LES FICHES DE LECTURE  de la Chaire D.S.O.

Sylvia RIFAIT
CNAM - UV C1
Cycle d'ingénieur en organisation
Année 2000/2001

 

Vincent GIARD

"Gestion de projet"

 

 

A- L'auteur

Vincent GIARD enseigne à l'institut d'Administration des Entreprises de Paris (IAE) de l'Université Paris I – Panthéon/Sorbonne où il est responsable de la formation doctorale, à l'institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Lyon et à l'école Nationale Supérieure des postes et télécommunications (ENSPTT).
Il a enseigné dans d'autres universités, notamment celles de Genève et Minnea-polis. Il a dirigé pendant plusieurs années une Unité de Recherche Associée du CNRS, spécialisée dans des problèmes posés par des systèmes d'information et les systèmes d'aide à la décision et est actuellement Conseiller scientifique à l'institut national de recherches en Informatique et Automatique (INRIA).
Il est devenu professeur des Universités en 1977, après un passage de 10 ans sur le terrain. Depuis, il n'a pas cessé de garder un contact important avec le terrain par le biais de contrat de recherche ou de travaux personnels, notamment en gestion de projet. Il a publié de nombreux articles et ouvrages.
Il est certifié de l'AFITEP (Association Française des Ingénieurs et Techniques d'Estimation, de Planification et de Projets).

 

B- BIBLIOGRAPHIE

[1] Vincent Giard, Gestion de projet, Economica, Paris, 1991.

[2] ECOSIP, sous la direction de Vincent Giard et Christophe Midler, Pilotages de projet et entreprises - diversités et convergences, Economica, Paris, 1993.

[3] Vincent Giard et Christophe Middler, "Management et gestion de projet une étude des mutations en cours", Manager des entreprises de réseau, ENSPTT, 1\xa1 trimestre 1994.

[4] Vincent Giard, Le nouveau management de projet., Ed. AFNOR, 1995

[5] Vincent Giard, Gestion de production et statistique appliquée.,Economica, 1995

 

C- Postulat

Cet ouvrage est un ouvrage technique.
Il fait un point aussi complet que possible des techniques et approches disponibles actuellement dans le domaine de la gestion de projets. Il montre l'inter-action forte qui existe entre la formulation d'un problème de gestion de projet et sa résolution.
Il traite en détail les techniques d'ordonnancement, l'analyse du projet, de suivi du projet et de gestion du risque.

 

D- Démarche

Le premier chapitre définit ce que l'on entend par projet et gestion de projet.
Les outils d'ordonnancement disponibles ne sont capables que de traiter des problèmes simplifiés. Le chapitre 2 est donc consacré à ce thème central de l'ordonnancement du projet (dont découlent des échéanciers de coûts).
Le lecteur peut alors aborder le chapitre 3 consacré à l'analyse du projet et donc à un certain nombre de considérations qui conduisent de l'expression littéraire du problème, à son expression opérationnelle. Le chapitre 4 est consacré au suivi du projet et à ce qui va conduire périodiquement à une révision du problème.
La formulation initiale du problème et sa reformulation périodique visent à réaliser simultanément des objectifs de performances techniques, de délais et de coûts mais son contenu est très largement conditionné par une perception des risques encourus par le projet. La reformulation périodique s'explique non seulement par des constats de dérive mais aussi par aussi par une modification de la connaissance des données influençant le projet et une évolution de la perception du risque. Cette gestion du risque étant devenue un facteur clé du succès de la gestion des projets, le chapitre 5 est consacré à cette gestion du risque par des approches quantitatives et qualitatives.

 

E- RÉSUMÉ

1. CHAPITRE 1 : INTRODUCTION - DÉFINITIONS


1.1 Définitions

1.1.1 Définition du projet

La norme X50-105 de l'AFNOR [104] définit le projet comme une démarche spécifique qui permet de structurer méthodiquement et progressivement une réalité à venir…
Un projet est défini et mis en œuvre pour élaborer une réponse au besoin d'un utilisateur, d'un client ou d'une clientèle et il implique un objectif et des actions à entreprendre avec des ressources données.
Les projets peuvent s'effectuer dans des entreprises de toutes tailles et tous secteurs.

1.1.1.1 Classification de l'objet d'un projet

  • La production de type série unitaire

Elle se définit par la mobilisation de toutes le ressources de l'entreprise pour la réalisation d'un projet de production exécuté sur une assez longue période. (ex: Les entreprises de travaux publics, de construction navale, Euro Tunnel, la NASA,..)

  • Activités de gestion non répétitives

Elles correspondent à un enjeu technico-économique important pour l'entreprise. (ex : le lancement d'un produit nouveau, participation à une manifestation commerciale, modification du système d'information, changement de système informatique,…)
De telles opérations mobilisent sur une durée assez longue des ressources appartenant à différents services; elle nécessite une forte préparation, une coordination "inhabituelle" entre services et un suivi particulier.

  • Industries de production de masse

Elles utilisent la gestion de projets depuis plusieurs années pour raccourcir de manière importante l'intervalle de temps qui sépare la décision de créer un produit de sa production en série (industrie électronique "grand public", industrie automobile,..).

  • Les Programmes d'aide aux pays en voie de développement

Ils constituent également des projets dont la rationalité économique qui préside à de telles opérations est spécifique.

1.1.1.2 Catégories d'objectifs d'un projet

Tout projet se décline sous trois catégories d'objectifs :

  • L'objectif de performances techniques

Ces performances définissent un niveau de qualité et se veulent des éléments importants de la réponse aux besoins que l'on cherche à satisfaire.

  • L'objectif de délai

C'est une composante importante de l'expression des besoins. Un retard peut, dans certains cas, rendre sans intérêt la bonne fin technique du projet.

  • L'objectif de coût

C'est la traduction financière des moyens que les commanditaires du projet acceptent de mettre en œuvre pour tenir les objectifs de performances techniques et de délais.

1.1.1.3 Constitution d'un projet

  • Un projet est constitué de tâches (ou d'activités)

L'analyse préalable du projet a pour objet de lister ces tâches et ces relations.
Chaque tâche :
- est identifiée en tant que telle parce qu'elle a un rôle à jouer dans l'exécution d'un projet. Sa non-exécution empêche de mener le projet à son terme ou compromet l'atteinte de certains de ses objectifs.
- se caractérise par un début et une fin clairement identifiés,
- consomme des ressources (matières, temps d'utilisation d'équipements ou de travail) qui ont un coût et sont indisponibles en quantité limitée,
- est reliée à au moins une autre tâche par une relation d'antériorité qui implique qu'il n'est pas possible de débuter l'une de ces tâches, sans que l'autre ne soit préalablement achevée.


1.1.2 Définition de la gestion des projets

Le management de projet comporte deux fonctions bien différentes :

1.1.2.1 La direction de projet (project management)

Elle s'intéresse à des décisions stratégiques ou tactiques.
Elle est assurée par un chef de projet (ou un directeur de projet), assisté, le cas échéant, d'une équipe.
La mission de cette direction de projet consiste :

1.1.2.2 La gestion de projet (project control)

Elle traite des décisions opérationnelles et intervient dans la préparation de certaines décisions tactiques. Elle est assurée par un contrôleur de projet.

Elle a pour objectif d'apporter à la direction de projet les informations relatives à l'avancement de l'exécution du projet et à tout élément de nature à modifier la programmation du projet du projet ou ses objectifs de délais, coûts et performances.

Elle s'appuie sur un système de gestion assurant le recueil des données utiles et le traitement de ces données à des fins informatives et décisionnelles, permettant de suivre le projet :
- durant sa phase de préparation en permettant une estimation rapide, à partir d'une définition succincte du projet, de la durée de certaines tâches, des moyens à mobiliser et des coûts induits; la préparation de l'ordonnancement du projet est l'aboutissement de cette phase de préparation;
- durant sa phase d'exécution en visant la maîtrise des délais et des coûts, en s'assurant d'une bonne gestion des ressources mobilisées, en synthétisant les informations disponibles sur l'état d'avancement physique et financier tant réalisé que professionnel, par le biais de tableau de bord,…..
- et de faire un bilan final du projet pour tirer des enseignements pour l'avenir.

Ce système de gestion fait un large appel à des outils informatiques soulageant le contrôleur de projet de calculs répétitifs et fastidieux.

Cette proposition se justifie à la fois par des considérations d'ordre épistémologique (liées aux caractéristiques des outils utilisés), et par des considérations d'ordre praxéologique (liées à la façon dont les personnes concernées agissent pour atteindre l'objectif assigné).


1.1.3 Interaction "formulation-résolution" d'un problème de gestion de projet

L'analyse de l'interaction est complexe. Il y a non pas un problème mais plusieurs problèmes qui découlent les uns des autres par simplifications successives et qu'au cours du temps ces formulations évoluent.

A une date ti qui peut se situer au début du projet ou ultérieurement, on peut distinguer trois expressions du problème :

  • L'expression littéraire

Elle consiste en une masse d’informations plus ou moins bien structurées et pas nécessairement cohérentes du problème de gestion de projet auquel on veut apporter une solution.
Ces informations sont consignées par écrit dans des comptes-rendus de réunion, documents techniques, commerciaux ou de gestion mais elles peuvent aussi être dans la tête de certains acteurs du projet (ordre de grandeur, contraintes implicites,…). Elles prennent la forme d’une liste d’objectifs (coût, délai, performances techniques) associés au projet, d’analyse fonctionnelle de besoins, de liste plus ou moins détaillée de tâches, de moyens disponibles ou nécessaires,..

  • L'expression formalisée

C’est l’extraction de cette expression littéraire par les responsables du projet (contrôleur de projet et/ou chef du projet). Elle est plus précise car elle implique un effort de quantification.
L problème ainsi posé se traduit par une liste de tâches caractérisées par des quantités de ressources requises par leur exécution sur une certaine durée, de relations d’antériorité qu’elles entretiennent les unes avec les autres, de listes de contraintes diverses (parmi lesquelles un budget à ne pas dépasser et une durée limite d’exécution du projet).
A ce stade aucun outil disponible ne s’avère capable d’apporter une solution au problème.

  • L'expression opérationnelle

C’est une expression simplifiée qui permet d’obtenir une programmation effective. Elle conduit à un abandon de certaines possibilités évoquées formellement (gammes alternatives ou modulation de la durée de tâches en fonction du niveau de ressources mobilisées) et à ne pas prendre en compte explicitement certaines contraintes.


1.2 L'Organisation du projet

Cette organisation passe par le choix d'une structure dans laquelle œuvre des acteurs.


1.2.1 La place du projet dans la structure de l'entreprise

On distingue deux formes principales d'organisation (fonctionnelle et divisionnelle) et une forme hybride (matricielle).

  • L'organisation fonctionnelle

Elle privilégie l'organisation par fonction (production, finance, commercial, …) qui correspond à une spécialisation plus ou moins poussée par type de compétences.

  • L'organisation divisionnelle

Elle sépare les divisions opérationnelles, définies sur des critères de lignes de produits et/ou de marchés et relativement indépendantes les unes des autres, de la directions générale, qui fixe les objectifs et les ressources aux divisions qu'elle contrôle et coordonne.

  • L'organisation matricielle

Elle croise la vision divisionnelle par produit, pour au moins un produit (ou une ligne de produits), avec la vision fonctionnelle, pour au moins une fonction.
Les responsables fonctionnels et de produits dépendent tous de la Direction.
Les organisations matricielles peuvent être orientées selon trois formules :
Par Produit, par Projet, par Produit X Projet .


1.2.2 Les acteurs

1.2.2.1 Les différents acteurs

  • Le maître d'ouvrage

C'est le client, propriétaire du résultat final .

  • Le maître d'œuvre

C'est l'entreprise qui exécute le projet.

  • Acteurs qui travaillent directement sur le projet

Le chef de projet (ou le directeur) , le contrôleur de projet, des employés de l'entreprise, des intérimaires ou des entreprises chargées d'un groupe de tâches.

1.2.2.2 Types de contrats

  • Le contrat au forfait
  • ( ou contrat à prix forfaitaire) qui lie l'entreprise exécutante par une obligation de résultat.

  • Le contrat en dépenses contrôlées
  • ( ou contrat en régie) qui permet à l'entreprise exécutante de répercuter les dépassements de coûts sur le maître d'ouvrage.

 

2. chapitre 2 : L'Ordonnancement du projet

Les différentes techniques utilisées :


2.1 Le problème posé


2.1.1 Introduction

Le projet se décompose en un certain nombre d'opérations élémentaires désignées sous le nom de tâche ou d'activité qui se caractérisent par un début et une fin clairement identifiables et consommes des ressources. A l'exception :

Ces tâches sont souvent repérées par un code et sont listées dans un tableau qui comporte en outre la durée d'exécution de la tâche et, le cas échéant, la désignation de la tâche (ou des tâches) qui la précède immédiatement (ancêtre(s) ou antécédent(s)) . A contrario, descendant ou successeur désigne la tâche suivante. Elles ne sont pas utilisables dans n'importe quel ordre.

Tâche

Désignation de la tâche

Durée

Ancêtres

A

Terrassement

5

-

B

Fondations

4

A

C

Charpente verticale

2

B

D

Charpente de la toiture

2

C


2.1.2 Typologie des problèmes d'ordonnancement de projet

Quatre éléments sont à prendre en compte pour comprendre que plusieurs formalisation du problème sont possibles et que la définition retenue pour un problème peut impliquer que l'utilisation de certains logiciels soit exclue.

2.1.2.1 Le critère à optimiser

Pour choisir entre plusieurs solutions d'ordonnancement, il faut disposer d'un critère d'évaluation parmi les deux familles suivantes :

2.1.2.2 La prise en compte explicite de toutes les contraintes

Il existe trois autres classes de contraintes :

  • Les contraintes potentielles

Elles peuvent être de deux sortes :
- Les contraintes d'antériorité selon laquelle une tâche j ne peut commencer avant qu'une tâche i ne soit achevée.
- Les contraintes de localisation temporelle impliquant qu'une tâche donnée i ne peut débuter avant une date imposée ou qu'elle peut s'achever après une date imposée (cas des jalons).

  • Les contraintes cumulatives

Elles imposent la prise en compte :
- de la disponibilité datée de différentes ressources non stockables (heures de travail du personnel ou d'équipement) qui sont perdues si elle ne sont pas utilisée au cours de cette période.
- et de leur consommation datée par tâches dans la recherche d'un ordonnancement.

  • Les contraintes disjonctives

Elles imposent la non-réalisation simultanée de deux tâches (interdictions de réalisation simultanée liées, par exemple, à des raisons de sécurité ou de manque de place pour exécuter simultanément plusieurs tâches en un même endroit).

2.1.2.3 Le caractère certain ou non des données utilisées

Le problème posé se caractérise par la prise en compte de données numériques relatives aux durées associées aux différentes tâches et à leurs consommations de différentes ressources. Malheureusement, hypothèse de travail pas toujours réaliste.

2.1.2.4 La méthode de résolution retenue

Si l'on se place en univers certain et si l'on prend en compte toutes les catégories de contraintes, le problème posé peut s'écrire sous la forme d'un programme linéaire en nombre entiers.
Pour les problèmes simples (univers certain, prise en compte des seuls contraintes d'antériorité et critère de la minimisation de la date d'achèvement du projet), un algorithme optimal simple à mettre en œuvre existe.
Pour les problèmes plus complexes, comme il n'existe pas d'algorithme généraux capable de résoudre rapidement de tels des problèmes, il sera nécessaire de mettre en œuvre des heuristiques pour proposer une solution, mais sans pouvoir garantir son optimalisé.


2.2 Recherche d'un ordonnancement (cas de l'univers certain)


2.2.1 Recherche d'un ordonnancement avec prise en compte des seuls contraintes potentielles

La résolution de cette classe de problème s'obtient par l'utilisation d'une représentation graphique du type potentiel-Tâches (réseau logique ou graphe logique) qui se caractérise par la visualisation des tâches dans des cartouches en représentant la contrainte d'antériorité entre deux tâches par une flèche orientée dans le sens "ancêtre-descendant". Cette approche est plus connue sous le nom de PDM (Precedence Diagramming Method).

2.2.1.1 Recherche d'une solution optimale par la méthode Potentiel-tâches

Cette recherche s'appuie sur des tableaux de calculs associés aux différentes tâches d'un projet. Ces calculs s'effectuent dans un ordre qui prend en compte les relations d'antériorité entre tâches. Démarche méthodique :

  • Classement des activités par niveaux

Le niveau d'une tâche correspond au plus grand nombre de tâches rencontrées sur un même itinéraire depuis le début du projet, plus un, ce qui revient à compter le nombre maximal de "générations" jusqu'à cette tâche.
L'algorithme de traitement est le suivant :
- On place au premier niveau les tâches qui n'ont aucun ancêtre et on raye ces tâches de la liste des tâches.
- On raye, dans la colonne des ancêtres, les tâches qui viennent d'être affectées au dernier niveau analysé; Les tâches du nouveau niveau sont les tâches non rayées de la colonne des tâches qui n'ont plus d'ancêtre, puis sont rayées à leur tour dans la colonne tâches, si il reste des tâches non rayées dans la colonne des tâches, on repart à l'étape 1, sinon la décomposition en niveau est terminée.

Ancêtre

Tâche

Niveau 1

Niveau 2

Niveau 3

Niveau 4

Niveau 5

-

A

A

 

-

 

-

 

-

 

-

A

B

-

 

B

 

-

 

-

 

-

B

C

-

 

-

 

C

 

-

 

-

C

D

-

 

-

 

-

 

D

 

-

D,F

E

-

 

-

 

-

 

-

 

E

C

F

           

F

 

-

  • Le graphe Potentiel-Tâches

Il se construit en visualisant chaque niveau par une bande verticale et en plaçant, dans chaque niveau, les tâches de ce niveau, puis, en visualisant les contraintes d'antériorité par des flèches (pointe à droite de son origine).
Le début et la fin du travail sont repérés par des traits verticaux.

Niveau

1

2

3

4

5

 

 

Début

 

         

 

Fin

  • Recherche du chemin critique

C'est l'itinéraire qui permet d'aller du début du projet à la fin du projet en mettant le temps le plus élevé possible (cumul des temps opératoires des tâches rencontrées sur ce chemin).
- Conventions de repérage classique : La programmation d'un projet, pour être intelligible par tous, doit être présentée en utilisant les conventions calendaires classiques (Jour-mois-année).
- Ordonnancement au plus tôt : Le calcul de fin de réalisation au plus tôt des tâches s'effectue progressivement en analysant les tâches du niveau 1, puis celles du niveau2, ….jusqu'à celle du dernier niveau.
- Calcul des dates au plus tard de réalisation des tâches et ordonnancement au plus tard : Dès connaissance de la durée minimale d'exécution du projet, ce calcul s'effectue progressivement en remontant le temps, c'est à dire en traitant les tâches du dernier niveau, jusqu'à celle du premier niveau.

  • Les notions de marge libre et de marge indépendante d'une tâche

- La marge libre est égale à la différence entre la date de début au plus tôt du descendant (ou la plus précoce de ces dates si la tâche a plusieurs descendant), moins 1, et sa date de fin au plus tôt. (la différence doit être positive sinon nulle).
- La marge indépendante est égale à la différence entre la date de début au plus tôt du descendant (ou la plus précoce de ces dates si la tâche a plusieurs descendant), moins 1, et sa date de fin au plus tard de son ancêtre augmentée de la durée de la tâche. (la différence doit être positive sinon nulle).

  • Programmation effective du projet

Elle s'effectue en fonction des principes généraux suivants :
- Programmer au plus tôt les tâches non critiques afin d'obtenir des marges totales suffisantes pour absorber d'éventuels aléas.
- La date d'acquisition de certaines ressources spécifiques peut être conditionnée par la date de programmation de la tâche.
- Les marges libres sont utilisables de façon discrétionnaire mais l'utilisation de la partie non libre d'une marge ne l'est pas. Elle modifie la date de début au plus tôt du descendant direct.

  • Présentation des résultats

La présentation de résultats sur un graphique de GANTT s'avère être l'un des meilleurs outils de communication avec les opérationnels en permettant de visualiser des avancements (analyse comparative) et de faire comprendre facilement les concepts de marge.
Il permet de mettre en évidence , tâche par tâche :
- le temps consommé,
- le temps restant à consommer,
- les dépassements éventuels.

A - Terrassement

     

B - Fondations

     

C - Charpente verticale

     

D - Charpente de la toiture

     

E - Couverture

     

2.2.1.2 Etablissement du graphe Potentiel-Etapes (graphe PERT)

Dans ce type de représentation, les sommets du graphe représentent le début possible d'exécution d'une tâche (ou de plusieurs tâches) et correspond à une étape dans la réalisation du projet.

Cette méthode de planification permet de coordonner les tâches qui doivent être réalisées pour atteindre les objectifs du projet. Elle donne des renseignements sur le degré d'incertitude de réalisation du projet dans les délais souhaités et aide le chef de projet a prendre, ou a faire prendre, les décisions d'arbitrage : sur les tâches, les délais et sur les moyens.

2.2.1.3 Comparaison des deux approches

Ces deux approches fournissent les mêmes résultats mais la méthode Potentiel-Tâches est plus facile à utiliser pour quatre raisons :
- Le graphique est plus lisible par un non spécialiste (visualisation d'informations)
- L'introduction de Tâches fictives accroit le nombre de tâche (alourdit PERT)
- Permet de travailler directement à différents niveaux d'agrégation de tâches
- Permet très facilement de modifier le problème initial par adjonction ou suppression de tâches et/ou de contraintes, alors que la méthode potentiel-Etapes conduit, dans ce cas, à des adjonctions et/ou suppression de tâches fictives, ce qui induit des problèmes évidents sur le plan de la représentation graphique.


2.2.2 Recherche d'un ordonnancement avec prise en compte de toutes les contraintes dans un univers certain.

L'introduction de contraintes cumulatives (et disjonctives) étant inévitable, il reste a définir le critère que l'on veut privilégier.

2.2.2.1 Critère de la minimisation de la durée d'achèvement du projet

La recherche d'un ordonnancement des tâches respectant les contraintes d'antériorité et les contraintes cumulatives en utilisant ce critère se nomme le nivellement. Deux famille d'approches sont utilisées :

2.2.2.2 Critère de lissage charge de ressource(s)

  • Le lissage à durée minimale d'exécution du projet

Un ordonnancement de projet respectant les contraintes cumulatives et s'exécutant sur une durée minimale donnée n'est généralement pas unique.
Le lissage est alors conçu comme le processus de recherche de l'un de ces ordonnancements alternatifs conduisant à une utilisation plus régulière d'une ressource donnée.

  • Le lissage à durée quelconque d'exécution du projet

Le lissage de la charge d'une ressource sur la durée du projet conduit à calibrer la ressource à un niveau différent de celui initialement prévu et à couvrir les dépassements par des acquisitions ponctuelles.


2.3 Révision de la formulation du problème

Il convient d'aborder conjointement formulation et résolution du problème, du fait de la forte interaction entre eux.
Les révisions de la formulation du problème peuvent avoir diverses origines :

L'étude manuelle du problème devient vite difficile lorsque l'étude porte sur plusieurs dizaines de tâches. Le problème peut se formuler comme un programme linéaire paramétré qui peut se résoudre en faisant appel a un algorithme de Fulkerson, beaucoup plus rapide dans certains cas que l'algorithme général du simplexe.
La durée normale d'exécution d'une tâche est en réalité un temps estimé en fonction de moyens mis en œuvre. Si l'on est en mesure de calculer le manque à gagner associé à tout retard pris par rapport à la solution d'une durée minimale, on peut calculer une durée optimale de réalisation du projet en cherchant à minimiser la somme du coût d'accélération du projet et de la pénalité financière représentée par le manque à gagner.

 

3. chapitre 3 : L'analyse du projet

L'analyse du projet est un processus itératif que l'on retrouve :
- lors de la phase de lancement du projet, pour affiner progressivement l'analyse du projet et trouver une solution viable,
- périodiquement, en cours d'exécution du projet, lorsque les modifications de l'environnement et du niveau de connaissance ou le constat de dérives importantes par rapport à ce qui était prévu conduisent à réviser l'analyse antérieure.
Cette analyse porte sur la définition du projet et se traduit par une liste de tâches et de contraintes reflétant de manière plus ou moins correcte une réalité complexe.
Les objectifs du projet se déclinent en termes de délais, de performances techniques et de coûts.


3.1 La définition du projet

Un projet se définit de manière progressive, sur la base d'objectifs de performances techniques, de délais et de coûts (révisables au départ pour des raisons de cohérence) et d'une certaine appréciation des risques encourus.


3.1.1 Structuration hiérarchisée du projet

3.1.1.1 L'organigramme technique

L'analyse d'un projet de type non répétitif et d'une certaine envergure conduit à adopter une approche hiérarchique de définition précise des tâches à exécuter en suivant un raisonnement de décomposition progressive, pour atteindre la plus grande exhaustivité possible et permettre d'assurer la cohérence des actions techniques, documentaires, administrative et financières concernant l'ensemble du programme.
Cette démarche descendante s'appuie sur des considérations qui visent à répondre à des questions du type "quoi ?" ou "Comment ?".

Le nombre de niveaux et la terminologie utilisée pour désigner les tâches des différents niveaux varient selon les entreprises. Le schéma suivant est souvent utilisé dans l'analyse et le suivi de très gros projets :
- niveau 1 : programme
- niveau 2 : projet
- niveau 3 : tâche
- niveau 4 : sous-tâche
- niveau 5 : lot de travaux
niveau 6 : travail élémentaire

la démarche inverse d'agrégations successives est qualifiée de démarche ascendante (bottom up). elle privilégie un point de vue particulier, part d'un niveau de l'organigramme technique et conduit à un nouvel arbre pas forcément décomposé en autant de niveau que l'organigramme technique.

Très souvent, plusieurs logiques ascendantes sont retenues simultanément. Chacune d'elles privilégie un point de vue particulier, part d'un niveau de l'organigramme technique qui n'est pas forcément le plus détaillé et conduit à un nouvel arbre qui ne se décompose pas forcément en autant de niveaux que l'organigramme technique.

Les tâches du projet, définies pour un niveau donné, se caractérisent par des relations d'antériorité qui conduisent à un graphe Potentiel-tâches pour ce niveau; il y aura donc autant de graphes possibles que de niveaux retenus par l'organigramme technique.

 

         
         
         
         


3.1.2 Les phases du projet

Elles correspondent à des groupes homogènes de tâches s'achevant généralement par un jalon où la bonne fin d'un ensemble physique ou d'une étude complexe est attestée.


3.1.3 Problèmes spécifiques posés par la gestion simultanée de plusieurs projets

Trois approches sont possibles pour obtenir des solutions aux problèmes d'ordonnancement posés :
- Classer les projets et les programmer dans cet ordre, en tenant compte des ressources résiduelles laissées par les projets antérieurement programmés.

- procéder à une première allocation de ressources entre les projets, à chercher indépendamment une solution pour chaque problème et à analyser les résultats pour examiner l'intérêt de transfert de ressources datées d'un projet sur un autre.

- considérer le problème d'ordonnancement comme un problème global dont on cherche une solution satisfaisante (prise en compte des contraintes cumulatives).


3.2 La définition technique des tâches et de leurs relations


3.2.1 Les relations entre les tâches

Certaines relations pouvant lier les tâches constituent une limite parfois gênante des approches "habituelles" des problèmes et ne sont pas prises en compte par la quasi totalité des logiciels disponibles.

3.2.1.1 La non prise en compte de certaines relations entre tâches

Il s'agit de prendre en compte les opérateurs logiques ET (ce qui se fait classiquement aujourd'hui) et OU.
L'introduction de la relation d'antériorité de type OU conduit à passer techniquement d'un graphe à un hypergraphe et complique la prise en compte supplémentaire des contraintes cumulatives.

La non prise en compte des relations OU par les logiciels oblige à des acrobaties bien compliquées pour parvenir au même résultat (modification de l'énoncé du problème, recalcule de ces recouvrements).

3.2.1.2 Formulations alternatives du recouvrement

Le chevauchement ou le recouvrement entre deux tâches i et j, telles que i est l'ancêtre de j, consiste à pouvoir débuter j avant que i ne soit achevé, ce qui constitue une dérogation à la définition de la contrainte d'antériorité.
Techniquement, il existe quatre possibilités de définir la relation de précédente entre deux tâches et donc autant de façons de définir le recouvrement entre deux tâches i et j, soit l'usage :

 

Liaison directe fin-début

partir de la date de fin de l'ancêtre

Liaison directe début-fin

partir de la date de début de l'ancêtre

Liaison initiale

relation entre début de l'ancêtre et début de son descendant

Liaison finale

relation entre la fin de l'ancêtre et la fin de son descendant


3.2.2 Interaction possible des définitions des tâches et de relations d'antériorité

Implicitement, dans la définition du problème d'ordonnancement de projet, les relations d'antériorité découlent de la définition des tâches : les exigences techniques liées à l'exécution de la tâche font qu'un certain nombre d'autres tâches doivent être achevés au moment où celle-ci commence.


3.2.3 Les caractéristiques de la tâche

Chaque tâche d'un projet est identifiée en tant que telle parce qu'elle a un rôle à jouer dans l'exécution d'un projet : la non exécution de cette tâche empêche celle de la fin du projet ou compromet l'atteinte de certains de ses objectifs.
Elle se caractérise par un début et une fin clairement identifiés et consomme des ressources qui ont un coût et sont disponibles en quantité limitée. Ce concept de tâche est qualifié de "formulation classique".


3.2.4 Interactions entre la formulation du problème et sa résolution

La gestion d'un projet implique un compromis entre les objectifs de coût , de délai et de performances techniques.
Les mécanismes de rétroaction ne concerne pas seulement la remise en cause de la durée des tâches. C'est un phénomène plus général.


3.3 Le coût du projet

Tout projet génère des dépenses ainsi que, pour certains d'entre eux, des recettes directement imputables au projet.


3.3.1 Durée de vie – cycle de vie

L'analyse en phases du cycle de vie d'un produit s'appuie sur une courbe représentant l'évolution prévisionnelle de ventes d'un produit (axe des ordonnées) par rapport au temps (axe des abscisses), qui est définie sur une période allant de l'introduction du produit à son retrait du marché.
Des décisions prises en début de cycle de vie restreignent la marge de manœuvre
des décisions ultérieures ou contraignent à des coûts additionnels importants pour retrouver une même marge de manœuvre. La connaissance exacte des données du problème croît au cours du temps.


3.3.2 L'analyse des coûts du cycle de vie du produit

Les coûts du cycle de vie d'un produit correspondent à l'ensemble des charges que devra supporter l'entreprise sur la totalité du cycle de vie. Ils comprennent :
- les coûts de recherche et développement
- les coûts d'acquisition de ressources de production
- les coûts de production liés au produit ou aux ressources utilisées
- les coûts de l'après vente qui se poursuivent au delà de l'arrêt de production
- les coûts de retrait du produit.

Cette vision des coûts doit être affinée par une comparaison entre les charges que constate la comptabilité traditionnelle et les charges engagées par des décisions techniques dont les conséquences financières peuvent s'étaler jusqu'à la fin du cycle de vie du produit.
La comparaison du cumul au cours du temps de ces deux grandeurs montre l'importance de leur décalage au cours de certaines phases du projet.

Les techniques de contrôle de gestion classique s'attachent aux charges constatées qui se produisent au cours de la phase de production.
En procédant ainsi, on passe à coté des enjeux économiques les plus important.
Il convient de compléter le contrôle de gestion "classique" par d'autres techniques qui s'attachent aux phases de recherche-développement et d'industrialisation.

Ceci conduit à :
- définir des produits et des processus sur la base des spécifications fonctionnelles du produit et sur un objectif de conception à coût objectif défini sur le cycle de vie
- éviter de gérer de manière autonome chaque phase du cycle de vie et à rechercher une continuité temporelle par une meilleure intégration des services fonctionnels et des données.


3.3.3 La détermination du budget et l'estimation des coûts

L'exécution des tâches du projet est consommatrice de ressources et donc génératrices de charges. Celles-ci sont prises en compte dans le budget du projet.

Le suivi budgétaire impose de connaître, outre l'avancement des tâches, leurs coûts réels, pour être en mesure de détecter d'éventuelles dérives de coût . Il convient alors d'attribuer à chaque tâche un code budgétaire différent sur lequel on imputera les charges que l'exécution de la tâche a entraîner.

Le coût d'exécution d'une prestation de travail peut s'effectuer sur des bases différentes tant en prévision (budget) qu'en exécution (facturation du service prestataire au projet) :
- l'usage d'un taux moyen du service prestataire peut être retenu pour le budget comme pour la facturation, sans se préoccuper de savoir qui est intervenu.
- Le chef de projet doit se battre pour obtenir des gens expérimentés dont le coût effectif est supérieur à la moyenne;
- l'usage du coût réel de la prestation peut être retenu pour le budget comme pour la facturation ; cette solution idéale suppose une prévision particulièrement fine au niveau des ressources;
- l'usage d'un taux moyen du service prestataire peut être retenu pour le budget et celui du coût réel de la prestation, pour la facturation; cette situation intermédiaire est un casse tête pour le chef de projet qui en voulant s'attirer de bons éléments aura un dépassement budgétaire.


3.4 L'initialisation de projets internes d'investissement

Le dossier d'investissement est d'abord instruit à :
- l'échelon local : descriptif technique, argumentaire quantitatif et qualitatif
- l'échelon central : vérifications comptables avec orientations stratégiques


3.4.1 L'analyse physique du projet

3.4.1.1 La genèse du projet

Les trois étapes de l'analyse classique du processus décisionnel décrit par SIMON :
- L'étape d'intelligence initialise le processus par la découverte d'une insatisfaction de l'état actuel ou d'une opportunité intéressante. La formulation du problème se situe à la frontière des étapes d'intelligence et de conception; elle nécessite une bonne compréhension des causes et composantes du problème.
- L'étape de conception met en œuvre des processus d'analyse et d'élaboration de solutions envisageables pour répondre au problème ou à l'opportunité détecté.
- L'étape de choix consiste soit à sélectionner la meilleure des alternatives étudiées (critères d'évaluation), soit à décider d'une nouvelle itération à partir des phases d'intelligence ou de conception.

3.4.1.2 L'analyse des conséquences physiques de l'investissement

Pour analyser un dossier d'investissement, il convient de comprendre les mécanismes de propagation des effets d'un investissement.

  • Le modèle de représentation

Système productif en centres de décision qui s'échange des flux.
Un centre est dirigé par un responsable; il est doté de ressources permanentes de conduite et productives. Il est rattaché hiérarchiquement à un seul centre de décision (la Direction Générale, en dernier ressort).
Les relations qu'entretient un centre de décision avec son environnement sont classées selon six catégories de flux de produits ou d'informations reçus et émis :
La mission, les prestations de services consommées, les informations de gestion reçues et émises et les flux de production entrants et sortants.
En fonction de leur "production", trois types principaux de centres de décisions :
Les centres de décisions producteurs de produits physiques, producteurs d'informations structurelles et les centres prestataires de services.

  • L'analyse d'une décision et de ses conséquences

L'analyse du processus de propagation est initialisée dans le centre de décision qui est le siège de l'investissement. L'analyse des modifications de caractéristiques de flux induites par cette décision conduit à se pencher sur ce qui risque de se passer sur les centres aval ou en amont. Si ces perturbations sont absorbables sans transformation de ressources du centre atteint, l'analyse s'arrête, sinon elle continue.


3.4.2 L'analyse économique du projet

Le dossier d'investissement s'accompagne d'une étude économique chiffrée décrivant les conséquences économiques du projet sous forme d'échéanciers de valeurs allant jusqu'à la fin de l'horizon économique retenu (bilan économique).
La comparaison de plusieurs projets d'investissement conduit à rechercher un indicateur synthétique par l'actualisation du bilan économique (bilan actualisé).
Le calcul du bilan actualisé pose trois catégories de problème :
- La détermination des Flux Nets de Trésorerie d'un projet (FNT)
- Le calcul d'un indicateur synthétisant l'ensemble de ces FNT (somme de ces FNT, pondérés par un coefficient d'actualisation (FNTA ou VAN :valeur actuelle nette)
- La prise en compte de l'inflation, selon l'indice de prix retenu.

Le bilan effectué est nécessairement un bilan différentiel qui oblige à bien spécifier une solution de référence. L'analyse d'une décision managériale doit s'effectuer par comparaison à une décision alternative que l'on considère comme solution de référence.
Les éléments à prendre en considération s'appuient sur l'analyse physique des conséquences du projet d'investissement mais aussi du point de vue économique retenu qui conduira à ne pas valoriser de la même façon ces conséquences physiques.

F Quelle que soit la technique utilisée pour évaluer les conséquences financières du projet, celles-ci peuvent être décrites par leurs incidences sur les comptes de résultat et sur les bilans comptables. La longueur de la période retenue joue un rôle important car sa plus ou moins grande amplitude autorise ou non des compensations entre flux de sens contraire. Les flux de trésorerie sont liés à des opérations d'investissement/financement et à des opérations d'exploitation, ce qui sur le plan comptable se traduit par des mouvements du compte de résultats et des variations de postes du bilan.
En pratique, il est conseillé d'isoler les variations consécutives à chaque décision et notamment de dissocier les projets d'investissement, des projets de financement.

 

4. chapitre 4 : le suivi du projet au cours de son evolution

Le suivi consiste toujours en une phase d'analyse et de diagnostic qui débouche sur des actions destinées à rapprocher le réel du prévisionnel. Le suivi doit donc comporter une évaluation périodique de l'évolution de ces risques.

  • Problèmes liés aux informations utilisées


4.1 Le suivi de la programmation

Le suivi du projet s'exerce de manière détaillées et synthétique. Les diagnostics qui en découlent ne peuvent être isolés des diagnostics de respect de performances techniques et du diagnostic budgétaire, compte tenu de la forte interdépendance de ces objectifs.


4.1.1 Le suivi détaillé de l'exécution de tâches

Les logiciels commercialement disponibles permettent tous le suivi d'exécution d'un projet. Les informations relatives au lancement effectif des tâches et celles relatives à leurs achèvements. Tout écart par rapport au prévu déclenche immédiatement un recalcul des dates et des marges pour les tâches en cours ou non encore exécutées.


4.1.2 Le contrôle "global" de l'exécution d'un projet

Le suivi individuel de chaque tâche est indispensable pour réagir de manière efficace dans la réorientation des moyens et des priorités.


4.2 Le suivi des coûts

Le suivi des coûts implique que le travail d'analyse opéré avec l'organigramme technique ait conduit à une évaluation des coûts des tâches.
Cette évaluation peut être le fruit d'un calcul tenant compte du montant des ressources consommées et de leurs coûts unitaires. Elle peut être aussi le résultat d'une estimation empirique. Il convient de saisir les données (quantités et/ou coûts unitaires) différentes des valeurs prévues et l'estimation finale de la dépense réelle. ce travail s'ajoute au suivi de l'avancement des tâches mais il est nécessaire pour que le contrôle des coûts ait un sens. La conception des logiciels peut faciliter le travail des utilisateurs ou au contraire, le compliquer au point que le suivi s'effectue avec retard et s'appuie sur des données partiellement mises à jour.


4.2.1 Le contrôle de gestion

Dans la gestion de projet, il est aussi important de maîtriser les coûts que de respecter les échéances et les performances techniques. Un système de surveillance doit donc être mis en place en partant de données de référence pour analyser ce qui à été exécuté.

4.2.1.1 Les données de référence

- Le budget initial est celui qui est défini lors du lancement du projet (charges et recettes initialement prévues jusqu'à la fin du projet plus une provision pour imprévus).
- L'échéancier précis de consommation de ce budget en fonction de la programmation prévisionnelle du projet.

Répartition de la valeur de consommation des ressources utilisées par une tâche qui s'étale sur une certaine période : 3 solutions possibles
- La répartition uniforme du coût de la tâche sur chaque période élémentaire durant laquelle la tâche est exécutée.
- La répartition de la dépense globale sur chaque période élémentaire durant laquelle la tâche considérée est exécutée
- L'imputation de la moitié du coût de la tâche à son début d'exécution et le solde à sa fin.

Révision de certains objectifs, moyens mis en œuvre et budget du projet (modification du référentiel ) :
- à la date initiale de fin de projet se substitue la date révisée
- au budget initial se substitue le budget à date
- coût prévisionnel réestimé

4.2.1.2 L'analyse de l'exécution du projet

Cette analyse s'appuie sur la prévision de la consommation progressive du budget à date.

  • Les grandeurs à comparer

Il s'agit de comparer respectivement ce qui est prévu (budget encouru : Coût budgété du travail prévu) et ce qui est réalisé (coût encouru : coût réel du travail effectué CRTE) au coût budgété du travail effectué (CBTE : Valeur budgétaire du travail réalisé ou Valeur acquise = valorisation des tâches effectuées par leurs coûts prévisionnels définis dans le budget à date)

  • L'analyse de l'écart de planning

Ecart de planning = Coût budgété du travail réalisé – budget encouru porte sur des consommations de budget valorisées aux même coûts d'utilisation de ressources.
C'est un indicateur exprimé en valeur; son signe permet d'indiquer si l'on est en avance ou en retard, mais difficilement d'en apprécier l'importance.
L'usage complémentaire d'un indicateur en valeur relative permet de mieux apprécier l'importance du retard ou de l'avance diagnostiqué :

Ecart de
planning
relatif
écart de planning  coût budgété du travail réalisé – budget encouru
 = ----------------------- = ----------------------------------------------------------
budget encouru 

budget encouru

  • L'analyse de l'écart de coût

Ecart de coût    = Ecart de performance
   
                     = coût budgété du travail réalisé – coût encouru
L'indicateur de l'écart de coût mesure la dérive budgétaire.
Cette différence a pour origine des variations de coût de réalisation des tâches dues a :
- des variations de consommations de ressources utilisées (variation du travail requis, variation des pertes de matières,..)
- des variations de coût de ces ressources (variation de l'importance relative des heures supplémentaires, variation de conditions d'achat de matières, changement de sous-traitance,..)
On complète cette information par un indicateur en valeur relative qui permet de mieux apprécier l'importance de l'enjeu par rapport au projet :

Ecart de
coût
relatif
écart de coût  coût budgété du travail réalisé – coût encouru
  = ----------------------- = ----------------------------------------------------------
coût budgété du travail réalisé 

coût budgété du travail réalisé


4.2.2 Les limites du suivi par la comptabilité analytique

Les nomenclatures comptables par nature s'avèrent insuffisantes lorsqu'un même fait générateur a des incidences sur plusieurs comptes.
Deux solutions possibles :
- accroître le détail des nomenclatures
- Utiliser l'informatique de gestion en s'appuyant sur une base de données relationnelle autorisant des contrôles spécifiques librement définis par le contrôleur de projet, tout en respectant la comptabilité analytique.
Chaque dépense liées à une tâche d'un projet est rattachée à un compte de la
comptabilité analytique et également à un code exclusif spécifique de la dépense.

 

5. chapitre 5 : la prise en compte du risque dans la gestion du projet

Le risque est la possibilité qu'un projet ne s'exécute pas conformément aux prévisions de date d'achèvement, de coût et de spécifications, ces écarts par rapport aux prévisions étant considérés comme difficilement acceptables voir inacceptables.
Cette prise en compte du risque peut s'effectuer lors de la définition du projet ou en cours d'exécution du projet.
Deux familles d'approches sont utilisées pour tenter de réduire et de maîtriser les risques encourus par un projet.


5.1 L'approche quantitative du risque

Elle repose sur une vision stochastique du problème. Elle est orientée vers la quantification de la dispersion de la réalisation prévisionnelle d'un objectif quantifié de durée ou de coût.
Le risque pris en compte est celui de ne pas tenir les délais et celui d'un dépassement budgétaire.


5.1.1 L'approche quantitative du risque – délai

5.1.1.1 Définition de la distribution statistique de la durée d'une tâche

Il s'agit de déterminer pour une tâche, la loi de probabilité vraisemblable et la valeur des paramètres la caractérisant.

  • 1ère méthode : Distribution statistique empirique

Il s'agit de poser des questions en prenant des valeurs croissantes ("quelle est la probabilité pour qu'une tâche mette plus de x jours ?")
On obtient une fonction de répartition de la durée d'exécution de la tâche.

  • 2ème méthode : Distribution statistique théorique

Elle consiste à privilégier une distribution statistique donnée.
- Cas d'une distribution unimodale : Détermination de ses paramètres des distributions statistiques dont la triangulaire est reconnue d'un très grand intérêt pratique compte tenu du caractère très intuitif des informations que l'on peut recueillir auprès des experts (Mode Mo, valeurs extrêmes A et B).
- Cas d'une distribution uniforme (toutes les valeurs possibles comprises entre une valeur minimale A et une valeur maximale B sont équiprobables).

5.1.1.2 L'approche classique (Clark 1962)

Cinq principes :
- la durée de chaque tâche du projet est considérée comme aléatoire et la distribution statistique "Béta" est utilisée (F(x<A)=0 et F(x>B)=1.
- Le chemin critique est déterminé en se plaçant en univers certain et en utilisant les durées moyennes.
- En univers aléatoire la durée du projet est considérée comme la somme des durées des tâches du chemin critique.
- La loi de distribution de probabilités est approximée de la durée d'exécution du projet (théorème de la limite centrale = loi normale si suivie par la somme d'un grand nombre de variables aléatoires indépendantes).
- L'espérance mathématique (ou la variance) de cette loi se calcule comme la somme des espérances mathématiques (ou des variances) de chaque durée des tâches du chemin critique.
- La connaissance de la loi de la durée du projet permet de calculer des intervalles de confiance ou la probabilité qu'une durée donnée soit dépassée.

5.1.1.3 L'approche simulatoire

L'ordonnancement est une simulation sur la base d'un scénario privilégié pour chacune des tâches.

  • La méthode Monte-Carlo (MC)

Elle permet d'explorer plusieurs ordonnancements combinant des scénarios différents pour les tâches du projet et conduit à une analyse probabiliste de certaines informations comme la durée du projet ou la probabilité qu'une tâche a d'être critique. Ses Principes :
- connaître la fonction de répartition de la variable X (durée d'une tâche, le coût d'un contrat de sous-traitance, etc…).
- disposer d'une table ou d'un générateur de nombres au hasard (permet de simuler des valeurs équiprobables de probabilités cumulées).
Il s'ensuit que si l'on dispose de K valeurs équiprobables de probabilités cumulées P(X<Xk), k variant de 1 à K, on dispose également, grâce à la fonction de répartition de K valeurs équiprobables Xk.

  • L'approche simulatoire du délai d'exécution du projet par la méthode MC (Van Slyke 1963)

Une fois connues les distributions de probabilités, il ne reste plus qu'à utiliser les méthodes classiques de Monte Carlo pour obtenir par simulation des durées des différentes tâches. L'analyse d'un grand nombre de simulations globales du projet permet de tirer des enseignements généralement impossibles à obtenir de manière analytique.

5.1.1.4 Intérêts et limites de l'approche quantitative du risque-délai

- En focalisant l'attention presque exclusivement sur les risques mettant en péril l'objectif de délai, on perd de vue les autres objectifs (ceux de coût et de respect de performances) ainsi que l'importance de la gestion des ressources censées s'adapter aux besoins.
- En l'absence d'analyse causale sous jacente, le gestionnaire ne dispose d'aucun guide pour l'action (l'absence d'outils fait reposer cette gestion du risque exclusivement sur la compétence, l'intuition et la disponibilité des gestionnaires de projet).


5.1.2 L'approche quantitative du risque – coût par la méthode Monte-carlo

La méthode Monte-carlo peut être utilisée en matière de coût prévisionnel.
Il est demandé périodiquement aux responsables des tâches, la fourchette de valeurs extrêmes et la valeur la plus probable du coût de chaque tâche dont ils ont la responsabilité et qui n'est ni commencée ni achevée.
L'usage périodique de cette approche permet de sensibiliser les acteurs du projet à une approche moins déterministe des problèmes budgétaires et d'avoir une vision plus réaliste des risques de dépassement budgétaires.


5.2 L'analyse qualitative du risque

Cette approche permet de comprendre les causes possibles de dérapage des délais et donc de mieux prévenir ou de réagir.
Elle tente de structurer le raisonnement à l'aide de liste de contrôle (check-list) qui permettent un diagnostic plus rapide et plus sur. Aussi, la gestion d'un projet passe par une phase de préparation au cours de laquelle le travail a exécuter est techniquement défini, sur la base d'un certain nombre d'hypothèses de travail, et un ordonnancement arrêté, puis par une phase de réalisation au cours de laquelle la programmation est mise en œuvre. Les problèmes alors rencontrés en cours d'exécution conduiront assez souvent à une révision de l'analyse du projet et donc à un bouclage sur la phase de préparation.


5.2.1 Les risques encourus en phase d'élaboration du projet

Lors de la phase prévisionnelle, le responsable du projet et son équipe définissent d'une part, le travail à exécuter conditionné par des facteurs internes et externes à l'entreprise et, d'autre part, les ressources à mettre en œuvre à cet effet.

5.2.1.1 Les risques "internes" encourus lors de la définition des spécifications

  • Imprécision des tâches

Lors d'études préliminaires d'un projet, les informations peuvent n'être toujours pas précises sur un certain nombre de caractéristiques fondamentales (liste des tâches à réaliser, durées associées aux différentes tâches, consommation de ressources humaines et matériels, critères de qualité,…).

  • Incohérence des cahiers de charges du projet

Le cahier des charges d'un projet spécifie ses objectifs principaux et les moyens qui lui sont alloués mais il ne garantit pas la cohérence entre objectifs et moyens qui ne peut que résulter d'un processus itératif entre les différentes parties prenantes d'un projet. L'information échangée n'a pas un rôle technique et les effets pervers de ces transactions informationnelles peuvent exister (date d'achèvement trop optimiste, budget insuffisant, ressources sous estimées,...).

  • Manque de maîtrise des processus de développement et de suivi des projets

Le contexte organisationnel est un facteur d'accroissement ou de réduction des risques encourus.

5.2.1.2 Les risques "externes" encourus lors de la définition des spécifications

L'anticipation de la demande comporte des paris et implique une prise de risques :

5.2.1.3 Les risques liés à la prévision d'utilisation de ressources

L'environnement juridique et réglementaire conditionne l'usage des ressources en personnel (convention collectives, etc..) et équipements (normes de sécurité, etc..) induisant des risques réglementaires, variables selon le pays où la production est effectuée.
La programmation d'un projet conduit à une charge prévisionnelle pour les différentes ressources mobilisées. Des paris sont donc faits sur le potentiel productif disponible et la façon de résoudre les conflits éventuels.
L'inexistence de structure d'arbitrage explicite et de procédures formelles permettant d'anticiper les conflits accroît les risques encourus. En toute rigueur, la programmation prévisionnelle implique un ajustement charge-capacité et une allocation initiale de moyens à un projet.


5.2.2 Les risques encourus en phase d'exécution du projet

En cours d'exécution du projet, des événements défavorables (prévus ou non) peuvent compromettre les objectifs du projet. Les risques encourus tiennent à :


5.2.3 La prise en compte du risque

Les risques encourus différent selon la phase où l'on est.
En phase d'élaboration : des stratégies de diminution peuvent être mises en œuvre.
En phase d'exécution : la gestion du risque passe par une organisation de la réactivité.

5.2.3.1 La diminution du risque en phase d'élaboration

C'est fonder la préparation et la coordination du travail à venir, sur des hypothèses qui ont d'avantages de chances de s'avérer fondées, en tenant compte également de l'occurrence possible de quelques scénarios alternatifs.

Deux stratégies peuvent être utilisées :

  • L'amélioration du niveau de l'information

Le nombre, la qualité et la pertinence des informations relatives à des tâches restant à exécuter s'améliorent au fur et à mesure que la projet avance

  • L'externalisation des risques

Elle consiste à définir précisément quels sont les risques que l'entreprise accepte d'assumer elle-même et ceux qu'elle désire transférer sur d'autres agents économiques.

5.2.3.2 L'organisation de la réactivité

C'est la capacité à modifier rapidement la définition du projet pour tenir compte d'informations nouvelles remettant en cause de manière significative des hypothèses de travail sur lesquelles la programmation courante est fondée. 
(ressources disponibles, le contenu des tâches, les liens entre les tâches et le délai admissible d'exécution du projet).
Il se posent des problèmes relatifs non seulement à la définition des actions à entreprendre mais aussi à l'organisation à mettre en place.

  • Réactivité par modification de la définition du projet

Un projet peut être modifié sous la pression des événements mais il peut l'être aussi à la suite d'informations nouvelles qui conduisent le responsable du projet à modifier la solution retenue pour apporter une réponse satisfaisante à des problèmes que l'on a su anticiper, plutôt que de réagir à des problèmes subis.

  • La réactivité par anticipation

Le contenu de certaines tâches éloignées peut être conditionné par certains choix techniques effectués à l'occasion de l'exécution de tâches plus proches. Dès qu'ils sont connus, il convient de mettre à jour de ces tâches. Les nouveaux besoins qui en découlent peuvent nécessiter une nouvelle programmation du projet (dont ressources en hommes, équipements et matières).

  • La réactivité par adaptation aux dérives constatées

On peut réagir aux imprévus :
- En réajustant les objectifs qu'on s'était fixés initialement, afin qu'ils restent
réalistes et acceptés de tous (dates butoirs, niveau de qualité, coût du projet, modifications de la liste des tâches, de leurs liens et de leur contenu)
- En mobilisant momentanément des ressources additionnelles (internes et/ou externes)

  • Réactivité organisationnelle

Il convient de modifier, d'adapter les structures organisasionnelles existantes pour qu'elles deviennent plus efficaces et qu'elles réagissent plus rapidement par :
- l'acquisition collective d'une certaine compétence en matière de gestion du risque (capitalisation du savoir faire)
- la mise en place de véritables structures de gestion de projet, de procédures de circulation de l'information fiable et rapide
- la mise en place d'une dynamique de groupe.


5.2.4 Utilisation des grilles d'analyse qualitative du risque

Il est intéressant de noter qu'à partir de grilles d'analyse qualitative du risque non dédiées, des diagnostics techniques précis ont pu être établis, conduisant à l'identification de risques importants non perçus et à la transformation des projets pour en limiter les probabilités d'occurrence.
(Voir Allançon, Courtot, Lalande, Giard & Vergnenègre " Grilles d'analyse du risque : fondements et expérimentation, AFITEP (Paris, 1991) )

 

6. F - Actualité de la question
(Articles ECHOS 21/12/1999, ARGUS 26/05/2000, TRIBUNE 06/11/2000)

Limité dans le temps, axé sur un objectif précis et nouveau, pluridisciplinaire, un projet est tout le contraire d'une activité répétitive liée à la continuité d'un service, à une production en série, à un cycle de développement tâche après tâche. Il exige un pilotage exceptionnel, qui sort du cadre d'une organisation hiérarchisée par métiers et fonctions, et nécessite de se doter d'un ensemble de méthodes, de moyens et de compétences dédiées le tout dans un schéma stratégique bien défini, et avec des délais impartis. Le management de projet est un véritable défi pour une entreprise.

Dans certaines activités, manager des projets est un classique. Chez Total, la construction d'installations d'extraction se gère depuis les années 60 en regroupant les équipes, les budgets et les contracteurs (maîtres d'œuvre) autour du projet, pour une période de trois à quatre ans. L'ingénierie, les grands travaux ne procèdent pas autrement. Mais cette approche se répand aujourd'hui dans tous les secteurs, en réponse aux pressions du marché : il faut aller plus vite, anticiper les attentes du client et donc gagner en compétitivité par une innovation incessante, tout en maîtrisant ses coûts. Renault en est le célèbre précurseur avec la Twingo, première voiture conçue par une équipe « commando ». Révolution culturelle ? Lancer un nouveau produit ou service, réorganiser, fusionner, mettre en place les 35 heures, explorer une idée de recherche : «Toutes les activités se prêtent au management de projet, dans la mesure où c'est un mode d'organisation plus efficace», commente Bernard Broisin-Doutaz, délégué général de l'Afitep (Association francophone de management de projet). «C'est un mode de fonctionnement plus entrepreneurial que gestionnaire», explique Jean-Pierre Tasseau, de Dassault Aviation, dans un ouvrage du Mouvement français pour la qualité .

Depuis le début des années 90, la mise en place progressive d'une organisation par projets a permis à Essilor «de diviser, parfois par trois, le délai de lancement des produits», témoigne Christian Bovet, directeur des projets pour les produits ophtalmiques du groupe. Réunir diverses disciplines sur une mission ciblée, de façon interactive, avec des méthodes et des outils autonomes, facilite et accélère l'atteinte de l'objectif. «Nous ne concevons que des produits innovants, illustre Sophie Bougaret, directeur des projets chez Biovector, une start-up des biotechnologies. Nous travaillons avec une incertitude importante. Seule une approche transversale, par projet, permet alors d'avoir une bonne vue d'ensemble des stratégies à suivre, face à des recherches très spécialisées dans leur domaine respectif. En outre, un projet fédère et évite les découragements en fixant des jalons.»

1- Edicter des règles

Le management de projet est loin d'être un rassemblement de spécialistes autour d'un cahier des charges. A telle enseigne qu'il justifie fréquemment la création d'une fonction appropriée cellule d'appui, direction des projets qui a vocation à édicter les règles, à épauler les chefs de projet et à susciter l'adhésion interne. «Après avoir réalisé une étude européenne des meilleures pratiques de conduite de projet, nous nous sommes bâti notre propre méthode», explique Isabelle Brault, responsable qualité chez Storagetek, filiale toulousaine d'une société américaine de stockage de données. Nombre d'entreprises écrivent noir sur blanc les « règles », comme la RATP qui a diffusé un « guide de qualité » de la gestion de projet diffusé à plus de 1.000 exemplaires. Essilor a rédigé les principes d'un «système contractuel» qui définit les liens entre les commanditaires internes et les maîtres d'œuvre, les opérationnels du projet. Mais si, du petit projet au gros chantier comme le TGV de Corée, fabriqué par Alstom, le degré de complexité du «chantier» change, les principes restent : manager un projet avec efficacité tient aussi bien à la méthode adoptée qu'à la qualité des équipes constituées. De multiples étapes doivent être balisées avec soin : planifier le contenu et les ressources, analyser les risques, mettre en place les outils d'information, de reporting, mesurer graduellement l'évolution des « travaux », définir les critères de constitution des équipes, préciser les rôles de chacun, organiser la relation entre le projet, l'entreprise et les maîtres d'œuvre externes ou internes. «Un projet fonctionne comme une PME», résume Dominique Simonneau, qui, chez Alstom, a été directeur-adjoint du projet TGV de Corée et chapeaute aujourd'hui les directeurs de projet de la branche transport systèmes du groupe.

2- Hiérarchie bousculée

Mais au-delà des outils mis en place, c'est la qualité des équipes qui conditionne largement la réussite. «Près de 50 % des grands projets ne donnent pas les résultats escomptés, bien souvent parce que le facteur humain a été sous-estimé au profit des données financières, technologiques et stratégiques», avance Marc Tempestini, consultant du cabinet CSC Peat Marwick. Le travail par projet est certes motivant, mais il modifie le fonctionnement des entreprises : son approche transversale bouscule le système hiérarchique, de nouveaux profils apparaissent dans les organigrammes. Première règle d'or : «Fixer le champ des responsabilités de chacun», souligne Sophie Bougaret. Car l'écueil le plus couramment évoqué est celui des rapports de pouvoir entre le chef de projet et les responsables de métier dans l'entreprise : équipe projet et patrons de métier sont étroitement imbriqués, ces derniers étant chargés d'affecter des collaborateurs et de fournir au projet l'expertise dont il a besoin.

Résultat : «Un bouleversement de la mission des responsables de métier, explique Serge Cado, du cabinet Insep Consulting. Ils ressentent souvent un sentiment fort de perte de pouvoir au profit des projets.» Il y a ainsi conflit d'intérêts lorsque le patron d'une activité se voit privé de certains collaborateurs pour les besoins du projet, voire de plusieurs projets concomitants, alors même que leur travail lui paraît essentiel au sein de son service. «En outre, l'ingénieur affecté au projet peut avoir une attitude ambiguë à cet égard : son avancement dépend avant tout de son responsable hiérarchique et non du projet», ajoute Pierre Griffe.

3- « Les héros de l'entreprise »

Pour contourner cet effet pervers, des entreprises comme Essilor ou Storagetek réfléchissent à la manière d'introduire une évaluation individuelle des cadres, répartie entre le supérieur hiérarchique et le chef de projet.

Mais comment éviter la démotivation des « métiers » lorsque, manifestement, les équipes projet deviennent «les héros de l'entreprise», selon l'expression de Serge Cado ? «Il faut faire évoluer leurs missions, conseille-t-il. Ils devraient avoir un rôle d'anticipation des savoirs et de définition des grands choix technologiques.» Tous les deux mois, Biovector invite ainsi ses grands directeurs de recherche à présenter devant le comité exécutif les avancées et les opportunités liées à leurs connaissances. Chez Renault, le tout nouveau «technocentre» de Guyancourt a été construit autour de la relation métier-projet, avec l'objectif de créer une atmosphère décontractée, comme l'explique Michel Faivre-Duboz, ex-chef de projet Mégane et aujourd'hui directeur du développement de l'ingénierie véhicule au technocentre. Ce lieu de 350.000 m2 regroupe à la fois les équipes projet et les compétences métier nécessaires à la conception d'un véhicule.

Mais «c'est avant tout la pédagogie, l'information et l'engagement réel de la direction sur la démarche projet qui permettent d'éviter les conflits», estime Dominique Simonneau. Au coeur de la bonne alchimie des équipes : le chef de projet, un personnage très exposé. «Il est responsable d'un échec, l'équipe est responsable de la réussite», souligne Sophie Bougaret.

4- Un personnage exposé

Aussi toutes les entreprises consacrent-elles à la formation des efforts importants de cet homme clef, dont l'aptitude à la négociation est essentielle. Stratégique, la fonction constitue, à la RATP, un passage souhaitable dans le déroulement d'une carrière de haut niveau. Mais dénicher cet oiseau rare n'est pas simple. D'autant que les entreprises n'ont pas encore de règles très établies sur la question. Faut-il créer un vivier de spécialistes, adopter des principes particuliers de rémunération, de carrière ? Certaines évoquent, mais c'est encore théorique, une rémunération au bonus pour les chefs de projet. Chez Essilor, une filière professionnelle se met en place, mais les affectations seront limitées à sept ou dix ans, parce que la fonction est considérée usante. Depuis 1994, Bouygues Telecom développe une formule originale, un corps de gestionnaires de projets, des experts qui mettent en place et gèrent les outils, ont une approche théorique et travaillent auprès des chefs de projet, comme l'explique Michel Doumier, directeur de la coordination des projets. La RATP en revanche préfère préserver la mobilité, donc s'abstenir de faire du projet un métier. Chez Total, des gestionnaires de carrière sont postés aux côtés des grands directeurs de projets. Objectif : créer de la polyvalence, par exemple une évolution vers l'exploitation. Car toutes les entreprises sont confrontées à la même difficulté : celle de l'après-projet. Comment réinsérer des spécialistes métier dans leur structure d'origine alors que, détachés pendant plusieurs mois ou années sur un projet, ils s'en sont éloignés et ont pu perdre des connaissances ? «Cet aspect n'est pas encore bien géré dans les entreprises», constate Serge Cado.

5- Et l'après-projet ?

D'ailleurs, certains experts expriment des réticences fortes à rejoindre une équipe projet, craignant cette coupure. Bien des salariés redoutent aussi de s'ennuyer en retrouvant un mode de travail plus linéaire. «Le syndrome après-projet est d'autant plus réel que cette expérience est stimulante», confesse Michel Faivre-Duboz, comme bien d'autres. «Les entreprises savent qu'un retour à la normale est déprimant, mais n'anticipent pas toujours, ajoute Marc Tempestini. C'est d'autant plus regrettable que de nouvelles compétences ont été acquises, qui ne sont pas directement valorisables dans l'entreprise, par exemple une expérience à l'international.» Le problème se pose plus particulièrement lorsqu'un projet est géré avec une équipe travaillant à temps plein. «La situation des collaborateurs est alors identique à un changement d'emploi, explique Stéphanie Malka, consultante chez Arthur Andersen. C'est pourquoi la communication autour du projet, avant, pendant et après, est essentielle : elle sert à faire valoir, en dehors de l'équipe, l'expérience vécue et l'évolution professionnelle des participants.»

 

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