distingue en effet l’organisation formelle de l’organisation informelle et tente de réconcilier ces deux dimensions. Le problème naît souvent du manque d’articulation entre les deux relations. On sait, par exemple, que les individus forment des groupes informels mais on ne sait pas comment ces groupes sont reliés à l’organisation formelle.

Macintosh va plus loin en soulignant que les deux dimensions peuvent grandir ensemble. En effet, les systèmes d’information et de gestion influencent et sont influencés à leur tour par l’organisation et par les individus au sein de cette organisation. La distinction entre formel et informel peut donc s’opérer grâce à la dimension sociale, au contexte sociorelationnel dans lequel s’effectuent les échanges d’information. Les systèmes formels font référence aux outils, aux supports mais aussi à la structure officielle du système d’information. Les systèmes informels, eux, concernent les pratiques sociales, le jeu des acteurs, les modes d’emploi des systèmes. Les deux systèmes ne peuvent être étudiés indépendamment, ni l’un de l’autre, ni de l’organisation.

La recherche d’éléments interculturels significatifs pousse à s’intéresser aux systèmes informels. En effet, entre deux pays tels que la France et la Grande-Bretagne, les différences entre systèmes d’information formels (procédure, place accordée…) restent minimes. Par contre, dès que l’on regarde la façon dont les personnes travaillent, décident, s’informent, les éléments de comparaison et de différenciation entre les pays surgissent et se multiplient. Les systèmes d’information informels sont donc particulièrement concernés par les analyses comparatives et vont dépendre de la culture nationale.

Application de cette réflexion aux enjeux du contrôle de gestion

Le contrôle de gestion, longtemps perçu sous un angle formel, est bien entendu touché par ce débat, en commençant par le contrôle de gestion international. Une première problématique se pose concernant le renouvellement des approches de contrôle de gestion international. Pendant longtemps, on a utilisé une approche par les outils économiques et financiers, et, apporté des réponses essentiellement techniques. Mais aujourd’hui, une nouvelle approche doit faire jour et prendre en compte davantage les aspects comportementaux, sociaux et humains car c’est à ce niveau que les réponses sont insuffisantes. On va, par exemple, réfléchir à l’équilibre entre management local et management expatrié. Le style de management stratégique retenu s’accompagnera d’un choix d’outils et de structures qui vont conférer davantage de pouvoir décisionnel, soit aux filiales locales, soit à l’universel dicté par le siège.

On ne peut se contenter ni d’un management par les chiffres, ni d’un colonialisme interventionniste. On va plutôt chercher à modifier les approches en contrôle de gestion international par l’apprentissage de la relativité et de l’adaptation aux cadres qui sont en relation avec l’international. On peut se pencher également sur le rôle de la société-mère, ses droits et devoirs à l’égard des filiales…

Derrière la problématique interculturelle se pose une problématique du contrôle dans son ensemble : où situer la frontière entre les termes siège/terrain, fonctionnels/opérationnels, centralisation/décentralisation, coordination/autonomie… Il s’agit également de répondre à la question "qu’est-ce que contrôler et comment contrôler ?". On doit ainsi retenir que les frontières tracées sont elles-mêmes culturelles et qu’il ne faut pas éliminer un des termes de l’opposition, ceux-ci étant inséparables.

Deux phénomènes peuvent expliquer les réactions des hommes face aux questions interculturelles. Tout d’abord, le quotidien des responsables est fait de systèmes formels, d’outils facilement mesurables alors que l’interculturel touche essentiellement la dimension informelle des systèmes d’information et de gestion. Cette dimension informelle intéresse peu les responsables. Bien qu’ils en reconnaissent l’importance, elle apparaît floue, éloignée, peu maîtrisable et peu présente dans leurs objectifs à court terme, base de l’évaluation de leurs performances.

Un second problème découle de l’idée précédente : l’interculturel est perçu comme un thème de "dirigeants". Dans de nombreuses entreprises, les préoccupations internationales, et a fortiori interculturelles, restent totalement du ressort de la direction générale ou du niveau central. On a le sentiment que des thèmes stratégiques tels que la gestion des filiales, le choix d’outils et de méthodes adaptés, ne sont à aucun moment déployés ni pris en charge à d’autres niveaux dans l’entreprise. Certaines entreprises se disent globalisantes, créent des divisions internationales mais professent-elles pour autant l’ouverture, la relativité, l’écoute culturelle à tous les échelons ?

On peut se demander pourquoi ce thème est si peu diffusé dans l’entreprise et ne concerne que la direction générale. Ceci rejoint peut-être la première explication : l’informel est trop difficile à quantifier puis à évaluer. Il faudrait alors se poser la question essentielle sur la capacité des dirigeants à diffuser et contrôler autre chose que du formalisé. En effet, on doit s’interroger plus globalement sur la capacité d’une organisation et du contrôle de gestion à appréhender l’informel et c’est aux dirigeants de s’assurer que cette dimension est intégrée au plus fin niveau de l’organisation.

 

VII - Commentaires

VIII - Actualité de la question

IX - Bibliographie complémentaire

 

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