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Mostafa AZZOUZI IDRISSI
Théories et Systèmes d'Organisation
UV C1 : "Organisation et système d'information"
Avril 2000
Michel GODETManuel de prospective
stratégique
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Sommaire
1. Résumé de l’ouvrage
2. Biographie de l’auteur
3. La question de l’auteur
4. Les hypothèses et les postulats de l’auteur
5. La méthodologie de l’auteur
6. Actualité de la question de l’auteur
7. Analyse et critique de l’ouvrage
Résumé de l’ouvrage
De la rigueur pour une indiscipline intellectuelleMalgré leurs concepts et leurs pratiques très différentes, prospective et stratégie sont deux approches généralement très liées. Leur défi est anticiper pour agir.
L’établissement des scénarios et le choix des options stratégiques est une affaire très délicate. Il faut résoudre des problèmes très complexes et apporter des réponses à des préoccupations, souvent mal définies et à des questions très générales. Pour ceci le praticien doit s’efforcer à utiliser des méthodes rigoureuses et des outils aussi simples que possible afin de rester appropriables par les utilisateurs de ces outils et des résultats qui en découlent.
Il est toujours difficile de distinguer la phase d’exploration des enjeux du futur de la phase de définition des choix stratégiques possibles et souhaités. Il ne faut donc pas se contenter de quelque ‘imaginations du futur’ et limiter les choix et le projet stratégique à ces quelques scénarios, d’autant plus que même les plus réalistes sont conditionnés par l’incertitude.
Le mot scénario doit être utiliser avec prudence (pertinence, cohérence, vraisemblance des hypothèses). Tous les scénarios possibles ne sont ni équiprobables ni tous souhaitables. Aussi ne faut-il confondre ni objectifs et réalités ni scénarios et stratégies. Les scénarios découlent du type de vision adoptée, tandis que les stratégies dépendent des conduites à tenir face aux images possibles du futur.
Le rôle de la prospective stratégique est l’anticipation pour une action éclairée. Il s’agit d’une réflexion collective et globale face aux changements de l’environnement stratégique. Pour se faire, la prospective stratégique se sert de différents outils tels que l’analyse morphologique, la méthode des scénarios, l’analyse structurelle…
Elle sert à proposer des orientations stratégiques en fonction des compétences de l’entreprise et de son environnement général et concurrentiel. Elle se déroule en neuf étapes : analyse du problème posé, diagnostic de l’entreprise, identification des variables clés internes et externes, appréhender la dynamique de l’entreprise dans son environnement, élaborations des scénarios d’environnement, mise en évidence des projets cohérents, évaluation des options stratégiques, décision des choix stratégiques et mis en œuvre du plan d’action.
Dans l’approche intégrée, on peut utiliser la plupart des outils de la prospective et de l’analyse stratégique de façon modulaire ou combinatoire et de manière logique et séquentielle. Toutefois le choix dépend d’une part de la nature des problèmes et d’autre part des moyens financiers et humains et enfin du temps alloué à la réalisation de l’étude.
les ateliers de prospectives stratégique
Les ateliers de prospectives doivent être précédés par une conférence débat d’introduction à la prospective pour embarquer les participants dans l’analyse prospective et la pensée, et qui permettra de rappeler les causes d’erreurs de prévision, de mettre en garde contre les idées reçues et de mettre en orbite le débat sur le futur. Le nombre idéal pour un groupe de prospective est d’environ trente personnes. Ce qui permet de former des sous-groupes de cinq à dix personnes pour les divers ateliers.
Les animateurs peuvent anticiper pour prendre conscience de la problématique à traiter en demandant aux participants, au préalable, de remplir un questionnaire sur les changements auxquels ils ont été confrontés et la façon à laquelle ils ont réagi. Une synthèse de ce questionnaire peut être présentée juste avant de commencer les ateliers. Quatre ateliers permettent aux participants de faire une réflexion sur les changements prévisibles et leurs conséquences stratégiques : l’anticipation et la maîtrise du changement, la chasse aux idées reçues, l’arbitrage entre le court terme et le long terme et enfin l’élaboration de l’arbre de compétence passé, présent et futur.
Il faut savoir que parmi les nombreuses études de prospective, peu de cas ont débouché sur des actions effectivement mises en œuvre. Aussi pour qu’une démarche de prospective stratégique atteigne ses fins, certaines conditions doivent être réunies :
Bien identifier l’origine et la nature de la demande de la réflexion prospective.
Bien préciser le mandat du groupe technique.
Le groupe doit être constitué dès le début de la réflexion prospective.
Une bonne organisation des réunions et une bonne répartition des tâches.
Le choix d’une méthode qui permettra l’efficacité du travail, la motivation de groupe et la communication des résultats.
La prospective territoriale est plus difficile à mener que la prospective d’entreprise. Les objectifs de la demande sont rarement bien définis et les attentes des interlocuteurs sont souvent contradictoires. Pour réussir la démarche de prospective territoriale il faut donc :
Lancer le processus le plutôt possible.
S’efforcer à ce que la réflexion participative de la prospective soit appropriée par les gens du territoire.
Les consultants doivent être des animateurs expérimentés neutres, indépendants et réputés pour leur rigueur scientifique, leur pragmatisme et leur souplesse.
En plus des consultants, il faut désigner un comité de pilotage de la réflexion prospective stratégique rassemblant le maximum d’acteurs locaux et un secrétariat permanent de ce comité.
Commencer la réflexion par un séminaire de deux jours formation-action à la prospective stratégique territoriale.
Il s’agit d’une démarche dans laquelle l’entreprise est engagée avec ses partenaires clients et/ou fournisseurs dans une réflexion de prospective pour préparer ensemble le meilleur avenir possible. C’est une démarche qui s’appuie beaucoup sur l’appropriation et qui laisse toute liberté de réflexion aux participants.
Qu’il s’agit d’une entreprise ou d’une collectivité territoriale, certains travaux de prospective doivent rester confidentiels, en particulier les analyses de stratégies d’acteurs. Toutefois l’expérience montre que le succès de la démarche prospective passe par l’appropriation collective du projet et par l’inscription de tout le personnel dans la démarche d’anticipation. La liberté d’expression, la motivation et la participation individuelle à la démarche prospective facilitent l’acceptation de la confidentialité de la stratégie.
Le diagnostic de l’entreprise face à son environnement
Pour bien comprendre les mutations de l’environnement stratégique de l’entreprise, il faut bien connaître ses produits, ses marchés, sa technique, ses hommes, son passé… Le diagnostic interne (ressources et compétences de l’entreprise) s’impose avant même le diagnostic externe (environnement général et concurrentiel).
Le diagnostic interne comprend les volets financiers, opérationnel, fonctionnel, technologique et qualité. Ces cinq volets permettent de juger de la force et de la faiblesse des cinq ressources fondamentales de l’entreprise (ressources humaines, financières, techniques, productives et commerciales). Le diagnostic opérationnel et fonctionnel, le diagnostic technologique et le diagnostic de la qualité permettent l’analyse de ces cinq ressources.
La production de biens ou de services résulte d’un ensemble d’entrées qui font l’objet d’une succession de fonctions de transformation et de valorisation qui va de la recherche et développement à l’après-vente en passant par la conception, la production et la distribution. A cette chaîne de transformations est associée une chaîne de valeurs ajoutées.
Par métiers, il faut entendre l’ensemble des savoir-faire techniques, humains, financiers et organisationnels que l’entreprise maîtrise. Un métier se caractérise par un ensemble relativement homogène d’activité et de compétence qui peut être représenter par un arbre de compétence. Le savoir-faire, les compétences techniques, organisationnels et financiers représentent les racines, la capacité de mise en œuvre représente le tronc, les lignes de produits et marchés représentent les branches.
L’importance des forces et des faiblesses dégagées par le diagnostic des ressources de l’entreprise dépend de la nature des menaces et des opportunités issues de l’environnement général et concurrentiel. Dans une optique fondée sur la segmentation stratégique, l’entreprise doit positionner, par rapport à cet environnement, son portefeuille d’activités et replacer sa dynamique d’évolution.
L’entreprise doit être considérer comme un acteur d’un jeu auquel participent aussi les partenaires de son environnement concurrentiel. Il s’agit, d’une part, des acteurs de l’environnement concurrentiel immédiat : concurrents sur le même marché, fournisseurs, clients, entrants potentiels, producteurs de substituts ; d’autre part, des acteurs de l’environnement général : pouvoir publics, banques, médiats, syndicats, groupe de pression, etc.…
Les méthodes classiques de positionnement stratégique reposent toutes sur les mêmes principes fondamentaux : le découpage des activités de l’entreprise en segments ou domaines d’activités stratégiques (DAS), l’appréciation de leur valeur présente et future, ainsi que l’évaluation de la position concurrentielle de l’entreprise sur ses DAS.
Toutes les méthodes d’analyse de portefeuille partent de deux questions stratégiques que se pose l’entreprise une fois qu’elle a découpé ses activités en métiers, segments ou domaines d’activités stratégiques :
Quelle est ma position concurrentielle sur chacun de ces domaines d’activités ?
Quelle est la valeur (ou intérêt) présente et future de ces domaines d’activités ?
Cependant ces deux questions sont insuffisantes pour élaborer une stratégie compétitive. Il faut aussi chercher les facteurs clés de succès dans chaque domaine d’activité stratégique et les rapprocher des compétences distinctives de l’entreprise. La plus part de ces méthodes, développées principalement par des cabinets anglo-saxons comme le BCG, ADL…. sont basées sur des concepts tels que la segmentation stratégique, le cycle de vie, l’effet d’expérience et la matrice de portefeuille d’activités.
Les diagnostics, interne et externe de l’entreprise, donnent une bonne connaissance de son potentiel d’évolution. Cependant, un tel diagnostic n’est vraiment utile pour la stratégie que s’il intègre, à tous les niveaux, la dimension prospective.
Pour être compétitive (et continuer donc à survivre), l’entreprise doit tirer le maximum de ses cinq principales ressources humaines, financières, techniques, productives et commerciales. Pour ceci, l’entreprise doit avoir un véritable projet fondé sur un système de valeurs issues du passé de l’entreprise et d’une vision partagée de l’avenir avec une volonté collective pour atteindre des objectifs d’autant mieux acceptés et ayant déjà fait l’objet d’un débat.
La méthode des scénarios
La méthode des scénarios est une démarche contenant un enchaînement logique d’un nombre précis d’étapes. Elle est rarement appliquée dans son intégralité, du fait qu’il est peu probable que les conditions nécessaires à son application seraient toutes réunies. On utilise alors une approche modulaire développée à partir des ateliers de prospective.
Un scénario est la description d’un état du futur avec le cheminement nécessaire pour atteindre cet état à partir d’un état initial.
Il faut bien distinguer les scénarios possibles, les scénarios réalisables et les scénarios souhaitables. Ils peuvent être tendanciels, de référence, contrastés ou d’anticipation. Les objectifs de la méthode des scénarios sont :
La recherche des points à étudier en priorité (variables clés).
La détermination, à partir des variables clés, des acteurs fondamentaux, de leurs stratégies et de leurs moyens.
La description des scénarios, donc des évolutions possibles du système.
La méthode des scénarios contient trois étapes : la construction de la base, ensuite le balayage des champs du possible et la réduction de l’incertitude et enfin l’élaboration des scénarios.
Identification des variables clés : l’analyse structurelle
L'analyse structurelle est inspirée de la théorie des graphes et des travaux de simulations de la recherche opérationnelle. A l'aide de l'analyse structurelle on cherche à se doter d'une représentation aussi exhaustive que possible du système et de réduire la complexité de celui-ci aux variables essentielles, ce qui revient d'une part à mettre en évidence les variables clés du système, qu'elles soient cachées ou non, et d'autre part à réfléchir à des aspects contre intuitifs du comportement du système.
Deux voies d'utilisation de l'analyse structurelle sont à distinguer :
L’utilisation décisionnelle : recherche et identification des variables et des acteurs sur lesquels il faut agir pour parvenir aux objectifs que l'on s'est fixés.
L’utilisation prospective : recherche des variables clés sur lesquelles doit porter la réflexion prospective.
L'analyse prospective comprend trois étapes :
Le recensement des variables.
Toutes les voies de recherche sont permises et tous les moyens de créativité sont bons. Une fois la liste des variables est établie, on procède à l'explication détaillée de ceux-ci, afin de créer un langage commun au sein du groupe d'étude, et on les regroupe par famille.Le repérage des relations dans la matrice d'analyse structurelle.
En remplissant un tableau à double entrée (matrice d'analyse structurelle), on met en évidence les éventuelles relations qui peuvent exister entre les différentes variables.La recherche des variables clés par la méthode Micmac.
Celle-ci a pour but de repérer les variables les plus influentes et les plus dépendantes (variables clés) en procédant à un classement direct et indirect des variables. Le classement des relations directes est obtenu à partir d'un simple examen de la matrice. Le classement indirect ou classement Micmac est obtenu à l'aide de la matrice élevée à la puissance qui permet d'avoir la stabilité des classements en ligne et en colonne. Il renseigne sur les effets indirects de Feed-back.Dans le plan influence-dépendance, qu'il soit direct ou indirect, on distingue cinq zones :
Zone des variables d'entrée : variables très influentes et peu dépendantes.
Zone des variables relais : variables à la fois très influentes et très dépendantes.
Zone des variables résultats : variables peu influentes et très dépendantes.
Zone des variables exclues : variables peu influentes et peu dépendantes.
Zone des variables du peloton : variables moyennement influentes et/ou dépendantes.
L'analyse structurelle est un outil de structuration des idées et de réflexion systématique sur un problème. Elle permet de découvrir des variables qui n'auraient jamais été pris en compte autrement. La matrice d'analyse structurelle est une matrice de découverte. Elle permet d'une part de créer un langage commun au sein du groupe de la réflexion prospective et d'autre part de hiérarchiser les variables en fonction de leur influence et de leur dépendance.
Cependant l'analyse structurelle a des limites qu'il faut toujours avoir à l'esprit. La première limite majeure est le caractère subjectif de la liste des variables, la seconde est le caractère aussi subjectif du remplissage de la matrice.
Analyse des stratégies d’acteurs : la méthode Mactor
Elle permet de mettre en évidence l'évolution des enjeux stratégiques. A l'aide de la méthode Mactor, on procède à une analyse fine des jeux d'acteurs et on cherche ensuite à ce que les scénarios envisagés soient pertinents et cohérents. L'analyse des jeux d'acteurs se déroule en sept étapes :
Construction du tableau des stratégies d'acteurs qui est un tableau carré acteurs/acteurs telle que la diagonale contient les objectifs de l'acteur concerné et les autres cases contiennent les moyens d'action dont dispose chaque acteur sur les autres pour atteindre ses objectifs.
Identification des enjeux stratégiques sur lesquels les acteurs ont des objectifs convergents ou divergents. A chacun de ces enjeux peut être associé un ou plusieurs objectifs sur lesquels les acteurs vont être alliés, en conflits ou neutre.
Positionnement des acteurs sur chacun des objectifs et repérage des convergences et des divergences. Ainsi on peut évaluer, pour chaque couple d'acteurs, le nombre de convergences et de divergences sur l'ensemble des objectifs.
Classement des priorités d'objectifs pour chaque acteur en utilisant une échelle allant de 0 pour les objectifs peu conséquents jusqu'à 4 pour les objectifs qui mettent en cause l'existence de l'acteur.
Evaluation des rapports de force des acteurs en analysant les moyens d'action directs ou indirects dont dispose chaque acteur pour agir sur les autres. Ce sont ces moyens qui vont orienter les choix d'alliances et de conflits.
Intégration des rapports de forces dans l'analyse des convergences et des divergences entre les acteurs. Il faut mesurer le degré d'implication de chacun des acteurs et rapprocher son implication et son rapport de force pour évaluer sa mobilisation dans le jeu. Le degré d'implication d'un acteur est la somme de toutes ses positions évaluées sur l'ensemble des objectifs. La mobilisation d'un acteur est le produit de son implication et de son rapport de force. Dans l'analyse des convergences et des divergences il faut tenir compte de la proximité des objectifs et identifier les acteurs ambivalents avec qui il faut éviter de s'allier.
Formulation de recommandations stratégiques cohérentes après identification des questions clés pour l'avenir, et qui concerne aussi bien les tendances que les incertitudes et les ruptures.
Dans les cas assez complexes, il faut décomposer la difficulté et étudier chaque grand enjeu séparément. Il faut rappeler aussi que les principales limites de la méthode résident dans son caractère statique et que la pertinence des résultats dépend de la qualité des données d'entrée et de la capacité de pouvoir tirer de l'analyse des recommandations importantes.
le champ des possibles et l’analyse morphologique
L'analyse morphologique est une étape non indispensable pour la construction des scénarios. Elle est basée sur le principe de décomposition du système en composantes (sous-systèmes) aussi indépendantes que possible et représentatives de la totalité du système.
Les combinaisons des composantes avec les différentes configurations possibles constituent le champ des futurs possibles qu'on appelle "espace morphologique". Chaque combinaison est un scénario.
L'analyse morphologique permet un balayage systématique du champ des possibles et génère par conséquent un nombre de solutions possibles assez grand à cause de la combinatoire. Elle impose une réflexion structurée sur les composantes et les configurations à prendre en compte afin de réduire le champ des possibles en sous-espace morphologique utile et ce en introduisant des contraintes de sélection, d'exclusion ou de préférence.
Une fois la liste des composantes est établie à l'aide des ateliers de prospective et les scénarios sélectionnés grâce à l'analyse morphologique on procède à la réduction des incertitudes par l'une des méthodes de quantification. Le logiciel Morphol a été développé pour permettre à l'analyse morphologique une mise en œuvre opérationnelle plus facile.
Réduction de l’incertitude : méthodes des experts
Les méthodes des experts permettent d'évaluer et de réduire l'incertitude qui affecte la réalisation ou non des hypothèses. Elles permettent de comparer l'opinion d'un groupe à celui d'autres. Elles peuvent être classées en trois groupes : la méthode Delphi, l'Abaque de Régnier et les méthodes des impacts croisés.
La méthode Delphi procède par interrogation des experts à l'aide de questionnaires successifs, afin de mettre en évidence des convergences d'opinion et de dégager d'éventuels consensus. Elle suppose qu'on s'adresse à des experts et que l'avis du groupe est toujours meilleur que celui d'un individu. L'objectif des questionnaires est la réduction de l'espace interquartile par rapport à la médiane.
La méthode Delphi permet d'obtenir une convergence des opinions autour de valeurs centrales. Elle permet de préparer des consensus, mais elle est moins adaptée pour obtenir des prévisions cohérentes et ne tient pas compte des interactions entre événements.
L'abaque de Régnier est une méthode de consultation des experts orientée plutôt vers les techniques de communication et d'organisation. C'est un tableau dans lequel les participants sont en ligne et les éléments du problème à examiner sont en colonne. La réponse se fait par un choix dans une échelle de couleurs. L'image en mosaïque dessine une carte qui visualise la position de chacun sur le problème et permet une perception globale et immédiate de l'information. L'abaque de Régnier est un outil d'animation et de synthèse très puissant. Cependant on lui reproche d'être trop transparent à tel point qu'il suscite parfois des oppositions féroces.
La méthode des impacts croisés (MIC) se présente sous la forme d'une liste d'événements avec des probabilités de développement qui leur sont associées. Pour que les probabilités élémentaires tiennent compte de façon complète des interdépendances entre les événements, on passe d'un système de probabilités brutes à un système de probabilités corrigées. On analyse ensuite la sensibilité du système d'hypothèses et on cherche les images finales les plus probables afin d'élaborer les scénarios.
La plus part des méthodes des impacts croisés aboutissent à des résultats, certes, convergents mais incohérents. Deux méthodes "Explor-Sim" et "Smic Prob-Expert" présentent l'avantage de ne travailler que sur des probabilités (données homogènes) et de chercher des résultats cohérents.
Identification et évaluation des options stratégiques
Une fois les scénarios quantifiés et les incertitudes évaluées, les responsables doivent définir des options stratégiques et faire des choix afin de distinguer ce qui est possible, ce qui est souhaitable et ce qui est réalisable et dans quelles conditions. Ces options dépendent et tiennent compte, naturellement, des résultats du diagnostic de l'entreprise et de son environnement. Les choix se basent sur un ensemble d'actions dont il faut apprécier les conséquences à court, moyen et long terme. Il faut aussi s'assurer de leur cohérence entre elles, de leur pertinence vis-à-vis de l'évolution de l'environnement de l'entreprise et qu'elles ne s'opposent pas aux objectifs recherchés. Aussi ne faut-il pas confondre stratégie et tactique. Celle-ci n'est qu'un ensemble de moyens pour atteindre les objectifs de la première.
La capacité d'atteindre les objectifs poursuivis (flexibilité stratégique) nécessite d'abord une réflexion sur les options stratégiques possibles et ensuite la formulation et le choix des scénarios.
Trois stratégies de base ont été définies : la domination par les coûts, la différenciation et la concentration sur certains segments stratégiques. Chacune d'elles présente certains risques et nécessite d'autres moyens ; en particulier l'innovation et la valorisation qui sont complémentaires et qui concernent toutes les fonctions de l'entreprise. Aussi quelle que soit la stratégie adoptée, il faut dépasser certains dilemmes. Les principaux sont : le court terme et le long terme ; la diversification et le redéploiement ; la croissance et la profitabilité.
Une fois la réflexion sur les options stratégiques est faite, on passe à la formulation et le choix des décisions en avenir incertain. Le processus de décision contient quatre étapes : la perception de la nécessité de faire des choix, la formulation des décisions possibles, l'évaluation de ces options, le choix des décisions et la mise en oeuvre des actions.
Sachant que l'évaluation est une étape très importante, on a tout intérêt à recourir à des méthodes simples de choix multicritère en avenir incertain. La méthode Multipol, facilement appropriable, est certainement la plus simple. Elle repose sur l'évaluation des actions par des moyennes pondérées.
Biographie de l’auteur
Michel GODET, né en 1948, est Docteur en sciences économiques. Il est professeur au conservatoire national des arts et métiers et titulaire de la chaire de prospective industrielle.
Il est l'auteur de plusieurs publications sur les méthodes de prospectives et les relations entre la technologie et la société. Dès 1977, il a publié son premier livre ‘Crise de la prévision, essor de la prospective’. PUF, "L’économiste" et qui a été traduit en 1979 en américain chez Pergamon. Son livre ‘L’Europe en mutation’ en collaboration avec O. Ruyssen a été traduit en neuf langues. Parmi ses ouvrages, on peut citer :
- ‘Les échanges internationaux’, en collaboration avec O. Ruyssen, 1978, PUF, "Que sais je ?".
- ‘Demain les crises : de la résignation à l’antifatalité’, 1980, Hachette.
- ‘Les nouvelles frontières de l’environnement’, en collaboration avec R. Barré, 1982, Economica.
- ‘Crises are opportunities’, 1985, Gamma Press, Montréal.
- ‘Prospective et planification stratégique’, 1985, Economica ; édition en anglais 1987, Butterworth, préface d’Igor Ansoff ; traduit en espagnol et en italien.
- ‘Radioscopie du Japon’, en collaboration avec P.N. Giraud, 1987, Economica.
- ‘L’avenir autrement’, 1991, Armand Colin.
- ‘De l’Anticipation à l’action : manuel de prospective et de stratégie’, 1991, Dunod. Publié en anglais par l’Unesco, traduit en espagnol et portugais.
- ‘Le grand Mensonge : l'emploi est mort, vive l’activité !’, 1994, Fixot et en poche aux Editions Pocket.
Michel GODET est consultant d’entreprises en prospective et planification stratégique. Il est conseiller scientifique du centre de prospective et d’évaluation. Dans les années 70, il a dirigé le département de prospective de la SEMA. Il est membre actif de l’association internationale Futuribles et il se consacre activement au rayonnement international de l’école française de prospective.
La question de l'auteur
Face à un avenir incertain, la recherche des futurs possibles et le choix des options stratégiques doivent s'accompagner d'un minimum de méthode et s'appuyer sur des outils, qui doivent d'une part être simples et appropriables et d'autre part imposer des contraintes de cohérence et d'analyse systémique. Tel est l'objectif de la prospective stratégique. Que se soit pour les entreprises ou pour les administrations, elle cherche à mettre l'anticipation au service de l'action à l'aide d'une panoplie d'outils qui permettent d'améliorer la pertinence, la cohérence, la vraisemblance et la transparence des raisonnements face à la complexité des problèmes et de mieux apprécier l'importance des problèmes identifiés.
Les Hypothèses et les postulats de l’auteur
La question que Michel GODET essaie de développer dans son livre, et à laquelle il tente de répondre en préconisant une certaine méthode et plusieurs outils, est basée sur certains hypothèses et postulats.
- Le futur n'est pas unique. Plusieurs formes sont, à priori, possibles.
- Les scénarios possibles ne sont ni tous réalisables ni tous souhaitables
- L'avenir de l'entreprise dépend non pas seulement de ses ressources et ses compétences mais aussi de son environnement général et concurrentiel.
- L'importance des forces et des faiblesses de l'entreprise dépend de la nature des menaces et des opportunités de son environnement général et concurrentiel.
- L'entreprise est considérée comme un acteur d'un jeu auquel participent aussi les partenaires de son environnement général et concurrentiel.
- Aussi forts qu'ils soient, les outils de la prospective stratégique, s'ils ne sont pas appropriables ils resteront sans effet, et par conséquent ils ne sont pas utiles.
La Méthodologie de l’auteur
Pour traiter la question de la prospective stratégique, Michel GODET procède en deux étapes. Dans la première étape il explique l'art de la prospective stratégique et il a consacré pour ceci les quatre premiers chapitres. Tout d'abord, il rappelle la nécessité d'adopter des méthodes simples et rigoureuses, pour résoudre des problèmes très complexes, et de distinguer la phase d'exploration des enjeux du futur de la phase de définition des choix stratégiques possibles, réalisables et souhaités. Il présente les ateliers de prospective stratégique et explique que si la prospective doit être participative, la stratégie peut être confidentielle (deuxième chapitre). Il procède ensuite au diagnostic de l'entreprise face à son environnement (troisième chapitre) et présente enfin la méthode des scénarios et rappelle ses objectifs et ses étapes (quatrième chapitre).
Dans la deuxième partie, l'auteur présente la méthode des scénarios dan sa forme la plus complète et précise à chaque fois les limites et utilités de ses différents outils. C'est l'objet des cinq derniers chapitres du livre.
Tout d'abord l'auteur propose l'analyse structurelle pour l'identification des variables clés et présente la méthode Micmac (cinquième chapitre). Il procède à l'analyse des stratégies d'acteur et présente la méthode Mactor (sixième chapitre). Il traite l'analyse morphologique pour le balayage du champ des possibles et présente la méthode Morphol (septième chapitre). L'auteur propose ensuite les méthodes d'experts et de quantification pour réduire l'incertitude et présente la méthode Smic Prob-Expert (huitième chapitre). Il procède enfin à l'identification et à l'évaluation des options stratégiques et propose la méthode Multipol (neuvième chapitre). Dans le dernier chapitre l'auteur rappelle, à travers divers exemples, le caractère modulaire de la méthode des scénarios et des outils qui la composent.
Actualité de la question de l’auteur
La prospective n'a rien à voir avec la futurologie et la boule de cristal. L'anticipation des futurs possibles n'a de sens que pour éclairer l'action. C'est pourquoi prospective et stratégie sont indissociables, d'où l'expression de prospective stratégique.
Si la prospective stratégique est une indiscipline intellectuelle, elle a aussi besoin de rigueur et de méthodes pour éclairer l'action des hommes et l’orienter vers un futur désiré. Les outils de la prospective stratégique permettent notamment de se poser les bonnes questions (sans lesquelles il n'y a pas de bonnes réponses) et de réduire les incohérences dans les raisonnements.
Face à l'avenir, les hommes ne sont pas désarmés : pour chaque problème, ils disposent d'une panoplie d'outils pour démultiplier la raison sans s'y substituer, et stimuler l'imagination sans pour autant enfermer le rêve dans une cage. Car la prospective est aussi un art qui a besoin pour s'exercer de talents tels que le non-conformisme, l'intuition et le bon sens.
Analyse et critique de l’ouvrage
Dans son ouvrage, Michel GODET aborde un sujet d'une extrême importance : la prévision du futur. La problématique est aussi vieille que l'homme. Cependant elle est de grande actualité, vu les événements que connaisse l'humanité à l'aube du vingt et unième siècle. Les modes changent beaucoup et à un rythme assez accéléré, les demandes de l'être humain ne cessent de s’accroître, les réserves en matière première sont malheureusement limitées, l'équilibre de notre écosystème est très menacé et de plus en plus fragile, l'avenir est de plus en plus incertain pour tout le monde, les marchés deviennent de plus en plus rares, les marges de plus en plus étroites et la concurrence est de plus en plus acharnée. Comment faire pour prévoir le futur et rectifier le tire au cas du besoin ? Y a-t-il moyen pour réorienter le cours des événements en fonction de ses besoins et de ses objectifs ?
Michel Godet nous propose une panoplie d'outils simples pour bien éclairer notre action. En présentant la méthode des scénarios étape par étape et dans un esprit de simplicité et de rigueur, il a réussi à présenter des outils simples, facilement utilisables et appropriables.
Pour ne pas tomber dans le ridicule et dans l’ambiguïté, Michel GODET a eu la sagesse de nous donner aussi la recette et de nous apprendre l'art de la préparation, de l'utilisation et de la consommation de ces outils. Il termine son ouvrage par la présentation de divers exemples d'application de la prospective stratégique et à travers lesquelles, il rappelle le caractère modulable de la méthode des scénarios et des outils qui la composent.
Cependant diverses remarques peuvent être faites, sans rien changer ni à la valeur ni à la qualité de l'ouvrage :
Dans un souci pédagogique, il est préférable de connaître et d'acquérir les moyens en premier et apprendre à s'en servir ensuite et non pas l'inverse, surtout lorsqu'il s'agit d'un manuel. Ceci permettra, sans doute, aux outils d'être plus appropriables pour reprendre le jargon de Michel GODET. En présentant l'art avant la méthode, quelques passages dans la première partie du livre paraissent assez flous et trop généraux. Pour préciser et pour bien éclairer la lecture, l'auteur a été obligé de renvoyer le lecteur, à plusieurs reprises, aux chapitres suivants. Ceci a donné, parfois, un caractère de redondance dans la première partie.
Certaines idées et certains exemples ont été répétés plusieurs fois ce qui a alourdi la lecture et a donné un caractère de redit au texte.
Les seuls logiciels d'application des différentes méthodes, que l'auteur a présentés dans son ouvrage, ont tous été développés par l'auteur en collaboration avec d'autres chercheurs. Est ce les seuls qui existent sur le marché ou simplement l'auteur a oublié de mentionner les autres ?
Après avoir présenté ces logiciels de façon assez détaillée, l'auteur les rementionne et les indiques d'une manière excessive (plusieurs foies dans le texte, à plusieurs reprise dans les notes de bas de page, à la fin du livre). Est ce de l'inattention ou une stratégie commerciale ?